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PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.
Présidente du tribunal tutélaire de Genève
Je remercie l’Association des Hautes juridictions de cassation des pays ayant en partage l’usage du français de m’offrir le plaisir de vous parler de la parole de l’enfant devant la justice.
La Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CDE) est souvent désignée comme la Convention des trois P :
P comme Prestation,
P comme Protection,
P comme Participation.
C’est ce dernier P qui nous intéresse plus particulièrement cet après-midi.
En effet, la Convention consacre le nouveau statut de l’enfant qui n’est plus seulement celui à qui l’on accorde des prestations ou celui que l’on protège, mais aussi celui dont on doit recueillir et écouter la parole et qui peut influencer les décisions qui le concernent.
Je cite maintenant Jean ZERMATTEN, Directeur de l’Institut international des droits de l’enfant à Sion (Suisse), Vice-président du Comité de l’ONU des droits de l’enfant, ancien Président du Tribunal des mineurs du Canton du Valais, dans son ouvrage « Le droit des enfants de participer, Norme juridique et réalité pratique : contribution à un nouveau contrat social » [1].
« Ce concept de considérer les enfants comme capables de prendre part
aux décisions qui touchent leur existence et de les influencer implique, je pense, la nécessité d’aménager, à terme, les relations entre les adultes et les enfants sur un mode renouvelé, comme cela a été le cas pour les relations des hommes envers les femmes au siècle dernier.
C’est aussi sur ce concept nouveau de l’enfant-acteur que lève le ferment d’une nouvelle dynamique démocratique qui amène les enfants à devenir acteurs de leur destinée et futur citoyens, préparés tôt à l’exercice de cette progressive responsabilité ».
Dans les débats de tout à l’heure, il sera intéressant de savoir comment l’opinion des enfants était prise en considération dans les divers pays avant la Convention internationale des droits de l’enfant.
À Genève (car, en Suisse, la procédure est cantonale et ne sera unifiée, sur le plan fédéral, qu’à partir du 1er janvier 2011), l’audition des enfants par le juge des procédures matrimoniales était interdite avant le 1er janvier 2000, date de l’entrée en vigueur du nouveau droit du divorce en Suisse.
Ainsi, même des enfants majeurs ne pouvaient pas communiquer au juge du divorce qu’il y avait lieu de protéger leurs petits frères ou sœurs en raison du danger que représentait l’un ou l’autre ou les deux parents.
L’interdiction de l’audition des descendants avait pour but de protéger la famille et de ne pas exposer les descendants à des difficultés relationnelles avec l’un ou l’autre de leurs parents. Toutefois, cette situation permettait à des parents de « s’arranger » sur le dos de l’enfant.
Par exemple, lors du divorce, l’épouse d’un pédophile acceptait de taire au juge les caractéristiques de son mari et ne s’opposait pas à un droit de visite usuel car le conjoint, en contrepartie de son silence, -lui offrait une pension alimentaire substantielle.
Avec l’introduction de l’article 12 CDE, l’enfant n’est plus seulement un membre passif de la famille dont on s’occupe mais devient un membre actif ; il n’est plus un objet, propriété des adultes et remis à leur bon vouloir ou à leur bien traitance (ou à leur maltraitance). Il détient désormais des droits personnels, inaliénables, et qui sont liés à sa personne ; il est devenu un sujet de droits.
Tout à l’heure, il sera intéressant de débattre pour savoir si l’article 12 CDE a un effet direct dans tous les pays représentés ici à Budapest.
Monsieur Nouhou HAMANI MOUNKAÏLA, conseiller à la Cour suprême du Niger : Il n’existe pas d’effet direct de la CIDE et un travail supplémentaire doit être réalisé pour extraire les principes pour l’application dans le droit national.
Madame Bénédicte VASSALLO, conseiller référendaire à la Cour de cassation de France : Les juridictions judiciaires et administratives ont des visons différentes. La juridiction administrative a reconnu un effet direct à certains articles de la CIDE, notamment l’article 12. La Cour de cassation a dans un premier temps refusé l’effet direct de la CIDE en raison que les obligations de la CIDE ne s’appliquent qu’à l’égard des Etats. En mai 2005, la Cour de cassation a reconnu, en procédant à un revirement de jurisprudence, en liant l’article 12 à l’article 3-1 de la CIDE, un effet direct notamment dans le droit dans l’audition de l’enfant. Dans une loi nationale, la France a recopié l’article 12. Cette reconnaissance ne porte uniquement que sur un nombre limité d’articles.
Un participant hongrois : Il n’existe pas d’effet direct de la loi de tutelle relative à la protection de l’enfance.
L’article 12 CDE crée une obligation claire pour les États : recueillir la parole de l’enfant et y accorder une considération particulière. Cette obligation est suffisamment concrète pour entrainer, dans les pays à système moniste comme la Suisse, une application directe de ce droit (cf. Journal des tribunaux 1998, page 275 : le Tribunal fédéral explique clairement cet effet d’application direct).
Dans la mesure où l’article 12 CDE indique que les États « garantissent » que les enfants capables de discernement doivent pouvoir exercer leur droit d’être entendu, les États doivent mettre en place les mécanismes pour recueillir la parole de l’enfant, notamment dans les procédures, et prendre les dispositions nécessaires pour se donner les moyens d’apprécier sa capacité d’exprimer valablement son opinion en relation avec son âge et son degré de maturité.
Avant d’aller plus loin, précisons que l’art. 12 CDE confère à l’enfant un
droit d’être entendu. Ce droit n’entraîne pas pour lui une obligation. L’enfant a le droit de ne pas parler et les États parties à la Convention doivent respecter son choix et n’exercer aucune mesure de pression ou de contrainte pour le faire exprimer son opinion contre son gré.
L’article 12 CDE n’a pas fixé une limite d’âge pour que l’enfant puisse exprimer son opinion dans les causes qui le concernent.
Il sera intéressant de savoir comment, dans les divers pays qui sont représentés ici, est fixée la capacité de discernement de l’enfant pour pouvoir exprimer son opinion en justice.
Certains pays pensent qu’il n’est pas possible d’entendre un enfant de manière valable en dessous de 16 ans, comme par exemple dans les Barbades ;
D’autres fixent la limite d’âge à douze ans, par exemple en Finlande ou au Danemark dans les affaires relatives au divorce ou à l’adoption ;
D’autres encore à dix ans, par exemple, en Australie ou au Danemark pour les affaires relatives à l’aide sociale.
Jean ZERMATTEN, dans l’ouvrage que j’ai cité auparavant indique, à la page 19, qu’à son avis le fait de fixer des limites d’âge dans les législations nationales contrevient à l’article 12 CDE car il faut, selon l’esprit de cette Convention, établir pour chaque situation si l’enfant est ou non capable de s’exprimer dans la procédure qui le concerne.
Il faut observer l’évolution dans les esprits des juristes.
Par exemple, en Suisse, la jurisprudence du Tribunal fédéral fixait, comme âge limite d’audition des enfants, dix ou douze ans, mais dans un récent arrêt, le Tribunal fédéral a établi la possibilité pour le juge helvétique d’entendre un enfant à partir de l’âge de 6 ans en matière de droit du divorce.
Dans cette jurisprudence parue dans le recueil ATF 131 III 553, concernant une procédure dans laquelle une mère s’opposait à ce que ses deux filles, âgées de 6 et 7 ans, puissent être entendues valablement dans une procédure en divorce sur l’attribution du droit de garde, en raison de leur jeune âge et de l’inconsistance de leurs déclarations, le Tribunal fédéral a admis leur audition en indiquant :
Que le droit d’être entendu constitue un droit personnel de l’enfant,
Que l’audition de l’enfant est une obligation faite à l’instance judiciaire,
Qu’en l’espèce, le nouveau droit du divorce fait obligation au juge de recueillir la parole de l’enfant,
Que les raisons pour renoncer à cette audition sont limitées au très jeune âge ou aux situations où l’enfant court un risque sérieux pour sa santé physique ou psychique,
Qu’en l’absence de seuil inférieur imposé par la loi, un âge de 6 ans parait être une limite acceptable,
Que dans certaines circonstances, on peut même procéder en dessous de 6 ans, notamment s’il existe une fratrie et que le plus jeune de ses membres est juste en dessous de cette limite,
Que l’audition de jeunes enfants n’est pas forcément un élément de preuve déterminant, mais qu’elle permet à l’autorité de décision de se faire une image personnelle de la situation et de trouver des solutions pour la décision à rendre.
Dr. Mária REGÁSZ, avocat au barreau de Budapest : Concernant le droit de garde, au dessus de douze ans, la parole de l’enfant est toujours écoutée. Nous examinons l’opinion de l’enfant indirectement : on prie l’enfant de dessiner une maison et si c’est celle de la mère, nous déduisons qu’il souhaiterait vivre chez la mère ou nous lui demandons un dessin de ses parents, mais ce rôle est plutôt celui de l’expert. En pratique, des tribunaux écoutent l’enfant, j’ai vu un cas pour un enfant de cinq ans, l’expert écoute l’enfant.
