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Docteur en Droit
Conseiller à la Cour de cassation française
Le terme “exécution” vient du latin “exsecutio” qui est le substantif du verbe “exsequi” lequel signifie “suivre jusqu’au bout”. Et de fait, le seul prononcé d’un jugement ne suffit pas à remplir son bénéficiaire de ses droits car, sauf exécution volontaire et spontanée, le jugement doit être suivi d’actes de contrainte afin que le droit consacré par le jugement trouve son accomplissement, son effectivité. A quoi serviraient, en effet, les droits subjectifs reconnus par un système juridique si les titulaires de ces droits ne devaient pas pouvoir en obtenir le respect par des voies, le cas échéant, coercitives ? Sous cet angle, il a toujours été affirmé un devoir d’exécuter à la charge du débiteur mais l’accent n’était pas mis sur le droit du créancier à l’exécution qui est pourtant un droit préexistant et prééminent. Cette prééminence a été consacrée par la Cour européenne des droits de l’homme dans son célèbre arrêt Hornsby contre Grèce du 19 mars 1997 qui a érigé le droit à l’exécution en un droit de l’homme au sens de l’article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en en faisant une partie intégrante de l’exigence d’un procès équitable, au même titre que le droit à un tribunal et à un procès équitable. On ne comprendrait pas, dit la Cour européenne dans cet arrêt, que l’article 6 par. 1 (art. 6 1) décrive en détail les garanties de procédure équité, publicité et célérité accordées aux parties et qu’il ne protège pas la mise en oeuvre des décisions judiciaires. Si cet article (art. 6 1) devait passer pour concerner exclusivement l’accès au juge et le déroulement de l’instance, cela risquerait de créer des situations incompatibles avec le principe de la préeminence du droit. L’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit donc être considérée comme faisant partie intégrante du "procès" au sens de l’article 6.
Dans des arrêts postérieurs, la Cour européenne a décidé, d’une part, que le délai mis pour obtenir l’exécution d’un jugement devait être pris en compte pour l’appréciation du délai raisonnable prévu à l’article 6 de la Convention, d’autre part, que le droit à l’exécution s’étendait aux actes notariés exécutoires, ce qui détachait le droit à l’exécution du droit au procès équitable pour en faire un droit fondamental autonome. Cependant, pour pouvoir invoquer devant la Cour européenne la méconnaissance du droit à l’exécution d’une décision de justice, il faut qu’il s’agisse d’une décision définitive, en ce sens qu’elle n’est pas ou n’est plus susceptible de recours ordinaires.
Mais ce droit, fondamental, à l’exécution, quelles qu’en soient la force et la légitimité, doit lui-même s’exercer dans le strict respect des droits fondamentaux du débiteur. Un équilibre doit donc être instauré afin que la loi du plus fort ne triomphe pas. Les législations modernes, dans les Etats de droit, veillent à établir cet équilibre en instituant des règles dont l’ensemble compose le droit de l’exécution. Pour exposer l’essence de ce droit sans rester dans la théorie, j’ai choisi l’exemple du droit français car il a fait l’objet de réformes récentes (1991 et 2006), qui satisfont aux standards européens en la matière et qui ont inspiré, notamment, l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, adopté le 10 avril 1998 par l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, (OHADA).
Avant de passer en revue les grandes lignes de ce droit français de l’exécution, quatre observations doivent être faites :
C’est un droit où les procédures civiles sont en principe déjudiciarisées, en ce sens que, sauf en matière de saisie immobilière, de saisie des rémunérations du travail et de saisie des aéronefs et navires, qui comportent une phase judiciaire, les procédures peuvent être engagées et menées jusqu’à leur terme sans l’intervention d’un juge. Certes, un juge existe au sein de chaque tribunal de grande instance : c’est le juge de l’exécution, juge unique, spécialisé, ayant de très larges pouvoirs et une compétence exclusive, renforcée. Mais il n’intervient , en règle générale, que pour trancher les contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée ou pour autoriser, en cas de besoin, les mesures conservatoires et régler les contestations nées de la mise en oeuvre de ces mesures. Afin de trancher les difficultés dont il est saisi, il peut examiner le fond du droit, à condition de ne pas remettre en cause l’autorité de la chose jugée.
L’exécution forcée et les saisies conservatoires relèvent du monopole de l’huissier de justice, qui est un officier public et ministériel, dépositaire pour l’exercice de ce monopole d’une parcelle de la puissance publique. Il ne peut intervenir qu’ à la demande du créancier mais il a, seul, la responsabilité de la conduite des opérations d’exécution.
Le jugement n’est pas le seul titre exécutoire. D’autres titres exécutoires sont reconnus par la loi française, notamment les actes notariés revêtus de la formule exécutoire et les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.
