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L’adoption au Tchad

 

Monsieur Abderrahim BIREME HAMID

Président de la Cour suprême du Tchad


Le droit des enfants


L’adoption est une pratique ancienne. Elle fait figure d’institution ancestrale et universelle. La pratique d’adoption existe dans toutes les cultures. L’adoption peut, de façon générale, être caractérisée comme une institution créant des liens de nature parentale entre personnes plus ou moins étrangères par le sang.

L’adoption est aussi devenue un mode de création à part entière d’une famille. Dans une société où la stérilité est vécue comme un manque et où socialement un couple sans enfant est une anormalité, le recours à l’adoption peut constituer une réponse à l’absence de l’enfant.

Au Tchad, lorsque l’on parle d’adoption, ce vocable inclut l’adoption d’enfant de manière quasi-exclusive en bas-âge avec son corollaire procédural édicté par le code civil napoléonien de 1958 adopté par le Tchad lors de son accession à la souveraineté internationale.

Malgré l’entrée de ce Code dans l’ordonnancement juridique du Tchad, il existe dans la pratique, en milieu urbain et rural, ce qu’on appelle « l’adoption de fait » dont la frontière s’apparente, à la tutelle.

I. L’adoption de fait

Dans les sociétés traditionnelles jusqu’à la date d’aujourd’hui, au Tchad, il y a ce qu’on appelle « l’adoption de fait ». Ainsi, un parent peut-il solliciter de prendre sous son toit le fils ou la fille d’un de ses frères, sœurs, oncle ou tante soit de leur vivant soit après leur décès. Lorsque le père de « l’adopté » accepte, celui-ci regagne le toit de l’adoptant où il reçoit entretien et éducation au même titre que ses enfants légitimes. Le traitement de l’enfant adopté de fait est identique à celui réservée aux enfants légitimes. L’autorité parentale s’exerce sur l’ensemble des enfants, légitimes ou adoptifs, jusqu’à leur maturité ou émancipation pour les protéger dans leur sécurité, leur santé et leur moralité.

Par ailleurs, il existe une autre forme d’adoption de fait, celle proposée par les parents biologiques eux-mêmes. Il en est ainsi des enfants confiés pour leur scolarisation à un parent proche résidant dans un centre urbain.

Il importe de relever que l’adopté de fait conserve les noms donnés par ses parents biologiques. Le cas le plus fréquent d’adoption de fait au Tchad est constaté chez le couple dont l’un est stérile. Afin de prévenir tout conflit entre enfants légitimes et enfant adoptés, les futurs parents recourent à l’adoption judiciaire.

A. L’adoption simple

Au Tchad, un enfant mineur de moins de seize ans peut faire l’objet d’une adoption simple. S’il y a ses parents, ceux-ci doivent consentir à l’adoption (article 347 du Code Civil). Si l’un des deux est décédé ou dans l’impossibilité de manifesté sa volonté, le consentement de l’autre suffit.

Si le père et la mère sont divorcés ou séparés de corps, le consentement de celui des époux au profit duquel le divorce ou la séparation de corps a été prononcé et qui a la garde de l’enfant suffit.
Si le mineur n’a ni père ni mère ou s’ils sont dans l’impossibilité de manifester leur volonté, le consentement est donné par le conseil de famille (article 349 du Code Civil de 1958).

Nul époux ne peut adopter qu’avec le consentement de l’autre époux sauf si celui-ci est dans l’impossibilité de manifester sa volonté ou s’il y a séparation de corps entre les époux (article 346 code civil).

1. Procédure d’adoption simple

Aux termes de l’article 361 du Code Civil, le Tribunal de première instance réuni en chambre du conseil, après s’être procuré des renseignements convenables, vérifie :
- Si toutes les conditions de la loi sont réunies (une copie d’acte de naissance,
un acte de consentement des parents établi par notaire et un certificat de résidence),
- S’il y a des justes motifs de l’adoption et si celle-ci présente des avantages pour l’adopté ;

Lorsque l’adopté est mineur de 16 ans, s’il existe des motifs qui peuvent s’opposer à l’attribution à ce dernier du seul nom de l’adoptant.
Après avoir entendu le Procureur de la République en ses réquisitions, le tribunal prononce qu’il y a ou qu’il n’y a pas lieu à l’adoption (article 362 du Code Civil). Le jugement qui admet l’adoption est prononcé à l’audience publique.

L’adoption ne produit ses effets entre les parties qu’à partir du jugement (article 365 du Code Civil).

Au regard du Code de 1958, le Tribunal ne peut accorder l’adoption qu’à un couple légalement marié.

2. Effets de l’adoption simple

Contrairement à l’évolution juridique récente en matière d’adoption simple, l’adoption confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajoutant au nom propre de ce dernier (article 350 du Code Civil). L’adopté conserve dans sa famille d’origine tous ses droits (article 351 du Code Civil).

Le lien de parenté résultant de l’adoption s’étend aux enfants légitimes de l’adopté (article 353 du Code Civil). Le mariage est prohibé entre l’adoptant, l’adopté et ses descendants, et, réciproquement, entre l’adoptant et le conjoint de l’adopté, entre les enfants adoptifs de même individu.

L’adoption simple confère intégralement et exclusivement à l’adoptant la puissance paternelle (article 373 du Code Civil). L’adoption simple est révocable à la demande de l’adoptant ou de l’adopté par jugement motivé du tribunal ;

Elle cesse de produire ses effets lorsqu’elle est révoquée.
La révocation fait cesser pour l’avenir tous les effets de l’adoption dès lors que le jugement la prononçant est passé en force de chose jugée.

3. Conséquence de l’adoption simple

L’adopté a les mêmes droits et devoirs dans sa nouvelle famille qu’un enfant légitime. L’adopté et ses descendants ont sur la succession de l’adoptant les mêmes droits que ceux qu’y auraient les enfants ou descendants légitimes (article 356 du code civil).

4. Statistiques en matière d’adoption simple

En 2008, 94 décisions ont été prononcées en matière d’adoption simple.
En 2009, 38 décisions ont été rendues en matière d’adoption simple.
Les données statistiques concernent le seul Tribunal de 1ère Instance de Ndjamena.

B. L’adoption plénière

Procédure de l’adoption plénière

La procédure en vue d’adoption plénière diffère de celle de l’adoption simple.

Le postulant doit, par requête, saisir le Ministère de l’Action sociale et de la Famille. En outre, il doit saisir les services compétents en la matière de son pays, avoir également de ces mêmes autorités un avis favorable.

Si le dossier est en état, le Tribunal ordonne l’adoption.

1. Effets de l’adoption plénière

L’adoption plénière, confère à l’enfant une filiation qui se substitue à sa famille d’origine : l’adopté cesse d’appartenir à sa famille par le sang (article 370 du Code Civil). Il a, dans la famille de l’adoptant, les mêmes droits et les mêmes obligations qu’un enfant légitime.
La puissance paternelle est intégralement et exclusivement exercée par l’adoptant.

L’adoption plénière est prononcée par le Tribunal de 1ère Instance qui vérifie si les conditions de la loi sont remplies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant. Elle est irrévocable.

L’adoption plénière à un caractère définitif, elle ne peut faire l’objet d’aucune annulation (sauf annulation de l’acte d’adoption fondée sur le vice de consentement donnée par les parents biologiques) ni, à la différence de l’adoption simple, faire l’objet d’une révocation.

2. Conséquences de l’adoption plénière

L’adoption plénière emporte l’obligation alimentaire et vocation successorale réciproque entre l’adopté et les membres de la famille adoptive en tant qu’enfant légitime.
L’adopté perd définitivement tout identitaire et biologique avec ses parents et acquiert l’identité de ses parents adoptifs.

3. Statistiques en matière d’adoption plénière

En 2008, quatre décisions ont été prononcées par le Tribunal en la matière.
En 2009, trois décisions ont été rendues en matière d’adoption plénière.
Les données statistiques concernent le seul Tribunal de première Instance de Ndjamena.

C. L’adoption Internationale

L’adoption internationale est réglementée par la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale (Résolution de l’Assemblée Générale 41/85 du 3 décembre 1986 des Nations Unies).

L’adoption internationale est nouvelle dans le champ juridique tchadien.
Elle ne bénéficie pas d’une sensibilisation ou vulgarisation au niveau des Autorités
nationales.

Conclusion

En règle générale, un enfant peut être adoptable que s’il a été reconnu comme tel dans son pays d’origine. Aucune adoption nationale ou internationale n’est possible que si l’enfant concerné, dans son pays natal, n’est ni orphelin, ni déclaré judiciairement abandonné ni rendu adoptable à la suite d’un consentement à l’adoption exprimé par les parents ou, à défaut, par son représentant légal.

 
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