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Belgique, Cour de cassation

 


Cette question commande de distinguer les aspects internationaux des aspects internes de la procédure de conclusion des traités, au sens large du terme. Seules les règles essentielles de celle-ci seront mentionnées.

2. Aspects internationaux

La procédure de la conclusion des traités au sens strict du terme comprend généralement quatre étapes, à savoir :

- la négociation ;
- la signature : celle-ci a pour effet que le texte du traité est reconnu comme authentique et définitif ; voy. l’article 10 de la Convention de Vienne du 29 mai 1969 ;
- la ratification : il s’agit de l’acte juridique par lequel l’organe étatique compétent exprime traditionnellement le consentement de l’Etat à être lié juridiquement par les dispositions du traité . Les instruments de ratification sont échangés ou déposés, selon que la convention est bilatérale ou multilatérale. Constituant un acte discrétionnaire, la ratification peut être librement refusée ou retardée, peu importe le motif , même si le traité a été signé .
- l’enregistrement auprès du Secrétariat général des Nations Unies ; à défaut d’enregistrement, la convention est « en soi pleinement valabe », mais ne peut être invoquée devant un organe des Nations-Unies (article 102 de la Charte des Nations-Unies ; voy. également l’article 80 de la Convention de Vienne précitée).

L’entrée en vigueur du traité dans l’ordre international est déterminée par les dispositions du traité. Elle y est traditionnellement fixée à la date correspondant à l’échange ou au dépôt de tous les instruments de ratification ou d’un nombre déterminé de ceux-ci.

3. Aspects internes

Sous cet angle, nous envisagerons, successivement, les points suivants : l’assentiment aux traités (A), l’autorisation de conclure un traité (B), la publication (C), la mise en vigueur (D), et la répartition des compétences internationale dans l’ordre juridique interne belge (E).

A. L’assentiment aux traités

Les traits caractéristiques de l’assentiment sont les suivants :

L’assentiment doit émaner du pouvoir législatif (article 167 de la Constitution). Depuis la révision constitutionnelle de 1993, tous les traités, en ce compris dès lors les accords en forme simplifiée, sont soumis donc à l’assentiment de l’assemblée concernée, ce qui assure un contrôle parlementaire élémentaire et préserve l’exigence démocratique.

L’assentiment est donné sous la forme d’une norme de nature législative : une loi, un décret ou une ordonnance, tout en n’étant pas une loi, un décret ou une ordonnance au sens matériel des termes : l’acte d’assentiment ne revêt en effet aucune portée normative . C’est le traité qui renferme le contenu normatif. L’acte d’assentiment ne saurait par lui-même constituer une source de droits et d’obligations pour les citoyens . Le pouvoir législatif, en accomplissant l’acte d’assentiment à un traité, n’exerce donc pas de fonction normative .

Par ailleurs, l’acte d’assentiment n’est pas une loi, un décret ou une ordonnance au niveau de ses effets : malgré l’acte d’assentiment du pouvoir législatif, le pouvoir exécutif peut s’abstenir de procéder à la ratification du traité. De même, et à l’inverse de l’abrogation d’une loi, d’un décret ou d’une ordonnance, la dénonciation d’un traité peut se réaliser sans intervention du pouvoir législatif.

Enfin, l’acte d’assentiment n’est pas un acte de législation, en ce sens que le pouvoir législatif n’a pas un pouvoir de décision plein et libre en ce domaine, mais une compétence liée : en effet, l’acte d’assentiment comporte, habituellement, un article unique, énonçant que le traité approuvé sortira son plein et entier effet. Or, l’assentiment doit être octroyé ou refusé de manière globale, par le vote de cet article unique, sans droit d’amendement du traité et sans droit de vote séparé par disposition conventionnelle .

N’étant qu’un acte législatif au sens formel, l’acte d’assentiment exprime en définitive « un acte de haute tutelle » du législateur sur l’exécutif dans les conduites des relations internationales : le Constituant a voulu que le pouvoir exécutif « ne puisse engager la Belgique par un accord applicable en droit interne et obligatoire pour les tribunaux, sans que la représentation nationale y ait au préalable consenti » .

A quel moment, l’assemblée doit-elle donner son approbation ? Pour les traités mixtes (cfr. infra), ce moment est déterminé : l’assentiment doit être donné avant la ratification.

Pour tous les autres traités, aucun prescrit constitutionnel ou légal n’existe. Traditionnellement, l’assentiment intervient après la signature et avant la ratification du traité, de manière à éviter entre autres qu’un traité, dépourvu d’effet dans l’ordre juridique interne, lie valablement la Belgique sur le plan international .

Depuis la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage, laquelle permet l’exercice d’un recours en annulation à l’encontre d’une norme législative d’assentiment, il ne devrait être procédé à la ratification qu’à l’expiration du délai du recours en annulation, et si un recours est introduit, au prononcé de l’arrêt de rejet, de manière à éviter que la responsabilité de la Belgique soit engagée sur le plan international.

Aux termes de l’article 167, §§2 et 3, de la Constitution, les « traités n’ont d’effet qu’après avoir reçu l’assentiment (…) ». Celui-ci ne s’analyse donc pas en une autorisation à conclure un traité, mais en un mécanisme d’introduction dans l’ordre interne de dispositions du droit international conventionnel, en ce sens que l’assentiment confère et conditionne la force obligatoire du traité dans l’ordre juridique belge, sous la condition suspensive de son entrée en vigueur à l’égard de la Belgique dans l’ordre international. En d’autres termes, « la seule existence d’un assentiment n’autorise pas à faire application d’un traité qui n’est pas en vigueur dans l’ordre juridique international » , l’acte d’assentiment n’ayant pas de contenu normatif et ne pouvant dès lors conférer des droits ou des obligations.

Fût-il en vigueur à l’égard de la Belgique dans l’ordre juridique international, un traité est dépourvu de force obligatoire dans l’ordre juridique interne à défaut d’assentiment ; les juridictions ne peuvent donc pas appliquer les dispositions de ce traité.

B. L’autorisation de conclure un traité

Conformément à l’article 167, §1er, al.3, de la Constitution, les traités relatifs au territoire belge « ne peuvent avoir lieu qu’en vertu d’une loi ». Le Constituant exige dès lors que le législateur donne son autorisation préalablement à la conclusion des traités de frontières (articles 7 et 167, § 1er, al.3), et restreint, par la même, le pouvoir constitutionnel du Roi d’engager internationalement l’Etat. Il s’agit là de l’unique exception à la procédure constitutionnelle de droit commun.

La doctrine considère généralement qu’en raison de cette limitation du treaty-making power dont dispose le Roi, l’autorisation conditionne la validité internationale du traité, et son défaut pourrait entraîner la nullité du traité sur la base de l’article 46 de la Convention de Vienne.

Mentionnons enfin qu’en application de l’article 77, alinéa 1er, 3°, de la Constitution, la Chambre des représentants et le Sénat « sont compétents sur un pied d’égalité » pour cette loi d’autorisation. Il s’agit donc d’une loi « bicamérale intégrale ».

C. La publication

Prolongeant, dans son principe, l’article 190 de la Constitution, l’article 8 de la loi du 31 mai 1961 « relative à l’emploi des langues en matière législative, à la présentation, à la publication et à l’entrée en vigueur des textes légaux et réglementaires » institue l’exigence de la publication des traités.

Cette exigence ne consiste pas en une formalité d’introduction du traité en droit interne, ni en une condition de sa validité internationale, mais en une exigence intrinsèque à tout acte juridique, soumis à publicité en raison de l’effet qu’il entend produire.

