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Les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et le filtrage des pourvois

 

Me Louis Boré

Docteur en droit, Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation


Stratégies judiciaires pour simplifier, renforcer et accélérer les procédures devant les hautes juridictions de cassation


1. - Les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation constituent une profession qui contribue au bon fonctionnement de ces deux hautes juridictions en raison des modalités particulières de leur organisation (I), de leur formation (II), et de leur mission (III).

I. L’organisation

2. – Les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qu’on appelle aussi les avocats aux Conseils, ont le monopole de la représentation devant ces deux juridictions et leur nombre est limité. Ces deux caractéristiques font l’objet de critiques injustifiées.

3. – On reproche aux avocats aux Conseils de bénéficier d’un monopole.
C’est pourtant le cas de la quasi-totalité des professions libérales. Les médecins ont le monopole de l’exercice de la médecine. Les pharmaciens ont le monopole de l’exercice de la pharmacie. Les avocats ont le monopole de la représentation devant les Tribunaux de grande instance et les Cours d’appel. Qu’y a-t-il de choquant à ce que les avocats aux Conseils, spécialiste de la technique de cassation, aient le monopole de la représentation devant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation ?

5. – On leur reproche aussi leur limitation en nombre.
Mais si le législateur a limité à 60 le nombre des charges d’avocats aux Conseils, ce n’est pas pour favoriser ces derniers, c’est tout simplement parce qu’il a pensé que le Conseil d’Etat et la Cour de cassation fonctionneraient mieux avec 60 cabinets plutôt qu’avec 600 ou 6000. Si, demain, il change d’avis et souhaite augmenter ce nombre, il peut parfaitement le faire. Mais pour l’instant, cela n’a pas été le cas.

II. – La formation

6. – On ne devient pas avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation par hasard. Il faut, pour intégrer cette profession, suivre une formation exigeante et sélective.
Il faut tout d’abord collaborer pendant plusieurs années chez un avocat aux Conseils pour se former à la technique de cassation. La maîtrise de cette technique requiert en effet un long et difficile apprentissage qui ne s’improvise pas et ne peut s’acquérir que par une pratique quasi-quotidienne (V. sur la technique de cassation : J. et L. Boré, « La cassation en matière civile », Dalloz 2008 ; J. et L. Boré, « La cassation en matière pénale », Dalloz 2011).
Puis, il faut suivre, pendant trois ans, les cours dispensés par l’Institut de formation et de recherche des avocats aux Conseils, et passer les examens de première, deuxième, puis troisième année, qui consistent à rédiger des mémoires de cassation en matière civile, pénale, et administrative.
On doit aussi tenter le concours de la Conférence du stage des avocats aux Conseils qui constitue une formation irremplaçable à l’art oratoire.
Enfin, lorsque l’on a obtenu le certificat d’aptitude à la profession d’avocat aux Conseils, on peut, enfin, chercher à acheter une charge ou à s’associer.

III. – La mission

7. – Les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ont un rôle de filtre entre les justiciables et les deux hautes juridictions.
Ils filtrent tout d’abord les pourvois en délivrant des consultations sur leurs chances de succès. Ce n’est pas un hasard si 20 à 30 % des pourvois font l’objet d’un désistement ou d’une déchéance. Si le requérant ne maintient pas son recours, c’est parce que son avocat lui a expliqué, dans le cadre d’une consultation écrite et approfondie, que celui-ci était voué à l’échec en raison des limites du contrôle du juge de cassation qui est juge du droit et non juge des faits.
Ils filtrent ensuite les moyens de cassation. Par un arrêt du 14 mai 1971, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé que « l’avocat aux Conseils est libre de choisir, dans l’intérêt de son client, les moyens de cassation susceptibles d’être soumis à la cour, sous réserve de l’obligation d’aviser ce client s’il estime ne pas devoir présenter un moyen expressément demandé par celui-ci » (Ass. plén., 14 mai 1971, Bull. civ. ass. plén., n° 1). Ainsi, nous avons, fort heureusement, la maîtrise des moyens que nous invoquons. Si le législateur a imposé la représentation obligatoire devant la Cour de cassation, ce n’est pas pour que l’avocat se transforme en un simple magnétophone destiné à enregistrer servilement les désirs de ses clients. Spécialiste de la technique de cassation, c’est à l’avocat d’apprécier les moyens qui peuvent, ou ne peuvent pas, être utilement invoqués devant la Cour. On sait bien, en effet, que devant la Cour de cassation comme ailleurs, « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». C’est donc dans l’intérêt du justiciable lui-même qu’il convient de sélectionner les moyens de cassation pour ne retenir que ceux qui présentent des chances de succès.
Enfin, les avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation sélectionnent leurs plaidoiries. Devant la Cour de cassation comme devant le Conseil d’Etat, toutes les affaires ne méritent pas d’être plaidées et toutes ne le sont pas. Seules les affaires les plus sensibles ou celles qui soulèvent une question de droit inédite et importante font l’objet d’une plaidoirie.

8. – Est-ce qu’en travaillant ainsi, nous trahissons les intérêts de nos clients ? Absolument pas.
Les justiciables ont en effet intérêt à former leurs recours devant une juridiction qui fonctionne bien. Or, tel est le cas du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation qui rendent leur décision dans un délai d’environ un an. Le rôle de filtrage qui est pleinement assumé et assuré par les avocats aux Conseils bénéficie donc à la fois aux juridictions et aux justiciables.

 
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