Il n’existe par ailleurs aucun seuil défini par la loi, le juge est disposé à écouter les enfants obligatoirement au dessus de quatorze ans, pour d’autres cas, l’enfant doit être écouté à partir de douze ans selon son discernement. Il est rare qu’un enfant de moins de douze ans fasse l’objet d’une audition.
Dr. Peter BOGAR, procureur au Parquet de Budapest : Je m’occupe des affaires pénales et des questions de tutelle. Même si les droits des enfants ne sont pas mon domaine, je me dois de faire des observations sur la question de la parole. Dans notre procédure, il s’agit écouter ou non par le tribunal si les experts psychologues peuvent poser des questions. Les enfants peuvent donner des réponses pouvant être utiles à la prise de décisions. Il s’agit pour le Tribunal de demander un avis d’expert pour pouvoir décider avec plus de circonscription.
Dr. KATONÁNÉ dr. PEHR Erika, directrice du Ministère des affaires sociales et du Travail : Sur la législation hongroise, dans toutes les procédures de tutelle, l’enfant doit être écouté s’il est doué de discernement. Il n’y pas de limite
d’âge. La nouveauté de l’article 12 est de ne pas définir de limite d’âge. Nous agis-• sons depuis douze ans de la sorte.
Dr. KOZÁK Henriette juge au Tribunal de première instance de Pest : Nous nous occupons des affaires de déplacement d’illicites d’enfant, il nous arrive d’écouter directement les enfants sans limitation d’âge. Nous respectons le texte Bruxelles II bis en tenant compte du niveau de maturité et nous essayons de tout faire pour connaître les conditions de sa rentrée dans son pays d’origine. Nous écoutons l’enfant depuis l’âge de sept ans.
Monsieur Ahmat AGREY, procureur général de la Cour suprême du Tchad : Au Tchad, l’enfant peut être entendu peut importe son âge et son discernement. Sur les contentieux de garde, la parole de l’enfant est déterminante sur le choix du parent. Le juge a la possibilité d’en tenir compte.
Monsieur Nouhou Hamani MOUNKAÏLA, conseiller à la Cour suprême du Niger : Le discernement est une question de procédure pénale. Avant treize ans il est irresponsable. Avant de déterminer une peine, le juge doit déterminer son discernement. En matière civile, il n’y a pas de règle. Une enquête sociale est généralement ordonnée et le juge recueille l’opinion de l’enfant.
Madame Simona CRISTEA, magistrat assistant à la Haute Cour de cassation et de justice de Roumanie : L’âge d’audition de l’enfant est de dix ans, sauf si l’audition s’avère nécessaire pour résoudre l’affaire. Une large appréciation à ce sujet est laissée au juge.
Deux critères sont pris en compte sur le jugement des déclarations du mineur :
son âge,
son degré de maturité, laissé à l’appréciation du juge.
Madame YVETTE DAOUDI-BEUCHAT : En Suisse, il n’existe pas de lé
gislation nationale pour fixer un âge précis minimal pour permettre son audition.
Les lois des procédures des différents pays représentés ici règlent-elles les modalités de l’audition des enfants ?
En Suisse, comme indiqué précédemment, il n’y a pas encore de procédure civile unifiée et chaque canton a sa propre législation, ceci jusqu’au 31 décembre 2010.
À Genève, la loi de procédure civile prévoit que le juge procède à l’audition de l’enfant en dehors de la présence des parents et de leurs avocats [2].
Il n’y a pas de prescription concernant le lieu où l’enfant est entendu.
En principe, on évite d’entendre des enfants dans une salle d’audience, ce qui serait de nature à trop les impressionner.
On privilégie l’audition des enfants dans le cabinet du juge.
Monsieur NOUHOU HAMANI MOUNKAÏLA, conseiller à la Cour suprême du Niger : L’audition est réalisée par un magistrat, il doit le faire en la présence d’un avocat des parents, sinon l’enfant se voit désigner un avocat commis d’office. Si un intervenant social l’écoute, il n’y a pas de conseil. Les parents peuvent être présents dans certaines procédures.
Madame Bénédicte VASSALLO, conseiller référendaire à la Cour de cassation de France : L’audition est prévue par le code civil et les modalités dans le code de procédure civile. Le législateur a souhaité une souplesse, l’enfant peut être entendu quand il en fait la demande peu importe le degré de la procédure. L’enfant en cours de délibéré faisant une telle demande fait ré-ouvrir les débats. La souplesse est voulue pour ne pas limiter l’audition. Sur les modalités, des difficultés ont poussé à l’édiction d’un décret pour préciser pour respecter le contradictoire et que son audition soit retranscrite dans un document.
Pour l’assistance, les textes indiquent qu’il peut se faire assister d’un avocat, sans être partie. Les parents sont parties, l’enfant est étranger à la procédure : il existe ainsi une ambigüité. Les modalités d’audition se précisent, mais parole ne dicte pas la décision du juge. L’audition est un élément de la décision, l’enfant n’est pas partie à la procédure.
Dr. Peter BOGAR, procureur au Parquet de Budapest : L’avocat de
l’enfant est un avocat commis d’office ou engagé, peu importe sa mission pendant
l’audition de l’enfant.
L’article 12 al. 2 CDE prévoit l’audition directe par le juge, ou par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation appropriée, de façon compatible avec les règles de procédures de la législation nationale.
Qu’en est-il des diverses législations nationales ?
À Genève, le juge entendra l’enfant si celui-ci lui en fait la demande et dans tous les cas où il estimera nécessaire de l’entendre personnellement ; sinon, l’audition de l’enfant sera déléguée au Service de Protection des mineurs [3].
Le juge voudra entendre lui-même l’enfant s’il ne parvient pas, sur la base des dossiers et autres éléments de preuves en sa possession, à se faire une opinion ; ainsi, l’audition de l’enfant sera pour lui un élément de preuve supplémentaire pour lui permettre de trancher la cause dont il est saisi.
Personnellement, comme juge des mesures de protection des mineurs, je m’occupe aussi des droits de visite pour les parents non mariés, et des modifications des droits de visite postérieures aux séparations judiciaires des parents.
En ce qui me concerne, j’entends quasiment toujours les enfants qui refusent d’entretenir des relations personnelles avec un de leur parent. Les raisons du refus sont : les injures, les coups, le dénigrement de l’autre parent, l’inadéquation due à l’alcool ou le cas de pères qui ne savent pas comment s’occuper de leur enfant, qui s’endorment à la piscine ou au cinéma ou le laisse à des tiers pendant de longues journées. J’apprécie ensuite s’il y a lieu de donner suite aux désirs de l’enfant ou s’il y a lieu d’aménager autrement les droits de visite.
En entendant les mineurs, je constate que les parents bizarres pour nous adultes ne sont pas toujours mal ressentis par leurs enfants, contrairement à ce qu’allègue l’autre parent ; par exemple, un père qui quitte sa famille pour se mettre en ménage avec deux hommes qui sont ses amants (il n’y a qu’un lit pour les trois adultes, ce que les enfants constatent) n’a pas été mal ressenti par sa fille en raison de son homosexualité, mais toutefois cette dernière souhaite une diminution des droits de visite car il y a trop de tensions provoquées chez elle par un père stressé avec ses compagnons qui supportent mal sa présence et celle de ses deux frères.
Dr. Mária REGÁSZ, avocat au barreau de Budapest : C’est le juge qui entendu en l’absence des parents et des avocats. Parfois, les parents et/ou l’avocat sont admis. Le représentant légal peut également intervenir. Le curateur peut être aussi désigné ou en son absence le représentant de l’institution ou il est placé.
Dr. Peter BOGAR, procureur au Parquet de Budapest : Il faudra revenir sur les procédures pénales, je suis en désaccord avec Madame Regasz.
Sur l’audition du mineur en matière pénale, il n’y pas de limite d’âge, le discernement est un critère nécessaire. Il faut différencier avant l’acte d’accusation : les autorités d’enquêtes ou le juge enquête auditionner l’enfant, il n’y que les enfants de plus de quatorze ans peuvent écoutés. Avant quatorze ans, le juge enquêteur écoute : le procureur est présent, ainsi que le juge et le représentant légal du mineur. Si un délit n’est pas commis par l’enfant mais par un des ses parents, il faut obtenir le consentement du représentant légal pour le témoignage.
S’il est victime d’un parent, le représentant légal est en conflit d’intérêt. Le parquet désigne un curateur qui soit un juriste ou avocat. Il sera présent dans les auditions au nom de l’enfant en coopération avec lui.