D. La mise en vigueur

Il est traditionnellement enseigné que l’entrée en vigueur du traité dans l’ordre juridique interne est déterminée par l’autorité qui publie la convention internationale. Elle peut correspondre à la date de la publication au journal officiel. La convention peut également être mise en vigueur à l’expiration d’un délai déterminé.

Il importe de souligner que la question de l’entrée en vigueur d’un traité appelle un double examen : à la fois, dans l’ordre international (cfr supra) et dans l’ordre interne. L’incidence en est capitale. « (…) L’efficacité interne des traités est conditionnée par leur entrée en vigueur internationale. Même une fois signé, ratifié et publié, le traité ne déploie ses effets dans la sphère interne qu’après avoir été mis en vigueur sur le plan international » .

E. La répartition des compétences internationales dans l’ordre juridique interne belge

Aux termes de l’article 1er de la Constitution belge, la Belgique est un État fédéral, qui se compose des Communautés et des Régions. La fédéralisation concerne également la procédure d’élaboration des traités, tant le jus tractati (le droit de conclure les traités) que l’assentiment à ceux-ci. Les collectivités fédérées, à l’instar de l’Etat fédéral, disposent, pour les matières relevant de leur compétence, de la compétence de conclusion (pouvoir exécutif) et d’approbation (pouvoir législatif) des conventions internationales.

L’objet des conventions est le facteur déterminant de partage des compétences.

- Lorsque le traité a un objet exclusivement fédéral, la procédure de conclusion et d’assentiment relève du fédéral.

C’est alors le Roi qui, agissant sous le couvert d’un contreseing ministériel (article 106 de la Constitution), les conclut (art. 167, §§1 et 2,de la Constitution) : les diverses opérations de la conclusion de ces traités lui reviennent. Ces traités n’ont d’effet en droit interne qu’après avoir reçu l’assentiment de la Chambre des représentants et du Sénat (art.167, §2, de la Constitution ; cons. art. 77, alinéa 1er, 6°).

Il appartient au Roi de présenter à l’enregistrement ces traités auprès du Secrétariat général des Nations Unies. Par ailleurs, Il appartient au ministre des Affaires étrangères de faire procéder à la publication au Moniteur belge.

- Lorsque le traité a un objet exclusivement fédéré (communautaire ou régional), il est, en règle, uniquement conclu et approuvé par l’autorité fédérée concernée. Ce sont donc les gouvernements fédérés concernés qui concluent les traités qui relèvent exclusivement des compétences fédérées (art. 167, §§2 et 3 de la Constitution). Les parlements fédérés concernés doivent donner leur assentiment, par la voie d’un décret ou d’une ordonnance, pour que ces traités produisent des effets en droit interne (art.167, §3).

Le Secrétariat général des Nations Unies ne semble pas admettre que le gouvernement d’une entité fédérée fasse procéder lui-même à l’enregistrement du traité, dans la mesure où celle-ci n’est pas membre de l’ONU. Il appartient dès lors au Roi de présenter ce type de traité. Quant à la publication au Moniteur belge, elle incombe aux autorités fédérées d’y faire procéder.

- Pour les traités mixtes, soit ceux dont l’objet relève à la fois des compétences de l’État fédéral et des Communautés ou des Régions, les modalités de conclusion sont fixées dans un accord de coopération du 8 mars 1994 entre ledit Etat fédéral, et lesdites Communautés ou Régions

Il appartient au ministre des Affaires étrangères de faire procéder à la publication au Moniteur belge.

- Pour les traités relatifs aux Communautés européennes, une prescrit supplémentaire est imposée. Dès l’ouverture des négociations en vue de toute révision des traités instituant les Communautés européennes et des traités et actes qui les ont modifiés ou complétés, les parlements fédéral (art.168 de la Constitution) et fédérés (art.16, §2, de la loi spéciale de réforme institutionnelle du 8 août 1980) doivent en être informés. Ils doivent également avoir connaissance du projet de traité avant sa signature.

 
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