L’AHJUCAF est une association qui comprend cinquante cours judiciaires suprêmes francophones.
Elle a pour objectif de renforcer la coopération entre institutions judiciaires, notamment par des actions de formation et des missions d’expertise.
PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.
Magistrat, Président de la Chambre Judiciaire de la Cour suprême du Bénin
Avant toute chose, je tiens à exprimer mes sincères remerciements à l’AHJUCAF qui m’a désigné pour exposer en quelques minutes le rôle de la coopération dans les juridictions francophones par le travail de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF). Il y a bientôt deux ans, j’avais pris part aux côtés de l’ancien Président de la Cour suprême, Monsieur Saliou ABOUDOU, alors Président du Conseil d’Administration de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF), de Monsieur Jean-Baptiste MONSI, Procureur Général près la Cour suprême du Bénin et ADOSSOU Victor, Secrétaire Général de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF), au troisième congrès de l’AHJUCAF tenu à Ottawa au Canada du 21 au 23 juin 2010 dont le thème central s’intitulait : Internationalisation de la justice – internationalisation du droit.
A ce congrès le secrétaire général de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) avait présenté un brillant exposé sur l’expérience de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) dans la circulation du droit et de la justice entre les Hautes institutions judiciaires.
Aujourd’hui, il me revient la lourde charge d’entretenir cette auguste assemblée du rôle de la coopération dans les juridictions francophones par le travail de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF). J’essayerai de m’acquitter de cette mission en m’appuyant sur cette brillante communication qui contient les éléments essentiels de la coopération juridiques et judiciaires dans les juridictions.
L’avènement de la démocratie en Afrique dans les années 1990 a marqué un tournant décisif dans la vie des Etats africains francophones, de leurs institutions et de leurs peuples. L’Etat de droit et de démocratie pluraliste consacré par les lois fondamentales de ces pays prescrit la soumission de l’ensemble des institutions à la loi, la séparation des pouvoirs, le libre exercice des droits de l’homme et des libertés fondamentales ainsi que l’égalité devant la loi des citoyens femmes et hommes. La justice est reconnue comme un pouvoir indépendant et se voit conférer la fonction essentielle de régulation dans l’Etat de droit. Les hautes juridictions à savoir les Cours suprêmes, les Cours de cassation, les Cours ou conseil constitutionnel, les Conseils d’Etat, les Cours des Comptes et les Hautes Cours de Justice apparaissent comme les acteurs principaux de cette mission de régulation.
Les libertés fondamentales affirmées dans les constitutions connaissent une réelle expression. Ainsi la liberté d’association a favorisé la naissance de nombreuses associations fondée sur la loi de 1901. C’est cette forme que les Hautes juridictions ont choisi pour bâtir une coopération juridique et judiciaire dont l’objectif essentiel est le renforcement de leurs capacités par des échanges d’expériences et de jurisprudence, la formation de leurs membres, la diffusion des pratiques positives. Comme on peut le constater, avec l’avènement de la démocratie, la coopération connaît un nouvel essor et ne se limite pas au seul cadre étatique. Cette coopération est nourrie et entretenue par l’Organisation Internationale de la Francophonie.
La création par les responsables des Hautes juridictions africaines francophones d’un cadre d’échanges procède donc de cette prise de conscience que la construction d’un Etat de droit et de démocratie pluraliste leur incombe au premier plan.
Quels sont les objectifs que s’est fixée l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) et quels sont les fruits de cette coopération ?
Les Hautes juridictions des pays francophones ont très tôt réalisé que pour contribuer à la consolidation des processus démocratiques en cours, il fallait unir leur action. La création de l’Association des Hautes juridictions répond à ce souci. Il importe de revenir très succinctement sur l’historique de la création de cette haute institution avant de rappeler ses objectifs.
A- Création de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones
La création de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones fait suite au séminaire international tenu à Bamako du 14 au 18 octobre 1996 sous l’égide de la Fondation Friedrich Eberth : « le rôle des Hautes juridictions dans l’uniformisation du droit et le renforcement de la démocratie dans les pays de l’Afrique de l’Ouest ». Conformément aux résolutions de ce
séminaire les chefs et représentants des Hautes juridictions ont décidé le 10 novembre 1998 à Cotonou, République du Bénin, de créer une association regroupant les Hautes Juridictions des Etats d’Afrique de l’Ouest ayant en partage le français. L’article 1er des statuts énonce en effet : « il est créé entre les adhérents aux présents statuts une association dénommée Association Ouest Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AOA-HJF) ».