Les obligations que le débiteur est tenu d’exécuter peuvent être des obligations de faire, des obligations de ne pas faire ou des obligations de payer. Faute de temps, seules les règles relatives à ces dernières seront principalement concernées par mon exposé.
Ces observations étant faites, les procédures civiles d’exécution en droit français apparaissent comme un garant de l’équilibre entre les droits des parties à l’exécution (I). Cependant, le droit français laisse place à de nombreux facteurs déséquilibrants (II).
Le créancier doit pouvoir obtenir l’exécution effective de ses droits (A) mais le débiteur doit pouvoir défendre ses intérêts légitimes (B). Ce sont les deux objectifs que doivent permettre d’atteindre les procédures civiles d’exécution.
A - L’effectivité du droit du créancier à l’exécution
La loi française du 9 juillet 1991 qui a réformé les procédures civiles d’exécution a consacré la prééminence du droit du créancier à l’exécution, en énonçant dès son article 1er que “tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard”. Ce pouvoir de contrainte trouve sa traduction dans les différentes dispositions dont la loi fait bénéficier le créancier et dont je vais exposer rapidement les plus importantes.
1- Le créancier peut prendre des mesures conservatoires .
Le pouvoir de contrainte du créancier s’exerce pleinement lorsqu’il a un titre exécutoire. Mais s’il n’a pas un tel titre et dans l’attente de l’obtenir, il est en droit de prendre des mesures conservatoires à l’encontre de son débiteur, le même article 1er disposant en effet que “tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits”. Ces mesures conservatoires sont, d’une part, les saisies conservatoires qui peuvent porter sur les biens meubles corporels, sur les créances de sommes d’argent et sur les droits d’associé et les valeurs mobilières, d’autre part, les sûretés judiciaires qui peuvent être prises par l’inscription provisoire d’hypothèque sur les immeubles et l’inscription provisoire de nantissement sur un fonds de commerce, sur des parts sociales ou sur des valeurs mobilières, étant rappelé que les saisies conservatoires rendent les biens saisis indisponibles alors que les biens grevés d’une sûreté judiciaire demeurent aliénables mais que le créancier bénéficie d’un droit de suite à l’encontre des tiers détenteurs et d’un droit de paiement par préférence.
Ces mesures conservatoires doivent cependant être autorisées par le juge qui est saisi par voie de simple requête, sans représentation obligatoire et qui statue selon une procédure non contradictoire. Le créancier doit justifier seulement de la réunion de deux conditions : une créance paraissant fondée en son principe et des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de cette créance. L’autorisation préalable du juge n’est même pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire, d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire, du défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles.
Il existe naturellement des délais, prévus à peine de caducité, pour informer le débiteur de la mesure conservatoire prise et de l’autorisation éventuelle du juge et pour introduire une procédure ou accomplir les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.
2 - Le créancier a un droit de gage général sur tous les biens de son débiteur.
Le code civil (art. 2284) dispose que quiconque s’est obligé personnellement est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir. Ce principe trouve naturellement sa meilleure illustration dans le droit de l’exécution qui prévoit que, à l’exception des biens déclarés insaisissables par la loi, les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur alors même qu’ils seraient détenus par des tiers et qu’elles peuvent porter également sur les créances conditionnelles, à terme ou à exécution successive. Et la Cour de cassation a jugé qu’une saisie pratiquée au siège social situé en France d’une banque produisait ses effets sur le compte ouvert par le débiteur auprès d’une succursale située à l’étranger de cette banque lorsque cette succursale n’a pas la personnalité morale .
3 - Le créancier dispose de mesures adaptées à la nature des biens de son débiteur.
L’effectivité du droit à l’exécution du créancier suppose que la loi mette à sa disposition des mesures adaptées aux divers éléments du patrimoine disponible et saisissable de son débiteur. Aussi, la loi française, amplifiée par la jurisprudence, organise-t-elle, outre les mesures conservatoires déjà évoquées et pour le cas où le créancier dispose d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, une saisie immobilière, une saisie des rémunérations du travail, une saisie-attribution qui produit un effet attributif immédiate et qui porte sur des créances de sommes d’argent autres que les rémunérations du travail, avec des règles particulières pour la saisie des comptes bancaires, une procédure de paiement direct pour le recouvrement des dettes d’aliments, une saisie-vente des biens meubles corporels, une saisie des biens placés dans un coffre-fort, des mesures d’exécution sur les véhicules terrestres à moteur, incluant le droit de les immobiliser sur la voie publique et de procéder à leur enlèvement, une saisie des récoltes sur pied, une saisie des navires, bateaux et aéronefs, une saisie des droits d’associé et des valeurs mobilières, une saisie des autres biens incorporels (licence de taxi, licence d’exploitation d’un débit de boissons, brevets, marques, dessins et modèles, droits d’auteur). Par ailleurs, pour obtenir, non pas le recouvrement d’une créance de somme d’argent, mais la restitution ou la délivrance d’un bien meuble corporel, le créancier dispose d’une saisie-revendication, de nature conservatoire, et d’une saisie-appréhension, qui est une mesure d’exécution forcée. Enfin, le bénéficiaire d’un jugement ordonnant une expulsion dispose d’une procédure propre à la réalisation de cette mesure.