Une situation particulière : plusieurs enfants mineurs ayant le même représentant légal, placés dans une institution. Par exemple, un enfant de seize ans agresse un enfant plus jeune, tous deux placés dans la même institution, la victime et l’auteur ont le même représentant. La victime se voit désigné un curateur.
Dans les affaires pénales des mineurs de moins de dix-huit ans sont considérés comme mineurs. Moins de quatorze ans, mais auteur de délits, on ne dit pas mineur, mais enfant. Entre quatorze et dix-huit ans : mineurs, moins de quatorze ans : enfant. Devant le juge, la victime de moins de dix-huit ans est témoin. S’il a été déjà entendu par le juge enquêteur, lors du procès il n’a pas toujours l’âge de quatorze ans, l’audition ne peut être répétée. Si l’enfant déjà écouté avant quatorze ans, mais au procès est âgé de quatorze ans, il est possible de réédité l’audition en salle d’audience.
On peut organiser ces auditions en l’absence du prévenu, il y a le tribunal, la défense, le procureur, sauf conflit d’intérêt entre le représentant et la victime, le représentant légal est présent. Si la victime est présent et s’il a moins de quatorze ans, un juge est délégué pour l’audition, sinon le président du tribunal ou ses assesseurs.
Ce n’est pas en salle d’audience, mais dans le cabinet du juge. Le juge organise l’audition, avec le procureur, sauf conflit d’intérêt le curateur peut être présent.
Le défenseur du prévenu ne peut assister à l’audition du mineur témoin. La déposition du mineur est consignée puis portée à la connaissance du Tribunal au moment de l’audience. Le prévenu peut faire des commentaires et une nouvelle audition peut être nécessaire. S’il a moins de quatorze ans, un juge délégué sera désigné.
Madame Svletana CAITAZ, juge à la Cour suprême de Moldavie : Nous n’avons pas d’instance ou de juges spécialisés pour les mineurs. Généralement, les mineurs sont entendus dans les procédures judiciaires si le juge le souhaite. Exceptionnellement, en cas de litige entre les parentes pour établir le domicile de l’enfant ou sur l’éducation de l’enfant, ces cas sont examinés par les représentants légaux. Les enfants sont entendus en présence d’un pédagogue.
Exceptionnellement, le juge peut écouter l’enfant en salle de délibéré. Les dépositions sont communiquées aux parties.
Madame Rajae EL MHARI, juge à la Cour suprême du Maroc : Le juge des mineurs auprès du Tribunal de première instance et les magistrats auprès la Cour d’appel pour les délits et crimes connexes. Ils peuvent se saisir d’office ou suite à une plainte. Pour le magistrat qui fait l’objet d’une mesure de protection, il existe la kafala. Il faut avoir douze ans pour faire l’objet d’une mesure de kafala. Le juge entend le mineur doté de discernement, de douze ans, si l’enfant refuse, le juge statuera dans l’intérêt de l’enfant. En cas de tutelle, le juge peut autoriser la gestion des biens à titre d’essai. A seize ans, le mineur peut demander son émancipation. En matière de droit de garde, l’enfant de quinze ans peut choisir le parent avec lequel il veut vivre.
Comme précisé par S.E. Monsieur René Roudaut ce matin, il incombe au magistrat de se présenter de manière détaillée, et de bien expliquer à l’enfant quel est l’objet de l’entretien et ses implications. Il est notamment nécessaire de transmettre à l’enfant qu’il ne se trouve pas devant un juge qui évalue une faute, mais que son opinion est nécessaire pour que les décisions importantes qui doivent être prises prennent en compte son intérêt supérieur.
Le début de l’audition peut avoir pour thème les activités ludiques ou scolaires de l’enfant, afin de le mettre à l’aise.
L’enfant ne devrait jamais être mis en position de décideur, ainsi, il faut éviter de demander à l’enfant quel parent il/elle souhaite avoir comme parent gardien, détenteur de l’autorité parentale.
En effet :
L’enfant n’a peut-être pas fait le deuil du couple parental et la question peut provoquer brusquement la notion qu’il est responsable de la séparation ou du divorce ;
L’enfant peut avoir des sentiments égaux à l’égard de chacun de ses parents ;
Mettre l’enfant en situation de décideur risquerait d’idéaliser celui des parents qu’il choisi et de se culpabiliser par rapport à l’autre qu’il a écarté ;
L’enfant pourrait choisir un parent en fonction de critères qui ne correspondent pas à son intérêt supérieur, par exemple choisir le parent le plus permissif mais qui ne lui donnera pas forcément la meilleure éducation ;
Un enfant pourrait effectuer son choix dans le but d’apporter sa présence au parent qu’il estime le plus faible ;
Ou il pourrait se sentir investi de la mission de punir le parent qu’il perçoit comme responsable de la séparation conjugale ;
Bien évidemment, l’enfant peut être manipulé ou contraint par un parent à exprimer une opinion qui n’est pas la sienne.
Philip JAFFE, Professeur à l’Université de Genève et Directeur actuel de l’IUKB (Institut universitaire Kurt Bosch sur les droits de l’enfant), dans son article « Participation et écoute directe de l’enfant dans le cadre d’une séparation ou d’un divorce parental », estime que les magistrats ne devraient pas craindre l’appréciation d’autrui à propos de leurs propres auditions et ne devraient pas hésiter à se soumettre à l’appréciation de collègues ou de spécialistes.
À l’évidence, l’audition d’un enfant n’est pas semblable, pour le juge, à l’audition d’un adulte.
Est-ce que, dans les divers pays représentés ici, les magistrats qui recueillent l’opinion de l’enfant reçoivent une formation spéciale ? Ce n’est pas le cas à Genève.
Dr. KOZÁK Henriette juge au Tribunal de première instance de Pest : Il
n’existe pas de stage pour l’audition des enfants, mais il y un cours de psychologie afin de gérer les contacts avec les enfants. Ces stages ne sont pas obligatoires pour les magistrats.
Madame Bénédicte VASSALLO, conseiller référendaire à la Cour de cassation de France : Pour les magistrats français, depuis peu, il y a un module sur l’audition de l’enfant. Pour les juges des enfants où la moitié de la journée est consacrée à l’audition. Il est utile d’avoir une formation pour l’audition pour l’enfant, mais l’exercice de l’audition de l’enfant à titre quotidien, le président a eu dans le passé des situations d’audition des mineurs.
Madame Yvette DAOUDI-BEUCHAT : Il existe le problème des questions où le magistrat suggère les réponses.
Madame Bénédicte VASSALLO, conseiller référendaire à la Cour de cassation de France : La difficulté est l’information du mineur et il n’existe pas d’outils pour informer le mineur à être potentiellement entendu. Je serai intéressée sur la condition d’audition : la réalisation d’une brochure, hors la convocation judiciaire. Je suis préoccupé sur la préparation de l’enfant, je ne le pense pas personnellement qu’il soit prêt. La brochure serait d’abord pour le préparer.
Madame Yvette DAOUDI-BEUCHAT : A Genève, les enfants sont infor
més à l’école sur la possibilité d’être auditionnés. La protection de la jeunesse va leur donner l’information. Une formation est dispensée aux avocats d’enfant.
Monsieur Ahmat AGREY, procureur Général de la Cour suprême du Tchad : Sur la formation des juges pour enfants, il n’existe pas. Les magistrats sont généralistes. Le juge pour enfant est de création récente au Tchad et depuis qu’il existe, ils restent en poste longtemps afin de se perfectionner et se nouer des partenariats avec l’Unicef et le Cefod. Le bilan est bon.
Monsieur Nouhou HAMANI MOUNKAÏLA, conseiller à la Cour suprême du Niger : La formation est primordiale pour le juge pour prendre en compte le droit des enfants. Il faut une bonne écoute pour se mettre à disposition des préoccupations des enfants. Ce n’est pas pris en charge dans la formation par l’Etat, mais par les O.N.G. qui prennent en compte les formations à l’écoute des mineurs.
Dr. ÁGOSTON Imréné, directrice au Ministère des affaires sociales et du travail : Nous nous occupons de l’adoption internationale. Il existe en Hongrie des affaires concernant les enfants au niveau administratifs : les adoptions. Il n’y a pas de formation spécialisée aux formalités administratives et judiciaires. Sur l’adoption, s’il est demandé à l’enfant s’il veut vivre toute sa vie avec d’autres personnes, ce n’est pas la bonne question. Il serait bon que les participants à ces procédures soient spécialement formés. Certains enfants de six ans comprennent la notion d’adoption. Je ne pense pas que ce soit le cas, il faut une préparation à poser les questions sur la mesure de la formulation directe et de déduire les réponses.
Dr. KOZÁK Henriette juge au Tribunal de première instance de Pest : C’est un juge qui donne les cours à l’académie et qui est psychologue spécialisé sur la question depuis trente ans.
