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Les protections statutaires et matérielles

 

Monsieur Gábor SZEPLAKI-NAGY

Conseiller référendaire à la Cour suprême de Hongrie, directeur de cabinet de la présidence


L’indépendance de la justice
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Monsieur Gábor SZEPLAKI-NAGY

L’existence d’une justice indépendante est fondamentale dans toute société démocratique et constitue un objectif que tout Etat de droit doit aspirer à atteindre. L’indépendance des juges est un des piliers sur lesquels repose l’Etat de droit.

L’importance de cette question est démontrée par le fait que les principes fondamentales relatifs à l’indépendance de la magistrature ont fait l’objet d’une Déclaration adoptée par les Nations Unies en 1985 , et que dans le cadre du Conseil de l’Europe, cette question de l’indépendance judiciaire a elle aussi examinée, entre autres par la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, dont l’article 6 paragraphe 1 dispose ainsi :

„Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi.”

En outre de ces documents, la Charte africaine des Droits de l’Homme et des peuples contienne également une disposition sur l’indépendance judiciaire dans son article 26 :

„Les Etats parties à la présente Charte ont le devoir de garantir l’indépendance des Tribunaux …”

S’agissant de la notion d’indépendance, il faut reconnaitre qu’elle est bien difficile d’approche. Bien sûr, lorsqu’on évoque l’ « indépendance de la justice », on pense, a priori, à ses rapports avec le pouvoir exécutif. Dans les systèmes démocratiques, les systèmes judicaires peuvent présenter des différences assez marquées d’un pays à l’autre.

Mais on peut dire que tout système judiciaire dans un cadre démocratique doit viser à ce que deux objectifs soient satisfaits :
- celui de l’indépendance des juges, condition indispensable de l’indépendance de la justice elle-même ;
- celui de la compétence professionnelle des juges, condition indispensable de l’efficacité, de la qualité de la justice. La nécessaire indépendance de la justice est en relation directe avec sa qualité. Il n’est ni utile ni souhaitable que la justice soit indépendante des autres pouvoirs si elle n’a pas les vertus qui la qualifient pour accomplir sa mission.

On pourrait être tenté de dire que la notion d’indépendance est surtout liée au système institutionnelle de la justice, et que celle de compétence professionnelle est liée à sa mission de service publique, mais la séparation entre ces deux notions n’est en réalité pas si tranchée : deux personnes privées opposées par un litige très ordinaires ont besoin d’être convaincues que le juge qui va les départager, est indépendant.

A coup sûr, la reconnaissance de l’étendue des missions de toute nature qu’ils sont dans le cas d’assumer, implique que soient donnés aux magistrats les moyens de les remplir. On ne peut concevoir une justice indépendante si elle ne dispose pas du personnel et des outils intellectuels, économiques, statistiques et financiers permettant de faire face avec intelligence et à-propos aux problèmes qui lui sont posés.

Pour atteindre l’indépendance des juges, il faut partir du principe de séparation des pouvoir, que nous traitons en premier, car l’indépendance des juges est liée étroitement avec lui.

La notion d’Etat de droit exprime la dominance du droit, dont le centre est l’homme et ses droits, lesquels sont garantis par les juges et les tribunaux. Mais, pour sauvegarder la liberté et la tranquillité du citoyen, il ne suffit pas d’organiser un pouvoir judiciaire indépendant du pouvoir exécutif, ni de prendre des précautions pour que le juge soit effectivement indépendant, impartial, sans préjugés lorsqu’il examine les données d’un conflit. Il faut encore que ce conflit soit effectivement soumis au juge. Afin que le juge puisse assumer cette tâche selon les exigences de l’Etat de droit, il doit être indépendant.

