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Présentation du système informatique de la Cour de cassation de Belgique

 

Monsieur Ivan VEROUGSTRAETE

Président de la Cour de cassation de Belgique, Premier vice-président de la Cour de Justice Benelux


Le juge de cassation et les nouvelles technologies
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Chers collègues, chers amis, Monsieur le Premier Président, je suis ravi d’avoir cette opportunité de parler devant vous de la tentative de créer un système informatique se multipliant dans tous les pays et les capitales afin d’échanger des expériences entre nos pays.

Ayant entendu les orateurs précédents, je voudrais d’emblée dire que le système belge est différent dans son approche ; il se rapproche plus de celle du Jusling. La Cour de Cassation a pris la décision de soutenir le système informatique dans sa globalité.

Nous laissons fonctionner provisoirement le système actuel un peu vétuste, mais nous avons pris le leadership ou l’initiative de créer un tout nouveau système informatique pour l’ensemble du pouvoir judiciaire.

Le problème dans lequel je me trouve aujourd’hui devant vous est de présenter un projet tellement monumental dans son approche qu’il prend un certain temps à être réalisé et, pour l’instant, je ne serai pas en mesure de vous donner l’architecture définitive qui sera retenue.
Nous adopterons une méthode progressive, comme en France, marche par marche, et nous démarrerons les premiers stades au tribunal de police dès le mois de décembre 2004 ; l’essentiel du projet sera déjà terminé à ce moment-là, mais nous ne sommes pas encore en mesure pour l’instant de donner les détails du système.

Je souhaiterais vous présenter deux points importants dans ce que nous allons essayer de réaliser.
Le premier concerne l’aide à la décision. Je voudrais vous faire un bref exposé concernant l’assistance que nous donnons à l’information en matière juridique.

La Cour de cassation a créé une banque de données qui s’appelle Juridat, dans laquelle nous avons pris délibérément une sélection de décisions judiciaires. L’idée est que l’exhaustivité soit rétablie lorsque nous aurons les dossiers électroniques ou virtuels complets.

Pour l’instant, l’effort a porté pour créer une base de données publique et gratuite sur l’ensemble des décisions judiciaires, mais essentiellement bien sûr celles de la Cour de cassation.
Pour la recherche, nous faisons exactement ce qui avait été suggéré tout à l’heure. Nous avons remarqué que les utilisateurs de notre banque de données Juridat cherchent essentiellement le mot "libre", sans doute une évolution des mentalités. Ce mot est un des préférés et nous ajoutons une liste de mots clés pour pouvoir éviter le "bruit" dans la recherche.

Pour enrichir ces bases de données et en faire un instrument un peu sophistiqué - on est loin de l’intelligence artificielle - nous avons créé un lien avec les autres pouvoirs du pays et nous avons créé une banque carrefour de la législation. Nous avons décidé dorénavant, pour chaque texte de loi, de lui donner un identifiant unique et de lier ensemble toutes les banques de données de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat, du Sénat belge, de la Chambre des représentants belges et de la Cour constitutionnelle belge qui s’appelle Cour d’arbitrage, le tout étant lié par un système assez rigide permettant d’avoir une sûreté absolue dans la recherche effectuée.
Cette banque carrefour entrera en vigueur dans les prochaines semaines. Il ne lui manque plus qu’une inauguration officielle par le Premier Président et les Présidents des Chambres et du Sénat ; le tout est de trouver une date suffisamment proche des élections, afin d’être utile pour quiconque voudrait inaugurer ces banques de données.

Les problèmes de cette assistance à la décision ont été soulevés dans quelques remarques. Nous avons ajouté un point complémentaire : la Cour de cassation a également pris l’initiative de créer ou de faire créer par juridiction du pays un site Web pour assurer la fluidité de l’information dans le public en général.

Nous avons aussi tenté d’imposer - mais c’est uniquement la force morale qui le fait - une forme uniforme de site Web pour éviter que ne fleurissent des situations trop déviantes ou une recherche trop difficile ; nous avons notamment interdit la moindre photo de personne, de magistrat sur le site web.

Tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant.

L’anonymisation dont on a parlé est un problème délicat. En anonymisant, on rend la décision plus difficilement lisible. Les problèmes de sélection sont importants. Il faut pouvoir sélectionner ce qui est important dans les décisions judiciaires pour le public. On a également évoqué des problèmes d’indexation. On a créé un système de mot clé unique accepté par tous les pouvoirs et toutes les juridictions, ce qui est extrêmement compliqué, étant donné que chacun a son idée.
Idem pour les problèmes de vie privée et de responsabilité pour les erreurs commises dans l’information donnée.

Ces problèmes ont, pour l’instant, peu de solutions et, en avançant pas à pas, nous essayons de trouver des solutions acceptables. Notamment, le problème de la responsabilité pour la diffusion d’une information désagréable est important ; la Cour de cassation était menacée il y a six mois d’une procédure, car on avait publié une décision judiciaire impliquant des situations embarrassantes pour les personnes décrites dans l’arrêt ou dans le jugement.

Le rôle de la Cour de cassation est encore plus important et plus proche du thème qui nous occupe aujourd’hui dans la réalisation de l’informatisation du pouvoir judiciaire.

Je traiterai brièvement quatre points : le dossier virtuel, électronique, le système centralisé, le contrôle système par le pouvoir judiciaire et certains problèmes de sécurité.

- Le dossier électronique :
L’idée est de passer intégralement au dossier électronique et de quitter complètement le dossier papier. Contrairement à ce qui pourrait se faire, le dossier électronique n’est pas, dans notre idée, une copie électronique de documents papier déposés par ailleurs, mais il s’agit d’un dossier électronique où le papier est, en principe, inexistant.

C’est un défi important surtout en matière pénale où les documents initiaux sont souvent des documents papier. Ici, il s’agit de passer par le scanning et par des déclarations de conformité vers un dossier électronique complet où le papier n’aura donc pas de valeur.

Ce défi se heurte à énormément de difficultés de la part des praticiens du droit, mais surtout des pénalistes. Si le choix avait été limité à la Cour de cassation, le projet serait déjà réalisé. Toute la technique est déjà mise en place, ainsi que les instruments.
Le Barreau de cassation veut aider ou assister.

Lorsque vous parlez de milliers d’avocats et d’un million de décisions par an, le problème est plus complexe et il prendra plus de temps.
Les applications d’un tel dossier électronique ont été esquissées par les orateurs précédents.
Je reprends un exemple pour expliquer à quel stade nous sommes arrivés : une situation faite par un huissier de justice le sera éventuellement physiquement au domicile du défendeur, mais l’huissier va convertir le document électronique qui sera la première pièce du dossier électronique.
C’est donc exactement le même système. On travaillera en document PDF et ce sera directement introduit dans le dossier électronique. Cela suppose que tout le monde dispose d’une signature électronique, les magistrats et les greffiers en disposeront d’une à la fin 2004 et les avocats auront un système de certificat qui sera mis en place pour la fin 2004.

Ce dossier électronique permet évidemment la création de statistiques extrêmement raffinées. Avec un dossier électronique, vous pouvez établir des statistiques sur n’importe quoi, comme l’activité individuelle des magistrats. On vous a donné des exemples où l’on peut voir l’activité d’un magistrat qui, depuis cinq ou six mois, n’a plus touché à son dossier et est en retard. Tout le problème de la gestion du temps du magistrat a provoqué des graves tensions en Belgique. Nous souhaitions que seulement le chef de corps puisse avoir connaissance des données individuelles et que ces dernières ne soient pas connues du public ni surtout de notre Ministre de la justice.
Un équilibre doit être trouvé et nous ne souhaitons pas non plus que le Conseil supérieur de la magistrature aille vérifier les données individuelles. Il est normal et légitime que le pouvoir vérifie qu’il y a un retard global, mais sur le retard individuel de tel ou tel, il y a un frein.

- Un système centralisé :
Nous fonctionnerons avec une banque de données centrale Oracle ou Db pour l’ensemble du pays et essentiellement pour des motifs de facilité de gestion. Il est plus facile d’avoir une Database vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour l’ensemble du pays et cela signifie que nous devrons impliquer tout le monde, le pouvoir judiciaire à 100 % avec tous les greffiers, secrétaires de Parquet et autres.

Une exécution pratique est évidemment compliquée, mais en travaillant niveau par niveau, nous arriverons à avoir un dossier électronique complet et une Database centrale fonctionnant complètement pour l’année 2007. En 2004, les premières juridictions seront équipées.
Nous avons décidé d’imprimer l’envoi de courrier de façon centralisée ; nous ne ferons plus d’impression ni d’envoi dans les greffes individuels, mais tout sera imprimé par un prestataire de service de communication centralisé. C’est beaucoup moins coûteux et, en réalité, nous financerons notre système informatique de cette façon en gagnant en timbres postaux. