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PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.
Chargé de mission à la Cour suprême du Bénin
Dans son introduction générale, Monsieur Arsène Capo-Chichi, chargé de mission à la Cour suprême du Bénin commence par des considérations conceptuelles sur l’environnement fondées sur les définitions du Larousse et du Robert dont il retient comme éléments convergents :
les composantes naturelles du règne animal et végétal ainsi que d’autres éléments naturels tels l’eau, l’air, le sol, les mines ;
les composantes physiques, chimiques et biologiques qui peuvent affecter la santé de l’homme et de son cadre de vie.
Ce cadre de vie a subi, à travers les âges, des dégradations successives et il est l’objet, en raison de l’ampleur des dégâts causés, d’une attention particulièrement vive depuis les trois dernières décennies.
Pour son analyse, M. Capo-Chichi présente en premier lieu les sources de la dégradation de l’environnement qu’il évoque sous deux angles : les facteurs naturels susceptibles d’avoir des conséquences sur l’environnement, comme le réchauffement climatique (sécheresse, réchauffement de la terre, éruptions volcaniques, séismes) ; les nuisances consécutives à certaines activités humaines (production ou approvisionnement énergétique, pollution des eaux, déforestation, désertification, pollution de l’air, aggravation de l’effet de serre).
En 2e lieu, il évoque la sanction judiciaire des atteintes à l’environnement perçue :
premièrement à travers les instruments internationaux comme sources des textes de répression (Cf. différentes conventions internationales) ;
deuxièmement à travers les sources nationales de la législation pénale de l’environnement (codes, normes, etc.) ;
troisièmement à travers la répression des dommages (exercice de l’action publique, sanctions applicables).
Suivant la définition qu’en donne le dictionnaire Larousse, édition de juillet 2007, l’environnement, c’est :
« ce qui entoure ou constitue le voisinage ;
l’ensemble des éléments physiques, chimiques ou biologiques, naturels et artificiels qui entourent un être humain, un animal ou un végétal, ou une espèce ;
l’ensemble des éléments objectifs et subjectifs qui constituent le cadre de vie d’un individu ;
l’œuvre ou l’installation faite d’éléments répartis dans un espace que l’on peut parcourir ».
Pour Le Petit Robert, il s’agit de « l’ensemble des conditions naturelles (physiques, chimiques, biologiques et culturelles (sociologiques) dans lesquelles les organismes vivants (en particulier l’homme) se développent : ambiance, atmosphère, entourage, habitat, milieu ».
Les termes principaux et les idées forces de ces deux définitions ressortent de la plupart des dispositions consacrées à la gestion de l’environnement par les constitutions ou les lois environnementales des Etats de l’espace AHJUCAF. L’accent est en particulier mis sur deux groupes d’éléments caractéristiques de l’environnement.
Le premier groupe d’éléments rassemble les composantes naturelles de l’environnement. Il s’agit notamment des espèces du règne animal et du règne végétal ainsi que toutes autres ressources pouvant être tirées de la nature comme l’eau, l’air, le sol, les mines.
Dans le second groupe, l’environnement est caractérisé par les éléments physiques, chimiques et biologiques dont la présence peut incommoder l’homme, affecter sa santé ou faire perdre aux éléments du premier groupe leurs propriétés particulières.
Ce cadre qui abrite donc tous les êtres qui peuplent la terre connaît parfois des dégradations dont les manifestations, bien que remontant à des temps assurément plus anciens que ceux de l’histoire de l’homme ont pris, au cours des trois dernières décennies, une dimension présentée par les études comme particulièrement préoccupante en raison de l’ampleur des dégâts causés et de la diversité de leur origine.
L’espace de temps dont nous disposons et l’objet même de la présente rencontre n’autorisent pas à s’étendre sur les causes, les modalités et les conséquences de chacun des ces deux types de phénomènes. Toutefois, pour les besoins de clarté de l’exposé, notre propos présentera d’abord succinctement les sources de la dégradation de l’environnement.
