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PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
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Professeur à l’Université de Sheerbrooke (Canada)
Nous aborderons successivement les questions suivantes : l’acquisition de la personnalité juridique internationale du Canada (A) ; les pouvoirs de conclure et de mettre en œuvre des traités environnementaux (B) et les rapports entre le droit canadien et le droit international (C).
Au plan interne, la fédération canadienne est autonome dès l’adoption, par le parlement britannique, de l’Acte de l’Amérique du nord britannique (AANB) en 1867. Cette autonomie est néanmoins incomplète, puisqu’elle ne s’exerce que sous la réserve de l’utilisation de certains mécanismes britanniques, tels les pouvoirs de réserve ou de désaveu, que le souverain britannique peut exercer à l’encontre des lois fédérales canadiennes, ou encore par le Colonial Validity Act qui invalidait les lois coloniales contraires à une loi britannique. Le Canada affirme graduellement son autonomie jusqu’en 1930, année de la tenue d’une Conférence impériale au cours de laquelle les dominions sont appelés des « communautés autonomes dans l’Empire britannique, nullement subordonnées les unes aux autres… ». À la suite de cette conférence, le Statut de Westminster est adopté en 1931. Il abroge le Colonial Validity Act, confère au Canada une souveraineté législative interne et, par conséquent, les pouvoirs de réserve et de désaveu tombent en désuétude.
Cependant, selon l’AANB, seule la Couronne britannique possède la personnalité juridique internationale en raison des prérogatives royales dont elle est investie. Ainsi, les dominions sont soumis aux politiques internationales élaborées par Londres. Le Canada assiste toutefois, fréquemment, aux conférences diplomatiques. Il négocie et signe seul des traités commerciaux à partir de 1907 et l’intervention du gouvernement britannique ne devient plus qu’une formalité. Lors des deux conflits mondiaux, le Canada participe activement aux guerres et négocie ensuite les traités de paix et plusieurs conventions avec certains États européens.
En 1947, l’Angleterre délègue au gouvernement fédéral canadien, au moyen de lettres patentes, certaines prérogatives du souverain britannique, notamment celle de la conclusion d’accords internationaux. Le Canada acquiert alors la personnalité juridique internationale avec tous les attributs que cela comporte.
La constitution canadienne ne comporte aucune disposition relativement à la conclusion des traités. Il est reconnu en droit canadien que le pouvoir de conclure des traités incombe à l’exécutif fédéral, c’est-à-dire le gouvernement, bien que la province de Québec défende la position que son exécutif détient aussi ce pouvoir dans les champs de compétence attribués aux provinces canadiennes par la constitution. Selon le gouvernement du Québec, le pouvoir de conclure des traités dans le domaine de l’environnement respecterait le partage des compétences constitutionnelles à ce niveau. La position québécoise a amené le gouvernement fédéral à favoriser la pratique des accords cadres avec les provinces. L’exécutif fédéral conclut un traité avec un État étranger dans un domaine qui relève des compétences provinciales et autorise expressément les provinces à conclure des ententes, appelées « des arrangements administratifs », avec ce même État étranger à l’intérieur des limites définies par le traité.
Le pouvoir législatif fédéral est exclu du processus de conclusion des traités. Le gouvernement demande cependant quelquefois aux deux chambres fédérales d’approuver des traités environnementaux importants. Ces approbations n’équivalent cependant pas à une autorisation légale de leur part.
La ratification des traités en forme solennelle, qui constitue une étape du processus de conclusion des traités, incombe aussi à l’exécutif fédéral. Un traité signé et ratifié par le Canada engagera ce dernier sur le plan international, mais ne constituera pas une source normative formelle en droit interne de l’environnement. Le traité doit être reçu dans l’ordre juridique canadien au moyen d’une loi appelée « loi de mise en œuvre » ou « loi introductive ». Dans les faits, l’exécutif fédéral ratifie le traité après sa mise en oeuvre dans l’ordre juridique canadien. Une fois qu’un traité est signé, lorsqu’il s’agit d’un traité en forme simplifiée, ou lorsqu’il est ratifié, lorsqu’il s’agit d’un traité en forme solennelle, les organes législatifs compétents doivent adopter des lois environnementales intégrant les dispositions du traité dans l’ordre juridique concerné. Il peut s’agir, alors, du pouvoir législatif fédéral ou du pouvoir législatif provincial ou des deux à la fois. La législature constitutionnellement compétente sur le sujet du traité adoptera une loi de mise en œuvre. C’est donc le partage de compétences constitutionnelles qui déterminera quel organe législatif, fédéral ou provincial, adoptera la loi environnementale de mise en œuvre. C’est le sens de la décision du Comité judiciaire du Conseil privé de Londres dans l’Affaire sur les conventions du travail. Dans cette dernière, il s’agissait de savoir si le fédéral pouvait adopter des lois donnant effet à des conventions internationales signées et ratifiées par le Canada et portant sur des matières de compétence provinciale. Le Comité judiciaire du Conseil privé jugea que les lois fédérales adoptées sur ces sujets étaient ultra-vires.
