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PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.
L’organisation judiciaire moderne de la France date de la Révolution française, ultérieurement complétée par le Consulat et l’Empire. Il est cependant utile de rappeler l’organisation judiciaire sous l’Ancien Régime, et de distinguer quatre périodes dans l’histoire de la justice française :
l’héritage de l’Ancien régime
la mise en place des Institutions entre 1790 et 1810,
la période de stabilité entre 1810 et 1958,
la rénovation des institutions judiciaires à partir de 1958, qui se poursuit de nos jours.
* Pendant longtemps, la justice fût exercée par les seigneurs et le clergé.
Vers le 11ème siècle, les Rois de France réussirent à imposer la justice royale aux autres formes de justice. Jusqu’au 13ème siècle, le Roi, « fontaine de justice », exerçait une « justice retenue » jugeant lui-même les affaires, entouré de conseillers, afin de maintenir son autorité. Les rois de France déléguèrent progressivement le pouvoir judiciaire (« justice déléguée ») à des juges spécialement nommés, tout en gardant un droit de regard sur les affaires et en conservant le pouvoir de juger eux-mêmes une affaire déjà entamée ou de l’attribuer à une autre juridiction (droit d’évocation).
Ainsi apparut la Cour royale dans sa fonction judiciaire : le parlement royal ou curia regis in parliamento. L’idée de pouvoir judiciaire indépendant en France renvoie encore à l’idée négative de pouvoir soustrait à l’indivisibilité de l’autorité de l’Etat. Dans la Constitution du 4 octobre 1958, le titre 8, intitulé initialement « de l’autorité judiciaire » excluait implicitement l’idée d’un « pouvoir » judiciaire.
L’avènement de la justice royale ne permit toutefois pas d’unifier les sources du droit. L’Ancien droit était en effet essentiellement coutumier et corporatiste, chaque région, chaque corps de métiers étant régi par un ensemble de règles qui leur étaient propres.
La mise en place progressive de la justice royale ne permit par non plus de mettre un terme à la diversité et à la multiplicité des juridictions, l’autorité du roi étant insuffisamment centralisée pour permettre une unification de l’organisation judiciaire. Cet enchevêtrement de juridictions créées au fil des siècles (juridictions royales, seigneuriales, ecclésiastiques, etc.) engendra de délicats conflits de compétence. La carte judiciaire française actuelle est le fruit, totalement inadapté à la période contemporaine, de démembrements des ressorts territoriaux des parlements de l’Ancien régime.
L’héritage transmis par l’Ancien régime se retrouve dans l’usage actuel de certains symboles et termes lexicaux. On évoque toujours le « palais », « les chambres » (en mémoire de la chambre d’apparat du Roi où les juges siégeaient), les « cours » (en mémoire des premières cours royales, composées de conseillers du Roi), « l’audience » (en souvenir de l’époque où le roi donnait audience).
La mise « sous main de justice » et la « mainlevée » évoquent certaines décisions du Roi qui abaissait le sceptre, la main de justice, ou la redressait. Aujourd’hui encore, l’enjeu majeur de la réforme de l’institution judiciaire consiste à faire de la justice un service public rendu, au moins autant qu’un pouvoir exercé.
Le terme de « parquet » désignant le ministère public, celui de « barreau » désignant l’ensemble des avocats, de « bâtonnier », « d’huissiers » sont aussi originaires de cette période en souvenir de la configuration des salles d’audience, de la place et du rôle des acteurs du procès. Le statut du parquet, magistrats à part entière, est donc directement hérité de l’Ancien régime, alors que la procédure contemporaine tend, sous l’influence de la jurisprudence européenne, à considérer le ministère public comme une partie, dans un contexte marqué par « l’égalité des armes ».
Le fonctionnement de la justice présentait de graves inconvénients : lenteur des procès en raison de la multiplicité abusive des recours, privilèges de juridiction (noblesse et clergé notamment), vénalité des charges de judicature. Lenteur, cherté, défaut d’accessibilité sont encore des griefs formulés aujourd’hui à la justice, même lorsqu’un examen plus attentif des procédures contemporaines ne permet plus de telles conclusions.
Sont également issus de l’Ancien régime, certaines juridictions d’attribution telles que le tribunal de commerce, la procédure inquisitoire en matière pénale, l’existence de certaines charges héréditaires et vénales, telles que celles des avoués. La tradition judiciaire de l’Ancien régime joue encore un rôle primordial dans l’inconscient collectif qui véhicule une image essentiellement négative de l’institution judiciaire (l’adage populaire dit : « que Dieu nous garde de deux maux : la peste et l’équité des juges »). La défiance à l’égard du « gouvernement des juges » trouve encore sa traduction dans diverses controverses contemporaines médiatisées.
A la fin de l’Ancien Régime, la réforme de la justice était un souhait à peu près unanime qui trouva de nombreux échos dans les cahiers de doléances présentés aux Etats généraux en 1789, malgré les tentatives de réformes amorcées au cours du 18ème siècle. Répondant à ce vœu, la Révolution française fit table rase du passé. Dans la nuit du 4 août 1789, les juridictions seigneuriales furent abolies, en même temps que les privilèges de juridiction.
