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L’adoption internationale

 

Madame Sathavy KIM

Juge à la Cour suprême du Cambodge


Le droit des enfants


I. L’actualité de l’adoption internationale

Cette actualité s’inscrit dans la mondialisation des échanges humains, des mouvements migratoires, de la croissance des populations de réfugiés dans de nombreuses régions du globe.

Inégale d’une région à une autre, la croissance de la population mondiale bouleverse sa répartition d’un continent à l’autre, et l’adoption internationale est entraînée dans ce mouvement.

Dans les pays développés, elle répond à un besoin croissant de fonder une famille face à la baisse de la natalité.

Dans les pays en développement, elle constitue une des solutions sociales à la protection de l’enfant, en particulier dans les zones en conflit ou en post conflit.

L’existence d’une forte demande d’adoption internationale se heurte néanmoins à des obstacles culturels, politiques et sociaux nombreux et délicats :

- Elle ne peut ignorer les fondements socioculturels de l’adoption nationale, reposant sur des pratiques sociales et religieuses spécifiques qu’il convient de respecter,
- Elle doit obéir aux engagements politiques antérieurs de la communauté internationale à l’égard de l’enfance, en particulier la Convention sur les droits de l’enfant de 1989,
- Elle s’inscrit également dans un contexte d’inégalités croissantes de développement et de permanence de la pauvreté. Ces disparités rentrent dans le contexte de l’AI et doivent être prises en compte pour réaliser une intégration heureuse et épanouie dans le milieu adoptant.

Comme les migrations, l’adoption internationale doit être encadrée et protégée juridiquement, en le tenant à l’écart de la contrainte et de toutes formes d’exploitation et de trafics.

II. Les principes de la Convention Internationale de la Haye

La Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération entre les Etats sur l’adoption internationale a un champ très large La convention internationale des droits de l’enfant
puisqu’elle couvre à la fois les politiques sociales et les droits de l’enfant. Sa finalité répond à trois questions fondamentales, l’intérêt primordial de l’enfant, la moralisation des procédures d’adoption, la sécurité de l’adoption internationale (AI) :
- L’article premier de cette convention vise avant tout l’intérêt supérieur de l’enfant, ce qui signifie que la priorité doit être accordée au maintien et à l’épanouissement de l’enfant dans sa famille d’origine comme le souligne le préambule. La solution nationale est clairement privilégiée et l’AI ne doit intervenir que comme solution subsidiaire.
- La moralisation des procédures, afin d’éviter la vente ou la traite
d’enfants, mais aussi d’interdire toute transaction ou opération à but lucratif (article 32), d’où l’obligation de s’appuyer sur des organismes agréés par les Etats, ainsi que l’intervention forte des Autorités centrales. Je note à cet égard que la version anglaise de cette Convention utilise le terme « intercountry adoption », comme pour insister sur le rôle des Etats.
- 
Enfin la sécurité juridique de l’AI dans l’intérêt de l’enfant et des
adoptants. La convention pose en condition l’établissement de la
filiation adoptive et de la responsabilité parentale. Elle uniformise également le droit des Etats contractants en en fixant des conditions
de fond identiques, et énumère les préalables visant à recueillir le libre consentement de la mère s’il est requis ainsi que l’avis voir le consentement de l’enfant. Un strict contrôle de légalité est exercé par les autorités centrales de chaque Etat avec le concours des départements ministériels concernés, par exemple, Affaires Etrangères, Justice, Ministère de la famille etc.

III. L’application de la Convention de la Haye au Cambodge, les solutions transitoires

Dans chaque Etat, l’adoption renvoie aux valeurs et pratiques familiales. Au Cambodge, l’adoption s’intègre comme un mode de filiation au côté de la filiation biologique, elle fait partie de l’ordre parental élémentaire, en raison des aléas historiques, l’adoption nationale est encore souvent pratiquée sous forme de l’adoption simple sans décision de l’autorité administrative.