Il est classique dans les états organisés de recourir, entre autres, au droit pénal pour limiter sinon éradiquer les excès qui constituent des préoccupations pour l’intérêt général. Aussi allons-nous, dans la seconde partie de notre propos, examiner dans ses grandes lignes l’organisation de la répression contre les auteurs de la délinquance environnementale dans les pays de l’AHJUCAF.
La dégradation de l’environnement est perçue comme une grave atteinte à l’intégrité de tout ou partie des milieux géologiques, pédologiques ou atmosphériques. Elle peut être d’origine naturelle ou procéder de faits humains.
A- Les facteurs naturels
Les facteurs naturels susceptibles d’avoir une influence sur la dégradation des éléments constitutifs de l’environnement concernent surtout certains évènements climatiques, les tremblements de terre, les éruptions volcaniques ou les glissements de terrains.
1- Le réchauffement climatique ou « dérèglement de températures » est un phénomène d’augmentation de la température moyenne des océans et de l’atmosphère sur plusieurs années. Les dérèglements de températures sont en général à l’origine :
de sécheresse. C’est un phénomène naturel qui se produit lorsque les précipitations sont inférieures aux niveaux normalement enregistrés dans une année donnée. Il peut, d’après les chercheurs, créer des conditions favorables au développement des incendies ou empêcher la végétation de se développer ;
du réchauffement de la terre qui, selon les scientifiques, peut provoquer :
la montée du niveau des mers du double fait de la dilatation des eaux et de la fonte des calottes glacières, avec pour effets néfastes d’engendrer des inondations sur les terres basses côtières ;
la désertification définie par la Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification (UNCCD) comme la « dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et sub-humides sèches par suite de divers facteurs, parmi lesquels les variations climatiques et les activités humaines ».
Au nombre des multiples conséquences de la désertification établies par les spécialistes, on peut signaler le dépérissement de la végétation, la salinisation des sols, la détérioration de la qualité de l’eau et l’envasement des cours d’eau.
la migration des espèces dont la répartition géographique est contrôlée par la température. Ainsi on pourrait assister à la migration saisonnière d’insectes nuisibles aux cultures ou aux humains vers d’autres zones qu’ils infectent. C’est le cas de l’insecte vecteur de la malaria qui ne peut par exemple supporter les hivers froids des zones où ils vivent habituellement.
2- Les éruptions volcaniques sont des émissions de lave et de gaz, avec parfois des projections de divers matériaux d’importances variées, constitués de cendre ardente et de matières minérales granitiques ou en fusion.
3- Les séismes ou tremblements de terre sont décrits par les scientifiques comme des manifestations brutales de l’activité du globe caractérisées par la brusque rupture de roches entraînant des créations de failles et affectant la surface de la terre par des destructions plus ou moins massives des paysages et des pertes en vies.
Nous voudrions ici signaler que lorsqu’un tremblement de terre ou qu’une éruption volcanique survient sous la mer, d’énormes vagues appelées tsunami sont soulevées. Au milieu de l’océan, la tsunami ne dépasse pas un mètre de hauteur mais, elle peut s’élever à plus de 60m lorsqu’elle s’approche de la terre.
Les tsunamis traversent l’océan jusqu’à la côte à des vitesses qui peuvent atteindre 750 km/h.
De telles masses d’eau déferlant à une telle vitesse sur les côtes ont sur les habitations, le couvert végétal et les espèces humaines et animales des effets dévastateurs massifs et irrésistiblement affreux en raison des risques d’épidémies qu’elles peuvent entraîner.
En dépit des terribles nuisances que causent parfois envers l’environnement les catastrophes naturelles, celles-ci ne peuvent faire l’objet de sanctions. La responsabilité des auteurs des dégâts perpétrés contre l’environnement par les activités humaines peut, quant à elle par contre, être mise en cause avec les conséquences de droit.
Des travaux d’experts établissent d’ailleurs que ces préjudices sont, en ampleur et diverses autres conséquences, encore plus élevés que ceux occasionnés par les catastrophes naturelles. Ils seront donc présentés à grands traits, avec quelques uns de leurs principaux effets sur l’environnement.