Une précision s’impose immédiatement. Un juge indépendant n’est pas libre de faire qui lui plait, ou même ce qui lui semble utile au bien de l’Etat ou de ses concitoyens. S’il est indépendant, c’est par rapport aux autres pouvoirs. Mais il est lié à la loi. La volonté de l’Etat et ses moyens d’organiser la paix publique s’expriment par des textes généraux abstraits que le juge est chargé d’appliquer aux situations concrètes qui lui sont soumises. Il est chargé de dire le droit, dans le cadre de ce que l’on appelle précisément la juridiction. Il n’a pas à inventer le droit selon ses opinions personnelles ou en faisant prévaloir son point de vue individuelle. Il doit rechercher la volonté du législateur, qu’elle soit clairement exprimée ou qu’elle puisse être déduite d’une interprétation des règles écrites ou non écrites. L’indépendance du juge n’a de valeur que si elle permet au juge d’appliquer la loi de manière égale pour tous, ce qui est une des conditions essentielles de la paix publique dont l’Etat est responsable. L’indépendance prise dans son acception la plus large, elle est perçue comme la liberté dont soit bénéficier tout magistrat vis-à-vis de qui que ce soit lorsqu’il rempli sa mission de dire le droit.

Je me propose donc de traiter les différentes questions qui se rapportent aux garanties institutionnelles, législatives et institutionnelles de l’indépendance de la justice, au travers des réponses au questionnaire qui nous servirons en quelques sortes de guide.

La définition de l’indépendance de la justice (question 5)

Pour suivre la méthode du questionnaire, il faut partir de la question n°5. Tout d’abord nous devrions examiner s’il existe une définition de l’indépendance de la justice dans les textes et/ou dans la jurisprudence.

Dans la plupart des pays c’est la constitution qui contienne la définition de l’indépendance de la justice (Albanie, Belgique, Bénin, Bulgarie, Cambodge, Egypte, Ile Maurice, Madagascar, Maroc, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo).

On trouve des autres pays où il n’existe pas du tout de définition de l’indépendance de la justice (Burkina-Faso, Cameroun, Guinée, Niger, République Tchèque).

En Mauritanie n’existe non plus une définition textuelle de l’indépendance de la justice, mais les juges dans l’exercice de leurs fonctions ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi et le Président de la République, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature est le garant de l’indépendance de la justice.

En Roumanie on trouve les différents textes qui fondent l’indépendance des juges, sans donner une définition concrète sur l’indépendance de la justice.
La réponse de la France à cette question mérite de la citer : « Les garanties d’indépendance du juge, principe non défini, sont en droit français, dominée par le principe d’inamovibilité des juges du siège. En fait, la portée politique de ce principe est indirectement commandée par des règles légales qui en sont le complément indispensable et qui concernent, d’une part l’avancement, et d’autre part la discipline.

Le principe de l’inamovibilité doit être compris en ce sens que le juge ne peut faire l’objet d’une mesure individuelle quelconque prise à son encontre par le Gouvernement (révocation, suspension, déplacement, mise à la retraite prématurée), en dehors des cas et conditions prévus par la loi. Il ne peut être muté géographiquement, même en avancement, sans son consentement ».

Il faut mentionner qu’en France le principe d’inamovibilité est proclamé à deux reprises : une première fois dans la Constitution elle-même, une seconde fois dans une ordonnance de 1958.

Regardons les autres exemples, on trouve que la Constitution d’Haïti emploie le même terme concernant l’indépendance de la justice : l’inamovibilité.

Il y a des pays où d’une certaine manière c’est la jurisprudence qui établie l’indépendance de la justice. En Hongrie et au Liban c’est la jurisprudence de la Cour constitutionnelle d’où découle l’indépendance de la justice. En Suisse un arrêt de 2002 du Tribunal fédéral a définie indépendance de la justice.

En Moldavie ce sont les réglementations et des mécanismes concrets qui assurent l’indépendance de la justice.

En Pologne on fonde l’indépendance de la justice „sur la séparation et équilibre entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire” selon les termes de la Constitution.

