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PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.
Premier président honoraire de la Cour de cassation française, membre du Conseil constitutionnel
Pas plus que beaucoup d’autres, mais sans doute à tort, le règlement de procédure du Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie n’empêche un juge de dormir à l’audience ! Est-ce pour cette raison qu’à l’occasion du procès Delalic, comme l’a incontestablement révélé l’enregistrement visuel, le président de la Chambre de première instance, saisi par l’ennui, s’est laissé allé à un bref assoupissement [1] ?
Mal lui en a pris, car en dépit du silence du règlement de procédure, l’instance d’appel saisie par l’accusé l’a fustigé en des termes sévères :
“Il ressort de la jurisprudence interne examinée par la Chambre d’appel que s’il est établi qu’un juge a dormi pendant une partie du procès ou que, de toute autre manière, il ne faisait pas preuve d’une attention sans faille, et si ce comportement cause un préjudice réel à une partie, l’équité au procès peut s’en trouver à ce point affectée qu’elle ouvre le droit à un nouveau procès ou à quelque autre juste réparation [2].
Ainsi, par le recours à la jurisprudence nationale, a été réglée la question, curieusement inédite en droit international, du juge inattentif [3]. Est-il une meilleure illustration du thème de l’influence croisée des juridictions nationales et internationales ?
Au-delà de cette image comique, sans doute moins anecdotique qu’il n’y paraît dans la tradition judiciaire, comment se construisent les décisions de justice ? Sont-elles élaborées en autarcie, par des instances confinées dans leur propre système de droit et qui se prononcent selon les procédures, les raisonnements qu’elles isolent et se réservent pour l’application d’un droit autosuffisant, selon des processus fermés, par des juges narcissiques ou introvertis, imperméables à tout effet exogène ? Au contraire, ce travail d’interprétation et d’application du droit est-il extraverti, ouvert aux échanges, influencé par les statuts, les procédures, les pratiques et la jurisprudence d’autres juridictions ?
Tout tourne finalement autour de la figure de la “clôture”, analysée par Roland Barthes, ici même, au Collège de France, dans son cours sur le “Comment vivre ensemble” [4]. Les juges oeuvrent-ils dans la béatitude - le sommeil - sous la protection d’un souverain isolement dans un espace clos ou ont-ils, au contraire, les yeux ouverts, sont-ils exposés au monde et stimulés par lui, en d’autres termes dépendants, fût-ce relativement, d’une communauté juridictionnelle internationale plus ou moins intégrée ?
Assurément, ces questions ne sont pas purement académiques. Elles mettent tout d’abord en cause la réalité d’un pouvoir ou d’un ordre judiciaire supranational, s’exerçant sur un ensemble de juridictions étatiques, subordonnées ou non ; corrélativement, elles déterminent l’accessibilité de la justice des États, fonction souveraine par excellence, à des facteurs extra-nationaux. Ces questions provoquent enfin le débat sur l’existence d’un mécanisme de construction d’un droit commun régional ou mondial et sur la puissance ou l’efficacité des instruments de convergence vers un ordre juridique globalisé. Tels sont, à mon sens, quelques aspects d’une problématique générale de l’influence croisée des juridictions internationales et nationales.
En l’abordant, je dois avouer, sacrifiant à la révélation du sujet du discours, que je ne suis ni internationaliste - privatiste et moins encore publiciste -, ni comparatiste, ni théoricien du droit et que je n’ai de vue sur le thème traité qu’à partir de l’expérience restreinte d’un juge national qui n’a pratiqué que les juridictions internes et qui, tout au plus, depuis quelques années, dans diverses instances, rencontre d’autres responsables de Cours nationales ou internationales. Cette conférence n’aura donc rien de savant. Telles sont, sachez le, les limites du discourant.
S’agissant des limites de l’objet de l’étude, on discutera peu de la notion organique de juridiction en adoptant, par construction, la définition la plus large, celle d’instance permanente instituée par un texte national ou international apte à rendre des décisions de justice [5]. De sorte qu’y seront inclus, fût-ce tangentiellement, en considération de l’intérêt qu’ils représentent, l’organe de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce et le Comité des droits de l’homme de l’ONU que l’on regardera, à tout le moins, comme des quasi-juridictions ou des juridictions potentielles.
Interpelle davantage le concept d’influence qui, n’étant pas juridique, s’entend tout à la fois de l’effet objectif produit par un facteur sur un phénomène soumis à variation et de l’action volontaire d’une personne ou d’une institution sur une autre, soit par la persuasion, soit par l’exercice à son égard d’un pouvoir ou d’une autorité politique, juridique, sociale, morale ou intellectuelle. Ainsi, dans le champ de l’étude, comprendra-t-on l’autorité juridique des décisions d’une juridiction à l’égard d’une autre, autant que toute forme quelconque de reconnaissance notamment par incitation, conviction, emprunt, mimétisme ou imitation.
De sorte que le thème assigné dépasse la question classique des rapports entre l’ordre juridique étatique et celui du droit international. Même si elle n’est pas sans incidence sur le sujet, celui-ci ne se résout pas à l’opposition traditionnelle entre la doctrine dualiste, selon laquelle l’ordre juridique international et les ordres domestiques coexistent dans l’indépendance du fait qu’ils reposent sur des normes fondamentalement différentes, et la doctrine moniste, qui voit un tout unitaire dans la société internationale et celle des Etats [6].
La différenciation infinie des modes d’exercice de l’influence conduit, en effet, à envisager le sujet, plus amplement, sous une double approche, d’abord par le cadre de l’influence (§ 1), puis par celle du jeu de l’influence (§ 2), en recherchant, dans l’un et l’autre de ces aspects, cadre et jeu, examinés sous l’angle de la complexité et des variations, autant les lignes de forces que leur dynamique.
Par cadre de l’influence, on entendra d’abord les divers modes d’organisation entre les juridictions internationales et les juridictions nationales (A) puis les liens interactifs complexes qui en résultent (B).
Il est peu risqué d’affirmer qu’il n’existe pas, au sens propre, un ordre unique englobant dans un même système organisé l’ensemble des juridictions internationales et nationales. On observe, au contraire, une pluralité de systèmes, un agrégat qui impose des classifications. C’est à partir des diverses compréhensions du concept d’influence qu’on y procédera, en distinguant les juridictions internationales placées au sommet d’un ordre institué par un traité et subordonnant hiérarchiquement les juridictions des Etats (1), de celles qui déterminent des ordres cloisonnés, quoique soumis à des interférences, et n’exercent aucun pouvoir immédiat sur les juges nationaux (2).
1 - L’intégration dans les ordres juridictionnels supra-nationaux.
Dans le premier groupe se classent les juridictions internationales qui contrôlent l’interprétation d’un traité d’application directe, interprétation que font au premier stade et sous leur contrôle les juridictions des Etats signataires. Tel est évidemment le cas de la Cour de justice des communautés européennes, dont, par l’effet même du Traité de l’Union, les décisions s’imposent dans leur interprétation du droit communautaire, avec le même effet direct et la même primauté que le traité lui-même, à l’ensemble des juridictions des Etats membres. Ses arrêts s’intègrent à l’ordre juridique communautaire comme le corpus interprétatif des textes fondateurs.
D’autres organisations régionales de marché se sont dotées d’un semblable dispositif qui, dans le champ d’application d’un traité, délèguent des pouvoirs de jugement aux juridictions internes mais, sous diverses formes, confèrent une autorité normative unificatrice à la juridiction supranationale qu’il crée. Dans cette catégorie, on peut citer de nombreux exemples de juridictions instituées dans le cadre des intégrations économiques régionales [7] : sur le continent américain, la Cour centraméricaine de justice et la Cour de justice de la Communauté andine ; en Afrique, la Cour de justice du marché commun de l’Est et du Sud africain, la Cour commune de justice et d’arbitrage instituée dans le cadre de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (O.H.A.D.A.) et la Cour de la Communauté économique africaine ; en Europe enfin, outre la Cour de justice des communautés européennes, la Cour de l’A.E.L.E. et la Cour du Bénélux. Il est toutefois difficile de discerner des règles constantes dans cette prolifération de juridictions économiques régionales où les puristes du droit international voient plus de sources de dérèglement que de cohérence [8].
