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D. La sécurité financière institutionnelle

 


La nécessité que les juges jouissent d’une certaine sécurité financière a été reconnue dans plusieurs arrêts de la Cour suprême du Canada (Valente, précité ; Beauregard, précité ; Renvoi relatif à la rémunération des juges, précité ; Association des juges de la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick (Ministre de la Justice), [2005] 2 R.C.S. 286). Malgré son importance pour chacun des juges canadiens, la Cour suprême a décidé que cet impératif de sécurité financière avait d’abord une dimension institutionnelle.

La jurisprudence de la Cour suprême du Canada a reconnu que la sécurité financière institutionnelle de la magistrature comporte trois éléments (Renvoi relatif à la rémunération des juges, précité, para. 131) : (1) les traitements des juges ne peuvent être réduits, haussés ou bloqués, sans recours à une commission indépendante, efficace et objective ; (2) les négociations entre le judiciaire et l’exécutif sur les traitements des juges sont interdites ; et (3) les traitements des juges ne peuvent être réduits sous un niveau minimal. Ces trois éléments découlent de l’impératif constitutionnel selon lequel les rapports entre le judiciaire et les deux autres pouvoirs de l’État doivent être aussi dépolitisés que possible.

Dans cette optique, selon la Cour suprême, l’obligation de protéger les tribunaux contre l’impact de manipulations administratives ou politiques à l’égard des traitements et des conditions de travail de la magistrature exige l’interposition d’organismes indépendants entre le pouvoir judiciaire, d’une part, et les pouvoirs exécutif et législatif, d’autre part. Des commissions ad hoc d’examen de la rémunération des juges ont donc pour mandat d’étudier objectivement la situation de la rémunération et des conditions de travail des juges et de faire des recommandations au gouvernement compétent sur ces questions.

Les parlements peuvent déterminer les facteurs dont ces commissions tiendront compte afin de déterminer le niveau approprié de rémunération des juges. Par exemple, pour les juges de nomination fédérale, le paragraphe 26(1.1) de la Loi sur les juges, précité, prévoit que la cette commission « fait son examen en tenant compte des facteurs suivants : (a) l’état de l’économie au Canada, y compris le coût de la vie ainsi que la situation économique et financière globale du gouvernement ; (b) le rôle de la sécurité financière des juges dans la préservation de l’indépendance judiciaire ; (c) le besoin de recruter les meilleurs candidats pour la magistrature ; (d) tout autre facteur objectif qu’elle considère pertinent ».

Outre la nécessité de protéger les tribunaux contre l’ingérence politique ou administrative, le recours à de telles commissions d’examen est aussi rendu nécessaire par l’interdiction des négociations entre le judiciaire, d’une part, et l’exécutif et le législatif, d’autre part. Cette interdiction découle du fait que de telles négociations deviendraient inévitablement politiques, les rémunérations des juges provenant des fonds publics. Elles sont par conséquent incompatibles avec l’indépendance de la magistrature et sont donc interdites afin d’éviter de ternir la perception qu’a le public des juges et pour éviter des apparences de partialité dans les nombreux litiges impliquant l’État.

Il faut enfin noter que, dans l’exécution de leurs mandats, les commissions d’examen de la rémunération doivent notamment veiller à ce que les traitements des juges ne tombent pas sous un seuil non précisé en-deçà duquel leur impartialité, réelle ou perçue, pourrait être mise en péril. Si de telles diminutions de traitement survenaient, l’opinion publique pourrait croire les juges vulnérables vis-à-vis l’État. On craint aussi qu’une carrière dans la magistrature cesse d’intéresser des candidats d’un calibre suffisant en pareil cas. La confiance du public dans le système judiciaire pourrait s’en trouver sérieusement atteinte.

Les commissions d’examen de la rémunération des juges sont donc appelées à jouer un rôle fondamental dans la protection de la sécurité financière des juges canadiens. Malgré cela, il importe de noter que leurs recommandations ne lient pas l’exécutif, à moins, bien entendu, que le Parlement ou la législature n’ait prévu le contraire dans un texte de loi. Cela dit, un gouvernement qui décide de s’écarter des recommandations qui lui ont été faites a l’obligation constitutionnelle de justifier sa décision par des motifs suffisants (Association des juges, précité, para. 44). À défaut, sa décision pourra être invalidée par une cour supérieure en vertu de son pouvoir de contrôle et de révision des actes de l’administration publique. En principe, le dossier devra alors être renvoyé au gouvernement pour réexamen.

 
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