B- Les nuisances de certaines activités humaines pour l’environnement
Dès son apparition sur la terre, l’homme a eu besoin, pour faire face aux divers défis relatifs à sa survie et à sa sécurité, de s’investir dans des activités socio-économiques en général liées au sol, à l’eau ou à l’air. Ces activités produisent parfois de terribles dégradations et nuisances au préjudice de ces milieux et aux êtres qu’ils abritent.
Les dommages que causent à l’environnement naturel, à la vie et à la santé humaines certains types d’activités sont parfois d’un niveau de gravité tel que leur survenance est largement rapportée et mise en relief par la presse. Ces battages médiatiques contribuent assurément à attirer l’attention universelle sur l’ampleur des dégâts que l’environnement peut subir du fait de l’homme. Mais il est certain qu’ils participent aussi à un éveil des consciences en vue de solutions idoines.
1- Les dégâts en question procédant pour une bonne part :
de la production ou de l’approvisionnement énergétique. Ils se réalisent plus fréquemment surtout dans les zones de grandes concentrations industrielles, et leur ampleur est démontrée dans des cas comme les explosions et incendies de plates-formes d’exploitation pétrolière, de sites de stockage ou de raffinage, de réseaux de transport d’hydrocarbures ;
des marées noires créées par les naufrages de pétroliers ;
des explosions, effondrements ou glissements de terrains dans les mines de charbon ou des ruptures de barrages hydroélectriques.
Quelques cas d’accidents ayant entraîné de gigantesques marées méritent d’être brièvement rappelés.
Le 16 mars 1978, l’Amoco Cadiz qui faisait route entre l’Iran et un port anglais, avec à son bord plus de 220 000 tonnes de pétrole brut, connut un incident technique qui entraîna le blocage de sa barre. Il dériva vers les côtes bretonnes où il s’éventrera, déversant dans une zone de pêche le pétrole avec 185 000 tonnes de déchets mazoutés sur les plages.
Une dizaine d’années plus tard, le 12 décembre 1989, le pétrolier Erika, battant pavillon maltais, coulait avec dans ses cales 31.000 tonnes de fuel lourd, un résidu de raffinage dangereux qui, selon une étude scientifique de l’Agro Toulouse, présente des risques cancérigènes pour l’homme. Après le naufrage, 20.000 tonnes de ce produit tapisseront 400 kilomètres de côtes françaises du Finistère et de la Charente-Maritime. Cette catastrophe a, suivant le jugement rendu le 16 janvier 2008 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, « handicapé pour des mois tous ceux qui y travaillaient et tué 150.000 oiseaux ».
Les préjudices causés à l’environnement par l’homme résultent aussi de :
2- La pollution des eaux par :
les centrales électriques et les raffineries qui produisent des effluents qui peuvent contaminer les eaux de rivière ;
le refroidissement des centrales électriques génère une pollution thermique qui peut détruire la vie aquatique ;
les pétroliers qui, sans compter les accidents, déchargent d’importantes quantités de résidus de pétrole chaque année dans les mers et les océans.
3- La déforestation et la désertification
La déforestation est un problème particulièrement grave car le bois reste encore la principale source d’énergie domestique, en ce qui concerne l’éclairage et la cuisson, pour un grand nombre de populations dans de nombreuses régions, notamment en voie de développement où la ressource naturelle n’est pas renouvelée. La déforestation est, dans de nombreux cas, accompagnée de la destruction des sols ou de la désertification.
Les activités humaines qui entraînent la désertification sont principalement liées à l’agriculture. En effet selon les spécialistes de la question :
le surpâturage détruit le couvert végétal qui protège les sols contre l’érosion ;
la surexploitation épuise les sols ;
le déboisement détruit les arbres qui maintiennent la terre sur le sol.
4- La pollution de l’air
La qualité de l’air est détériorée par deux catégories de polluants issus de la combustion industrielle ou domestique des combustibles fossiles ou de la consommation des produits pétroliers comme les carburants :
ceux émis directement comme les oxydes de soufre, les oxydes d’azote, les poussières, l’acide chlorhydrique, les composés organiques volatiles et l’oxyde de carbone... ;
ceux qui se forment dans l’atmosphère par réaction photochimique, aboutissant à la formation d’ozone en particulier.
Les polluants de l’atmosphère agissent sur la santé soit directement lors de la respiration, soit indirectement par la modification de l’environnement (retombées acides, déplétion de la couche d’ozone, effet de serre).
Ils agissent en outre sur la santé à court ou à long terme, soit en provoquant de l’inconfort (irritation des yeux et de la gorge, maux de tête, toux, nausée), soit en amenant des troubles graves pouvant conduire à la mort pour les personnes les plus fragiles (personnes âgées, enfants en bas age, personnes atteintes de troubles respiratoires...).
Dans la nuit du 19 au 20 août 2006, plusieurs centaines de tonnes de déchets toxiques issus du cargo Probo Koala ont été déversées à l’air libre dans une quinzaine de décharges ou terrains vagues de la capitale économique de Côte d’Ivoire.
Cet acte a, selon les autorités locales, provoqué la mort d`au moins quinze personnes et l`intoxication de dizaines de milliers d’autres. Les traitements administrés à ces derniers étaient destinés à lutter contre les saignements du nez, le vomissement, les diarrhées, les céphalées, la toux suspectés d’être les effets de l’inhalation par les riverains des gaz dégagés par les décharges ayant reçues les produits déversés.
5- L’aggravation de l’effet de serre
L’accumulation dans l’atmosphère des "gaz à effet de serre" risque, d’entraîner des changements de climat, à l’horizon de quelques décennies. Les émissions dues aux activités humaines font croître de façon notable la concentration, voire la durée de vie, dans l’atmosphère des gaz à effet de serre. Il s’agit de six gaz retenus par le Protocole de Kyoto qui ont le pouvoir d’absorber les rayonnements infrarouges émis par la terre et donc de réchauffer l’atmosphère.
Les risques de changements climatiques liés aux émissions de gaz à effet de serre ont été jugés suffisamment inquiétants pour que la communauté internationale se mobilise pour les réduire. A la suite du " Sommet de la Terre " en 1992 à Rio de Janeiro, une convention cadre des Nations Unies sur le changement de climat complétée en 1997 par le protocole de Kyoto engage les pays signataires (essentiellement les pays industrialisés) à avoir réduit, en 2010, le niveau de leurs émissions de gaz à effet de serre de 5,2% par rapport à celui de l’année 1990.
En raison de l’ampleur et de la diversité de leur origine, les atteintes délibérées ou accidentelles à l’environnement, du fait de l’homme, ont suscité de vives préoccupations à la suite desquelles de nombreuses initiatives ont été prises pour y faire obstacle.
Pour donc prévenir l’environnement contre les méfaits résultant des activités humaines, ou les sanctionner le cas échéant, des mesures applicables par voie administrative ou par voie judiciaire ont été mises en place. En ce qui concerne spécialement la voie judiciaire, les actions pénales tendent de plus en plus à être privilégiées.
A propos de la répression des infractions perpétrées contre l’environnement, Mireille Delmas-Marty explique, dans sa préface de l’ouvrage « Droit Pénal de l’Environnement » de Robert et Gouilloud, édition Masson, octobre 1983, que : « l’existence de sanctions pénales destinées à assurer la protection de l’environnement n’est pas nouvelle. Au contraire, profondément enracinés dans l’histoire, un certain nombre d’interdits que nous nommerions aujourd’hui ″interdits écolo¬giques″ ont été, dès le Moyen Age, assortis de peines d’amende. Mais il s’agissait alors de dispositions à faible coloration pénale, et nul ne songeait à considérer les atteintes à l’environnement comme une véritable délinquance ».
Elle relève par la suite que « le Conseil Européen du Droit de l’Environnement (CEDE) a marqué un véritable changement, une réelle volonté de considérer certaines atteintes à l’environnement comme délinquance véritable, au même titre que d’autres infractions plus traditionnelles ».