À Genève, comme indiqué précédemment, l’audition des enfants a lieu, de par la loi, en dehors de la présence des parents et de leurs avocats (cf. art. 387 B al. 2 LPC).
Bien sûr, si l’enfant a un avocat, il sera entendu avec l’assistance de son avocat. Si l’enfant a un curateur, il sera entendu avec l’assistance de son curateur.
Y a-t-il des pays où l’audition des enfants est effectuée dans une procédure contradictoire, en présence des parties, des avocats ou du Procureur général ?
Un participant hongrois : En Hongrie, les parents peuvent être absents, ou le juge peut décider la procédure contradictoire, cela fait partie de son pouvoir discrétionnaire. Dans notre cas, nous décidons en l’absence des parents et de leurs parents, nous nous mettons au niveau de l’enfant. Cela se passe en salle d’audience, ce n’est pas réglementé. En première instance, nous lisons que les parents étaient présents avec les avocats, nous préférons en cour d’appel les exclure.
Dr. KOZÁK Henriette juge au Tribunal de première instance de Pest : En cas de déplacement illicite, les parents ne sont pas présents, le curateur est présent. Le curateur peut contrôler la pertinence des questions du juge, nous ne portons pas la robe, nous quittons le pupitre, nous nous essayons à côté de l’enfant et nous lui posons des questions banales pour le déstresser.
Un participant hongrois : L’audition est enregistrée en matière civile. Après audition, l’enfant est sorti, puis les parents entrent et nous leur faisons entendre l’enregistrement. Comme souligné, nous ne portons pas la robe, nous lui posons des questions comme son film préféré, ses acteurs. Quand l’ambiance est moins crispée, nous l’invitons à répondre sincèrement dans son intérêt. Lorsque l’audition des enfants a lieu hors la présence des parties, comment respecter les droits des parties à s’assurer que l’audition des enfants porte bien sur tous les aspects du/des problèmes ?
En effet, les juges ne sont eux-mêmes pas infaillibles ! Il s’agit d’un sujet que je n’ai pas vu traité dans la jurisprudence ou la doctrine, de sorte que votre opinion m’intéresse. Personnellement, je propose aux parties (ou à leurs avocats) de m’adresser une liste des questions qu’ils voudraient voir posées à l’enfant, sans bien sûr que cette liste de question ne me lie aucunement.
Dr. VÁRAI JEGES Adrienne juge au Tribunal de première instance de Pest : J’entends les parents, l’opinion de l’écoute et en dernier cas, j’écoute l’enfant. Je possède déjà beaucoup d’informations puis je me fais mon opinion, et en dernier lieu j’écoute l’enfant.
Monsieur Ahmat AGREY, procureur Général de la Cour suprême du Tchad : Je ne crois pas aux recettes miracles : le juge doit utiliser toutes les astuces possibles. Il doit poser tous les actes utiles à la manifestation de la vérité.
Uniquement par la prise de notes personnelles du juge ?
Dans un résumé ?
Dans un procès-verbal ?
Pour Jean ZERMATTEN, le droit des enfants de participer… opus cité supra page 24 :« L’intérêt de l’enfant devrait imposer une limitation de la participation de l’enfant aux procédures et un recours systématique à des moyens techniques, audio vidéos, qui évitent la confrontation de l’enfant avec les autres parties, donc qui évitent la victimisation secondaire ou la trop grande influence de la parole des adultes sur le discours de l’enfant ».
Dans les procédures civiles (procédures matrimoniales ou procédures relatives aux mesures de protection à prendre pour les mineurs), il y a le problème de la confidentialité que les enfants voudront parfois que leurs déclarations revêtent vis-à-vis de leurs parents, par souci de loyauté, pour éviter des représailles, pour éviter de faire de la peine ou pour éviter de se sentir coupable de la décision judiciaire.
Mais, parallèlement à ce souci de confidentialité, il y a le principe de la motivation des décisions, tant par rapport aux parties en litige que par rapport aux instances d’appel.
Je me réjouis d’entendre quelles solutions ont été trouvées dans les divers pays représentés ici.
En Suisse, le Tribunal fédéral a jugé qu’au regard de la Constitution, il
suffit que les parents puissent se déterminer, avant la décision sur l’attribution des enfants, sur le compte rendu de l’entretien confidentiel que le juge a eu avec leur enfant
dans le cadre de la procédure de mesures provisoires [4].
Les détails de l’entretien n’ont pas à être communiqués aux parents [5].
Il est, dès lors, superflu de dresser un procès-verbal [6].
Il a également rappelé que dans le domaine de la protection de l’enfance, la maxime d’office s’applique de façon illimitée et que le droit à participer à l’administration des preuves peut être limité si des raisons le justifient [7]
A Genève, l’alinéa 4 de l’article 387 B LPC précise que le juge consigne les déclarations de l’enfant ou un résumé de celles-ci dans un procès-verbal. Au préalable, le juge doit informer l’enfant que ses parents pourront en prendre connaissance et qu’il n’y consignera aucune déclaration sans son accord.
Actuellement, la pratique, à Genève, pour l’audition des enfants dans les procédures civiles est de mettre les déclarations que les enfants veulent garder confidentielles par rapport à leurs parents dans une enveloppe sous pli fermé dans le dossier judiciaire, à l’attention des autorités de recours.
Reste le problème de la motivation des décisions !
En tous les cas, la prise de notes personnelles par le juge, notes non versées à la procédure, ne permet pas aux parties et aux autorités de recours de savoir ce que l’enfant à dit et si le juge a apprécié sa parole correctement.
L’audition de l’enfant qui n’est retranscrite que partiellement, car l’enfant ne veut pas que ses parents aient connaissance de certaines de ses déclarations, présente le même problème. L’enregistrement ou le film ne résout pas ce problème si l’enfant tient à la confidentialité de ses propos.
Personnellement, il m’est arrivé de rédiger des procès-verbaux et, pour les phrases que l’enfant ne voulait pas voir transmises à la connaissance de ses parents, de leur envoyer des procès-verbaux tipexés, c’est-à-dire que j’avais caviardé certaines phrases des déclarations de l’enfant pour les parents, phrases qui pourtant demeuraient intégralement dans le procès-verbal du dossier, lequel pouvait faire l’objet d’un recours.
Un participant hongrois : Le tribunal a un pouvoir discrétionnaire : nous
avons des juges qui écrivent tout, notifient tout. Les juges tiennent compte de la
demande : ils n’ont pas d’obligation de tout noter, les juges respectent le vœu de l’enfant de ne pas tout noter.
Dr. Mária REGÁSZ, avocat au barreau de Budapest : Les juges sont inventifs et trouvent une justification à leurs décisions. Ils trouvent le prétexte à une explication pour confier le droit de garde à l’un des parents. On effectue des tests psychologiques, le juge peut en déduire quel parent il peut choisir. Les experts réalisent ces examens, et à la base de cet outil, que la décision est prise. Dans le cas où l’enfant ne choisi pas le parent dans son intérêt, les tests d’experts peuvent permettre de prendre la bonne décision.
Quid des divers droits des pays représentés ici dans le cas où l’enfant révèle, lors de son audition au juge, des faits pénaux, tout en indiquant qu’il ne veut pas qu’on les investigue, par exemple, en matière d’abus sexuel dont il aurait pu être victime de la part d’un de ses parents ? À Genève, les fonctionnaires et les juges ont l’obligation de dénoncer au Procureur général toutes les infractions dont ils ont connaissance.
Madame Rajae EL MHARI, juge à la Cour suprême du Maroc : Dans une procédure civile ou administrative, le tribunal doit prévenir le procureur général en cas de soupçon légitime. Si la déclaration est faite, le soupçon judiciaire est réel. La procédure doit être réalisée si le tribunal civil ou l’autorité administrative a connaissance de ces faits. Le mineur ne doit pas nécessairement la même déclaration devant le tribunal pénal. Dans de tels procès, il faut d’autres moyens de preuve dans le cadre de l’audience, il peut apparaître des faits qui nécessitent l’audition d’autres personnes pour confirmer les déclarations de l’enfant. On ne peut exclure une preuve d’infraction sexuelle dénoncée par l’enfant. Dans le cadre d’une affaire de tutelle, quand une petite fille faite une telle déclaration, cela pose un problème de conscience à la personne qui l’entend. Il est en effet difficile d’expliquer que sa déposition confidentielle a été communiquée à d’autres personnes. Il peut avoir des condamnations à des privations de liberté et il peut déduire que c’est à cause de lui que son père ou d’autres personnes sont en détention.
Tout le monde s’accorde pour dire que l’enfant ne décide pas, que c’est son intérêt supérieur qui guide le juge (cf. article 3 CDE) et qu’ainsi, le magistrat peut rendre un jugement à l’inverse du souhait de l’enfant s’il estime que son souhait n’est pas conforme à son intérêt.