4 - Le créancier a la liberté de choix des mesures.
A condition de ne pas recourir à une mesure inutile, abusive ou disproportionnée et sous réserve de quelques cas de subsidiarité, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance. Il n’est donc pas tenu de porter son choix sur la mesure qui serait la moins gênante pour le débiteur.
5 - Le créancier doit pouvoir compter sur l’huissier de justice.
Le créancier ne peut procéder lui-même à aucune mesure d’exécution forcée ni à aucune saisie conservatoire à l’encontre de son débiteur, car cela relève du monopole de l’huissier de justice. Par contre, ce monopole impose à l’huissier de justice, dans les limites de sa compétence territoriale, d’accepter le mandat que lui confie le créancier pour l’exécution de son titre. Il n’en est ainsi, et sous réserve d’en référer au juge de l’exécution si nécessaire, que lorsque la mesure requise lui paraît revêtir un caractère illicite ou si le montant des frais d’exécution paraît manifestement susceptible de dépasser le montant de la créance réclamée, à l’exception des condamnations symboliques que le débiteur refuserait d’exécuter. D’ailleurs, le procureur de la République peut enjoindre à tous les huissiers de justice de son ressort de prêter leur ministère.
6 - L’huissier de justice mandaté par le créancier est en droit d’avoir accès aux informations nécessaires à l’exécution.
La loi prévoit que les administrations de l’Etat, des régions, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l’Etat, les régions, les départements et les communes, les établissements publics ou organismes contrôlés par l’autorité administrative doivent communiquer à l’huissier de justice chargé de l’exécution, porteur d’un titre exécutoire, les renseignements qu’ils détiennent permettant de déterminer l’adresse du débiteur, l’identité et l’adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles et la composition de son patrimoine immobilier, à l’exclusion de tout autre renseignement, sans pouvoir opposer le secret professionnel.
De même, les établissements habilités par la loi à tenir des comptes de dépôt (essentiellement les banques) doivent indiquer à l’huissier de justice chargé de l’exécution, porteur d’un titre exécutoire, si un ou plusieurs comptes, comptes joints ou fusionnés sont ouverts au nom du débiteur ainsi que les lieux où sont tenus les comptes, à l’exclusion de tout autre renseignement, sans pouvoir opposer le secret professionnel.
7 - Les tiers et les tiers saisis sont tenus de collaborer aux mesures d’exécution.
L’effectivité du droit à l’exécution est souvent conditionnée par l’attitude de tiers étrangers à l’obligation inexécutée et à la procédure d’exécution (les penitus extranei) et de tiers saisis, ceux entre les mains desquels une saisie est pratiquée contre le débiteur, soit parce qu’ils sont débiteurs à l’égard du débiteur saisi, soit parce qu’ils détiennent des biens pour le compte de ce dernier. S’agissant des tiers, la loi précise qu’ils ne peuvent faire obstacle aux procédures engagées en vue de l’exécution ou de la conservation des créances et qu’ils doivent y apporter leur concours lorsqu’ils en sont légalement requis. Il ne s’agit pas là de simples affirmations de principe puisque la loi ajoute que celui qui, sans motif légitime, se soustrait à ces obligations peut être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine d’astreinte, sans préjudice de dommages intérêts. Quant au tiers saisi, il peut être condamné au paiement des causes de la saisie, sauf recours contre le débiteur. Plus précisément, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Cette déclaration doit être faite sur-le-champ et le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements en question peut être condamné à payer au créancier les sommes dues à ce dernier. Le tiers saisi peut aussi être condamné à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère. En particulier, en cas de saisie-attribution entre les mains d’un établissement bancaire, l’établissement est tenu de déclarer le solde du ou des comptes de sommes dargent du débiteur au jour de la saisie, même si l’acte de saisie ne vise qu’un seul compte et même si l’huissier de justice ne précise pas le numéro du ou des comptes.
8 - Le créancier peut faire condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive à l’exécution ou en cas d’inexécution dommageables des mesures d’exécution.
Il peut aussi, et en principe, demander au juge le prononcé d’une astreinte pour vaincre la résistance du débiteur à l’exécution d’un jugement exécutoire, astreinte dont il pourra demander la liquidation à son profit et qui ne se confond pas avec les dommages-intérêts. Il n’est pas inutile de mentionner en outre qu’en cas de condamnation pécuniaire par décision de justic, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision (art. L. 313-3 c.mon.fin.)