Les textes qui fondent l’indépendance de la justice et quelle est leur valeur (question 6)

Comme nous avons vu en examinant la question précédente aussi, on y trouve également que dans la plupart des cas le texte qui fonde l’indépendance de la justice, c’est la Constitution. Des autres textes concernant le pouvoir judiciaire, le statut de la magistrature, l’organisation et le fonctionnement de la justice, ou bien dans beaucoup de pays sont surtout des textes législatifs.
Dans certains pays, comme la France aussi, se trouvent dans une loi organique les règles garantissant l’indépendance de la magistrature.

Nous devons y rendre compte avec les textes internationaux également. Le rapport libanais y mentionne le préambule de la Constitution qui proclame l’adhésion du Liban à l’ONU et son engagement au respect de ses chartes et notamment la Charte universelle des Droits de l’Homme. De même, le Liban a adhéré aux Principes Fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature adoptés en 1985 à Milan.

Nous pouvons faire la conclusion que la valeur des textes qui fondent l’indépendance de la justice est aussi constitutionnelle que législative.

Le deuxième volet de l’indépendance de la justice, outre les garanties statutaires, c’est le rôle spéciale du juge dans une société démocratique, la nature même de sa tâche, font qu’il est différent d’un fonctionnaire public, le transforme en titulaire du pouvoir judiciaire, au même niveau que les deux autres pouvoir, l’exécutif et le législatif.

Ce rôle spécial implique un statut spécial du juge, non pas comme un privilège personnel pour son propre profit, mais comme une garantie pour atteindre les buts de sa fonction.

En suivant le questionnaire nous pouvons recenser les conditions inséparables de l’indépendance judiciaire. Ces conditions lesquelles examineront de plus près sont :
- le recrutement ou la sélection des juges (question 8) ;la formation (question 9) ;
- la rémunération (question 10) ;
- le budget de la justice (question 11) ;
- la nomination du juge (question 20) ;
- la carrière du juge (question 21) ;

La sélection des juges (question 8)

On peut distinguer deux grandes conceptions de la sélection des juges qui se déclinent à travers une grande variété de systèmes.

Suivant une première conception, les juges sont recrutés parmi des personnes qui peuvent faire valoir une expérience professionnelle plus ou moins importante.

Suivant une deuxième conception, les juges sont recrutés parmi de jeunes diplômés issus de l’université, mais dépourvus d’expérience professionnelle proprement dite.

Il est difficile de départager les deux conceptions, qui sont d’ailleurs simultanément mises en œuvre dans certains pays.

Dans d’autres pays on a écarté l’élection pour se tourner vers des systèmes d’appréciation „objectif” des mérites. Il s’agit de recrutement par la voie d’examens professionnel ou de concours. Les candidats sont soumis à certaines épreuves et leurs résultats sont appréciés.

Le recrutement par concours est suivi largement par la majorité des membres de l’AHJUCAF. Comme le rapport français décrit : „Le principe de recrutement par concours favorise le recrutement de magistrat jeunes. L’entrée dans la magistrature est subordonnée, comme dans les cadres de la fonction publique, à la réussite d’un concours national. Celui-ci permet d’assurer d’une part, l’égalité des chances dans l’accès à la profession de magistrat et d’autre part, un bon niveau de base des personnes recrutées. Il faut souligner aussi qu’en France, un magistrat n’est pas en principe recruté à temps, mais à vie. La formation initiale est, en conséquence, un investissement important qui facilitera le déroulement de la carrière du magistrat. Par ailleurs, l’évolution de celle-ci se trouve facilitée par la formation continue, même si elle est conçue comme un droit plus que comme une formation qualifiante.”

En France il y a la possibilité également d’entrer dans le corps de la magistrature sans passer le concours, car il existe l’intégration directe des personnes qui ont déjà une activité professionnelle qui les qualifie particulièrement pour les fonctions judiciaires.

En Bulgarie et en Hongrie les personnes ayant un diplôme de droit, après avoir suivi une formation initiale et après un stage judiciaire, peuvent être nommés juges en première instance.

Certains pays connaissent le recrutement sur titre aussi, comme la France, Burkina-Faso, le Sénégal.

