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PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.
Vice-Président de la Cour Commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA
Avant de prendre la parole, mes salutations vont à toutes les personnalités présentes.
En raison de la présence de M. Jean-Pierre Puissochet, représentant de la Cour de justice des Communautés Européennes, je vais axer mon propos uniquement sur la Cour de l’OHADA et je ne vais parler que de la portée des arrêts de la Cour, c’est-à-dire de leur réception par les juridictions nationales, de leur introduction dans l’ordre interne.
Institution régionale d’intégration juridique, l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) vit officiellement le jour avec le Traité adopté le 17 octobre 1993 à Port-Louis (Ile Maurice) par les Chefs d’Etat et de délégation des pays de la zone franc.
Constituant un cadre juridique dans lequel les entreprises doivent évoluer en toute sécurité juridique et judiciaire, son rôle est, d’une part, d’élaborer un droit harmonisé des affaires formé d’Actes uniformes et, d’autre part, de contrôler l’application de ces normes, lesquelles sont positives et contraignantes dans l’espace juridique intégré.
En plus du Conseil des Ministres et d’une Ecole Supérieure de la Magistrature, l’OHADA comprend comme institution une Cour Commune de Justice et d’Arbitrage chargée, selon l’article 14 du Traité, d’assurer, dans les Etats parties, l’interprétation et l’application commune des Actes uniformes.
Un rappel des raisons ayant conduit à la création de cette Cour permet de saisir l’influence de sa jurisprudence.
Chaque fois qu’une norme de droit uniforme est adoptée, se profile le risque que des interprétations divergentes données par les juridictions des différents Etats ne compromettent l’œuvre d’uniformisation du droit. Il suffit d’évoquer le sort de la Convention de Genève sur la lettre change et le billet à ordre du 7 juin 1930 et celle des Nations Unies sur les droits des enfants qui avaient donné lieu aux interprétations tellement divergentes que l’on avait de la peine à reconnaître ces conventions, dont les normes ne relevaient d’aucun impretium pouvant assurer leur effectivité.
Contre ce risque, la seule manière est d’instituer une juridiction supranationale capable d’imposer une interprétation uniforme à l’image de la Cour de justice des Communautés Européennes et qui rende des décisions s’imposant aux juridictions de tous les Etats parties. Compte tenu de ces considérations, l’OHADA a choisi la voie de la centralisation de l’interprétation de son droit en confiant le soin d’unifier les applications et les interprétations de celui-ci à la Cour préalablement créée par le Traité. Par ce rôle, la Cour se voit reconnaître la qualité d’acteur majeur de l’intégration régionale.
Mais une chose est de créer une juridiction nationale chargée d’élaborer une jurisprudence uniforme, une autre est de l’organiser à cette fin. Il y a la voie du renvoi préjudiciel adoptée par la Cour de justice des Communautés Européennes. C’est un mécanisme de coopération judiciaire qui permet à celle-ci, à l’occasion d’un procès de droit interne devant une juridiction nationale, d’interroger en interprétation la CJCE et de différer son jugement jusqu’à ce que la Cour, en répondant à la question, l’ait mise à même d’appliquer correctement le droit communautaire au litige de droit interne soumis à sa juridiction.
L’interprétation donnée par la CJCE a une portée abstraite et générale : abstraite en ce qu’elle ne comporte jamais une application du droit communautaire à une espèce déterminée. La CJCE n’est pas appelée à résoudre directement le cas soumis au juge interne qui va l’utiliser pour la solution du cas d’espèce. Elle est aussi générale. La Cour "dit pour droit" au terme des procédures préjudicielles. La réponse donnée par la CJCE vaut pour la juridiction qui l’a saisie, mais elle doit être prise en compte par les autres juridictions saisies de la même situation de fait. Elle s’incorpore à la norme interprétée.
La jurisprudence de la CJCE revêt une dimension normative indéniable qui comprend un caractère "jurislatif" faisant de cette juridiction un législateur suppléant destiné à produire des normes juridiques obligatoires. La voie choisie pour la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA (CCJA), pour assurer l’unité d’interprétation, est celle du recours en cassation faisant d’elle une juridiction de cassation des décisions rendues, par les juridictions nationales, dans le domaine du droit harmonisé.