9 - Les frais de l’exécution forcée sont, en principe, à la charge du débiteur, sauf s’il est manifeste qu’ils n’étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.
Quant aux frais occasionnés par une mesure conservatoire, ils sont aussi à la charge du débiteur sauf décision contraire du juge à l’issue de la procédure.
10 - Le créancier a droit au concours du ministère public pour les besoins de l’exécution.
La loi dispose expressément que le procureur de la République veille à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires, qu’il peut enjoindre à tous les huissiers de justice de son ressort de prêter leur ministère et qu’il poursuit d’office l’exécution des décisions de justice dans les cas spécifiés par la loi.
11 - Le créancier a droit au concours de l’Etat.
L’Etat est tenu, non seulement de prévoir dans sa législation des mesures d’exécution efficaces, mais aussi de prêter son concours à l’exécution des jugements et des autres titres exécutoires. C’est pourquoi, l’huissier de justice chargé de l’exécution peut requérir le concours de la force publique et le refus de l’Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs rappelé que la règle selon laquelle tout jugement peut donner lieu à une exécution forcée est le corollaire de la séparation des pouvoirs et qu’elle ne peut être écartée que pour des circonstances exceptionnelles tenant à la sauvegarde de l’ordre public. En pratique, la responsabilité de l’Etat est souvent mise en cause pour refus de concours de la force publique à l’exécution des jugements ordonnant l’expulsion des logements mais l’Etat évite d’être condamné en accordant amiablement aux propriétaires des indemnités équivalentes au montant des loyers ou des indemnités d’occupation impayés à compter du refus de concours de la force publique.
>>> La simple énumération à laquelle je viens de procéder montre que le droit fondamental du créancier à l’exécution est, juridiquement au moins, largement assuré par les procédures d’exécution mises à sa disposition. En raison de l’étendue de ce droit, de la variété et de l’efficacité parfois redoutable des procédures en question et de l’inégalité qui leur est inhérente, la loi veille à protéger les intérêts légitimes du débiteur, afin de garantir l’équilibre entre les droits respectifs. C’est cette protection légale que je vais à présent évoquer.
B - La protection des droits légitimes du débiteur.
L’un des objectifs de la réforme du droit de l’exécution en France a été d’humaniser les procédures d’exécution dans le sens d’une plus grande protection du débiteur de bonne foi, partie supposée être la plus faible et la plus fragile. Cette protection s’applique à la vie privée et familiale du débiteur ainsi qu’à ses droits procéduraux et à ses biens. Elle lui permet aussi d’obtenir des délais de grâce et réparation du préjudice à lui causé indûment à l’occasion de l’exécution. Elle tend ainsi à lui assurer le respect de ses droits fondamentaux susceptibles d’être menacés par la mise en oeuvre de mesures d’exécution.
1 - La protection de la vie privée et familiale du débiteur
Quelle que soit l’importance de sa dette ou la gravité de sa défaillance, le débiteur doit pouvoir se sentir à l’abri des mesures d’exécution intrusives certains jours et à certaines heures. C’est pourquoi, la loi prévoit, d’une part, qu’aucune mesure d’exécution ne peut être effectuée un dimanche ou un jour férié, si ce n’est en cas de nécessité et en vertu d’une autorisation spéciale du juge, d’autre part, qu’aucune mesure d’exécution ne peut être commencée avant six heures et après vingt et une heures sauf, en cas de nécessité, avec l’autorisation du juge et seulement dans les lieux qui ne servent pas à l’habitation. Autrement dit, dans les lieux d’habitation, l’interdiction de pénétrer pour exécuter avant six heures et après vingt et une heures est absolue.
Par ailleurs, en l’absence de l’occupant d’un lieu servant à l’habitation ou si ce dernier en refuse l’accès, l’huissier de justice chargé de l’exécution ne peut y pénétrer qu’en présence du maire de la commune, d’un conseiller municipal ou d’un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d’une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier, ni de l’huissier de justice chargé de l’exécution. L’ouverture des meubles ne peut être effectuée que dans les mêmes conditions. Des dispositions protectrices sont également prévues pour l’ouverture des coffre-forts et la saisie des biens qui y sont placés.
Il convient aussi de signaler que lorsqu’il s’agit d’une créance autre qu’alimentaire dont le montant n’excède pas la somme de 535 euros en principal, il ne peut être procédé à la saisie des meubles meublant le local d’habitation du débiteur que sur autorisation du juge de l’exécution ou si le recouvrement de cette créance n’est pas possible par voie de saisie d’un compte de dépôt ou des rémunérations du travail. A cet effet, un commandement préalable doit être signifié au débiteur, lui faisant injonction de communiquer les nom et adresse de son employeur et les références de ses comptes bancaires ou l’un de ces deux éléments seulement. Ces dispositions visent manifestement à épargner au débiteur et à sa famille une saisie traumatisante.