Madame Rajae EL MHARI, juge à la Cour suprême du Maroc : Pour le choix de l’enfant en matière de garde, il a le droit de choisir à partir de quinze ans entre son père ou sa mère. Pour les autres personnes, en troisième rang, la grand-mère puis toute personne apte à la garde. Si l’enfant peut choisir soit sa grand-mère, soit le parent le plus apte, ce choix ne doit pas en contradiction avec les intérêts supérieurs de l’enfant et avec l’accord de ses représentants légaux. Le Juge décide en fonction de ses intérêts.
Monsieur Joseph RAKOVSKY, président de chambre à la Cour suprême de République tchèque : La Cour suprême de République Tchèque n’a pas de compétences en matière de famille. Mais dans notre carrière, nous avons travaillé dans les juridictions intéressant les enfants.
A. Droits procéduraux reconnus aux enfants
1. Dans les procédures des mesures de protection de l’enfant
À Genève, le Tribunal tutélaire dont je préside la quatrième chambre (il y en a cinq, dont trois affectées à la protection des enfants), si un enfant capable de discernement s’oppose à son placement hors du foyer familial, il a le droit aux garanties procédurales dont jouissent les adultes en matière de privation de liberté à des fins d’assistance (c’est l’article 314a du Code civil suisse).
Ainsi, il sera désigné d’office un avocat à l’enfant et l’enfant sera toujours entendu oralement par le juge avant qu’il prenne sa décision.
2. En cas de conflit d’intérêt avec le représentant légal
Nous désignons à l’enfant un curateur de représentation si nous apprenons qu’une procédure concerne un enfant qui a un conflit d’intérêts avec un parent.
Pour qu’il y ait conflit d’intérêts, il suffit que les intérêts de l’enfant et du parent ne soient pas parallèles et qu’il existe in abstracto un risque que le représentant légal fasse passer ses intérêts avant ceux de son enfant.
La nature du conflit d’intérêts consiste donc en une mise en danger abstraite des intérêts de l’enfant, indépendamment de l’existence d’un éventuel risque concret de préjudice ou des qualités personnelles du parent.
Il peut s’agir d’un conflit d’intérêts direct, si une affaire met en présence un mineur et son parent, par exemple s’il est la victime d’infractions pénales de la part de son parent ou le conflit sera indirect lorsque le parent, représentant légal de l’enfant, est, de quelque façon que ce soit, partie liée avec le cocontractant (par exemple si l’enfant est victime du mari de sa mère).
En matière de succession, par exemple, un curateur est toujours désigné pour un enfant s’il est héritier avec un de ses parents dans la succession de l’autre.
Un participant hongrois : Je suis surpris. L’enfant n’est pas partie à la procédure, mais ce serait nécessaire. Il y a une lutte entre les parents oubliant l’intérêt de l’enfant. Une tierce personne devrait représenter ses intérêts.
Dr. Peter BOGAR, procureur au Parquet de Budapest : Je suis égale
ment surpris de désigner un curateur pour les affaires civiles, ce serait difficile dans la législation hongroise. De quelle partie serait-il partie ?
Madame Yvette DAOUDI-BEUCHAT : Le curateur va faire valoir les intérêts de l’enfant. Le juge a des intérêts contradictoires du père, de la mère et parfois de l’enfant. Le juge décide la désignation d’un curateur, car il souhaite qu’un avocat fasse des conclusions pour l’intérêt de l’enfant.
Dr. Peter BOGAR, procureur au Parquet de Budapest : Je trouve sympathique qu’un curateur puisse agir dans l’intérêt de l’enfant.
Un participant hongrois : l’enfant n’est pas partie, mais les intérêts sont représentés par le curateur. Mais qui finance le curateur. L’Etat ? Si ce sont les parties, celui qui paye influence le curateur.
Le juge tutélaire désigne le cura
teur, toujours un avocat. Sur les questions financières, le juge décide au jugement le coût de la curatelle, souvent moitié-moitié. Le juge tutélaire taxe les honoraires du curateur. S’ils bénéficient de l’assistance judiciaire, l’Etat paye le curateur. Sinon,
le parent condamné par le juge du divorce paiera. Les sommes sont souvent assez considérables. A Genève, les divorces sont souvent forts chers.
Madame Simona CRISTEA, juge à la Haute Cour de justice de Roumanie : Le nouveau code civil comprenant le code de famille ne comprend pas la curatelle pour le mineur. Seul existe la tutelle sur sa personne et ses biens. Le curateur ne concerne que les personnes âges et les personnes malades, jamais pour les mineurs.
Madame Yvette DAOUDI-BEUCHAT : Il existe en Suisse, les curatelles d’assistance éducative.
Madame Simona CRISTEA, juge à la Haute Cour de justice de Roumanie : le tuteur s’occupe notamment de l’administration des biens de l’enfant. Il s’occupe aussi de sa fortune. La tutelle est gratuite.
Madame Yvette DAOUDI-BEUCHAT : En Suisse, les institutions judiciaires sont cantonales. Les différences sont importantes à Lausanne, les curateurs doivent accepter de travailler gratuitement. A Genève, elles sont rémunérées.
Madame Simona CRISTEA, juge à la Haute Cour de justice de Roumanie : Exceptionnellement, le tuteur peut être payé par les revenus des biens produits par l’enfant avec l’avis du conseil de famille et du juge des tutelles.
3. Dans les procédures judiciaires relatives a la séparation de leurs parents
En matière de procédures matrimoniales, les juridictions civiles décident dans chaque cas, si l’enfant doit être représenté par un curateur, notamment lorsqu’un juste motif l’exige ou lorsque l’enfant capable de discernement le requiert.
À Genève, dans ce type de procédures, nous désignons toujours des avocats comme curateurs.
L’enfant devient alors partie à la procédure sur les questions qui le concernent.
Ainsi, son curateur peut déposer des conclusions ou interjeter recours, mais seulement sur des questions qui concernent l’enfant (autorité parentale, relations personnelles, mesures de protection, mais pas en matière d’entretien financier).
Qu’en est-il dans la législation des autres États ?
En ce qui concerne la parole de l’enfant dans le cadre des procédures matrimoniales, il en a déjà été largement question précédemment.
Pour ce qui est de la parole de l’enfant victime devant les juridictions pénales, il faut rappeler qu’en vertu de l’article 12 CDE, l’enfant a le droit d’être entendu par les instances pénales.
Les deux gros problèmes concernent le risque de victimisation secondaire que peut causer à l’enfant son audition, s’il est confronté avec son agresseur ou s’il doit subir trop d’auditions le forçant à reparler des maltraitances qu’il a subies.
a. Au niveau de la confrontation de l’enfant avec son agresseur
En Suisse, la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) prévoit, à son article 42 al. 1, le droit pour l’enfant de ne pas être confronté au prévenu (auteur présumé de l’infraction) lorsqu’il s’agit d’infractions contre son intégrité sexuelle.
« Lorsqu’il s’agit d’autres infractions, la confrontation est exclue lorsqu’elle pourrait entraîner une atteinte psychique grave de l’enfant » (art. 42 al. 2).
Mais la confrontation est réservée lorsque le droit du prévenu d’être entendu ne peut être garanti autrement (art. 42 al. 3).
En effet, une amélioration de la position des victimes dans la procédure pénale ne doit pas restreindre les droits de l’accusé garantis par le droit de procédure pénale et par la CEDH dont, notamment, la présomption d’innocence et la recherche de la vérité.
L’article 6, al. 3, de la CEDH prévoit que l’accusé a le droit au moins une fois au cours de la procédure de poser des questions à la victime, lorsque cela se passe dans le cadre de la procédure pénale et, notamment, lorsqu’elle est citée à comparaître comme témoin. Ce droit est une concrétisation du droit d’être entendu [8]. On ne peut donc pas se fonder sur les déclarations de la victime et condamner l’accusé en se basant uniquement sur le témoignage de celle-ci [9]
Le Tribunal fédéral, dans l’ATF 1P.236/2006 consid. 3.2, a toutefois précisé que la garantie d’un procès équitable ne donne aucun droit absolu à une confrontation directe et visuelle entre l’accusé et la victime.
Dans l’ATF 1P.37/2006 consid. 3.1, le Tribunal fédéral a indiqué que "les intérêts de la victime, notamment de la victime mineure et, singulièrement, en matière d’atteintes à l’intégrité sexuelle, doivent être pris en considération. Les intérêts de la victime ne peuvent pas se heurter au droit de l’accusé de l’interroger ou de la faire interroger, et il convient alors de rechercher, dans chaque cas, une solution permettant de ménager autant que possible les droits de la défense et les intérêts de la victime, notamment d’envisager des mesures alternatives à une confrontation". En effet, "lorsque des enfants victimes d’infractions contre l’intégrité sexuelle doivent témoigner sur ces actes et qu’ils sont confrontés à nouveau à travers des souvenirs douloureux aux atteintes subies, il y a le risque d’un nouveau traumatisme ou d’une victimisation secondaire" [10]. Ainsi, en vue de protéger la victime, le droit
d’être entendu du prévenu peut être garanti sans confrontation avec l’accusé ou sans que le défenseur pose des questions directement à la victime [11].