* Les bases de la justice moderne sont issues de la Révolution de 1789.
Les bouleversements apportés par les constituants dans l’organisation de la Justice n’ont pas eu de précédents et ne seront suivis d’aucune autre réforme d’envergure comparable. La loi des 16-24 août 1790 pose le principe fondateur de la séparation des pouvoirs dont la vocation première est de protéger unilatéralement l’administration des empiètements du judiciaire (ce qui impliquera des juridictions administratives distinctes des juridictions judiciaires).
Les tribunaux de districts sont les ancêtres des actuels tribunaux de grande instance et les justices de paix, ceux des tribunaux d’instance. Subsistent, jusqu’à nos jours, les anciennes juridictions consulaires sous le nom de « tribunaux de commerce ». Comme les Conseils de prud’hommes en matière sociale, de création plus récente, leur existence et leur composition sont sociologiquement profondément ancrées.
Si l’œuvre réalisée par l’Assemblée constituante présentait d’incontestables mérites, on relève une inspiration idéologique qui a pu être jugée excessive. Ainsi, la crainte de voir renaître le pouvoir judiciaire des anciens Parlements, explique certaines dispositions sur lesquelles il fallut revenir quelques années plus tard : le référé-législatif (l’interprétation de la loi n’était pas reconnue au juge), l’élection des juges (comme solution au problème de la légitimité) et la suppression des juridictions hiérarchiquement supérieures (l’appel était « circulaire »).
On a reproché également à cette législation de réaliser une œuvre incomplète. C’est la loi des 27 novembre-1er décembre 1790 qui instaurera le « Tribunal de cassation ». Si ces fondements seront largement rénovés sous l’Empire, puis plus récemment en 1958, la physionomie de la Justice française est restée dans ses grandes lignes celle de 1790.
* L’Empire accentua les réformes amorcées sous le Consulat. Devenu Empereur des Français en 1804, Napoléon décida que la justice serait exercée en son nom et non plus « au nom du peuple » comme sous la Révolution.
Le paysage judiciaire est remanié, dans le sens de la centralisation. Sous l’autorité du chef de l’Etat, l’organisation judiciaire est très hiérarchisée ; les juges ne sont plus élus mais nommés par le gouvernement. En 1802, on reconstitue l’ancien office du chancelier sous le nom de "Grand juge", avec pour fonction de surveiller les tribunaux et de présider la Cour de cassation, qui a un droit de censure et de discipline sur les juges.
Certes dominée par les principes révolutionnaires, la justice renoue néanmoins avec certaines traditions de l’Ancien Régime : le tribunal de cassation prend le nom de Cour, les juridictions sont réparties en chambres, les décisions des cours sont dénommées arrêts, les auxiliaires de la justice (notaires, avoués, huissiers et greffiers) sont rétablis dans leurs offices.
La Constitution de l’An VIII définit un statut de la magistrature : les magistrats du siège sont nommés mais inamovibles ; les magistrats du parquet sont nommés et hiérarchisés sous l’autorité du Garde des Sceaux.
La période qui se situe entre l’Empire et 1958 est marquée par la stabilité. C’est en 1958 qu’a lieu une nouvelle réforme d’ensemble d’envergure.
* La Constitution du 4 octobre 1958 consacre son titre VIII à « l’autorité judiciaire », intitulé qui évolue en 1993 pour devenir « de l’indépendance de la justice ».
La première réforme concerne la carte judiciaire. La compétence des cours d’appel est accrue. Celles-ci examinent désormais les recours formés contre les décisions rendues par l’ensemble des juridictions de première instance, y compris les juridictions d’attribution. Les 2092 justices de paix sont remplacées par 450 tribunaux d’instance, à raison d’un par arrondissement. Le tribunal de grande instance succède au tribunal civil, à raison d’un au moins par département.
Les textes réalisent l’unité de la magistrature en dotant tous les membres de ce corps d’un statut unique (ordonnance du 22 décembre 1958). L’article 64 de la Constitution (qui n’a pas été modifié par la loi constitutionnelle de 1993) fait du Président de la République le « garant de l’indépendance de la magistrature ». Cette formule se rattache à l’idée que la fonction de juger procède de l’autorité indivisible de l’Etat dont le Président de la République a la responsabilité. Elle conduit à contester à la justice la place de « troisième pouvoir » et rejoint en cela les théories développées jadis Duguit, Hauriou et Barthélemy selon lesquelles « faire les lois (pouvoir législatif) et les faire exécuter (pouvoir exécutif) sont deux termes entre lesquels il n’y a pas de place à prendre » (Barthélemy, Traité de droit administratif).
Le Conseil supérieur de la magistrature dont le statut est acquis depuis la Constitution de 1946, est reconduit sous une forme rénovée. La loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 en assure une meilleure indépendance en matière de nomination et crée en son sein deux formations : une compétente à l’égard des magistrats du siège, une compétente à l’égard des magistrats du parquet.