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Canada, Cour suprême

 


En ce qui a trait au droit international coutumier, le Canada est moniste. Comme dans d’autres pays du Commonwealth, le droit international coutumier est intégré à la common law canadienne : Re Foreign Legations, [1943] R.C.S. 209, Saint John c. Fraser-Brace Overseas, [1958] R.C.S. 263, Re Regina and Palacios (1984), 45 O.R. (2d) 269 (C.A. Ont.), Re Code canadien du travail, [1992] 2 R.C.S. 50, etc.

En ce qui a trait aux traités, le Canada est essentiellement dualiste. Pour avoir un effet juridique direct en droit canadien, les traités doivent être mis en oeuvre au moyen d’une législation : « Les conventions et les traités internationaux ne font pas partie du droit canadien à moins d’être rendus applicables par la loi [...] » (Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 69).

La compétence législative de mise en oeuvre des traités est divisée selon le partage constitutionnel habituel des compétences entre le Parlement et les législatures provinciales.

[traduction]

Aux fins des art. 91 et 92, c’est-à-dire de la répartition des pouvoirs législatifs entre le Dominion et les provinces, la législation en matière de traités n’existe pas comme telle. La répartition est fondée sur des catégories de sujets : la catégorie particulière de sujets faisant l’objet d’un traité déterminera l’autorité législative chargée de l’appliquer. Personne ne saurait douter que cette répartition soit une des conditions les plus essentielles, peut-être la plus essentielle entre toutes, du pacte inter provincial consacré par l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Si l’on considère seulement la situation du Bas-Canada, le Québec d’aujourd’hui, on peut dire que l’existence de son système juridique distinct touchant la propriété et les droits civils tient au respect rigoureux de son droit constitutionnel d’exercer une compétence exclusive en pareilles matières. Il importe autant aux autres provinces, séparées par des différences aussi considérables que la distance de l’Atlantique au Pacifique, et bien que leur droit repose sur le droit anglais, de conserver leur autonomie législative. Il serait extraordinaire que bien que le Dominion soit impuissant à adopter toute loi quelque souhaitable qu’elle soit, touchant les droits civils dans les provinces, son Gouvernement, sans responsabilité envers lesdites provinces et sans que leur parlement puisse le contrôler, puisse légiférer du simple fait d’un accord avec un pays étranger ; son Parlement disposerait alors de l’autorité requise pour porter atteinte aux droits provinciaux, dans la mesure de cet accord. On tendrait ainsi à saper les sauvegardes constitutionnelles de l’autonomie provinciale. (AG Canada c. AG Ontario (« Labour Conventions »), [1937] 1 D.L.R. 673, aux pages 681 et 682 (CJCP).)

Chaque fois que le Canada désire ratifier ou donner son adhésion à un traité qui exigerait des modifications à son droit national, il doit apporter les modifications nécessaires au droit national par l’entremise du Parlement fédéral, des législatures provinciales ou de ces deux autorités législatives. Cela se fait parfois au moyen d’une loi de mise-en-oeuvre expresse, comme par exemple la Loi de mise en oeuvre de l’Accord de libre-échange nord-américain, L.C. 1993, ch. 44, et la Loi concernant la mise en oeuvre des accords de commerce international, L.Q. 1996, ch. 6. Cela se fait parfois par des modifications au droit national sans référence au traité qu’elles visent à mettre en oeuvre. Comme l’a expliqué M. le juge en chef Dickson au sujet du Pacte international relatif aux droits civils et politiques 1966 et du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 1966,

Le Canada a adhéré aux deux pactes le 19 mai 1976 et ceux-ci sont entrés en vigueur le 19 août 1976. Avant d’adhérer, le gouvernement fédéral a obtenu l’agrément des provinces qui se sont toutes engagées à prendre les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des pactes dans leurs ressorts respectifs.

M. le juge La Forest a décrit la grande diversité des moyens par lesquels les traités peuvent être mis en oeuvre au Canada dans l’arrêt Thomson c. Thomson, [1994] 3 R.C.S. 551, aux pages 601 et 602 :

L’avant-projet de la Convention [sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants] qui a été achevé par la Commission spéciale de la Conférence de La Haye en novembre 1979 a été soumis à la Conférence sur l’uniformisation des lois du Canada en août 1980 par l’intermédiaire de son comité sur les conventions internationales en droit international privé [...]. La Conférence sur l’uniformisation des lois a accepté le texte d’une « Loi uniforme » pour l’application de la Convention de La Haye. Quatre provinces (le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan et l’Alberta) ont adopté une loi parallèle à la Loi uniforme, dont sa disposition portant que, dans le cas d’un conflit entre la Convention et toute autre loi, la Convention doit prévaloir : Loi sur l’enlèvement international d’enfants, L.N.-B. 1982, ch. I-12.1 ; Child Abduction Act, S.N.S. 1982, ch. 4 ; The International Child Abduction Act, S.S. 1986, ch. I-10.1, et International Child Abduction Act, S.A. 1986, ch. I-6.5.