On pourrait penser que, par sa qualité de juridiction de cassation, la jurisprudence qu’elle élabore n’a pas force obligatoire, qu’elle n’a qu’une autorité persuasive. Cette perception des choses est à écarter pour diverses raisons. Il peut être retenu que, par sa fonction de gardienne de l’application du droit harmonisé, auquel le Traité confère la primauté par rapport au droit national, par sa supranationalité et sa supériorité au sein de l’organisation judiciaire issue de l’OHADA, par les effets spécifiques attachés à ses arrêts qui ont autorité de chose jugée et sur lesquels l’apposition de la formule exécutoire se fait de manière quasi automatique, la CCJA élabore, à la suite des recours en cassation dont elle pourrait être saisie et qui ont la particularité d’être sans renvoi, une jurisprudence qui est plutôt une source de droit qu’un précédent non obligatoire.
Avant de poursuivre le développement de ma contribution, il me parait utile de relever que le sujet qui m’a été confié peut être traité sous divers aspects allant du recensement des modifications apportées par la jurisprudence communautaire à l’état du droit antérieur, à l’emprise de celle-ci sur les décisions rendues par les juridictions nationales dans le domaine du droit harmonisé ou à la relation de la Cour initiatrice de la jurisprudence, en l’occurrence la CCJA, avec les juridictions nationales.
Compte tenu de l’âge de la jurisprudence de la Cour - ses premiers arrêts ont à peine deux ans et demi - mon propos sera axé sur l’autorité de la jurisprudence sur l’ordre juridique des Etats parties selon que lui est rattachée ou non la décision attaquée.
La jurisprudence communautaire emprunte son autorité des dispositions du droit harmonisé instituant, d’une part, un ordre judiciaire hybride constitué des juridictions nationales de fond et ayant à sa tête la Cour commune de justice et, d’autre part, un recours en cassation sans renvoi et, en outre, l’apposition quasi automatique de la formule exécutoire des arrêts rendus par la Cour.
La supériorité organique de la Cour de justice et d’arbitrage
L’ordre judiciaire issu du Traité de l’OHADA, qui comprend les juridictions nationales de fond statuant en première instance et en appel, a la forme d’une pyramide au sommet de laquelle est placée, comme en droit interne, la Cour de justice et d’arbitrage. La Cour se voit chargée d’une mission de régulation consistant à assurer l’uniformité d’interprétation et d’application, sur l’ensemble du territoire communautaire, des Actes uniformes, lesquels n’étant pas de référence, sont des normes positives et contraignantes. Par cette supériorité organique dont elle est dotée, la Cour se doit de garantir par sa jurisprudence l’homogénéité de la lecture du droit harmonisé.
Etant la seule juridiction compétente pour connaître des recours en cassation dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’interprétation, ainsi qu’à l’application des Actes uniformes, sa saisine a pour effet de suspendre toute procédure de cassation engagée, devant une juridiction nationale statuant en cassation, contre la décision attaquée. La procédure ne peut être reprise que si la Cour de l’OHADA s’est déclarée incompétente.
Si une juridiction nationale statuant en cassation, dont l’incompétence a été soulevée par l’une des parties, s’est déclarée compétente à tort, celle-ci peut saisir la Cour de justice et d’arbitrage dans un délai de deux mois à compter de la décision contestée. Si la Cour décide que la juridiction nationale de cassation s’est déclarée compétente à tort, en méconnaissance de la compétence de la Cour, sa décision est réputée nulle et non avenue (article 18 du Traité).
La sanction est ici foudroyante : elle prend le contre-pied de la règle héritée du droit français selon laquelle il n’y a pas de nullité contre les jugements.
La spécificité du recours en cassation
Lorsqu’elle est saisie par voie de recours en cassation, la Cour commune peut rendre soit un arrêt de rejet, soit un arrêt de cassation. Le rejet implique que la juridiction nationale dont la décision est contestée a fait une exacte application de la norme de droit harmonisé. L’arrêt de rejet met un terme au litige et permet l’exécution de la décision attaquée.