Nous trouvons également certaines spécificités dans le recrutement des juges, comme cela démontre le cas de la Suisse. En raison de la diversité linguistique, religieuse et culturelle de la Suisse, les juges fédéraux sont choisis en fonction de critères relatifs à leur origine cantonale, à leur langue maternelle ainsi qu’à leur appartenance politique afin de refléter les divers courants d’opinion ayant cours au sein de la population.

Permettez-moi de mentionner à ce propos qu’en Hongrie a cause de notre histoire assez récente, c’est la Constitution même qui contienne l’interdiction pour les juges d’appartenance à un partit politique.

Le Canada suit la tradition anglo-saxonne. La Constitution canadienne et les parlements confient aux gouvernements le pouvoir de nommer les juges. La Constitution n’énonce qu’une condition d’admissibilité à un poste de juge : les candidats aux cours supérieures doivent être membres du Barreau de la province pour laquelle ils sont nommés. Dans le cas des juges de nomination fédérale, le législateur a prévu une condition supplémentaire : le candidat doit être membre du Barreau ou être juge depuis au moins dix ans. En ce qui concerne la nomination des juges de la Cour suprême du Canda, a été récemment réformée pour lui conférer un plus haut niveau de transparence.

On se demande si la procédure de sélection doit-elle comporter un test psychologique ? Cette question peut paraître délicate. Pourtant, certains pays mettent en œuvre de tels tests. Aussi voit-on pratiquer des formules d’appréciation du comportement plus superficielles (conversation du candidat avec le jury ou la commission de recrutement), ou bien des formules d’appréciation in concreto, en situation judiciaire réelle, dans le cadre d’une formation de probatoire avec un stage en juridiction.

La formation (question 9)

La majorité des pays connaissent deux types de formation : la formation initiale et la formation continue. En générale la formation initiale des auditeurs de justice est obligatoire, par contre la formation continue est facultative.

En tout état de choses, la formation continue doit accompagner le juge tout au long de sa vie professionnelle, afin de lui permettre d’entretenir ses connaissances, d’en acquérir de nouvelles, surtout lorsqu’il change de fonction, et de continuer à s’informer sur l’évolution économique, sociale et culturelle du monde contemporain. Il serait souhaitable que le droit des juges à la formation continue soit consacré par leur statut.

La durée de la formation initiale se varie selon les pays. En France c’est trente et un mois, réduits à 28 mois pour les auditeurs de justice recrutés sur titre. En Hongrie c’est 3 ans. En générale on peut dire que la formation comporte des périodes de scolarité commune, et des stages pratiques individuels.

Il existe des écoles de formation des juges dans certains Etats, avec de programme d’enseignement théorique et pratique. Chaque école donne un contenu propre au programme établi par son gouvernement ou bien par le Conseil supérieur de la magistrature.

On a évoqué déjà que le Canada suit le système anglo-saxon. Donc selon cette tradition n’existe pas au Canada de formation officielle ou obligatoire des juges avant leur nomination. Une fois en poste, ces derniers ont toutefois l’accès à une gamme de programmes de plus en plus diversifiés portant sur tous les aspects de la fonction de juge, ainsi que sur divers domaines du droit. Après de dix ans de service, les juges de nomination fédérale sont aussi admissibles à un congé sabbatique de six mois.

La rémunération (question 10)

La rémunération des juges doit les mettre à l’abri des pressions et de la corruption. Un juge placé matériellement dans la pauvreté, ou dans la gêne, sera difficilement indépendant.

Permettez-moi de citer à ce propos la Charte européennes sur le statut des juges. Elle prévoit que l’exercice à titre professionnel des fonctions judiciaires donne droit à une rémunération au profit du juge ou de la juge et que le niveau de celle-ci doit être fixé de façon à les mettre à l’abri de pressions visant à influer sur le sens de leurs décisions et plus généralement sur leur comportement juridictionnel en altérant leur indépendance et leur impartialité.

Il a paru préférable d’indiquer que le niveau de la rémunération devait être fixé de façon à mettre le ou la juge à l’abri de pressions plutôt que de prévoir une détermination de ce niveau par référence aux rémunérations versées aux titulaires de hautes fonctions au sein du pouvoir législatif ou du pouvoir exécutif, car les titulaires de ces fonctions sont loin d’être traités de façon comparable d’un système national à un autre.

Le niveau de rémunération d’un juge ou d’une juge comparé à celui d’un autre ou d’une autre juge peut connaître des variations en fonction de l’ancienneté, de la nature des fonctions auxquelles ils ont été affectés ou encore de l’importance de charges qui leur sont imposées, comme les permanences de fin de semaine par exemple. Mais ces charges justifiant une rémunération plus élevée doivent être appréciées de façon transparente afin d’éviter des différences de traitement étrangères à des considérations tenant au travail accompli ou à la disponibilité requise.

Dans certains Etat les magistrats bénéficient un statut particulier, dans les autres Etats ils sont assimilés aux fonctionnaires et la rémunération évolue en fonction du grade du magistrat, par échelon indiciaire à l’ancienneté au sein du même grade, par changement de grade en cas d’avancement au mérite.

La Cour suprême du Canada a reconnu dans plusieurs arrêts la nécessité que les juges jouissent d’une certaine sécurité financière. Ils ont créé des commissions ad hoc d’examen de la rémunération des juges. Le recours à de telles commissions d’examen est aussi rendu nécessaire par l’interdiction des négociations entre le judiciaire, d’une part, et l’exécutif et le législatif, d’autre part. Cette interdiction découle du fait que de telles négociations deviendraient inévitablement politiques, les rémunérations des juges provenant des fonds publics.

Le budget de la justice (question 11)

Le budget de la justice est un facteur déterminant de son indépendance.

Dans certains pays l’autonomie financière de la justice relève du respect de la séparation des pouvoirs. Elle fait donc ressortir le lien direct qui existe entre la position qu’elle occupe dans l’État et l’autonomie financière dont elle bénéficie. Sa qualité de pouvoir, et le principe constitutionnel d’indépendance qui en découle sont, en effet, à l’origine de la détention d’une telle compétence.

Dans la plupart des rapports nous avons des chiffres différents, mais on se plaigne également qu’il est insuffisant, face aux demandes. La part du budget de fonctionnement de la justice dans le budget générale de l’État se varie également.

La nomination du juge (question 20)

La procédure de nomination des juges fait souvent intervenir une instance politique, en général le chef de l’exécutif, parfois le parlement. Si la première nomination ne fait intervenir de telles instances que pour ratifier, authentifier en quelque sorte un processus de recrutement antérieur, une sélection fondée sur l’appréciation la plus objective possible des mérites, il n’y a pas à s’interroger vraiment sur la procédure formelle de nomination. L’acte du chef de l’Etat ou du parlement vient simplement conférer une „légitimité étatique” à la nomination du juge, et signifier qu’il exercera une fonction d’ordre étatique.

En revanche, si dans la procédure de nomination elle-même l’intervention de l’exécutif ou du parlement représente l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire de choisir les juges, cela peut poser des problèmes beaucoup plus délicats du point de vue de l’indépendance des juges et de l’impartialité de leur sélection.

Deux écoles s’affrontent sur ce sujet.

Pour certains, laisser un pouvoir effectif à l’exécutif ou au parlement dans le choix des juges à travers leur nomination peut être une source de dangers. Cela explique que, dans d’assez nombreux pays, la procédure de nomination soit entourée de garanties supplémentaires par l’intervention d’organes indépendants du types Conseil supérieur de la magistrature qui limitent beaucoup le pouvoir de l’autorité de nomination proprement dite.

Pour d’autres, le pouvoir politique élu par le peuple ou responsable devant ses représentants est pleinement légitime à exercer un choix dans le recrutement des juges.

La carrière du juge (question 21)

La notion de carrière, pour les juges, n’existe pas dans tous les pays.