L’adoption prévue par la loi sur la Famille et le Mariage de 1989 dit que : l’adoption est un contrat liant deux personnes, d’une part le père adoptif ou la mère adoptive, et d’autre part le fils adoptif ou la fille adoptive, de façon à ce que le rapport entre ces deux personnes soit identique à celui de la filiation légitime. Le contrat doit être écrit et approuvé par la Commune où est domicilié le père ou la mère adoptif où habite l’enfant à adopter et puis le contrat doit être porté au registre d’Etat civil. Le père ou la mère doit être âgé de 25 ans, l’enfant adoptif de moins de 8 ans. S’il s’agit d’un nouveau né abandonné, il faut que l’autorité de la Commune autorise l’adoption. Et le Tribunal peut annuler ce contrat suivant la demande de l’enfant adopté, de toute personne ou organisation faite dans l’intérêt de l’enfant adopté.

Quant à l’AI, elle a pris beaucoup d’importance au cours de la période post Khmer Rouge avec le concours des O.N.G. humanitaires. C’est donc très naturellement que le Cambodge a adhéré à la Convention.
En 2001, le Cambodge a adopté un sous-décret relatif à l’adoption de nouveau nés ou d’enfants orphelins par des étrangers, et il a désigné seulement en 2008, le Comité national en charge de l’adoption inter-état. En outre sur l’initiative de la Convention de la Haye de droit international privé, un groupe de travail a été constitué en 2009 pour soutenir le Cambodge pendant une période transitoire jusqu’à la mise en place complète d’un système d’adoption respectant toutes les dispositions de la Convention de la Haye de 1993.

Il apparaît bien que dans chaque Etat, cette mise en œuvre pose des problèmes pratiques, la demande d’adoption internationale reste forte, mais l’adaptation de l’administration nationale aux critères internationaux est à la fois longue mais • essentielle, en dépit des frustrations manifestées dans les milieux adoptants. La précipitation étant souvent à l’origine de dérapage (nous avons en mémoire le cas de l’Arche de Noé), c’est sous cet angle que peut être apprécié l’écart entre le niveau des demandes d’adoption et la lente progression des AI légalisées.

IV. Adoption et protection juridique et sociale de l’enfant en droit international

Ouverture d’un débat : sur un plan légal, celui qui nous intéresse plus particulièrement en tant que juge, il me semble que les difficultés se situent à plusieurs niveaux :
- L’adoption internationale peut s’avérer la solution la plus conforme à l’intérêt de l’enfant, mais après examen des possibilités locales de prise en charge. Dans la pratique, les autorités nationales doivent s’assurer que l’enfant a été abandonné ou accueilli dans un orphelinat agréé. A ce niveau le travail social semble prédominant, il précède ou accompagne l’enquête légale et les investigations d’Etat civil.
- Les personnes ou institutions habilitées à consentir à l’adoption
doivent avoir donné un avis favorable et éclairé. Un certificat de
La convention internationale des droits de l’enfant
conformité sera produit en fin de procédure dans le pays d’origine
de la décision. En tant que magistrats et juristes, notre attention se porte sur les éléments constitutifs de l’AI. Tous les participants sont invités à faire part de leur expérience et avis sur les diligences visées dans le pays de départ de l’enfant, c’est la vérification de « l’adoptabilité ».
- Enfin l’AI ayant pour effet de rompre le lien préexistant de la filiation, il y a lieu de s’assurer que l’enfant bénéficie de la protection
conférée à l’adoption plénière dans tous les pays de résidence des adoptants.
- Dans ce long processus, le succès de l’AI dépend largement de la qualité de la coopération entre organismes agréés, juges, travailleurs sociaux, et autorités consulaires. Notre travail de juge, s’il est requis, ne peut qu’en être valorisé et sécurisé.

En notre nom à tous, je remercie donc l’AHJUCAF pour avoir proposé le thème de notre conférence et j’invite les participants à s’exprimer.

 
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