En cas de cassation, la Cour évoque et statue au fond (article 14, alinéa 5 du Traité). Cette norme s’écarte de la règle traditionnelle selon laquelle, dans cette hypothèse, l’affaire est renvoyée devant une juridiction de même nature que celle qui a rendu la décision cassée ou devant la même juridiction, autrement composée. La supériorité de la Cour est renforcée afin de garantir l’efficacité du droit harmonisé, laquelle dépend d’une interprétation uniforme.
En vue de permettre à la Cour d’assurer l’interprétation, l’article 15 du Traité prévoit qu’elle peut être saisie directement par l’une des parties ou sur renvoi d’une juridiction nationale de cassation saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes. Les juridictions nationales de cassation sont appelées ainsi à susciter la création, par la Cour, d’une jurisprudence uniforme.
L’apposition quasi automatique de la formule exécutoire
Selon l’article 20 du Traité de l’OHADA, l’arrêt rendu par la Cour a autorité de chose jugée. Il faut parler plutôt de force de chose jugée puisqu’il ne peut pas être attaqué par un recours suspensif d’exécution ; seules sont permises les voies de recours extraordinaires que sont la tierce opposition et la révision.
Tirant la conséquence de ce qui est dit ci-dessus, il est prévu que la formule exécutoire est apposée sur tout arrêt rendu par la Cour, sans autre contrôle que celui de la vérification, par l’autorité nationale désignée par le gouvernement de chaque Etat partie, de l’authenticité du titre constitué par la décision de la Cour. Un simple contrôle formel permet de rendre quasi automatique l’apposition de la formule exécutoire (article 46 du Règlement de procédure). La décision est exécutoire dès l’achèvement de cette formalité. Un contrôle approfondi, principalement des motifs, préalablement à l’octroi de la formule exécutoire, est exclu en ce qui concerne les décisions de la Cour. L’autorité nationale ne peut d’office ni à la demande d’une partie identifier un motif de non-exécution.
A ce stade de la procédure, il va de soi que la partie contre laquelle l’exécution est demandée ne peut présenter que des observations. Il est fort probable que la Cour soit appelée, dans l’avenir, à définir l’ordre public susceptible d’être pris en considération pour différer l’exécution d’un arrêt de la Cour. Il est prévu à l’article 46.2 que l’exécution forcée des arrêts de la Cour ne peut être suspendue qu’en vertu d’une décision de la Cour. Tout réflexe protectionniste des Etats à refuser abusivement l’apposition de la formule exécutoire est encadré par l’article 46 du Règlement. L’interdiction résultant de cette norme faite aux juridictions nationales de contrôler les motifs, ne s’agissant plus d’une procédure d’exequatur, traduit la volonté des Actes uniformes de doter la jurisprudence communautaire d’une si grande vigueur qu’elle constitue une source du droit.
La jurisprudence la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA doit son autorité sur l’ordre juridique des autres Etats parties aux dispositions du droit harmonisé conférant à celui-ci une supériorité par rapport au droit national, ainsi qu’à celles se rapportant, d’une part, à l’autorité absolue des arrêts rendus par la Cour et, d’autre part, à leur publicité.
La primauté du droit uniformisé
En affirmant dans l’article 10 que "les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure", le Traité institutif de l’OHADA institue la primauté du droit uniforme. La primauté donne la prévalence au droit harmonisé sur le droit national, ce qui implique qu’en cas de conflit entre une norme du droit harmonisé et une norme interne, la seconde devra être écartée au profit de la première. Cette règle trouve son origine dans deux célèbres décisions rendues par la Cour de Justice des Communautés Européennes : les arrêts Costa c/ Enel, 15 juillet 1964, 6/64 Rec. p. 1141 ; Simmenthal, 9 mars 1978, 106/77, Rec. P. 629.
En attribuant à la Cour le pouvoir de prolonger l’unification législative par une unification jurisprudentielle, le texte de l’OHADA amène les juridictions nationales à considérer la jurisprudence de la Cour, laquelle emprunte le caractère de primauté affectée aux Actes uniformes, comme une source du droit harmonisé.
S’appuyant sur la primauté du droit harmonisé, la Cour de justice a rendu trois arrêts, pris au hasard, dont la réception par les juridictions nationales a été variable.
Dans l’Arrêt n° 002/201 du 11 octobre 2001, Epoux Karnib c/ Société générale de Banque de Côte d’Ivoire, la Cour a retenu que les défenses à exécution des décisions assorties de l’exécution provisoire prévue par les dispositions internes de procédure ne peuvent être accordées si elles ont été demandées par le débiteur après le commencement de l’exécution forcée, ceci en conséquence de l’article 32 alinéa de l’Acte uniforme régissant les voies d’exécution selon lequel "l’exécution est alors poursuivie aux risques du créancier, à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié, de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part".
Cette jurisprudence a été diversement accueillie par les juridictions nationales (favorablement : Cour d’appel de Bouaké, ordonnance n° 19/2002 du 18 novembre 2002 ; Arrêt n° 04 du 28 avril 2003 Cour d’appel de Bamako ; défavorablement : Cour d’appel de Douala Ordonnance n° 118/DE du 12 novembre 2002 ; Cour d’appel de Douala, Ordonnance n° 38 du 13 janvier 2003 ; Cour d’appel de Yaoundé, Arrêt n° 86/DE du 28 avril 2002).
La réception de cette jurisprudence ne devrait pas poser de problème, car elle est conforme à l’esprit de l’Acte uniforme appliqué en la matière pour lequel la revalorisation du titre exécutoire est attractive de l’investissement. Il est regrettable que quelques articles virulents de la doctrine ne comportant aucune critique sur la méthode d’interprétation du texte par la Cour - laquelle s’est appuyée sur la méthode téléologique selon laquelle la finalité du texte ne doit pas être ignorée par l’interprète - aient cru voir dans cette jurisprudence l’abrogation des textes nationaux régissant les procédures de défense à exécution, alors que, pour la Cour, il s’agissait simplement d’un problème d’inapplication de ces textes internes - qui continuaient à faire toujours partie de l’ordre juridique des Etats Parties - à une exécution forcée engagée.
Dans un arrêt n° 003 du 10 janvier 2002 Siem contre Atou et Bicici, la Cour de justice de l’OHADA a estimé que l’article 106 du Code ivoirien de procédure civile - article que l’on retrouve dans de nombreux codes de procédure civile des Etats membres de l’OHADA - prescrivant la communication de la procédure au Ministère public en matière de recouvrement de créance, ne s’impose pas, car une telle disposition n’est pas prévue par l’Acte uniforme relatif aux voies d’exécution. Cette solution a été reprise par la Cour d’appel d’Abidjan dans son arrêt n° 917 du 19 juillet 2002 Afridimag contre SCI-CCI.
Par un Arrêt n° 04 du 26 décembre 2002 Société Mobil Oil CI contre Soumahoro Mamadou, la même Cour, interprétant l’article 49 de l’Acte uniforme relatif aux voies d’exécution et selon lequel le contentieux de l’exécution forcée relève exclusivement de la compétence du juge de l’urgence dont les décisions sont susceptibles d’appel, a estimé que les dispositions nationales (notamment l’article 221 du Code ivoirien de procédure civile, autorisant le Président de la Cour suprême à suspendre l’exécution d’un titre exécutoire définitif) sont incompatibles avec l’article 49 précité. Cette jurisprudence de la Cour est diversement accueillie par les juridictions nationales.
En dépit de quelques réticences qui disparaissent au fur et à mesure que se généralise la perception de la logique du système OHADA, on note déjà un accueil suffisamment fort de la jurisprudence communautaire par les juridictions nationales. Tout est une question de temps.
L’autorité absolue de l’arrêt de la Cour de justice
Traditionnellement, l’autorité de chose jugée dont l’effet consiste à rendre la décision obligatoire est relative : elle vaut non seulement à l’égard des parties, mais également à l’endroit des juridictions appelées à statuer, du fait de l’exercice des voies de recours internes dans la même affaire.
En droit harmonisé, l’autorité de la chose jugée, attachée à l’arrêt rendu par la Cour, s’applique dans tous les Etats parties sans qu’il soit besoin de recourir à une convention d’entraide judiciaire. On peut dire que les arrêts de la CCJA ont une autorité erga omnés : elles s’imposent sur le territoire de chacun des Etats membres, autrement dit à l’ordre juridique de l’Etat auquel est rattachée la juridiction d’où émane l’arrêt attaqué devant la Cour, ainsi qu’à l’ensemble des ordres juridiques nationaux des Etats membres.
Ce caractère spécifique conféré aux arrêts de la Cour accroît l’influence de sa jurisprudence. Il serait en effet incongru qu’une affaire identique à celle qui a fait l’objet d’un arrêt de la Cour, laquelle ne peut souffrir d’une décision nationale contraire et dont l’exécution peut être poursuivie dans l’ensemble de l’espace OHADA, soit traitée différemment par une juridiction nationale. La cohérence du système commande que, quelque soit le juge saisi, l’interprétation soit la même, de manière que soit exclu le forum shopping permettant à une des parties au litige de choisir un for, non pas en raison des éléments propres à l’administration de la justice, mais en raison de la solution au fond espérée.
Cet écueil étant écarté par le système OHADA, seule une interprétation uniforme est de nature à restaurer la sécurité juridique de l’investissement.
La diffusion de la jurisprudence communautaire :
L’influence de la jurisprudence communautaire implique qu’elle soit connue des praticiens : magistrats, avocats, notaires, etc. - qui, souvent, ignorent comment ont été réglées les difficultés auxquelles ils sont confrontés.
Pour pallier cette situation, la Cour de justice de l’OHADA édite, conformément à l’article 42 de son Règlement de procédure, un recueil de jurisprudences contenant exclusivement ses arrêts, publiés in extenso. La même jurisprudence, ainsi que les décisions rendues par les juridictions nationales en ce qui concerne le droit harmonisé, peuvent être consultées dans le site OHA.com installé sur le réseau Internet. Ce système qui est perfectible rend actuellement de bons services, notamment celui de diffuser l’interprétation retenue par la Cour.
Pour conclure, on souhaiterait que la réception de la jurisprudence communautaire par les juridictions nationales se fasse sans graves difficultés, car elle vise à maximiser la sécurité juridique et judiciaire des opérateurs économiques. L’application uniforme du droit uniformisé ne doit pas se trouver menacée par des règles processuelles nationales susceptibles de compromettre l’effectivité du droit communautaire.
L’intégration peut-elle survivre si les plaideurs, grâce à une bonne intelligence des voies de droit existantes, peuvent obtenir devant les Tribunaux internes des mesures contraires aux objectifs du Traité de l’OHADA, souverainement conçu et ratifié par chacun des Etats parties ? Alors à quoi bon uniformiser si le droit harmonisé est, à plus ou moins brève échéance, désuniformisé ? Surtout que, dans sa démarche, la Cour de justice ne s’enferme pas dans une logique véritablement poussée à son terme, car elle a toujours privilégié la viabilité du système, assurant à chaque partie prenante une sécurité suffisante et, au droit harmonisé, une effectivité raisonnable.
Il est unanimement admis qu’une des meilleures voies susceptibles de permettre à l’Afrique de rejoindre progressivement l’économie mondiale est la régionalisation. Un échec d’une voie d’intégration puissamment soutenue à l’extérieur ne risque-t-il pas de jeter durablement le discrédit sur l’entreprise générale d’intégration ? Nul doute que les interprétations divergentes du droit communautaire sont de nature à mettre en péril la communauté. Le risque des dissidences dans l’interprétation peut amener les opérateurs économiques à en pâtir ou en profiter ; le forum shopping n’est exclu. C’est moins l’origine de chaque norme qui importe que les rapports qui s’établissent entre les normes, dans le respect de la logique du système juridique communautaire.
Un bon accueil de la jurisprudence communautaire implique qu’elle soit le résultat d’une interprétation élaborée à la lumière des dispositions du droit communautaire, de ses finalités et de l’évolution du droit. Le juge doit se garder d’interpréter le Traité à la lumière de son droit autrement que le lire à l’aide de ses lunettes de juge national, selon une expression utilisée à propos de la Convention de Vienne.
Une élaboration d’une jurisprudence de qualité implique également que des liens structurels soient établis entre les différentes juridictions spécialisées dans l’application du droit communautaire, permettant d’explorer et de comparer les solutions retenues à propos de telle ou telle question.
La Cour de justice de l’OHADA, par son Président, s’emploie à tisser des relations de coopération avec plusieurs cours dont celle, ici présente, des Communautés Européennes qui a, en la matière, une très grande expérience.