Deux ans plus tard interviendra toujours à Bamako le symposium international sur le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone. A ce symposium la Francophonie s’est engagée à :
soutenir l’action des institutions mises en place dans le cadre de l’intégration et de la coopération régionale.
renforcer les capacités des institutions de l’Etat de droit… et œuvrer en vue de leur faire bénéficier de toute l’indépendance nécessaire à l’exercice impartial de leur mission.
approfondir la concertation et la coopération en faveur de l’Etat de droit et de la culture démocratique.
La déclaration de Bamako est intervenue comme pour donner un coup d’accélérateur à l’action de l’Association Ouest Africaine des Hautes Juridiction Francophones (AOA-HJF). Six ans après sa création, de neuf (9) membres qu’elle comprenait l’association s’est agrandie et s’est transformée le 14 juillet 2004 lors de ses 6ème assises statutaires en Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF), forte de trente deux (32) membres. L’article 7 du règlement intérieur définit la Haute juridiction comme toute juridiction suprême nationale ou communautaire quelle que soit sa dénomination et dont les décisions sont sans recours et s’imposent à tous.
L’association regroupe en son sein plusieurs ordres de juridictions : Cours suprême, Cours de cassation, Conseils d’Etats, Conseils et Cours constitutionnels, Cours des Comptes, Hautes Cours de Justice, Cour des Comptes de l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), Cour de Justice de l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Cours de Justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Cours de Justice de la CEMAC.
Ce sont les objectifs de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones qui tracent le cadre de coopération entre ses membres.
B- Les objectifs de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF)
Aux termes de ses statuts (article 4) « l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) a pour objectifs :
Favoriser la coopération, l’entraide, les échanges d’idées et d’expériences sur les questions soumises à ses juridictions ou intéressant leur organisation ou leur fonctionnement.
Promouvoir le rôle de ces juridictions dans l’uniformisation du droit au sein des Etats membres.
Contribuer plus efficacement au renforcement du droit et de la sécurité juridique et judiciaire en Afrique en vue de la promotion et de la consolidation de la démocratie et de l’Etat de droit ».
L’article 5 des statuts précise : « pour atteindre ces objectifs, l’association peut :
susciter, encourager, réaliser ou faire réaliser des études ;
diffuser ou contribuer à diffuser en direction de ses membres, et le cas échéant, de toute personne intéressée, des informations utiles sur l’Organisation et son fonctionnement, la jurisprudence des juridictions.
Editer tous documents conformes à son objet.
Créer un ou des Centres de Documentation mis à la disposition de ses membres ou du public et publier un bulletin de droit et d’information.
Par ailleurs, elle doit faciliter les contacts entre les magistrats et les fonctionnaires de ses juridictions ».
Le siège de l’association est fixé à Cotonou au Bénin. Il peut être transféré dans tout autre pays membre sur décision de l’assemblée générale.
Ces objectifs comme on peut le constater, mettent l’accent sur la coopération, l’entraide, les échanges d’idées et d’expériences entre les Hautes Juridictions Francophones. Ils assignent à ces juridictions un rôle catalyseur dans l’œuvre d’uniformisation du droit au sein des Etats membres.
Cette coopération instituée entre les Etats membres a-t-elle porté du fruit ?
Depuis sa création en 1998 l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones a abattu un travail remarquable au point qu’on peut affirmer que l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) est un instrument de coopération efficace. Les fruits de cette coopération peuvent se résumer en deux volets : l’organisation de plusieurs colloques au profit de ses membres et des sessions de formation ou de remise à niveau.
A- L’organisation des colloques au profit des membres
Les colloques apparaissent comme des cadres indiqués pour développer la coopération et l’entraide. Ainsi, ces rencontres d’échanges d’expériences sont organisés chaque année sur des thèmes d’actualité. Les thèmes choisis portent aussi bien sur l’organisation et le fonctionnement des Hautes juridictions que sur la fonction du juge. A ces rencontres de haut niveau, les membres de l’association font connaissance et échangent sur diverses questions de droit. Des débats nourris qui font suite à l’exposé des thèmes permettent d’harmoniser des points de vue sur des questions données sur lesquelles des opinions étaient divisées. Il faut préciser qu’à ces réunions sont associés des membres des juridictions sœurs européennes notamment françaises (Cour de cassation, Conseil d’Etat, Cour des Comptes) et d’universitaires européens ou africains. L’expertise avérée apportée par ces praticiens et théoriciens de haut niveau enrichit les connaissances et le savoir des uns et des autres.