Dans l’ordre de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, la figure systémique est différente quoiqu’aboutissant à un résultat semblable. Les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme sont revêtues d’une autorité relative de la chose jugée : l’arrêt n’oblige que les parties au litige et pour le seul cas tranché. Mais quoiqu’il ne confère aucune force exécutoire à la décision, le mécanisme de la Convention oblige l’Etat contractant à se conformer à son dispositif [9].
Il en résulte que l’autorité des arrêts de la Cour déborde largement leur stricte portée juridique. Bien que les juges de Strasbourg, à la différence de ceux de Luxembourg, n’aient développé aucune doctrine sur l’applicabilité directe ou la primauté du droit européen des droits de l’homme, l’examen des résolutions de l’organe d’exécution, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, montre que les autorités nationales, au rang desquelles se trouvent les juridictions, sont contraintes de se ranger à la jurisprudence de la Cour [10]. Ceci conduit à accréditer la doctrine selon laquelle ses arrêts seraient revêtus de l’ « autorité de la chose interprétée » [11].
Ce mécanisme s’est renforcé de l’obligation de remettre en question l’autorité de la chose jugée, notamment en matière pénale, par la juridiction interne, en violation des articles 5, 6 et 7 de la Convention. A la suite de certains Etats [12], par une loi du 15 juin 2000 [13], la France a, à son tour, institué une procédure de réexamen d’une décision pénale définitive jugée par la Cour européenne des droits de l’homme contraire aux dispositions de la Convention. Certes, le réexamen est décidé par une commission instituée auprès de la Cour de cassation [14], donc par une juridiction interne, néanmoins, par ce mécanisme, l’effet juridique de l’arrêt de la Cour européenne transite de l’ordre international vers l’ordre interne pour remettre en cause l’autorité de la chose définitivement jugée par les juridictions de l’Etat.
D’autres organisations internationales de protection des droits de l’homme se sont dotées d’appareils juridictionnels de même inspiration, telle la Cour interaméricaine des droits de l’homme, organe d’application et d’interprétation des textes garantissant les droits de l’homme dans l’Organisation des Etats américains et, à un degré infiniment moindre [15], la Commission des droits de l’homme et des peuples, instituée pour la mise en oeuvre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981.
La force uniformisatrice d’un système de cette nature se mesure évidemment à l’autorité des décisions de l’organe, plus ou moins juridictionnel, institué par le traité et aux pouvoirs qui lui sont conférés. Dans le domaine spécifique des droits de l’homme, lieu d’élection de ce type d’organisation, les situations sont variables [16]. Elles vont des systèmes les plus aboutis, dans lesquels les décisions de l’organe international s’imposent aux juridictions des Etats contractants, aux systèmes les moins achevés qui ne s’appuient que sur des commissions para-juridictionnelles n’émettant que des recommandations de faible portée à l’égard des Etats.
Le dispositif de contrôle du Pacte international des droits de l’homme relatif aux droits civils et politiques, du 16 décembre 1966, est à cet égard intéressant [17]. Le Comité des droits de l’homme créé à cette fin peut demander aux Etats des rapports sur les mesures prises pour rendre effectifs les droits garantis et leur présenter toutes observations [18]. Il peut aussi se voir reconnaître par les Etats compétence pour être saisi de “communications” émanant d’un autre Etat et dénonçant des violations de leurs obligations [19]. Mais le processus de base est renforcé d’un protocole facultatif selon lequel les Etats peuvent conférer au Comité la compétence de recevoir et examiner des requêtes (communications) de particuliers [20]. En ce cas, le Comité soumet la contestation à un débat contradictoire puis adresse sous forme de décision juridictionnelle ses constatations à l’Etat et au requérant. Certes, la volonté des Etats continue ici de jouer un rôle déterminant et, qu’il soit déclenché par un Etat ou par un particulier, le processus international ne peut déboucher sur une décision ayant force de chose jugée. Il n’en reste pas moins que le mécanisme mis en place, renforcé par une procédure de suivi des constatations, oblige l’Etat à s’expliquer devant une instance internationale dont l’autorité conduit à l’acceptation d’une solution respectueuse des droits inscrits dans le Pacte, de sorte que, par ce biais, s’impose l’interprétation qu’elle en donne.
Le Comité n’a toutefois aucune prise effective sur les juridictions nationales chargées de faire une application directe du Pacte. A défaut d’un dispositif d’exécution obligatoire, l’interprétation qu’elle donne des garanties instituées n’est que déclarative. On progresse vers la seconde catégorie de juridictions internationales, celles qui n’exercent aucun pouvoir direct sur des juridictions nationales.
2 - L’autorité relative de la justice internationale.
On y classe la plupart des juridictions internationales traditionnelles, notamment celles instituées dans le cadre de l’O.N.U., que leur compétence soit générale comme celle de la Cour internationale de justice, ou spécialisée comme celle du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie ou du Tribunal pénal international pour le Rwanda, que ces juridictions internationales soient chargées d’un contentieux entre Etats, comme la Cour internationale de justice ou le Tribunal international des droits de la mer, ou de recours de particuliers comme les juridictions pénales internationales, notamment la Cour pénale internationale, ou qu’enfin, leur compétence soit obligatoire ou facultative pour les Etats signataires.
Pour autant, dans toutes ces situations, les décisions de la juridiction internationale ne sont pas privées d’autorité sur les juridictions internes. Progressivement, la perméabilité de l’ordre juridique national aux décisions internationales s’est accrue en obéissant à des démarches différentes. Le fondement juridique de la réception de la jurisprudence des juridictions internationales par les juridictions internes est tiré, soit, classiquement, de la souscription de l’Etat au statut ou à la compétence de la juridiction internationale, soit, plus généralement, selon la théorie du droit international, de l’opposabilité des normes du jus cogens [21].
On comprend que, progressivement, s’estompe le cadre institutionnel de l’influence jusqu’à disparaître lorsque les juridictions n’ont aucun lien entre elles. La réception réciproque des jurisprudences ne repose alors sur aucun principe juridique. Elle est cependant une pratique courante sur laquelle on reviendra, en évoquant les multiples références faites à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme par des juridictions, internes ou internationales, qui ne sont cependant, en aucune sorte, tenues au respect de la Convention. Dans le cadre ainsi tracé, quels sont les circuits d’interaction des juridictions entre elles ?
Au sein de ces architectures multiformes, tout aussi complexes et infiniment subtils, se déploient les modes de circulation du droit construits par le juge. Sans les épuiser tous, on peut en proposer trois catégories : la jurisprudence (1), les juges et praticiens (2), enfin la doctrine juridique (3).
1 - La jurisprudence
C’est évidemment par la jurisprudence que s’exerce, au premier chef, l’influence réciproque des juridictions. La littérature des jugements est le mode premier de communication des juges. Ce sont les décisions qu’ils rendent qui sont éventuellement prises en compte par d’autres. L’autorité de leur jurisprudence est différente selon les situations que nous avons examinées. Elle peut être obligatoire ou consentie. En ce dernier cas, elle varie selon la notoriété de la juridiction, son autorité morale, la force de conviction de sa motivation, la qualité du système juridique d’où émane le jugement. A cet égard, chaque juridiction internationale et chaque ordre national sont en compétition. Dans ce concours sont évidemment avantagés ceux qui produisent des décisions convaincantes, précisément motivées, se référant à des critères d’ordre social, économique, culturel ou éthique dépassant le pur raisonnement juridique et mobilisant des valeurs de portée universelle. C’est à n’en pas douter à ces données que se mesure l’autorité de la jurisprudence française.
Un autre facteur de propagation des décisions de justice tient à la tradition de partage des jurisprudences, tradition forte dans l’espace de Common Law [22], tradition inexistante, insignifiante, en tout cas beaucoup moins active dans les autres, comme celui des juridictions hispanophones ou francophones, même de tradition civiliste.
2 - Les juges et praticiens [23].
A l’autorité des décisions s’ajoute celle de leurs auteurs. Les juridictions internationales sont composées de juges qui proviennent des systèmes nationaux et qui s’inspirent de leur propre tradition. Là encore, leur influence se mesure à la puissance culturelle du système dont ils sont issus et à leur propre autorité.
Lorsque ces juges regagnent leurs juridictions d’origine, ils rapportent les acquis de la pratique internationale. L’expérience, la culture, les modes de raisonnement et les connaissances qu’ils importent sont de ce fait de puissants facteurs d’ouverture.
Quant au rayonnement d’un système juridique par l’autorité personnelle du juge, le même raisonnement peut être tenu pour les juridictions nationales. Il y a sans aucun doute de ce point de vue une différence entre les systèmes de Common Law qui valorisent la stature individuelle du juge et ceux de droit civil, qui l’estompent en le fondant dans l’anonymat d’une quasi- fonction publique judiciaire. Dans ce dernier cas, c’est la réputation collective du corps judiciaire qui importe, telle qu’elle résulte de sa formation, de sa qualification et de son éthique.
A côté des juges, les avocats sont aussi de puissants vecteurs d’influence. Ce sont eux qui, par les références qu’ils invoquent et les citations qu’ils font des jurisprudences externes, établissent des concordances entre des cours internationales ou nationales. On sait, par exemple, dans l’ordre de la Convention européenne des droits de l’homme, que la culture et la formation des barreaux sont un facteur décisif du respect des garanties qu’elle prévoit. Leur rôle de “passeur” est évidemment primordial, les juridictions ne se fondant sur des jurisprudences extérieures qu’autant qu’elles sont invoquées devant elles. En outre, exerçant d’une juridiction à l’autre, les avocats transportent leurs habitudes de travail, leurs exigences de libre exercice de la défense, leurs réflexes, leurs savoir-faire, leurs modes de raisonnement et leurs techniques. Leur action contribue donc à la normalisation des pratiques vers ce qu’elles ont de plus utile, de plus vertueux et exigeant pour la qualité du procès. A n’en pas douter, l’aptitude d’une juridiction à se placer dans un concert international dépend de la qualité et des stimulations du corps d’avocats qui oeuvre auprès d’elle.
Qu’il s’agisse des juges ou des avocats, les courants relationnels se renforcent par la création d’organisations internationales qui les rassemblent. En ce qui concerne les juges, se sont créés, depuis plusieurs années, des réseaux plus ou moins formels entre cours suprêmes, selon des structures régionales ou linguistiques, Amérique du Nord, Europe, Pacifique, Maghreb, espace francophone, hispanophone, arabophone... ou selon des spécialisations, par exemple la structuration mondiale des juges spécialisés en droit de l’environnement provoquée par le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement, l’organisation européenne des juges commerciaux ou de concurrence. L’effet de rapprochement produit par ces réseaux est d’autant plus fort que, comme c’est quelquefois le cas, ils se dotent de bases partagées de jurisprudence.
3 - La doctrine
Parmi les véhicules de l’influence croisée, on ne peut manquer de citer la doctrine. Les auteurs constituant la doctrine internationaliste ou comparatiste observent ces transferts réciproques de normes, les commentent, les rationalisent, en révèlent la logique et les érigent en système. C’est à ces recherches que l’on se reporte lorsque l’on entend mesurer la réalité et la puissance des interactions jurisprudentielles. Ce sont leurs publications qui mettent en évidence les courants d’échange, les renforcent et les stimulent. Il faut admettre que l’intensité de la recherche qu’ils mobilisent participe du rayonnement d’un ordre juridictionnel.
L’échiquier étant ouvert et les pièces installées, peuvent alors s’engager le jeu et se déployer les stratégies de l’influence.
Tout d’abord, doit-on, comme le terme “jeu” le laisse entendre, parler de stratégie de l’influence ? Ce qui voudrait dire que chaque système a une propension hégémonique. Il est vrai que les postures de suprématie, de supériorité, parfois d’arrogance, caractérisent certaines organisations juridictionnelles. Toutes cherchent à asseoir et élargir leur rayonnement, qu’elles soient internationales, pour l’expansion des normes universelles qu’elles ont vocation à propager, qu’elles soient internes, pour se promouvoir individuellement ou comme composante d’un grand ensemble de Common Law ou de droit codifié, dans la concurrence mondiale des droits. On admettra donc que la compétition est un mode normal de relation entre les systèmes juridictionnels et qu’elle est facteur de progrès.
Ce qui n’empêche pas que l’ouverture des juridictions à d’autres jurisprudences peut aussi traduire une conscience juridique nouvelle marquée par les préoccupations d’humanité ou d’universalité, s’appuyant sur certaines valeurs de civilisation partagées à l’échelle mondiale.
De cette quête de pouvoir ou de cette progression vers des valeurs universelles, il s’agit de décrire les forces avant de rechercher en quoi elles contribuent à l’intégration des normes. Les interactions verticales des juridictions nationales et internationales (A) accélèrent la circulation horizontale des normes et des modèles (B). [24]
Chronologiquement au moins, l’influence s’est exercée, de manière ascendante, des juridictions nationales vers les juridictions internationales (1) avant que ne s’impose comme plus puissante et naturelle la tendance inverse (2).
1 - Le mouvement ascendant
L’influence des juridictions nationales s’exerce tout à la fois dans la modélisation de la justice internationale (a) et par la réception de leurs décisions dans l’ordre international (b).
a - Dans les modèles de juridictions internationales
Historiquement, les juridictions nationales ont existé avant les juridictions internationales. C’est donc sur la matrice des premières que se sont construites les secondes. L’élaboration des règles fondatrices des juridictions internationales traduit généralement une combinaison des différentes traditions juridiques des Etats parties aux traités fondateurs [25]. Elles expriment non seulement les rapports de force diplomatiques qui ont présidé aux négociations mais aussi la puissance des systèmes juridictionnels en présence. On a coutume de dire que la Cour de justice des communautés européennes est inspirée, tant du point de vue de son statut, de sa procédure que de ses modes de contrôle, par la tradition romano-germanique, tandis que la Cour européenne des droits de l’homme serait plutôt issue de celle de Common Law, tout comme les juridictions pénales internationales reproduiraient, avec plus ou moins de nuances et de corrections, le schéma américain de procédure accusatoire.
De la même manière, les raisonnements des juridictions internationales, leurs méthodes d’instruction et de jugement, sont inspirés de ceux des juridictions nationales. On estime généralement que la technique du contrôle de légalité des actes des institutions de l’Union européenne par la Cour de justice des communautés européennes est reproduite du modèle français tel qu’il a été construit par le Conseil d’Etat au XIXème siècle. En revanche, ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme l’indique, la motivation de ses décisions est inspirée du système du précédent tel que pratiqué par les juridictions de Common Law.
b - Dans la réception des jurisprudences
Mais c’est évidemment par la réception de la jurisprudence que les juridictions internes pénètrent l’ordre international. De ce point de vue, l’incidence est différente selon que l’on s’adresse à l’organisation classique du droit international (i) ou à la politique juridictionnelle des ordres supra-nationaux intégrés (ii).
i - Selon la théorie classique du droit international
Abstraction faite des cas dans lesquels l’application même du droit international laisse des compétences aux juridictions internes dont les décisions s’imposent, la logique du droit international ne ménage, en théorie, qu’une portée résiduelle, accessoire ou supplétive à la jurisprudence nationale [26]. Lorsqu’elles appliquent le droit interne, les jurisprudences domestiques sont en général lues par les juridictions internationales comme des éléments de connaissance objective du droit national et lorsqu’elles appliquent le droit international, elles ne le font que sous le contrôle de ces dernières précisément instituées à cette fin.
Néanmoins, d’une manière générale, les jurisprudences des premières ne sont pas sans incidence sur les secondes. Tout d’abord, dans certains cas, les juridictions pénales internationales ne peuvent normalement que prendre acte des décisions des tribunaux nationaux lorsqu’elles sont le résultat d’un procès régulier conforme au droit. En vertu de la complémentarité et du principe, à valeur relative, non bis in idem, les coupables déjà condamnés dans l’ordre interne ne peuvent, sauf exception, être rejugés ou sanctionnés une seconde fois dans l’ordre international. Ensuite, il est communément admis par toutes les juridictions internationales que, lorsqu’elles sont conduites à appliquer le droit interne dans une affaire portée devant elles, elles s’appuient sur l’interprétation nationale. Enfin, les décisions internes peuvent n’être pas dépourvues d’influence normative. Les juridictions pénales internationales ne répugnent pas à faire référence à leur jurisprudence pour éclairer un point de droit ou pour étayer leur raisonnement. Le Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie se signale à ce sujet par une grande ouverture. Dans l’affaire Tadic [27], par exemple, il s’appuie sur la jurisprudence de cours israélienne [28], allemande [29], britannique [30] et hollandaise [31] pour établir la responsabilité des Gouvernements sur des opérations des troupes irrégulières qu’ils contrôlent et qui agissent en violation des lois et coutumes de la guerre. Dans l’affaire Furundzija [32], autre exemple, il cite une dizaine de décisions rendues par les juridictions de divers pays à propos de la prohibition de la torture et de la notion de complicité [33].