Elle précise par ailleurs que dans le préambule de la résolution « Droit pénal et protection de l’environnement » adoptée en 1977, « le CEDE estime qu’en tant que Valeur fondamentale comme la vie ou la propriété privée et publique, l’environnement doit être protégé au même titre par le droit pénal et, à côté du meurtre ou du vol, chaque code pénal doit comprendre une ou plusieurs incriminations de pollution, de nuisance, de destruction, de dégradation ou autres atteintes à la nature ».
Cette résolution s’inscrit parmi les initiatives les plus déterminantes en faveur de l’attention spéciale accordée au droit pénal de l’environnement tant dans les conventions internationales intégrées dans l’ordonnancement juridique des Etats que dans les législations d’inspiration nationale.
A- Les instruments internationaux en tant que source des textes de répression des infractions au droit de l’environnement
L’intérêt des années quatre vingts pour la protection de la nature et de ses ressources n’a pas manqué de gagner les sphères des relations internationales.
Au cours de ces années en effet, il « a été produit plus de 300 conventions multilatérales consacrées entièrement ou partiellement à la protection de l’environnement et environ 900 traités bilatéraux ayant un objet similaire et de nombreux textes de caractère déclaratoire ou programmatoire », a affirmé A. MAIDOKA lors de son intervention à l’ERSUMA en décembre 2006 sur le droit de l’environnement dans l’espace AA-HJF.
Parmi les instruments dont il s’agit, ceux généralement cités comme ayant inspiré des incriminations pénales sont notamment :
la Convention internationale de Londres du 02 novembre 1973 sur la prévention de la pollution par les navires, modifiée par le Protocole du 17 février 1978 en ses règles 9 et 11 de l’annexe 1 concernant la prévention de la pollution par les hydrocarbures (Convention MARPOL 73/78) ;
la Convention sur le commerce international des espèces de faune et flore sauvages menacées d’extinction (International Trade in Endangered Speces of Wild Fauna and Flora : Convention CITES), signée le 3 mars 1973 à Washington ;
la Convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination ;
la Convention de Bamako sur l’interdiction d’importer des déchets dangereux et le contrôle de leurs mouvements transfrontières en Afrique ;
la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (P-O.P.), adoptée le 21 mai 2001 ;
Les instruments supranationaux en question n’ont ni édicté des normes ni mis en place des juridictions susceptibles d’assurer la répression des manquements au droit de l’environnement. Ils ont suggéré aux Etats Parties ce qui devait être fait à cet égard. En vue de l’effectivité de ces prescriptions, il ne restait plus à ceux-ci qu’à se mettre en conformité avec la réglementation internationale, régionale ou interétatique par la prise de textes d’application appropriés.
Ainsi par exemple, pour atteindre son objectif visant à garantir que le commerce international des espèces concernées ne nuit pas à la conservation de la biodiversité et repose sur une utilisation durable des espèces sauvages, la CITES a fixé un cadre juridique et édicté une série de procédures afin que les espèces sauvages faisant l’objet d’un commerce international ne soient pas surexploitées. Ainsi, la Convention dispose-t-elle en son article VIII que :
« Les Parties prennent les mesures appropriées en vue de la mise en application des dispositions de la présente Convention ainsi que pour interdire le commerce de spécimens en violation de ses dispositions.
Ces mesures comprennent :
a) des sanctions pénales frappant soit le commerce, soit la détention de tels spécimens, ou les deux ;
b) la confiscation ou le renvoi à l’Etat d’exportation de tels spécimens ».
De même, la Convention internationale sur la prévention de la pollution par les navires prescrit aux états Parties des mesures qui, pour la plupart, appellent l’édiction de législations nationales à orientation pénale.
« Article 4 : Conformément aux dispositions de la présente convention, chaque partie contractante interdira l’immersion de tous déchets ou autres matières sous quelque forme ou quelconque conditions que ce soit…..
Article 5 : 1. Les dispositions de l’article 4 ne s’appliquent pas lorsqu’il est nécessaire d’assurer la sauvegarde de la vie humaine ou la sécurité de navires…..