Enfin, nous avons vu que, pour parvenir à l’exécution forcée, l’huissier de justice pouvait obtenir de toute administration ou banque l’adresse du débiteur, l’identité et l’adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles et la composition de son patrimoine immobilier. Cependant, la loi précise que les renseignements ainsi obtenus ne peuvent être utilisés que dans la seule mesure nécessaire à l’exécution du ou des titres pour lesquels ils ont été demandés, qu’ils ne peuvent, en aucun cas, être communiqués à des tiers ni faire l’objet d’un fichier d’informations nominatives et que toute violation de ces dispositions est passible de peines délictuelle, sans préjudice, le cas échéant, de poursuites disciplinaires et de condamnation à dommages intérêts.
2 - La protection des droits procéduraux du débiteur
Cette protection est capitale car elle relève du procès équitable et permet au débiteur de vérifier le bien-fondé de la mesure d’exécution, d’en connaître l’objet exact et l’étendue, d’être informé sur ses propres droits, de contester tout comportement illégal du créancier ou de l’huissier de justice mandaté par ce dernier et de se prévaloir, devant le juge, de la nullité ou de la caducité des actes ou des opérations d’exécution. L’on comprend ainsi que, pour être efficace, cette protection implique nécessairement une information minimale du débiteur à l’occasion de chaque acte d’exécution. D’où les importantes conditions de forme imposées par la loi à propos de chaque acte ou opération d’exécution et qui ne doivent pas étonner. Ihéring n’a-t-il pas écrit que la forme est la soeur jumelle de la liberté ?
Il est cependant impossible de faire ici une énumération complète des informations devant être portées à la connaissance du débiteur. Je me bornerai donc à indiquer que chaque mesure d’exécution forcée ou conservatoire pratiquée contre le débiteur doit lui être signifiée par un acte d’huissier de justice comportant généralement, à peine de nullité, les éléments d’identification du créancier et du débiteur, l’énonciation du titre en vertu duquel la mesure est pratiquée, s’il s’agit d’une obligation monétaire, le décompte distinct des sommes réclamées en principal, intérêts et frais, la nature de la mesure pratiquée et ses effets, les obligations découlant de cette mesure, la désignation de la juridiction devant laquelle les contestations pourront être portées, le délai, quand il est limité, avant l’expiration duquel les contestations doivent être soulevées. En outre, lorsqu’une saisie a été pratiquée entre les mains d’un tiers, une copie du procès-verbal de saisie, comportant notamment la réponse du tiers saisi, doit être signifiée au débiteur. S’il s’agit d’une saisie immobilière, le commandement valant saisie doit indiquer, en outre et notamment, que le débiteur, personne physique, peut demander le bénéfice de l’aide juridictionnelle s’il en remplit les conditions et qu’il a la faculté de saisir la commission de surendettement des particuliers s’il estime être en situation de surendettement. Il faut ajouter que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire.
Dûment et pleinement informé, le débiteur, assisté éventuellement d’un avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle, est en mesure de saisir le juge de l’exécution pour demander, le cas échéant, l’annulation de la mesure d’exécution ou sa mainlevée si ses conditions de fond ou de forme ne sont pas réunies ou pour faire constater sa caducité. Il est en droit d’invoquer, notamment, toutes les causes d’extinction de la créance (paiement, compensation, prescription...) ainsi que le défaut de qualité du créancier, de contester le caractère exécutoire du titre, de son applicabilité à son égard, de l’étendue de l’obligation qu’il constate, etc.
3 - La protection des biens du débiteur.
De très nombreuses dispositions sont prévues par la loi à cet effet. Je ne citerai que les plus importantes.
a) Certains biens sont insaisissables.
En effet, ne peuvent être saisis :
• Les provisions, sommes et pensions à caractère alimentaire, sauf pour le paiement des aliments déjà fournis par le saisissant à la partie saisie ;
• Les biens disponibles déclarés insaisissables par le testateur ou le donateur, si ce n’est, avec la permission du juge et pour la portion qu’il détermine, par les créanciers postérieurs à l’acte de donation ou à l’ouverture du legs ;
• Les biens mobiliers nécessaires à la vie et au travail du saisi et de sa famille, si ce n’est pour paiement de leur prix. Un décret énumère dans le détail ces biens qui demeurent cependant saisissables s’ils se trouvent dans un lieu autre que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement, s’ils sont des biens de valeur, en raison notamment de leur importance, de leur matière, de leur rareté, de leur ancienneté ou de leur caractère luxueux, s’ils perdent leur caractère de nécessité en raison de leur quantité ou s’ils constituent des éléments corporels d’un fonds de commerce.