De son côté, la Cour internationale de justice, dont les statuts mentionnent parmi les sources de droit applicables les décisions judiciaires [34], précise que cette notion renvoie globalement aux jurisprudences internationales aussi bien que nationales. Ainsi se reporte-t-elle à des précédents nationaux pour établir ou réfuter l’existence de la coutume internationale. Par exemple, dans l’affaire Congo contre Belgique, par un arrêt du 14 février 2002, elle a jugé sur la question de l’immunité d’un ministre des affaires étrangères en exercice accusé d’avoir commis des crimes de droit international qu’après avoir « examiné avec soin la pratique des Etats, y compris [...] les quelques décisions rendues par de hautes juridictions nationales, telle la Chambre des Lords ou la Cour de cassation française, elle n’est pas parvenue à déduire de cette pratique l’existence, en droit international coutumier, d’une exception quelconque à la règle consacrant l’immunité de juridiction pénale et l’inviolabilité des ministres des affaires étrangères en exercice, lorsqu’ils sont soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité » [35] .
ii) Dans les ordres juridictionnels supranationaux intégrés
Bien que ces références à la jurisprudence interne par les juridictions internationales de type classique ne soient pas négligeables, plus intense de ce point de vue est la pratique de celles qui gouvernent des ordres juridictionnels intégrés au sein desquels les décisions des juridictions nationales revêtent une importance toute particulière dont plusieurs raisons sont données.
Tout d’abord, dans l’ordre juridique de l’Union européenne comme dans celui de la Convention européenne des droits de l’homme, le juge national est le juge de droit commun du droit communautaire [36] comme il est le juge naturel de la Convention européenne des droits de l’homme [37]. C’est donc lui qui, en premier rang, en fait l’application et en risque l’interprétation. C’est en réaction, soit positive soit négative, à ses prises de position préliminaires que chacune des deux cours européennes construit le droit des traités. S’établit, par conséquent, entre les juridictions des Etats et leurs homologues européennes un dialogue, on dit une coopération loyale, dont le premier terme, la base des discussions ultérieures, est constitué par les décisions des juges nationaux.
Le renvoi préjudiciel en interprétation prévu par le droit de l’Union européenne [38], instrument privilégié de la coopération juridictionnelle communautaire n’est qu’une variation de ce phénomène puisque c’est le juge national qui décide de l’existence de la difficulté d’interprétation du traité, c’est lui qui en définit les contours, qui établit les termes de la question et, recevant la réponse, qui en fait une application au cas d’espèce. Tout cela, on en conviendra, lui laisse une large part d’initiative et lui donne tout autant un pouvoir de stimulation qu’une force de résistance dont il use et abuse parfois.
Ensuite, tout en regardant comme autonomes les systèmes nationaux et européens, les deux ordres juridiques supranationaux visent à une intégration, dans un cas, d’une Europe des droits de l’homme, dans l’autre d’un marché unique puis d’un espace de liberté, de sécurité et de justice, enfin, selon le traité constitutionnel de l’Union européenne, à une organisation politique. Quoique différemment d’un Etat fédéral, les deux cours européennes imposent une continuité entre les systèmes nationaux et les systèmes européens par l’harmonisation des jurisprudences nationales et supranationales. En somme, leurs décisions instaurent un modèle juridique original fondé sur l’absence d’incompatibilité entre les solutions établies par les juridictions des Etats et celles des juridictions européennes.
En outre, dans l’ordre communautaire, est important le rôle joué par les jurisprudences nationales dans la construction de principes généraux communs aux droits internes des Etats membres, principes communs élevés au rang de principes généraux du droit communautaire, eux-mêmes source de ce droit [39]. En ce cas, la Cour de justice mobilise les ressources du droit comparé pour discerner, notamment dans la jurisprudence des tribunaux internes, des règles qui constituent le patrimoine juridique commun des Etats européens [40]. La démarche est originale car elle donne au droit communautaire un principe de construction ascendant, à partir des jurisprudences nationales.
Toutes aussi importantes sont les décisions nationales dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme où elles prennent une place primordiale dans la logique du système de protection. La méthode d’interprétation de la Cour européenne se fonde d’abord sur un consensualisme selon lequel la Convention se comprend à la lumière des conceptions prévalant de nos jours dans les Etats démocratiques [41]. Ces conceptions communes se découvrent évidemment dans la jurisprudence des juridictions des Etats signataires. Semblable démarche a été particulièrement illustrée dans l’arrêt Vô contre France, où la Cour a vainement recherché, dans les jurisprudences des Etats, une conception commune protégeant le foetus dans le cadre du droit à la vie [42]. De la même manière, c’est à partir de l’examen de l’évolution des jurisprudences nationales que la Cour procède à l’interprétation évolutive de la Convention. Elle le fait en prenant en compte les changements sociaux perçus par les juges internes, qu’il s’agisse, par exemple, du droit des enfants naturels [43], du transsexualisme [44] ou de la structure familiale [45]. A cet égard, elle souligne que toute évolution des jurisprudences nationales est susceptible de déplacer le centre de gravité et de provoquer, par contrecoup, un changement dans la jurisprudence de la Cour. C’est ce qu’elle a énoncé très clairement, en 1989, dans l’arrêt Cossey sur la question du mariage des homosexuels [46]. C’est encore la présence de dénominateurs communs dans les jurisprudences internes qui constitue l’élément décisif du contrôle de la Cour sur la marge d’appréciation réservée aux Etats pour s’ingérer dans les droits garantis. Plus le consensus jurisprudentiel est étroit, plus réduite est la latitude abandonnée aux Etats ; tel a été, par exemple, le raisonnement du juge européen suivi en ce qui concerne l’égalité entre les enfants légitimes et naturels [47]. A l’inverse, l’absence de convergence dans les jurisprudences nationales laisse aux Etats une plus large marge d’appréciation dans le maintien de mesures restrictives aux droits de l’homme, ainsi en fut-il dans l’arrêt Fretté [48], pour ne pas sanctionner le refus de droits parentaux aux homosexuels au regard de l’interdiction de la discrimination (article 14 de la Convention) et du droit au respect de la vie privée et familiale (article 8).
2 - Le mouvement descendant
C’est évidemment dans l’ordre inverse des juridictions internationales vers les juridictions nationales que s’exerce l’influence la plus marquante, soit par les mécanismes classiques du droit international, soit, et plus encore, par la logique des ordres supranationaux intégrés.
a - Dans les ordres supranationaux intégrés
L’autorité de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes se déduit, nous le savons, de l’effet de primauté du droit communautaire incluant la jurisprudence comme source de droit. Or, dans le silence des traités fondateurs, le principe et la portée de la primauté ont précisément été créés par la jurisprudence de la Cour de justice, par des arrêts successifs emblématiques qui en fixent le fondement, l’étendue, le caractère indivisible, général, absolu, inconditionnel ainsi que les modalités d’exercice [49]. Elle le fait en affirmant au passage le pouvoir des juges nationaux d’écarter l’application des normes internes incompatibles et de donner plein effet au droit des traités [50]. La Cour fait tout cela en respectant l’autonomie procédurale des juridictions nationales mais en l’encadrant rigoureusement. Autrement dit, la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes a tout à la fois inventé la prévalence de ses propres décisions, le pouvoir d’éviction des juges nationaux sur le droit interne et encadré à cette fin les systèmes juridictionnels des Etats. A cette construction de la jurisprudence communautaire répondent les décisions des juges nationaux qui, mettant en oeuvre le dispositif ainsi conçu, exercent pleinement les pouvoirs qui leur ont été conférés par la Cour. Certaines juridictions internes, notamment le Conseil d’Etat français [51] et la Cour constitutionnelle allemande [52], ont toutefois fixé les limites de ce pouvoir juridictionnel partagé, par exemple, en se dérobant à l’incitation à admettre la primauté du droit communautaire sur le droit constitutionnel des Etats. Mais le refus lui-même ne s’inscrit-il pas dans l’interaction des décisions juridictionnelles ? En définitive, la construction originale du système de la primauté communautaire est purement jurisprudentielle. Et c’est précisément ce principe fondateur de l’autorité même des arrêts de la Cour, relayée par les juges nationaux, qui a permis le développement, par les juges, du droit de l’Union européenne [53].
Certains voient dans le syncrétisme des jurisprudences des cours nationales et européennes l’émergence d’un véritable droit commun favorable à l’intégration européenne, tandis que d’autres dénoncent bruyamment une usurpation de pouvoir par les juges, des atteintes à la souveraineté nationale, en même temps que l’altération des ordres juridiques nationaux [54]. Ceux-là dénoncent, avec plus de vigueur encore, l’émergence d’un droit commun européen des droits de l’homme, selon eux, au mépris de la souveraineté des Etats. C’est, il est vrai, aussi par une dynamique prétorienne, commandée par la Cour européenne des droits de l’homme et suivie par les juges nationaux, que s’est construit le régime original de suprématie sur les droits nationaux de la Convention européenne des droits de l’homme dans l’interprétation vivante donnée par la Cour. Mais c’est incontestablement à cette primauté du droit jurisprudentiel, s’imposant aux juges des Etats et relayée par eux, que l’on doit la progression des droits de l’homme dans les Etats fondateurs de la Convention et l’émergence d’une protection démocratique des droits et libertés dans les Etats, nouveaux contractants. Ici encore, l’interaction des jurisprudences peut prendre l’aspect d’une opposition ouverte, c’est encore le cas du Conseil d’Etat français qui refuse de tirer les conséquences de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme sur la validité de ses propres méthodes de jugement au regard de l’article 6 de la Convention [55].
b - Dans l’ordre international
Moins efficaces sont les solutions du droit international classique. On sait que le droit des gens postule la “primauté internationale”, c’est‑à‑dire la supériorité des normes internationales sur les droits internes, mais confie aux droits et aux juges nationaux la responsabilité de mise en oeuvre de la “primauté interne”, c’est‑à‑dire la définition des modalités réglant la pénétration et la position hiérarchique du droit international dans l’ordre interne, selon les formules monistes ou dualistes retenues par les règles constitutionnelles nationales. Ainsi, suivant l’organisation interne des justices, les jurisprudences nationales sont un moyen d’application de la jurisprudence internationale. Les exemples tirés de la pratique américaine démontrent toutefois les résistances qui peuvent être opposées à ce principe dans les systèmes d’un dualisme fondamentaliste. Dans des affaires criminelles célèbres, Bréard puis LaGrand, la Cour suprême des Etats-Unis, à plusieurs reprises, a refusé d’appliquer les décisions de la Cour internationale de justice rappelant le respect des obligations consulaires stipulées par la Convention de Vienne [56]. Elle a, en effet, laissé s’exécuter des sentences capitales sur des étrangers à l’égard desquels la protection consulaire avait été méconnue lors du procès. Saisie de recours de la part des Etats concernés, la Cour internationale de justice a clairement constaté cette violation en rappelant que l’Etat partie à un procès devant elle a l’obligation de se conformer aux décisions rendues dans ce cadre et, en conséquence, que les juridictions de cet Etat sont elles-mêmes tenues de les appliquer [57]. On aura compris que l’effectivité de la décision internationale repose finalement sur la volonté coopératrice des juges nationaux. Au-delà de cet effet primaire, même lorsqu’elle n’est pas une décision obligatoire pour les parties à un procès devant une cour internationale, la jurisprudence internationale peut être une source d’inspiration normative pour les juges nationaux, en particulier pour servir d’argument d’autorité en matière d’interprétation du jus cogens.
En ce dernier cas, lorsqu’il est confronté à une question de cette nature, le juge interne peut, par une introduction prétorienne directe, recourir à la jurisprudence internationale, sans que cette référence soit conditionnée par le consentement de l’Etat à la règle internationale concernée, en particulier lorsqu’il s’agit de la coutume internationale et des principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées. C’est ce qu’a fait la chambre criminelle de la Cour de cassation française, par un arrêt du 23 novembre 2004, dans l’affaire dite de l’Erika [58]. En référence directe à la Coutume internationale, telle qu’interprétée par la jurisprudence internationale, notamment l’arrêt Yerodia de la Cour internationale de justice [59], elle a jugé “que la Coutume internationale qui s’oppose à la poursuite des Etats devant les juridictions pénales d’un Etat étranger, s’étend aux organes et entités qui constituent l’émanation de l’Etat ainsi qu’à leurs agents en raison d’actes qui relèvent [...] de la souveraineté de l’Etat concerné”. Ainsi, ce qui est plus intéressant pour notre sujet, les juridictions nationales puisent volontairement dans la jurisprudence internationale la norme et les moyens juridiques nécessaires à la construction de leurs propres solutions, que cette jurisprudence internationale porte ou non sur des affaires impliquant l’Etat dont ces juridictions relèvent.
De cette inspiration spontanée, on trouve de multiples exemples dans la jurisprudence américaine, quelques-uns dans celle des cours suprêmes d’autres Etats, en particulier en Europe et quelquefois en France [60]. S’impose ici le rappel de la citation spectaculaire faite par l’arrêt de la Chambre des Lords du 24 mars 1999 dans l’affaire Pinochet [61], de la décision du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie du 10 décembre 1998 [62], pour attribuer à l’interdiction de la torture le caractère de règle du jus cogens.
Ces dernières observations interrogent finalement sur la manière dont s’opère techniquement l’interpénétration des jurisprudences. Se fait‑elle sur le mode de la « réception » d’une solution ou de l’emprunt du raisonnement juridique, c’est‑à‑dire des moyens invoqués dans telle ou telle décision ? Se fait-elle sur le mode du respect « hiérarchique », donc de l’application stricte et intégrale par les juridictions nationales des décisions internationales, ou sur un mode persuasif, par adhésion à un raisonnement ? En tout cas, lorsqu’on passe d’un ordre international à un autre, l’interférence ne peut qu’être bénévole et s’exercer dans un champ plus culturel que strictement juridique. L’observation globale du phénomène montre que l’interaction des jurisprudences, qu’il s’agisse des jurisprudences internationales entre elles ou de celles‑ci avec les jurisprudences nationales, prend la forme d’emprunts à la démarche juridique suivie, rarement celle de la transposition aveugle de la solution ; celle-ci s’impose donc moins que le raisonnement qui la sous-tend. C’est donc finalement sur le mode de l’approbation réfléchie, par la raison des juges, que se propagent les modèles de justice et se développent les interactions entre jurisprudences internes et internationales. L’étude de la diffusion du standard du procès équitable et celle de la propagation de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme l’illustrent de manière caractéristique.
1 - La diffusion du modèle du procès équitable
L’observation des circuits de transfert du standard du procès équitable [63] montre qu’à partir des principes développés par les juridictions de Common Law anglaises, depuis le XIIIème siècle, puis transposés dans la Constitution des Etats-Unis d’Amérique, le modèle du procès équitable s’est développé dans la jurisprudence nord-américaine puis dans celle de tous les grands systèmes, après son inscription dans la Charte des Nations Unies précisée dans le Pacte sur les droits civils et politiques, dans la Convention européenne des droits de l’homme, comme dans d’autres instruments de protection régionaux des droits de l’homme ainsi que dans les constitutions et les chartes des droits fondamentaux de nombreux Etats, dans le monde entier, y compris dans le projet de traité constitutionnel de l’Union européenne. En même temps, le modèle s’est complété, précisé, élargi, alourdi des applications multiples qu’en ont faites les juridictions étatiques, notamment à l’intérieur de l’Europe, commandées par les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et les décisions du Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Enfin, le standard s’est imposé devant les juridictions internationales, aussi bien la Cour internationale de justice, les Tribunaux pénaux internationaux ad hoc, la Cour pénale internationale que devant l’Organe de règlement des différents de l’Organisation mondiale du commerce [64].
Ainsi que le mettent en évidence les travaux de l’atelier de droit international de l’UMR de droit comparé de Paris, dans une recherche très convaincante [65], ce transit de la même notion, essentiellement d’origine jurisprudentielle, entre divers espaces normatifs, a emprunté toutes les voies de l’influence croisée des juridictions qui l’ont successivement développée : verticale et circulaire, hiérarchique ou consensuelle, jurisprudentielle et légale, mobilisant des arguments juridiques, sociologiques, éthiques, politiques, pour finalement s’ériger en standard d’une culture universelle du procès, applicable à toute forme de justice, voire à toute forme de débat public.