En effet, dans certains d’entre eux, un juge est recruté pour exercer une fonction déterminée dans un lieu déterminé sans perspective de changement de sa situation par la suite. Ni les mutations, ni les promotions ne sont prévues dans tel cas.

Au Canada il y a aussi l’absence d’un véritable plan de carrière dans la magistrature : les juges nommés ont généralement entre 40 et 50 ans et restent dans le tribunal de leur première nomination jusqu’à leur retraite.

En Hongrie on a commencé à élaborer un projet de loi sur le déroulement de la carrière des juges en 2002, en collaboration avec les associations des juges, mais les gouvernements qui suivent depuis ne semblent-ils pas du tout favorable à présenter au parlement le projet de loi.

Mais plus nombreux, semble-t-il, sont les pays ou la personne nommée juge entre dans une carrière qui la verra – au cours d’une période plus ou moins longue, mais qui peut s’étendre sur trente à quarante années – changer plusieurs fois de fonctions, de spécialité, de tribunal. Les notions de mutation, de promotion, apparaissent alors, et posent des problèmes. Comment, en effet, organiser les mutations et les promotions des juges sans ouvrir la porte à des menaces ou à des pressions sur leur indépendance ?

Une première garantie fondamentale existe dans de très nombreux pays. Il s’agit de l’inamovibilité, qui signifie qu’un juge ne peut recevoir une nouvelle affectation même en promotion, même en avancement, sans son consentement.

Dans un système de carrière l’inamovibilité est une garantie minimale. Savoir que l’on ne sera pas autoritairement déplacé ne suffit pas si l’on n’arrive jamais à obtenir la mutation que l’on désire ou l’avancement que l’on mérite.

Dans de très nombreux pays, la mutation revêt techniquement la forme d’une nouvelle nomination. On est donc renvoyé à la question des garanties en matière de nominations. Il est certain que l’intervention d’une instance indépendante telle qu’un Conseil supérieur de la magistrature dans les procédures de nomination peut procurer des garanties importantes, l’autorité politique se bornant alors à ratifier les avis ou les propositions du Conseil supérieur.

Il faut ajouter qu’en France existe une procédure particulière qu’on appelle la „transparence”. Le ministère de la Justice fait périodiquement connaître, par voie de circulaire adressée à tous les magistrats au Conseil supérieur de la magistrature, le nom de la personne dont il souhaite proposer la nomination pour chaque poste vacant, ainsi que les noms de tous les candidats au même poste. Un délai est donné pour permettre aux candidats dont le ministère ne propose pas la nomination d’adresser des réclamations qui sont transmises au Conseil supérieur de la magistrature avant que celui-ci n’émette son avis. Si celui-ci estime qu’une réclamation est justifiée, il émet un avis défavorable sur la proposition du ministère, et celui-ci doit la retirer et en présenter une autre. Cette procédure est considérée comme réduisant beaucoup les risques d’arbitraire dans les mutations.

La question de l’avancement fait partie également de la carrière des juges. Il faut évoquer les garanties de procédure qui sont nécessaires en ce domaine. Une insuffisance de garanties au niveau de l’avancement peut, on l’imagine bien, ménager des possibilités de discrimination entre les juges, de pressions sur ceux-ci, et la question est donc importante.

On peut observer que certains pays mettent en œuvre, pour une partie au moins des avancements, une garantie supplémentaire à travers l’établissement d’un tableau d’avancement.

Mais on peut également observer dans les réponses que le système d’avancement automatique existe aussi dans certains pays.

Pour finir, qu’il me soit permis de conclure mon exposé en soulignant, que bien que beaucoup de pays se soient dotée des instruments nécessaires a la garantie constitutionnelle, législative et institutionnelle de l’indépendance du pouvoir judiciaire, et celle des juges, il y a encore des problèmes à résoudre et il faut continuer à avancer dans l’approfondissement des valeurs et instruments démocratiques, sociaux et politiques. C’est ici que nos cours suprêmes doivent jouer un rôle important, comportant des responsabilités, afin que nos pays puissent faire face aux nouveaux défis.

 
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