• Les objets indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades.
Les rémunérations du travail et les rémunérations assimilées ( pensions de retraite et d’invalidité, allocations de chômage, diverses indemnités) font l’objet d’une protection particulière :
• Elles ne peuvent pas faire l’objet d’une saisie conservatoire
• Leur saisie doit être autorisée par le juge suivant une procédure contradictoire
• Seule une fraction de ces rémunérations, modifiée annuellement par décret, est saisissable, étant précisé que dans tous les cas de figure, une fraction est absolument insaisissable car elle est vitale pour le débiteur et sa famille (en 2011 : 466,99 euros pour une personne seule - montant du revenu de solidarité active- ce montant est majoré pour un couple et pour chaque enfant ou personne à charge).
De nombreuses allocations familiales ou sociales sont totalement ou partiellement insaisissables.
Protection supplémentaire : Lorsqu’un compte bancaire est crédité du montant d’une créance insaisissable en tout ou partie, l’insaisissabilité se reporte à due concurrence sur le solde du compte.
b) Lorsqu’un compte bancaire fait l’objet d’une saisie, le tiers saisi doit laisser à la disposition du débiteur personne physique, sans qu’aucune demande soit nécessaire, et dans la limite du solde créditeur au jour de la saisie, une somme à caractère alimentaire d’un montant fixé pour 2011 à 466,99 euros, et ce, même si le solde créditeur ne provient pas de sommes insaisissables.
c) En cas de saisie-vente, le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour trouver et proposer un acquéreur à l’amiable et éviter ainsi la vente des biens saisis aux enchères publiques.
d) La saisie immobilière est soumise à une procédure judiciaire minutieuse devant le juge de l’exécution. Le débiteur est cité à comparaître. Il peut élever toutes contestations utiles et former des demandes aux fins, notamment, d’être autorisé à vendre l’immeuble saisi à l’amiable devant notaire ou d’obtenir une augmentation de la mise à prix fixé par le saisissant.
f) Que la saisie soit mobilière ou immobilière, elle doit être précédée de publicités destinées à attirer les enchérisseurs et, donc, à obtenir le prix de vente le plus élevé possible, ce qui éteindrait d’autant les droits du ou des créanciers et permettrait de remettre le solde restant éventuellement disponible au débiteur, lequel doit toujours être informé des date et lieu de la vente.
e) En cas de saisie de son véhicule, le débiteur peut toujours demander au juge de l’exécution d’ordonner la mainlevée de cette saisie en invoquant tout motif dont la légitimité sera appréciée par le juge.
4 - Le droit du débiteur à réparation en cas d’exécution irrégulière dommageable.
D’une manière générale, le débiteur peut former des demandes en réparation fondées sur l’exécution dommageable des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires. La loi prévoit en effet que le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages intérêts en cas d’abus de saisie. Il en va de même en cas de nullité ou de caducité d’une mesure. Plus spécialement, lorsque le juge ordonne la mainlevée d’une mesure conservatoire, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par cette mesure et selon la Cour de cassation, cette réparation n’est pas soumise à la preuve d’une faute. Il peut être ajouté que l’huissier de justice chargé de l’exécution peut lui-même être condamné à payer des dommages-intérêts au débiteur s’il méconnaît ses propres obligations.
5 - La possibilité pour le débiteur de bénéficier de délais de grâce.
Quand l’obligation à exécuter est une obligation de payer, le débiteur peut solliciter des délais pour s’en acquitter, sauf s’il s’agit d’une dette d’aliments et sauf si le créancier a déjà pratiqué une saisie attributive couvrant la totalité de sa créance. Le juge peut alors, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux années. Avantage supplémentaire : Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital. En tout cas, la décision du juge, quand il accorde des délais, suspend l’exécution du jugement et les procédures d’exécution mobilières et immobilières qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues pendant le délai fixé par le juge.
En matière d’expulsion d’un local d’habitation, des règles spécialement protectrices sont prévues car l’expulsion heurte de front le droit au logement, reconnu par la loi française. En résumé :
Sauf disposition spéciale, l’expulsion ou l’évacuation d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès verbal de conciliation exécutoire. Les autres titres exécutoires sont ainsi exclus.
L’expulsion ne peut être réalisée qu’après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux.
Si l’expulsion porte sur un local affecté à l’habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu’à l’expiration d’un délai de deux mois qui suit le commandement. Toutefois, par décision spéciale et motivée, le juge peut, notamment lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l’article L. 442 4 1 du code de la construction et de l’habitation n’a pas été suivie d’effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.
Lorsque l’expulsion aurait pour la personne concernée des conséquences d’une exceptionnelle dureté, notamment du fait de la période de l’année considérée ou des circonstances atmosphériques, le délai de deux mois peut être prorogé par le juge pour une durée n’excédant pas trois mois.
Dès le commandement d’avoir à libérer les locaux à peine de suspension du délai avant l’expiration duquel l’expulsion ne peut avoir lieu, l’huissier de justice chargé de l’exécution de la mesure d’expulsion doit en informer le représentant de l’Etat dans le département en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l’occupant.
En outre, après le jugement d’expulsion, le juge peut accorder des délais pour une durée qui ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an, aux occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel, dont l’expulsion aura été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que lesdits occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. A relever que le juge qui ordonne l’expulsion peut, même d’office, accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.
Pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.
Enfin, faveur suprême de la loi, nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés par le juge, il doit être sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 15 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille. Cependant, ce sursis légal ne s’applique pas lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait ou lorsque les locaux sont situés dans un immeuble ayant fait l’objet d’un arrêté de péril.
Conclusion de la 1ère partie : A s’en tenir à ce que je viens d’exposer, on pourrait considérer que les procédures d’exécution assurent un équilibre satisfaisant entre le droit fondamental du créancier à l’exécution et le droit non moins fondamental du débiteur à la protection de ses droits légitimes. Malheureusement, de nombreux facteurs viennent perturber cet équilibre.
Ils sont nombreux. Certains neutralisent le droit à l’exécution (A). D’autres en limitent la portée (B). D’autres, enfin, l’anéantissent (C)
A - Les facteurs qui neutralisent le droit à l’exécution : les procédures collectives et le droit du surendettement.
1 - Les procédures collectives.
Il suffit de rappeler ici que le jugement d’ouverture d’une procédure collective (redressement judiciaire ou liquidation judiciaire) arrête ou interdit, en principe, toute procédure d’exécution (mesure d’exécution forcée ou mesure conservatoire) de la part des créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture. Le créancier d’aliments échappe à cette interdiction. Cependant, le code de commerce (art. L. 643-11), après avoir énoncé que le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre le débiteur, énumère plusieurs cas où les créanciers recouvrent cet exercice.
2 - Le surendettement des particuliers.
Poursuivant un objectif essentiellement social de protection des personnes physiques les plus faibles et d’aider à leur réinsertion, le législateur français a institué une législation tendant au traitement des situations de surendettement selon laquelle la situation de surendettement des personnes physiques est caractérisée par l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. L’impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l’engagement qu’elle a donné de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement.
Le débiteur qui s’estime être en situation de surendettement peut saisir d’une demande de traitement de sa situation une commission qui se prononce d’abord sur la recevabilité de cette demande. En cas de recevabilité, la commission peut, suivant une procédure contradictoire par rapport à tous les créanciers du débiteur, élaborer un plan conventionnel de redressement, comportant des mesures de report ou de rééchelonnement des paiements des dettes, de remise des dettes, de réduction ou de suppression du taux d’intérêt, de consolidation, de création ou de substitution de garantie. A défaut de conciliation, elle peut imposer diverses mesures de traitement, sous réserve du droit de contestation devant le juge ou recommander d’autres mesures pouvant aller jusqu’à l’effacement partiel des créances. Enfin, une procédure de rétablissement personnel peut aboutir à la liquidation judiciaire du débiteur et, donc, à la vente de ses biens saisissables et à la distribution du prix de vente entre ses créanciers.
Cela dit, et c’est ce qui nous importe ici, la décision déclarant la recevabilité de la demande emporte suspension et interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires. En outre, Si la commission déclare le dossier du débiteur recevable, elle peut saisir le juge aux fins de suspension des mesures d’expulsion du logement du débiteur. Plus défavorable au créancier : A la demande du débiteur, la commission peut saisir, avant la décision de recevabilité, le juge aux fins de suspension des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires. Cependant, lorsqu’en cas de saisie immobilière la vente forcée a été ordonnée, le report de la date d’adjudication ne peut résulter que d’une décision du juge chargé de la saisie immobilière, saisi à cette fin par la commission, pour causes graves et dûment justifiées.
B - Les facteurs qui limitent le droit à l’exécution : les patrimoines affectés, la fiducie et la territorialité des procédures civiles d’exécution.
1 - Les patrimoines affectés.
a) Déclaration d’insaisissabilité : Je ne parlerai pas de la déclaration du donateur ou du testateur. Je signale seulement que depuis une loi du 4 août 2008, une personne physique exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. Cependant, cette déclaration, publiée au bureau des hypothèques, n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.
b) Protection de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (Loi du 15 juin 2010 et ordonnance. du 9 déc. 2010) : Tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un ou plusieurs patrimoines séparés de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale. Chaque patrimoine est composé de l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle. Il peut comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l’exercice de son activité professionnelle et qu’il décide d’y affecter.