Le poids culturel du modèle est si fort qu’il est désormais invoqué pour contester des dispositions spécifiques à certaines juridictions internationales, jusque là acceptées sans discussion dans la tradition de la justice internationale.
Ainsi n’a-t-on pas, dans les propositions de réforme de la Cour de justice des communautés européennes, tenté de remettre en cause l’opportunité du renouvellement du mandat des juges, au regard de leur indépendance ? N’a-t-on pas contesté le mode de sélection des juges soumis par les Etats à une nomination à la Cour européenne des droits de l’homme, ou encore critiqué, plus ou moins vivement, les dispositions du règlement de la même Cour qui font que le juge d’un Etat siège systématiquement dans tous les recours où cet Etat est partie ? Ces interrogations viennent évidemment, parfois non sans raison, de la transposition, par imitation, aux juridictions internationales des garanties d’indépendance et d’impartialité des juges qui s’imposent à leurs homologues nationales.
De la même manière, sont exposées à contestation, au regard du même modèle du procès équitable, les règles traditionnelles d’organisation et de fonctionnement des plus hautes et anciennes juridictions souveraines nationales. Au regard de la garantie d’impartialité, sont visés les conseils d’Etat conçus sur le modèle français, tout à la fois pour être consultés par le gouvernement sur la légalité de projets d’actes réglementaires et saisis au contentieux par des particuliers de recours sur la légalité de ces mêmes actes ; au regard de l’égalité des armes, est tout aussi contesté le mode de jugement des affaires devant le même Conseil d’Etat et la position occupée dans ce processus par le Commissaire du gouvernement. Par un effet réflexe, une notion née du concert international des juges leur revient sur un mode perturbateur.
2 - La propagation de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
La récente et inédite citation par la Cour suprême des Etats-Unis de la jurisprudence de la Convention européenne des droits de l’Homme et la controverse juridique et politique à laquelle elle a donné lieu mettent en lumière le mécanisme et les enjeux de la propagation des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. La Cour suprême des Etats-Unis qui, jusqu’à un passé récent, était réservée à l’égard des jurisprudences internationales, autres que de Common Law, qui ne la lient pas, a récemment évolué. Après avoir affirmé dans un arrêt Printz c. United States de 1997 [66], que les analyses comparatives sont déplacées pour l’interprétation de la Constitution des Etats-Unis, elle a opéré un renversement spectaculaire, d’une part, en visant dans ses arrêts, des conventions internationales non ratifiées par les Etats-Unis, notamment la Convention sur les droits de l’enfant, pour déclarer inconstitutionnelle la condamnation à mort des mineurs, d’autre part, en se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Sur le deuxième point, elle l’a fait par un arrêt remarqué, Lawrence c. Texas, le 26 juin 2003 [67], au sujet de la répression pénale des pratiques homosexuelles. Sur le rapport du juge Kennedy qui a trouvé le soutien des juges Stevens, Souter, Ginsberg et Breyer, la Cour, renversant un précédent fixé par un arrêt Bowers de 1986 [68], a déclaré anticonstitutionnelles les lois pénales de l’Etat du Texas condamnant certaines pratiques sexuelles entre deux adultes homosexuels consentants. Dans ce revirement, la Cour se réfère expressément à l’arrêt Dudgeon c. United Kingdom de 1981 [69] de la Cour européenne des droits de l’homme qui avait déclaré contraires à la Convention des lois de l’Irlande du Nord interdisant les mêmes pratiques sexuelles. Dans son arrêt, la Cour suprême, après avoir examiné le sens, la portée et l’autorité internationale des arrêts de la Cour européenne, conclut sur le motif : " Le droit que le requérant réclame dans cette affaire, a été accepté comme part intégrale de la liberté humaine dans beaucoup d’autres pays.
Il n’a pas été démontré pourquoi dans ce pays, l’intérêt étatique limitant les choix personnels, est plus légitime ou urgent. " Immédiatement, la jurisprudence Lawrence a suscité une vive polémique qui a même amené la Chambre des représentants à envoyer une résolution à la Cour condamnant l’analyse comparative et souhaitant un retour à la jurisprudence Printz : "La détermination juridique du sens des lois des Etats‑Unis [dit cette résolution] ne devrait être basée ni entièrement ni partiellement sur des jugements, des lois ou des prononcés d’institutions étrangères, à moins qu’ils soient formellement incorporés dans le droit des Etats-Unis...”. [70]. Ce qui est intéressant, ce sont les raisons de ce changement d’attitude de la Cour suprême des Etats-Unis. L’évolution vers la prise en compte des décisions judiciaires étrangères reflète l’opinion croissante parmi les juges que la Constitution américaine ne peut plus être interprétée de manière immobile mais qu’elle doit l’être de façon dynamique. Condamner à mort un mineur ou un handicapé mental n’était pas une punition cruelle et inhabituelle à la fin du XVIIIème siècle, mais elle l’est devenue au début du XXIème. De plus en plus souvent, les juges de la Cour suprême reconnaissent à la société américaine la capacité d’évoluer. Pour ce faire, et justifier la remise en cause de leurs propres précédents, ils ont recours aux décisions des juridictions étrangères. La jurisprudence étrangère est bien invoquée ici à des fins de subversion du droit interne. Une telle perspective inquiète évidemment la droite chrétienne qui cherche à inverser la tendance par des nominations de juges fédéraux conservateurs, certains sénateurs allant même, lors d’un colloque organisé sur le thème des “Remèdes à la tyrannie des juges”, à Washington, au mois de mars dernier, jusqu’à menacer de procédures de destitution ceux qui, au sein de la Cour suprême, soutiennent des “principes marxistes, léninistes, sataniques tirés du droit étranger” [71].
Les tensions provoquées aux Etats-Unis par la référence faite par la Cour suprême à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ne doivent pas masquer les conditions généralement plus paisibles dans lesquelles cette jurisprudence s’est, par son rayonnement intellectuel et culturel, répandue dans de nombreux systèmes hors d’Europe. Si la pénétration a été discrète dans les anciennes colonies françaises, elle s’est généralisée à l’intérieur du Commonwealth [72], notamment par l’intermédiaire des avis du Comité judiciaire du Conseil privé, à l’ensemble des anciennes colonies britanniques, généralement dotées de Constitutions ou de Chartes des droits reprenant les garanties de la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, la jurisprudence de la Cour européenne est habituellement citée par l’ensemble des grandes Cours suprêmes de Common Law, en particulier celles du Canada, d’Australie, d’Afrique du Sud, de Nouvelle-Zélande...
La propagation de la jurisprudence de la Cour européenne a connu une de ses plus remarquables applications dans la décision de la Chambre des Lords du 16 décembre 2004 déclarant contraires à la Convention certaines dispositions de l’Anti Terrorism, Crime and Security Act de 2001, adopté après les attentats du 11 septembre [73]. La description de ce mouvement ne serait pas complète si on ne faisait ici mention de la reprise habituelle et explicite de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme par la Cour de justice des Communautés, en tant que référence d’interprétation des dispositions de la Convention qui s’imposent désormais à elle comme une source autonome des droits fondamentaux intégrée dans les traités depuis celui de Maastricht du 7 février 1992. On sait que, depuis lors, la Cour de justice des communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme font une application conjointe de la Convention avec une volonté affichée de cohérence [74]. En outre, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui reprend souvent à l’identique les droits garantis par la Convention, aménage la coexistence entre les deux textes sur la base de l’acquis de la Convention telle qu’interprétée par la Cour européenne [75].
Ainsi se réalise, par la convergence de la jurisprudence des deux cours, le rapprochement des deux systèmes européens de garantie des droits fondamentaux. C’est si vrai, qu’à son tour, la Cour européenne des droits de l’homme se réfère dans ses décisions aux dispositions de la Charte [76]. Cette construction juridictionnelle un peu complexe, qui n’a cependant jusqu’à présent pas donné lieu à des difficultés insurmontables, sera consolidée si le traité établissant une constitution européenne, intégrant la charte des droits fondamentaux, était un jour ratifié, en ouvrant, comme il le prévoit, l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne. Ainsi les deux juridictions seraient réunies dans l’ordre de la Convention.