Les thèmes objets d’échanges sont variés et ont trait à l’indépendance du pouvoir judiciaire, à l’exécution des décisions de justice, aux coûts et rendements du service public de la justice, à l’expérience des juridictions communautaires, aux contrariétés de décisions entre les Hautes juridictions judiciaires, administratives et constitutionnelles etc. Au total de 1998 à 2011 13 thèmes ont fait l’objet de communications et de débats par les membres de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) durant des sessions qui réunissent chaque année une centaine de participants.
Outre ces rencontres thématiques l’association a tenu des sessions de formation au profit des animateurs des juridictions membres.
B- Sessions de formation des membres des Hautes juridictions
Un plan de formation s’étalant sur une période de cinq (5) ans et commune à toutes les juridictions membres a été adopté par l’Assemblée générale du réseau le 6 juin 2006 à Lomé.
La formation vise à faire acquérir de nouvelles connaissances aux animateurs des hautes juridictions pour s’adapter aux exigences de l’évolution du droit et des différentes réformes en cours au niveau des Etats et au plan communautaire et international.
Plusieurs sessions de formation ont eu lieu, animées par des praticiens et théoriciens africains et européens sur divers thèmes : le délai raisonnable, l’œuvre prétorienne des Hautes juridictions, le rôle du ministère public près une haute juridiction, la réception en droit interne des normes internationales. La formation se déroule en deux étapes : sessions plénières autour des thèmes tels que définis plus haut et séances en atelier spécifique à chaque ordre de juridiction. Il convient de préciser que les magistrats du fond participent à ces formations. L’évaluation critique de ces sessions de formation aux dixièmes assises de l’association a été jugée positive et des recommandations ont été formulées aux fins de poursuite de l’expérience.
L’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) a adopté dans ce cadre le 22 février 2011 lors des travaux de son comité d’administration, un nouveau plan de formation courant la période 2011-2015.
Parallèlement à ces activités l’association anime deux organes de publication :
La voix de l’intégration juridique et judiciaire, une revue semestrielle de droit et d’information. Elle diffuse la jurisprudence des juridictions membres et des articles de doctrine sur des sujets de droit de préoccupation majeure en Afrique francophone.
Les cahiers de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF), parution annuelle. Cet organe publie les actes des colloques et les travaux des sessions de formation.
Chaque juridiction membre dispose de ces deux organes qui se trouvent également dans des librairies de certaines capitales et dans des bibliothèques universitaires. Une version électronique de ces bulletins est également disponible.
Il convient de noter que la francophonie a joué un rôle déterminant dans cette coopération juridique et judiciaire parce que le français, langue partagée, constitue un facteur de rapprochement entre les Hautes juridictions, entre leurs membres. Du fait qu’on parle la même langue on se sent plus proche. Une langue partagée donne un sentiment de proximité, même quand on est séparé par de vastes étendues. L’usage d’une langue, en l’occurrence le français, développe les liens de solidarité.
La coopération juridique et judiciaire dans les juridictions francophones est une réalité. Elle augure d’une bonne intégration régionale. Des difficultés restent cependant à surmonter pour faire de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) un outil performant de coopération entre les institutions judiciaires.
Du fait des difficultés de placement et d’écoulement des deux organes de publication la diffusion du droit et de la jurisprudence ne s’opère pas comme il se doit à l’échelle du continent. Par ailleurs, le site web de l’association connait des difficultés liées à son hébergement et à son animation. L’Organisation Internationale de la Francophonie vient d’aider le réseau à résoudre ce problème en acceptant d’héberger sur ses serveurs le site rénové de l’Association. Enfin, l’outil informatique n’est pas installé dans toutes les juridictions francophones d’Afrique.
La création d’une banque de données législatives et jurisprudentielles paraît plus indiquée pour donner plus de visibilité aux actions de l’Association Africaine des Hautes Juridictions Francophones (AA-HJF) et pour garantir la fluidité des échanges entre les juridictions membres. Son étude de faisabilité est faite. La phase de financement en vue de sa création reste à réaliser.