Deux aspects doivent être étudiés afin de comprendre l’influence que la norme juridique internationale contenue dans les conventions environnementales, exerce sur le droit canadien. Le premier aspect concerne la question de l’application directe ou de la nécessité de l’introduction de la norme juridique internationale en droit canadien. Le deuxième aspect concerne la question de la supériorité de la norme juridique environnementale sur le droit interne en cas de conflit.
En ce qui concerne le premier aspect, il doit être souligné que le Canada est de tradition dualiste à l’instar de la Grande-Bretagne, pays dont il a hérité son droit public. En ce qui concerne la coutume internationale le Canada est cependant moniste, tout comme la Grande-Bretagne, mais les conditions d’intégration de la norme coutumière dans l’ordre juridique canadien sont restrictives. En droit anglais, une coutume internationale fait partie de l’ordre juridique anglais et à ce titre les tribunaux anglais doivent en prendre connaissance d’office à la différence d’une loi étrangère qui doit être prouvée comme n’importe quel fait. Le monisme a été établi pour la coutume en droit canadien par deux décisions de la Cour suprême du Canada rendues en 1943 : l’Affaire des troupes américaines stationnées au Canada et l’Affaire des ambassades étrangères. Ces décisions posent les deux conditions afin qu’une coutume reçoive une application directe en droit interne :
1) La coutume doit être bien définie, c’est-à-dire qu’elle doit être claire et non ambiguë
2) Il n’existe aucune loi contraire à la coutume ; cela signifiant qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre la loi et la coutume et donc, que la coutume complète la loi.
Un traité à caractère environnemental signé par le Canada engage ce dernier sur le plan international, sans pour autant constituer ipso facto une source formelle de droit de l’environnement au Canada. Le traité ne produit aucun effet en droit interne tant qu’il n’a pas été adopté par un acte législatif, comme cela a été précédemment expliqué.
En ce qui concerne les conflits qui peuvent survenir entre une norme juridique environnementale internationale et une loi, les solutions retenues au Canada originent des pratiques de la Grande-Bretagne. Dans le cas d’un conflit entre une loi intégrant les dispositions d’un traité à caractère environnemental et une autre loi, la loi la plus récente aura préséance sur l’autre. Lorsqu’un conflit se produit entre une coutume internationale et une loi, la coutume doit s’incliner, tout comme la règle de common law. Il existe néanmoins une présomption de compatibilité entre une coutume et un loi. Lorsqu’un conflit surgit entre la constitution canadienne et un traité, la constitution a préséance.
Le Canada et le Québec reconnaissent la menace que constituent pour la société les risques environnementaux. Le Québec a connu plusieurs catastrophes environnementales au cours des trente dernières années et c’est en réponse à ces défis environnementaux qu’il adopte, en 1972, la Loi de la qualité de l’environnement. Cette loi accorde à toute personne, le droit à un environnement sain et prévoit des mécanismes permettant une maîtrise des risques majeurs en matière d’environnement. Elle impose, de plus, des sanctions pénales aux contrevenants.
L’avènement du concept de développement durable qui devait, au Canada comme ailleurs, marquer le début de la réconciliation entre l’environnement et l’économie est marqué, depuis quelques années, par un recentrage du rôle de l’État. L’État providence cède le pas à un État « affaibli » dans le contexte de la mondialisation. Ce type d’État rétréci sera-t-il capable d’accomplir les devoirs que la Commission mondiale sur l’environnement et le développement lui destinait ou deviendra-t-il un simple exécutant des pouvoirs supranationaux ? Le droit de l’environnement qui en résultera sera différent dans l’une ou l’autre des hypothèses, mais sa finalité devra toujours être la même : assurer le mieux être des écosystèmes. Il devra être perméable aux influences positives des conventions internationales à caractère environnemental et dissuader les personnes de commettre des actes de pollution par le développement d’un régime de droit pénal efficace.