Le moment serait venu de conclure, mais faut-il le faire ? Pour éviter de répondre à la question, je terminerai de manière anecdotique.
Le 3 mai 2005, l’Honorable Beverley Mc Lachlin, Juge en chef du Canada, était l’invitée d’honneur d’un déjeuner-débat au Sénat où elle présentait l’avis rendu le 10 décembre 2004 par la Cour suprême du Canada sur la proposition de loi fédérale concernant le mariage des homosexuels. Après avoir expliqué l’avis ne déclarant pas le mariage des homosexuels contraire à la Charte canadienne des droits fondamentaux puis répondu aux questions d’une assistance incrédule sur les possibilités de transposer une telle solution en France, elle se tourna vers moi, et me demanda malicieusement : “quand aurez-vous à juger l’affaire Charpentier ?”
Mme Mc Lachlin, connaissant donc parfaitement, par le nom de l’affaire, la problématique de la question en France, n’ignorait pas le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux, du 20 avril 2005, confirmant le jugement du tribunal de Bordeaux [77] ayant annulé, à la demande du parquet, le mariage de deux homosexuels prononcé par le Maire de Bègles, au printemps 2004.
Je lui ai répondu que, quelle que soit la décision de la Cour de cassation française, la question du mariage des homosexuels serait réglée en Europe par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, accessoirement par celle de la Cour de justice des communautés européennes, qui ont déjà été saisies à ce sujet [78], elles-mêmes inspirées par les lois nouvelles de divers Etats [79], en dernier lieu de l’Espagne [80] et les décisions rendues par les juridictions nationales d’Europe ou d’autres continents [81]. A moins que, d’ici là, ajoutais-je, la question ne soit peu à peu dissoute dans le droit international privé. A n’en pas douter, des jugements seront rendus, ici ou là, en Europe et ailleurs, tirant les conséquences des situations multiples et variées, qui ne manqueront pas de se poser entre homosexuels et transsexuels, de diverses nationalités, ressortissants ou résidents d’Etats prévoyant, ou non, de tels mariages, agissant en fraude, ou non, à leur loi nationale et revendiquant la reconnaissance de leur état ou des droits reconnus dans d’autres Etats à des époux hétérosexuels...Ainsi déjà les homosexuels des Etats-Unis vont-ils se marier au Canada, comme ceux de France iront sans doute le faire en Espagne ou ailleurs et s’engagent dans des unions qui ne manqueront pas de poser de nombreuses et complexes questions juridiques.
Sans aborder la question de fond de savoir à qui s’adresse une décision de justice, à l’ordre interne uniquement, à l’espace juridique - bientôt politique - européen, ou à un espace mondial en devenir ; sans aborder non plus la question, elle aussi centrale, des fondements internes, européens ou internationaux de la légitimité du juge, je conclurai tout simplement en reprenant la figure de départ. Qu’elle soit, interne ou internationale, une juridiction ne peut être un lieu clos, c’est au contraire un carrefour, un carrefour circulaire où se croisent de manière ordonnée les décisions de justice qui construisent un droit en devenir permanent.
[1] T.P.I.Y., Chambre d’appel, Delalic et autres (Celebici), arrêt du 20 février 2001, §620 et s., “(...) Les cassettes d’extraits témoignent, chez [le juge Karibi-White], d’une tendance récurrente à de brèves absences.” §628.
[2] Ibid., §625.
[3] V. Philippe Weckel, “Chronique de jurisprudence internationale”, R.G.D.I.P., 2001, n°2, t. 105, pp. 455-463.
[4] Roland Barthes, “Comment vivre ensemble”, Cours et séminaires au collège de France (1976-1977), Editions du Seuil, 2002.
[5] Marie-Claire Rivier, “Juridiction”, in Loïc Cadiet (Dir.), Dictionnaire de la justice, P.U.F., 2004, p. 702
[6] V. Patrick Daillier, “Monisme et dualisme : un débat dépassé ?”, in Rafâa Ben Achour et Slim Laghmani (Dir.) Droit international et droits internes, développements récents, Pédone, 1998, pp. 9-21.
[7] Pour plus de détails, Laurence Burguorgue-Larsen, “Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit”, in S.F.D.I., La juridictionnalisation du droit international, Paris, Pédone, 2003, pp. 203-264 ; Hélène Ruiz-Fabri, “La juridictionnalisation du règlement des litiges économiques entre Etats”, Revue de l’arbitrage, n°3, 2003 ; Sofiène Bouiffror, “L’intervention du juge international dans le cadre des intégrations économiques régionales”, in Patrick Daillier, Géraud de la Pradelle, Habib Ghérari (Dir.), Droit de l’économie internationale, C.E.D.I.N., Pédone, 2004.
[8] Benedict Kingsbury, “Is the proliferation of International Courts and Tribunals a systemic problem ?”, N.J.I.L.P., 1999, vol. 31, p. 681 et s.
[9] V. Frédéric Sudre, Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 6ème éd., 2003, pp. 568 et s.
[10] Pour exemple, Comité des ministres, recommandation R (2000) 2, du 19 janvier 2000.
[11] V. Frédéric Sudre, ouvrage précité, p. 577.
[12] Notamment l’Autriche, la Belgique, le Danemark, le Luxembourg, Malte, la Norvège et la Suisse, exemples cités in Frédéric Sudre, précité, p. 571.
[13] Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits de victimes, article 89.
[14] La Commission de réexamen est composée de sept magistrats de la Cour de cassation, désignés par l’assemblée générale de cette juridiction (article 626 al. 3 du Code de procédure pénale). Elle s’est réunie pour la première fois le 13 septembre 2000.
[15] Il faut toutefois relever l’entrée en vigueur le 25 janvier 2004 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples - V. Nouha Chaouachi, “La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples” in Rafâa Ben Achour et Slim Laghamani (dir.), Justice et Juridictions internationales, Pédone, 2000, pp. 272-290.
[16] V. Ghazi Gheraïri, “Aspects de la procédure devant les juridictions relatives aux droits de l’homme”, ibid., p.189-206.
[17] V. Frédéric Sudre, ouvrage précité, pp. 591 et s.
[18] Article 40 du Pacte.
[19] Article 41§1 du Pacte.
[20] Article 29 du Pacte.
[21] V. Maurice Kamto, “Les interactions des jurisprudences internationales et des jurisprudences nationales”, in S.F.D.I., La juridictionnalisation du droit international, Pédone, 2003, pp. 393-460, pp 422 et s.
[22] V. William A. Schabas, “L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur la jurisprudence des Cours suprêmes des pays du Commonwealth”, in Jean-François Flauss (dir.), L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur les Etats tiers, Bruylant, 2002, pp. 29-53.
[23] V. Maurice Kamto, précité, pp. 421-422.
[24] Cette double interaction des jurisprudences, verticale et horizontale, est mentionnée par Maurice Kanto, article précité, p. 395.
[25] V. Mireille Delmas-Marty, “Droit comparé et droit international : interactions et internormativité”, in Mario Chiavario (Dir.), La justice pénale internationale entre passé et avenir, Dalloz, 2003 ; Hélène Ruiz-Fabri “Justice internationale”, in Dictionnaire de la justice, Dir Loïc Cadiet, PUF, 2004.
[26] V. Maurice Kanto, précité, pp. 450 et s.
[27] T.P.I.Y, Chambre d’appel, Prosecutor vs Dusko Tadic, arrêt du 15 juillet 1999.
[28] T.P.I.Y., ibid., §93, il est fait référence à l’arrêt rendu par une Cour militaire israélienne siégeant à Ramallah le 13 avril 1969 dans une affaire “Kassem et autres”.
[29] T.P.I.Y., ibid., §129, il est fait référence à la décision de l’Oberlandesgericht de Düsseldorf du 26 septembre 1997 dans une affaire “Jorgic”.
[30] T.P.I.Y., ibid., §142, est mentionné l’arrêt rendu par une juridiction militaire britannique siégeant à Luneburg le 17 novembre 1945 dans une affaire “Joseph Kramer et autres”.
[31] T.P.I.Y., arrêt précité, §143, est mentionné l’arrêt de la Cour de cassation hollandaise du 29 mai 1978 dans une affaire “Menten”.