2. Chaque partie prend sur son territoire les mesures appropriées pour prévenir et réprimer les actes contraires aux dispositions de la présente convention…….
Article 10 : En accord avec les principes du droit international relatifs à la responsabilité des Etats en matière de dommages causés à l’environnement d’autres Etats ou à tout autre secteur de l’environnement par l’immersion de déchets ou autres matières de toute sorte, les parties contractantes entreprendront l’élaboration de procédures pour la détermination des responsabilités et pour le règlement des différends en ce qui concerne l’immersion ».
Au point 5 de l’article 9 de la convention de Bâle sur les mouvements des déchets dangereux il est prescrit que « chaque Partie adopte les lois voulues pour interdire et réprimer sévèrement le trafic illicite.. ».
Cette inclination des organisations internationales ou communautaires à promouvoir dans les Etats Parties la répression pénale dans certains domaines considérés comme sensibles vient d’être confirmée par le Parlement de l’Union Européenne.
En effet, l’institution communautaire a voté, le 21 mai 2008, une directive selon laquelle les atteintes sérieuses aux directives européennes de protection de l’environnement devront désormais être considérées comme des infractions pénales, passibles par exemple de prison. A ce propos, le commissaire à la Justice Jacques Barrot a, lors de l’examen du texte en plénière, soutenu que « seule l’épée tranchante du droit pénal peut avoir un véritable effet dissuasif ».
Il a énuméré une série de délits pour lesquels les gouvernements devront appliquer des sanctions pénales « effectives, proportionnées et dissuasive, et adapter leur droit si ces délits n’étaient jusqu’ici passibles que de simples sanctions civiles ».
Parmi ces délits, figurent les actes de pollution, l’élimination des déchets pouvant nuire à l’environnement, ainsi que la production, le stockage et le transport de matières nucléaires, même simplement « susceptibles de causer la mort ou des blessures sérieuses à des personnes ou de causer des atteintes à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau ».
La production, l’importation ou la vente de produits nocifs à la couche d’ozone, ainsi que le commerce ou la destruction d’espèces protégées seront aussi susceptibles de répressions pénales.
Certains députés auraient souhaité aller plus loin en harmonisant également les types et les niveaux des sanctions, mais le Parlement leur a rappelé que cela restait du ressort des Etats membres, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne de justice de Luxembourg.
Le choix du type et de la durée des sanctions pénales reste donc de la compétence des Etats parties, « la loi n’harmonise pas les sanctions » aurait précisé le député rapporteur du texte.
Nous examinerons donc à présent les modalités du droit pénal de l’environnement dans les Etats de l’espace AHJUCAF.
B- Les sources nationales de la législation pénale de l’environnement
Dans presque tous les états de l’espace AHJUCAF, les règles applicables aux atteintes à l’environnement sont portées par :
1. des textes généraux des codes relatifs à la matière pénale (code pénal et code de procédure pénale). Il advient ainsi que, sans être spécifique au droit de l’environnement, certaines infractions prévues au code pénal servent de fondement à des poursuites pour atteinte à l’environnement ;
des normes générales relatives à l’environnement aménagées dans des législations comme le code de l’environnement, la loi cadre de l’environnement ou la charte de l’environnement ;
3. des énonciations organisant, dans des textes spécifiques, la répression de certaines infractions concernant des aspects particuliers de l’environnement.
C- La répression des dommages à l’environnement
Lorsqu’on s’intéresse au droit pénal de l’environnement, on se rend très rapidement compte que les règles qui encadrent ce domaine sont nombreuses et que bon nombre d’entre elles sont spécifiques tant pour la procédure de poursuite que pour les sanctions applicables.
1- L’exercice de l’action publique
En droit pénal de l’environnement, les normes relatives aux autorités en charge de la poursuite figurent parmi celles qui marquent quelques particularités par rapport à celles prescrites par les textes de procédure pénale applicables généralement en d’autres matières dans les pays de l’espace AHJUCAF.
La recherche est en principe mise en œuvre par les officiers et agents de police judiciaire. Mais elle est aussi exercée par des personnes disposant d’une certaine maîtrise ou d’informations jugées appropriées et suffisantes de la chose environnementale. Des textes spéciaux confèrent aux intéressés des pouvoirs de police judiciaire pour constater les infractions et établir les procès verbaux qui, dans bien des cas, font foi « jusqu’à inscription en faux » ou « jusqu’à preuve du contraire ».
Les magistrats des Parquets près les tribunaux d’instance n’ont pas toujours, eux aussi le monopole de la mise en mouvement de l’action publique dans les procédures répressives en rapport avec des préjudices environnementaux. Ces prérogatives sont en général exercées concurremment avec d’autres personnes habilitées par des lois sectorielles spécifiques. Ces personnes étrangères à la magistrature ont même parfois pouvoir de siéger à la suite des représentants du Parquet.
2- Les sanctions applicables
Les infractions à l’environnement sont passibles de sanctions administratives et de sanctions pénales ; les deux ordres de sanctions peuvent être cumulées ou disjoints.
En ce qui concerne plus spécifiquement les sanctions pénales, la plupart des textes sectoriels définissent des incriminations auxquelles sont associées les sanctions pénales applicables. Les incriminations des atteintes au droit de l’environnement sont contraventionnelles, délictuelles ou criminelles. Certaines de ces trois catégories (notamment les incriminations pouvant donner lieu à des condamnations pour crime contre l’environnement) ne sont pas retenues dans la législation de quelques uns des pays de l’espace AHJUCAF. En outre, les tranches de peines privatives de liberté de la classification tripartite des incriminations ne correspond pas toujours, surtout en matière correctionnelle, à celle habituellement retenue dans le code pénal.
Les infractions en matière d’environnement font en général l’objet de transactions, avant ou pendant jugement.
Pour ce qui est des peines encourues par les délinquants environnementaux :
1- La peine à appliquer pour réprimer une infraction spécifique est parfois référée, entre autres, aux dispositions du code pénal ou à celles de la loi- cadre sur l’environnement, ainsi qu’il a déjà été signalé plus haut.
2- De nombreuses législations de l’espace AHJUCAF font obstacle à l’application des circonstances atténuantes et du sursis dans le traitement répressif de certaines infractions au droit de l’environnement.
3- Outre les peines de privation de liberté et les amendes organisées pour réprimer les comportements déviants à l’égard de l’environnement, dans leur quasi unanimité les législations des pays de l’AHJUCAF prévoient des peines accessoires (ou complémentaires).Ces sanctions, qui peuvent s’imposer dans une perspective entre autres pédagogique, couvrent un large éventail de mesures portant sur des interdictions, des confiscations, des déchéances ou des fermetures d’établissements.
Ce bref rappel de nos acquis sur les traits essentiels du droit pénal de l’environnement a essayé de mettre en relief ses particularités en ce qui concerne l’appréhension des infractions punissables en la matière et les procédures qui s’observent en général en vue de l’application des peines pour réprimer les atteintes perpétrées, du fait de l’homme, contre la nature et ses éléments.
En raison de ses particularités qui ne font pas encore l’objet d’un enseignement très largement diffusé, ce droit qui a commencé à véritablement se former il y a à peine trois décennies n’est pas encore très pratiqué devant nos tribunaux. Les procédures administratives de règlement des litiges qui s’y rapportent et les transactions ont, en général, pris le pas sur leur dénouement par les tribunaux.
Sur ce point, on remarquera que les juridictions africaines sont moins performantes que leurs semblables européennes de l’AHJUCAF, les juridictions françaises notamment, qui sont plus fréquemment saisies. Ces dernières forgent déjà en effet des jurisprudences hardies par exemple sur le préjudice moral, le préjudice collectif ou sur la reconnaissance l’action des associations de défense de l’environnement.
A ce propos et du point de vue de la coopération entre les hautes juridictions de l’espace francophone, l’initiative de la mise en place du comité de l’environnement ne peut donc qu’être saluée avec l’espoir que sa mission se réalisera dans des délais qui ne fassent pas perdre au projet son intérêt.