1- Les créanciers auxquels la déclaration d’affectation est opposable et dont les droits sont nés à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté ;
2- Les autres créanciers auxquels la déclaration est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté.
En cas de saisie à l’encontre d’un débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée, celle ci ne peut porter que sur le ou les biens du patrimoine affecté sur lesquels le créancier a un droit de gage général.
2 - La fiducie (Loi n°2007 211 du 19 février 2007) :
Sans préjudice des droits des créanciers du constituant titulaires d’un droit de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement au contrat de fiducie et hors les cas de fraude aux droits des créanciers du constituant, le patrimoine fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion de ce patrimoine.
En cas d’insuffisance du patrimoine fiduciaire, le patrimoine du constituant constitue le gage commun de ces créanciers, sauf stipulation contraire du contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire.
Le contrat de fiducie peut également limiter l’obligation au passif fiduciaire au seul patrimoine fiduciaire. Une telle clause n’est opposable qu’aux créanciers qui l’ont expressément acceptée.
3 - La territorialité des procédures civiles d’exécution.
L’on sait que le pouvoir de contrainte est un monopole des Etats souverains. Il ne peut donc s’exercer, en principe, que sur des biens situés sur le territoire de L’Etat et c’est la loi de cet Etat qui s’applique aux mesures d’exécution pratiquées sur son territoire. A l’évidence, ce principe complique la tâche du créancier lorsque les biens de son débiteur sont situés à l’étranger. C’est la raison pour laquelle des instruments internationaux ont été mis en place, soit pour faciliter le recouvrement des aliments, créance hautement privilégiée (Règlement CE n 4/2009 du 18 déc. 2008, relatif au recouvrement des créances alimentaires transfrontalières - Convention de La Haye du 23 nov. 2007 sur le recouvrement international des aliments et le Protocole de La Haye de la même date - Convention de New-York, ONU, du 20 juin 1956 sur le recouvrement des aliments à l’étranger), soit pour faciliter la circulation des titres judiciaires exécutoires (Règlement CE n 805/2004 portant création d’un titre exécutoire européen - Règlement CE n 1896/2006 du 12 déc. 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer). Mais il ne s’agit là que de solutions partielles. Voulant aller plus loin, la Commission européenne publiera avant l’été 2011 une proposition législative instituant une saisie européenne des avoirs bancaires. Pour 2013, il est annoncé une proposition législative relative à la transparence du patrimoine des débiteurs. Enfin, et c’est très important, le 4 décembre 2010, la Commission européenne a publié une proposition de révision du Règlement 44/2001, dit Règlement Bruxelles I, qui abolira la procédure d’exequatur des décisions judiciaires relevant du champ d’application du Règlement, mises à part les décisions rendues dans certaines matières. Le créancier est encore loin du compte. On peut cependant rappeler la jurisprudence de la Cour de cassation française sur la saisie au siège social d’une banque, situé en France, de comptes détenus à l’étranger par une succursale n’ayant pas la personnalité morale. Il ne faut non plus perdre de vue les accords internationaux bilatéraux.
C - Les facteurs qui anéantissent le droit à l’exécution : les immunités d’exécution et l’insaisissabilité des biens des banques centrales étrangères.
1 - Les immunités d’exécution.
Dès son article 1er, la loi du 9 juillet 1991 énonce que l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution. Vaste sujet ! Rappelons seulement que les immunités exécution bénéficient :
• à toutes les personnes morales françaises de droit public, y compris les établissements publics à caractère industriel et commercial. Le législateur a cependant prévu des moyens de pression pour parvenir à une exécution spontanée (astreinte, intérêts, publication des noms des récalcitrants par le Conseil d’Etat, responsabilité personnelle du comptable public sous certaines conditions, condamnation de l’Etat français à payer des dommages-intérêts d’un montant équivalent, en principal et intérêts, à la dette non payée par une commune malgré de nombreuses et longues procédures...),
• aux Etats étrangers et à leurs émanations
• aux organisations internationales
• aux personnels diplomatiques et consulaires
• aux chefs d’Etat.
2 - L’insaisissabilité des biens des banques centrales étrangères (art. L.153 1 c. mon. fin.) :
Ne peuvent être saisis les biens de toute nature, notamment les avoirs de réserves de change, que les banques centrales ou les autorités monétaires étrangères détiennent ou gèrent pour leur compte ou celui de l’Etat ou des Etats étrangers dont elles relèvent.
Par exception aux dispositions du premier alinéa, le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de poursuivre l’exécution forcée dans les conditions prévues par la loi n 91 650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution s’il établit que les biens détenus ou gérés pour son propre compte par la banque centrale ou l’autorité monétaire étrangère font partie d’un patrimoine qu’elle affecte à une activité principale relevant du droit privé.