Pour garantir le droit d’être entendu du prévenu sans confrontation directe avec la victime ou sans que le défenseur pose des questions directement à la victime, il faut que la possibilité d’interroger soit appropriée et suffisante et que l’interrogatoire puisse être conduit de façon réellement efficace. Le prévenu doit en effet être en mesure d’examiner la validité d’une déclaration et pouvoir mettre en question la valeur de preuve de ce témoignage [12].
Le droit d’être entendu du prévenu peut être garanti, sans confrontation avec la victime ni interrogatoire direct avec celle-ci, notamment, au moyen d’instruments ou de mesures adaptées (utilisation de systèmes vidéo, aménagement d’une pièce séparée pour procéder à l’interrogatoire avec des moyens de communication adéquats, utilisation de moyens techniques modernes permettant au prévenu ou à ses défenseurs de suivre simultanément les affirmations de la victime, sans pour autant être présent dans la même pièce, …) ou par des moyens traditionnels comme, par exemple, la consultation du procès-verbal de l’interrogatoire avec la possibilité de poser des questions complémentaires à la victime par un policier spécialement formé [13].
En conclusion, « il convient d’examiner, dans chaque cas, les manières de procéder et les mesures alternatives qui s’imposent afin de ménager autant que possible
les droits de la défense de l’accusé et les intérêts de la victime. Le choix d’une mesure alternative doit, le cas échéant, être motivée de façon exhaustive » [14].
Exemple : dans l’ATF 1P.236/2006, le Tribunal fédéral a déclaré que le droit du prévenu d’être entendu avait été garanti car le prévenu avait pu interroger la victime lors des débats, alors que celle-ci se trouvait derrière un paravent.
Dr. Peter BOGAR, procureur au Parquet de Budapest : Sur les victimes mineures, on fait une différence avec l’âge. Avant quatorze ans, en enquête, un juge enquêteur peut l’entendre, il n’y a pas de contact direct avec le prévenu.
Si les actes ne sont pas commis par la famille, la procédure permet d’écarter la confrontation. En cas de contradictions, les enquêteurs présentent la déposition de la victime au prévenu ou inversement. Je ne suis pas partisan de ces méthodes, sans confrontation on peut décider de dresser l’acte d’accusation ou de classer l’enquête.
En cas de tapissage, il y a un mur spécial avec une glace sans teint, les deux personnes ne se voient pas. Il y a quelques années, il existait en pratique une chambre d’enfant, l’enfant est entendu dans les locaux de la police dans une chambre comportant des jouets et une décoration adaptée. L’enfant était entendu par le psychologue et la policier et un enregistrement vidéo était réalisée si l’affaire est enrôle. Si un proche parent commet une infraction sexuelle, l’enfant peut refuser de déposer. A la première déposition, tout est raconté.
Aux dépositions suivantes, l’enfant peut refuser et sa première déclaration n’est plus prise en compte. Nos règles de procédure pénales cherchent à réduire le nombre des auditions, si possible une fois. Si la victime âgée de moins de quatorze ans, le juge d’enquête l’écoute et d’autres auditions sont exclues. Si un proche parent commet l’acte, sa déposition est portée à la connaissance du prévenu, peut importe l’autorité.
En cours d’instance, un rôle spécial de juge commis d’office pour une audition. S’il est indispensable de convoquer la victime mineure le prévenu peut être écarté temporairement de la salle d’audience. Les règles hongroises permettent la visioconférence.
A Budapest, les cinq dernières années, il n’y a pas eu d’audition par ce
moyen là. L’une des raisons est la substitution par un juge délégué. Ni les tribunaux, • ni les parquets ne sont préparés à ces méthodes. Si un besoin se manifestait, les questions techniques pourraient être créées.
b. Le nombre des auditions en justice qu’il doit subir
Le problème sera traité dans le chapitre suivant :
Si l’enfant est entendu trop souvent sur son problème, comme exposé précédemment, il encourt un risque de victimisation secondaire. La CDE n’évoque pas ce problème.
A Genève, l’article 48B du Code de procédure pénale renvoie à l’article 43 de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI) qui traite de l’audition de l’enfant victime d’infractions et qui prévoit, notamment, la possibilité d’enregistrer l’audition de l’enfant sur un support vidéo.
L’article 43 al. 1 LAVI prescrit que l’enfant ne doit, en principe, pas être soumis à plus de deux auditions sur l’ensemble de la procédure. Cette disposition, formulée de manière nuancée afin d’assurer les droits de la défense ("en principe"), a été adoptée pour réduire autant que possible l’effet traumatisant que peut entraîner un nouvel interrogatoire chez l’enfant victime d’infractions.
L’article 43 al. 2 LAVI prévoit qu’une deuxième audition de l’enfant est organisée si, lors de la première, les parties n’ont pas pu exercer leurs droits, ou si cela est indispensable au bon déroulement de l’enquête ou à la sauvegarde de l’intérêt de l’enfant.
L’article 43 al. 5 LAVI indique que l’audition a lieu dans un endroit approprié et doit faire l’objet d’un enregistrement vidéo. La salle où se déroule l’enregistrement doit être sobre, sans jouet, affiche ou autre objet pouvant distraire l’enfant. Cette salle d’audition est réservée pour l’enregistrement des auditions d’enfants. Une glace sans tain est installée contre un des murs de la salle, derrière laquelle se trouve le local technique, qui permet d’observer l’enquêteur et l’enfant. L’enfant, avant l’enregistrement de son audition, effectue une visite des lieux et prend également connaissance du local technique.
L’article 43 al. 4 LAVI indique que l’audition est conduite par un enquêteur, le plus souvent un policier, disposant de l’expérience nécessaire, au bénéfice d’une formation spéciale permettant d’interroger des enfants, connaissant la psychologie de l’enfant et maîtrisant les mécanismes d’un entretien non suggestif.
A Genève, cet enquêteur est un policier qui dispose d’une formation de base (cours de l’Institut suisse de police, donnés par des professeurs (psychologues) et un chef de la police), effectuée sur deux semaines, à plein temps, ainsi que d’une formation continue, spécifique, organisée par le chef de la police et un psychologue. Le rôle de l’enquêteur est d’interagir avec l’enfant et de le questionner. Pendant l’audition, il se trouve en diagonale de l’enfant, dans la même pièce, muni de son badge de police. L’enquêteur suit un "protocole d’audition" qui permettra la récolte optimale d’informations et garantira la régularité de la procédure. Ce "protocole d’audition" comporte sept étapes : la mise en relation, la discussion sur la vérité, l’introduction de l’objet de l’entrevue, l’étape du récit libre, les questions ouvertes, les questions spécifiques et la fin de l’entrevue.
La LAVI indique que l’enquêteur sera assisté d’un spécialiste, le plus souvent un psychologue ou un assistant social, qui encadrera l’enfant et qui se tiendra à l’arrière-plan pour l’observer, pour veiller à la conformité de l’interrogatoire et pour transmettre d’éventuelles questions complémentaires.
A Genève, le spécialiste est un psychologue de l’Association genevoise de psychologie qui doit prouver qu’il dispose d’une formation spécifique dans l’audition de l’enfant. Pendant l’audition, le psychologue ne se trouve pas dans la même pièce que l’enfant, mais dans le local technique. Son rôle est d’observer les réactions de l’enfant, de noter si et quand les questions posées par l’enquêteur sont suggestives et d’enclencher, en cas d’urgence, une alarme qui ne sera perçue que par l’enquêteur pour que celui-ci sorte de la salle d’audition et vienne discuter avec le spécialiste.
L’audition idéale dure en moyenne quarante-cinq minutes. L’enquêteur et le spécialiste consigneront leurs observations spéciales complémentaires dans un rapport, sans toutefois apporter de jugement sur les affirmations de l’enfant ou sur leur crédibilité. Il est très important que les affirmations de l’enfant soient consignées de façon optimale afin d’éviter toute répétition ou une deuxième audition.
Les enregistrements vidéo et le rapport constitueront une des pièces du dossier et une base de jugement pour le tribunal.
En étant accompagné des observations particulières de l’enquêteur et du spécialiste, l’enregistrement vidéo devient ainsi plus révélateur qu’un procès-verbal d’audition.