Le Québec a choisi de ne pas adopter la Convention du tout, adoptant plutôt des dispositions équivalentes : Loi sur les aspects civils de l’enlèvement international et interprovincial d’enfants, L.Q. 1984, ch. 12. Les cinq autres provinces (le Manitoba, l’Ontario, la Colombie-Britannique, l’Île-du-Prince-Edouard et Terre-Neuve) ont adopté la Convention dans une loi plus générale régissant les aspects civils de l’enlèvement d’enfants : The Child Custody Enforcement Act, S.M. 1982, ch. 27 (maintenant la Loi sur l’exécution des ordonnances de garde, L.R.M. 1987, ch. C360) ; Children’s Law Reform Amendment Act, 1982, S.O. 1982, ch. 20 ; Family Relations Amendment Act, 1982, S.B.C. 1982, ch. 8, mod. par S.B.C. 1985, ch. 72, art. 20 ; Custody Jurisdiction and Enforcement Act, S.P.E.I. 1984, ch. 17, et The Children’s Law Act, S.N. 1988, ch. 61. De ces cinq lois, celles de l’Ontario, de l’Île-du-Prince-Edouard et de Terre-Neuve prévoient qu’en cas de conflit entre la Convention et tout autre régime législatif, la Convention prévaut. Seules les lois de la Colombie-Britannique et du Manitoba n’accordent pas cette primauté.

D’autres traités sont mis en oeuvre d’une manière beaucoup plus simple. Par exemple, la Loi sur les Missions étrangères et les organisations internationales, L.C. 1991, ch. 41, prévoit :

3. (1) Les articles 1, 22 à 24 et 27 à 40 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques sont applicables sur le territoire canadien à tous les États étrangers, qu’ils soient ou non parties à celle-ci. Il en va de même pour les articles 1, 5, 15, 17, 31 à 33, 35, 39 et 40, les paragraphes 1 et 2 de l’article 41, les articles 43 à 45 et 48 à 54, les paragraphes 2 et 3 de l’article 55, le paragraphe 2 de l’article 57, les paragraphes 1 à 3 de l’article 58, les articles 59 à 62, 64, 66 et 67, les paragraphes 1, 2 et 4 de l’article 70 et l’article 71 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires.

Le dualisme du Canada est quelque peu atténué par l’utilisation des traités comme aides pour l’interprétation des lois.

Bien que le droit international ne lie pas le Parlement ni les législatures provinciales, le tribunal doit présumer que la législation est conçue de manière qu’elle respecte les obligations qui incombent au Canada en vertu des instruments internationaux et en sa qualité de membre de la communauté internationale. En choisissant parmi les interprétations possibles celle qu’il doit donner à une loi, le tribunal doit éviter les interprétations qui entraîneraient la violation par le Canada de telles obligations [...] (Succession Ordon c. Grail [1998] 3 R.C.S. 437, au paragraphe 137).

Un autre indice de l’importance de tenir compte de l’intérêt des enfants dans une décision d’ordre humanitaire est la ratification par le Canada de la Convention relative aux droits de l’enfant, et la reconnaissance de l’importance des droits des enfants et de l’intérêt supérieur des enfants dans d’autres instruments internationaux ratifiés par le Canada. Les conventions et les traités internationaux ne font pas partie du droit canadien à moins d’être rendus applicables par la loi : Francis c. The Queen, [1956] R.C.S. 618, à la p. 621 ; Capital Cities Communications Inc. c. Conseil de la Radio-Télévision canadienne, [1978] 2 R.C.S. 141, aux pp. 172 et 173. Je suis d’accord avec l’intimé et la Cour d’appel que la Convention n’a pas été mise en vigueur par le Parlement. Ses dispositions n’ont donc aucune application directe au Canada.
Les valeurs exprimées dans le droit international des droits de la personne peuvent, toutefois, être prises en compte dans l’approche contextuelle de l’interprétation des lois et en matière de contrôle judiciaire. Comme le dit R. Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994), à la p. 330 :

[TRADUCTION] [L]a législature est présumée respecter les valeurs et les principes contenus dans le droit international, coutumier et conventionnel. Ces principes font partie du cadre juridique au sein duquel une loi est adoptée et interprétée. Par conséquent, dans la mesure du possible, il est préférable d’adopter des interprétations qui correspondent à ces valeurs et à ces principes. [Je souligne.]
(Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 69 et 70.)

 
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