[32] T.P.I.Y., Chambre de première instance, Prosecutor vs Anto Furundzija, arrêt du 10 décembre 1998.
[33] voir Maurice Kamto, précité, pp. 452 et s.
[34] Article 38§1 d) du statut de la Cour : “La Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis, applique (...) les dispositions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit”.
[35] C.I.J., arrêt du 14 février 2002, affaire relative au mandat d’arrêt du 14 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), §58.
[36] Voir notamment T.P.I.C.E., arrêt du 10 juillet 1990, Tetra Pak, aff. T-51/89, II-309, p.364 : le juge national est le “juge communautaire de droit commun”.
[37] Tel est le sens de l’existence de la condition de recevabilité d’épuisement des voies de recours internes prévue à l’article 35§1 de la Convention, V. Frédéric Sudre, ouvrage précité, pp. 193 et s.
[38] Article 234 du Traité C.E.
[39] C.J.C.E., arrêt du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff 11/70, Rec. p. 1125, arrêt du 14 mai 1974, Nold, aff. 4/73, Rec. p. 491.
[40] Yves Galmot, “Réflexions sur le recours au droit comparé par la Cour de justice des communautés européennes”, R.F.D.A., mars-avril 1990, pp. 255-262.
[41] C.E.D.H., arrêt du 13 juin 1979, “Marckx contre Belgique”, Série A n°31, § 58 : la Convention “doit s’interpréter à la lumière des conditions d’aujourd’hui”, V. Frédéric Sudre, précité, pp. 223 et s.
[42] C.E.D.H., Grande chambre, arrêt du 8 juillet 2004, “Vô contre France”, requête n°53924/00, §§84 et s.
[43] C.E.D.H., arrêt du 1er février 2000, “Mazurek contre France”, Rec. 2000-II.
[44] C.E.D.H., arrêt du 25 mars 1992, “B. contre France”, Série A n°232 et arrêt de Grande chambre du 11 juillet 2002, “Goodwin contre Royaume-Uni”, Rec. 2002-VI
[45] C.E.D.H., arrêt Marckx précité ; arrêt du 18 décembre 1986, “Johnston et autres contre Autriche”, Série A n°112.
[46] C.E.D.H., arrêt du 27 septembre 1990, “Cossey contre Royaume-Uni”, Série A n° 184.
[47] C.E.D.H., arrêt Mazurek précité.
[48] C.E.D.H., arrêt du 26 février 2002, “Fretté contre France”, requête n°36515/97.
[49] C.J.C.E., arrêt du 5 février 1963, Van Gend en Loos c. Administration fiscale, aff. 26/62 ; arrêt du 15 juillet 1964, Flaminio Costa c. ENEL, aff. 6/64 ; arrêt du 9 mars 1978, Administration des finances c. Simmenthal, aff 106/77 - Voir Philippe Manin, “Les effets des juridictions européennes sur les juridictions françaises”, Pouvoirs, n°96, 2001, p.54.
[50] C.J.C.E., arrêt Simmenthal précité.
[51] C.E., arrêt d’assemblée du 30 octobre 1998, “Sarran, Levacher et autres”.
[52] Cour constitutionnelle allemande, arrêt du 12 octobre 1993 (BverFGE, Vol. 89, p. 155).
[53] Philippe Manin, Les effets des juridictions européennes sur les juridictions françaises, Pouvoirs, Les cours européennes, Luxembourg et Strasbourg, n° 96 janvier 2001, PUF, p. 51 s.
[54] Olivier Dord, Systèmes nationaux et cours européennes : de l’affrontement à la complémentarité ? Pouvoirs, op. cit. p. 5 s.
[55] Si la C.E.D.H., depuis l’arrêt “Kress c. France” du 7 juin 2001, n°39594/98, condamne la présence du commissaire du gouvernement lors du délibéré du Conseil d’Etat, la haute juridiction administrative maintient cette pratique.
[56] Dans l’affaire Bréard (Paraguay contre Etats-Unis), la C.I.J. avait adopté une ordonnance le 9 avril 1998 prescrivant aux Etats-Unis, à titre de mesures conservatoires, de suspendre l’exécution de la peine de mort à l’égard d’un ressortissant paraguayen, dans l’attente d’un examen au fond de cette affaire. Dans l’affaire LaGrand (Allemagne contre Etats-Unis), une ordonnance similaire a été adoptée le 3 mars 1999. Les Etats-Unis, dans les deux affaires, n’ont pas respecté les décisions de la CIJ et ont ordonné l’exécution des ressortissants allemands et paraguayens. V. Maurice Kamto, article précité, pp. 435 et s.
[57] C.I.J., LaGrand (Allemagne contre Etats-Unis), arrêt du 27 juin 2001, la Cour internationale de justice affirme pour la première fois que les mesures conservatoires ont force obligatoire ; dans l’affaire Bréard, l’affaire a été rayée du rôle le 10 novembre 1998, le Paraguay ayant renoncé à poursuivre son action.
[58] Cass. Crim., arrêt du 24 novembre 2004, Bull. n°292, p. 1096 - Voir la note de Christine Chanet, Conseiller rapporteur dans cette affaire, Gazette du palais, 23-24 mars 2005, pp. 7-10.
[59] CIJ, affaire relative au mandat d’arrêt du 14 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt précité.
[60] Maurice Kamto, op ; cit. p. 441 s.
[61] House of Lords, Regina v. Bartle & the Commissionner of Police for the Metropolis and others (ex-parte : Pinochet), jugement du 24 mars 1999.
[62] T.P.I.Y., Chambre de première instance, jugement du 10 décembre 1998, “Le Procureur c/ Anto Furundzija”.
[63] V. Charlotte Girard, “Procès équitable et enchevêtrement des espaces normatifs (Réflexions sur la problématique générale)” in UMR de droit comparé de Paris, Hélène Ruiz Fabri (Dir), Procès équitable et enchevêtrement des espaces normatifs, Société de législation comparée, 2003, pp. 21-51.
[64] UMR de droit comparé, ouvrage précité.
[65] UMR de droit comparé, ouvrage précité.
[66] US Supreme Court, Prints vs United States, arrêt du 27 juin 1997, 521 U.S. 898 (1997).
[67] US Supreme court, Lawrence vs Texas, arrêt du 26 juin 2003, 539 U.S. 123 (2003).
[68] US Supreme court, Bowers vs Hardwick, 478 U.S. 186 (1986).
[69] CEDH, arrêt du 22 octobre 1981, Série A n°45.
[70] U.S. House of representatives, Resolution, H. RES. 568, 17 mars 2004.
[71] V. l’article de Pascal Riché dans le journal Libération du mardi 3 mai 2005.
[72] V. William A. Schabas, “L’influence de la Convention européenne des droits de l’homme sur la jurisprudence des Cours suprêmes des pays du Commonwealth”, précité.
[73] Pierre M. Martin, L’honneur des juges britanniques, Chambre des Lords, 16 décembre 2004, Dalloz, 2005 n° 16, Doctrine, p. 1055 s.
[74] Françoise Tulkens, Johan Callewert, “La Cour de justice, la Cour européenne des droits de l’homme et la protection des droits fondamentaux”, in Institut d’études européennes, L’avenir du système juridictionnel de l’Union européenne, Université de Bruxelles, 2002, pp. 177-203.
[75] Articles 52§3 et 53 de la Charte.
[76] C.E.D.H., arrêt Goodwin précité ; Décision du 3 octobre 2002, “Zigarella”, requête n°48154/99.
[77] T.G.I. de Bordeaux, jugement rendu le 27 juillet 2004.
[78] C.E.D.H., “Rees contre Royaume-Uni”, arrêt du 17 octobre 1986, Rec. A 106 et “Cossey contre Royaume-Uni”, précité.
[79] Deux lois néerlandaises, entrées en vigueur le 1er avril 2001, autorisent le mariage entre deux personnes du même sexe et permettent l’adoption conjointe ; la loi belge du 13 février 2003 ouvre également l’accès du mariage à des personnes de même sexe ; V. “Le mariage homosexuel”, Les documents de travail du Sénat, législation comparée, juin 2004.
[80] Le projet de loi autorisant le mariage homosexuel a été adopté par le Congrès espagnol le 21 avril 2005.
[81] V. par exemple, Cour suprême du Massachussets, arrêt du 18 novembre 2003, Hillary Goodridge & others vs. Department of public health & another.