Afin de garantir le droit à l’image et à la voix, l’enquêteur devra recueillir le consentement de la victime, ou de son représentant légal si elle n’a pas la faculté de se déterminer, à l’enregistrement vidéo. L’enfant, ou son représentant légal, peut choisir entre l’enregistrement vidéo ou audio. S’il ne souhaite aucun des deux, l’audition sera consignée dans un procès-verbal.
La personne devra donner son consentement en toute connaissance de cause, soit connaître au préalable le cercle de diffusion de l’enregistrement (parties, expert, autorités judiciaires). Il n’y a aucun intérêt prépondérant qui justifierait que l’enregistrement vidéo ou audio soit imposé d’office à la victime. En cas de conflit d’intérêts entre la victime mineur et son représentant légal, un curateur pourra être désigné selon l’article 392 ch. 2 CC.
Le fait de fixer, de rigidifier un témoignage en l’enregistrant peut être positif, mais aussi contre-productif.
Positif, car l’enregistrement permet d’avoir un support correspondant parfaitement à ce qui a été dit et peut être écouté à plusieurs reprises, ce qui permet de mieux analyser la déposition de l’enfant. L’enregistrement vidéo permet également d’analyser le comportement non verbal de l’enfant et évite les répétitions.
Contre-productif, car il réduit le processus d’investigation et d’interrogation autour d’une situation : on focalise tout le débat autour de la déclaration de l’enfant, et sur le fait de savoir si celui-ci dit ou non la vérité. L’enregistrement de l’audition de l’enfant peut aussi empêcher de faire évoluer le témoignage de l’enfant. Il y a peut-être des choses qui ont été oubliées lors de l’enregistrement, d’autres qui
reviennent plus tard. Enfin, il est indispensable que l’enregistrement de l’audition de
l’enfant soit effectué par une personne formée à cet effet.
En conclusion, la question de procéder à l’audition de l’enfant plutôt par une vidéo que par un enregistrement audio, ou par un procès-verbal long, rapportant tout ce qu’a dit précisément l’enfant, n’est pas forcément décisive. Ce qui est bien plus important, c’est la personne qui auditionne l’enfant et les capacités dont elle dispose. Cette personne doit pouvoir poser les bonnes questions, sans être dirigiste et suggestive, afin de récolter le maximum d’informations concernant l’infraction éventuellement commise et l’identité de la personne soupçonnée.
Madame Bénédicte VASSALLO, conseiller référendaire à la Cour de cassation de France : En cas de mineur d’infraction sexuelle, l’enregistrement vidéo et audio pouvant être fait. A la suite de l’affaire d’Outreau, la loi du 5 mars 2007 prévoit un enregistrement obligatoire fait pendant l’enquête par le procureur de la République, puis par le juge d’instruction. En cas d’impossibilité, il doit être mentionné. Il est désormais obligatoire.
Madame Rajae EL MHARI, juge à la Cour suprême du Maroc : Le législateur ne reconnaît pas ces procédés. Seule est valable la consignation sur procès-verbal.
Madame Snejanka NIKOLOVA, juge à la Cour suprême de cassation de Bulgarie : Un enregistrement ne se s’utilise pas en pratique.
Madame Svletana CAITAZ, juge à la Cour suprême de Moldavie : La législative prévoit la possibilité d’enregistrer l’interrogatoire du mineur. Elle est rarement utilisée en pratique. Nous n’avons pas suffisamment de matériel technique, ni l’expérience nécessaire. Nous travaillons dans cette direction et notre législation est perfectible.
Dr. Mária REGÁSZ, avocat au barreau de Budapest : En pratique, au pénal, j’ai vu des enregistrements. Quand les faits sont les œuvres d’un deux parents, les tribunaux peuvent estimer avoir manipulation. Une transcription papier est faite.
Monsieur Ahmat AGREY, procureur général de la Cour suprême du Tchad : Les moyens techniques ne sont pas présents.
Monsieur Nouhou Hamani MOUKAÏLA, conseiller à la Cour suprême du Niger : Il n’existe pas de législation sur ce sujet.
Dr. Peter BOGAR, procureur au Parquet de Budapest : Les enregistrements réalisés par la famille ne sont pas recevables, seules celles réalisées dans le cadre des procédures sont admissibles. Il faut en tenir compte en tant que document. Peu importe l’auteur ou la forme, le tribunal le considère comme n’importe quel document. Le juge, le tribunal fera le rapprochement entre cet enregistrement et les documents réalisés dans le cadre de la procédure.
Madame Yvette DAOUDI-BEUCHAT : J’ai pu recevoir un enregistre
ment d’une jeune fille qui ne voulait plus retourner chez sa mère. J’ai demandaprès visionnage une enquête approfondie.
Quelle valeur les juges de vos pays attachent-ils aux déclarations des victimes mineures ?
A. C’est le problème de la crédibilité des dires de l’enfant
Historiquement, la valeur attribuée aux déclarations de l’enfant, enfant victime ou enfant témoin, a beaucoup évolué dans le cadre des procédures pénales. On est passé du statut extrême de l’enfant non fiable à celui, non moins extrême, de 18_ l’enfant qui ne pouvait pas mentir.
Aujourd’hui, grâce à une meilleure connaissance en matière de développement de l’enfant (mémoire, cognition, rappel, savoir, langage), et à l’identification des phénomènes néfastes liés aux interrogatoires répétés ou suggestifs, la parole de l’enfant a acquis auprès des tribunaux une nouvelle valeur, plus nuancée, mais aussi plus juste.
A Genève, après avoir procédé à l’enregistrement de l’audition de l’enfant, la police transmet le dossier au Procureur général. Si, à ce stade, les faits dénoncés par la victime font naître de sérieux doutes, la procédure peut être prématurément classée, sauf faits nouveaux. Toutefois, chez nous, la règle est que les dires de l’enfant méritent à tout le moins un approfondissement de l’enquête et la procédure est alors confiée au Juge d’instruction.
Le principe in dubio pro reo implique que le juge ne peut se déclarer convaincu d’un état de fait défavorable à l’accusé, lorsqu’une appréciation objective de l’ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l’existence de cet état de fait [15].
Le récit de l’enfant ne constitue pas encore une preuve éloquente.
Ainsi, dans le cadre d’une instruction pénale dans laquelle la majorité des accusations reposent sur les allégations d’une victime mineure, l’Autorité de jugement, pour en savoir plus sur le quotidien de l’enfant, son psychisme, les particularités de sa personnalité et son fonctionnement global par rapport à son environnement, et pour mieux saisir le sens de la parole de l’enfant et ses particularités, peut recourir à une expertise de crédibilité des déclarations de l’enfant, effectuée par un spécialiste (un psychiatre ou un psychologue ayant bénéficié d’une formation spécifique à l’expertise et disposant d’une certaine expérience ainsi que d’une formation continue).
L’expert est libre d’utiliser les méthodes qui lui paraissent judicieuses. Le choix de la méthode utilisée doit toutefois être fondé [16].
La méthode la mieux validée, et probablement la plus utilisée, pour analyser la déclaration de l’enfant, est la méthode de l’Analyse de la Validité de la Déclaration (SVA). Cette méthode se base sur le principe que les témoignages relevant d’événements factuels réellement vécus sont qualitativement différents de déclarations qui ne sont pas fondées sur l’expérience vécue.
Tout d’abord, conformément à cette méthode, l’audition de l’enfant devra être effectuée de manière à éviter toute suggestibilité. L’expert examinera si le mineur interrogé, compte tenu des circonstances, de ses capacités intellectuelles et des motifs du dévoilement, était capable de faire une telle déposition [17].
Dans un deuxième temps, l’expert procèdera à l’étude des déclarations de l’enfant, en analysant l’audition de l’enfant à travers dix-neuf critères, regroupés sous différentes catégories, comme les caractéristiques générale du discours (cohérence, consistance, …), ses caractéristiques spécifiques (interactions, détails, …), le contenu relatif aux motivations de la déclaration et les éléments du scénario d’abus. Les critères sont systématiquement recherchés et pondérés en fonction de l’âge de l’enfant ou de la présence d’une pathologie psychique.
Enfin, cette analyse sera complétée par l’application de facteurs de vérification liés à la qualité de l’audition, à ce qui est observé chez l’enfant pendant l’audition (comportement, gestuelle, …) et la présence d’autres preuves (matérielle, médicale…).
Il n’est pas nécessaire que l’expert de crédibilité entende l’enfant ou son entourage, et il est exclu qu’il entende l’auteur présumé. Par contre, le juge lui donnera l’accès à la procédure, ce qui lui permettra de savoir quant et dans quel contexte le dévoilement a eu lieu et combien de confidences l’enfant à faites avant son audition.
L’expert devra déterminer si la déclaration de l’enfant (et non l’enfant lui-même) est crédible (et non vraie, ni véridique). Sa réponse devra être univoque : crédible ou non crédible.
L’expert ne devra pas répondre à la question de savoir si les faits reprochés à l’accusé se sont produits ou non ; il ne doit pas se prononcer sur la culpabilité de l’auteur présumé. L’Autorité de jugement n’a pas à connaître l’intime conviction de l’expert. Un tel avis irait à l’encontre de la primauté de l’appréciation des preuves par l’Autorité de jugement. Le médecin ou le psychologue ne doit pas devenir juge à la place de l’autorité judiciaire.
L’examen de la validité d’un témoignage est en premier lieu l’affaire des tribunaux et le Tribunal apprécie librement les expertises [18]. Il ne peut toutefois s’écarter de l’avis de l’expert sur des questions dont la réponse demande des connaissances particulières que pour des motifs sérieux et doit motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d’expertise [19].
L’expertise de crédibilité aide l’Autorité de jugement à mieux rendre la justice en toute connaissance de cause.
Vos droits internes prévoient-ils une indemnisation pour les enfants victi
mes d’infractions ?
Dr. Peter BOGAR, procureur au Parquet de Budapest : Dans le code de procédure, il y a une possibilité de soumettre la victime à un examen réalisé par un expert pour déterminer un penchant pour la mythomanie. L’expert formule son opinion, c’est une preuve, comme la déclaration de la victime. Le juge accuse ou récuse ses preuves.
En pratique, nous avons connu un cas, où un proche parent selon l’enfant aurait commis un viol avait récité tout à fait réellement. A l’audition, il a été découvert que c’était une autre personne, mais le récit était véridique. L’auteur n’était pas le père. L’expert a certifié que l’événement était vécu, mais d’autres preuves ont démontré que l’auteur de l’acte n’était pas le père, qui disposait un alibi. Le doute profite à l’accusé.
Dans la plupart des procédures pénales, s’il n’y a pas de témoin, il est difficile d’apporter la preuve, nous sommes parole contre parole. Il y a beaucoup de cas où l’affaire est close faute de preuves, notamment en matière de contre les mineurs. Il n’y a pas eu de possibilité de prouver le viol, souvent des relations acceptées par la victime. Le viol était en réalité de l’affabulation. Dans certains cas, des affaires sont arrivées en audience, pour celles sans preuves de viol. Les mineurs peuvent refuser de témoigner, droit garanti par la loi notamment par des proches parents auteurs des actes.
Dans un premier temps, la victime raconte de façon détaillée les actes puis minimise ou dénie les faits qui accuse son père, son frère ou un proche parent La clôture de l’affaire est souvent le cas.
Madame Bénédicte VASSALLO, conseiller référendaire à la Cour de cassation de France : Les expertises de crédibilité existent, mais qui décide : le juge ou l’expert ? L’expertise est un élément apporté au juge. Est-ce une délégation faite à un psychologue, et comment le juge doit le considérer comme un élément ?
Madame Yvette DAOUDI-BEUCHAT : En droit suisse, la législation encadre de façon détaillée les responsabilités des juges et des experts de façon satisfaisante.
Madame Svetlana CAITAZ, juge à la Cour suprême de Moldavie : Les conclusions sur la crédibilité sont faites par le psychologue assistant à l’audition du mineur. Nous ne pratiquons pas l’expertise de crédibilité. Ses conclusions ne sont pas obligatoires pour les tribunaux, le juge évalue les dépositions des mineurs en même temps que toutes les autres preuves.
B. Indemnisation pour dommage subi
En droit suisse, une indemnisation est prévue par la LAVI si :
une infraction pénale a été commise (même si l’auteur n’est pas
identifié) ;
la victime est directement atteinte dans son intégrité physique, psychique ou sexuelle, et cela de manière importante ;
l’existence d’un lien de causalité entre l’infraction et cette atteinte est vérifiée, même si l’infraction n’a pas été commise intentionnellement.
Le montant de la réparation morale est plafonné à 70 000 francs (46 000 euros) pour les victimes et à 35 000 francs (23 000 euros) pour leurs proches (article 23 al. 2 LAVI) (et 120 000 francs pour les dommages concrets) (soit 80 000 euros).
Madame BENEDICTE VASSALLO, conseiller référendaire à la Cour de cassation de France : Il existe des fonds d’indemnisation spécifiques pour les victimes d’un certains type de préjudice corporels. Il existe aussi la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, la CIVI.
Monsieur Nouhou HAMANI MOUNKAÏLA, conseiller à la Cour suprême du Niger : Le principe est celui qui commet l’infraction doit indemniser. L’Etat n’intervient. Mais en Suisse, l’état intervient contre l’auteur pour se rembourser ?
Madame Yvette DAOUDI-BEUCHAT : Si l’auteur est insolvable, la victime doit être indemnité, l’AVI intervient à ce moment.
Monsieur Ahmat AGREY, procureur général de la Cour suprême du Tchad : Cette indemnisation n’existe pas au Tchad. Quels sont les fondements juridiques en Suisse ?
Madame Yvette DAOUDI-BEUCHAT : Il existe l’assistance juridique pour les avocats, puis l’aide à l’insertion en sortant de prison, mais en oubliant les victimes d’infraction avec toutes leurs douleurs. La LAVI a été crée pour assister les victimes par des avocats, afin de ne pas être confrontés à leurs agresseurs et qu’ils puissent être indemnisées pour le dommage subi, quelqu’un soit : pécuniaire, physique.
Dr. BALÁZSNÉ dr. WÜNSCH Zsuzsa juge à la Cour municipale de Budapest : Il n’y a pas de systèmes d’indemnisation en Hongrie. Il existe un fonds pour les personnes jugées par erreur, qui ont le doit à une compensation financière.
Monsieur Ahmat AGREY, procureur général de la Cour suprême du Tchad : Le montant est fixé par le juge ou par l’état.
Madame Yvette DAOUDI-BEUCHAT : Une instance créée par LAVI ap
précie le montant aux victimes dans le montant fixé.
Avant de conclure, je citerai encore la Convention de la Haye sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfant, du 25 octobre 1980, qui prévoit, à son article 13 al. 2, que le retour de l’enfant déplacé illicitement peut être refusé si le mineur s’y oppose et qu’il a atteint un âge et une maturité tels qu’il convient de tenir compte de son opinion.
Notre loi fédérale d’application prévoit, non seulement, que les Tribunaux doivent entendre l’enfant, (ou charger un expert de cette audition, à moins que l’âge de l’enfant ou d’autres justes motifs ne s’y opposent) (art. 9 al. 2), mais encore, qu’ils doivent ordonner la représentation de l’enfant et lui désigner un curateur qui sera une personne expérimentée en matière d’assistance et versée dans les questions juridiques.
Le curateur pourra formuler des requêtes et déposer des recours (art. 9 al. 3).
En guise de conclusion, je citerai Jean ZERMATTEN qui, dans son article "La Convention des droits de l’enfant, vingt ans, déjà !" [20] écrit :
"De l’enfant inexistant, en passant par l’enfant exploité, puis objet d’intérêts et soumis à l’éducation, puis membre d’une famille idéalisée, on en est arrivé à l’enfant, personne à part entière, bénéficiant de garanties, de protection et reconnu comme vulnérable, mais néanmoins individu égal aux autres individus et détenant des droits à faire valoir à ce titre. Dans cette civilisation moderne de l’individualisme, l’enfant est donc devenu une personne à part entière. C’est un nouvel état social, une nouvelle posture, qui implique un nouveau contrat social : entre les hommes et les femmes, il y a une catégorie nouvelle du point de vue juridique : les enfants !".
Je vous remercie de votre attention.
[1] Publication Institut international des droits de l’enfant, Sion, mai 2009, page 15
[2] Article 387 B al. 2 LPC
[3] Article 387 B al. 5 LPC
[4] (c. 4a)
[5] (c. 4c)
[6] (c. 5). (cf. ATF 122 I 53)
[7] (cf. JdT 1997 I p. 305).
[8] ATF 129 I 151, JdT 2005 IV 187
[9] ATF 129 I 151, JdT 2005 IV 191
[10] ATF 129 I 151, JdT 2005 IV 189
[11] ATF 129 I 151, JdT 2005 IV 189
[12] ATF 129 I 151, JdT 2005 IV 190
[13] Rapport de la Commission des affaires juridiques du Conseil national du 23 août 1999, FF 2000 3510, p. 3524-3525. Voir aussi : ATF 129 I 151, JdT 2005 IV 192
[14] ATF 129 I 151, JdT 2005 IV 193
[15] ATF 127I 38, consid. 2a, p. 41
[16] ATF 128 I 81, JdT 2004 IV 59
[17] ATF 128 I 81, JdT 2004 IV 59
[18] ATF 128 I 81, JdT 2004 IV 60
[19] ATF 128 I 81, JdT 2004 IV 60
[20] PAEDIATRICA, volume 20, numéro 1, 2009, page 29 et suivantes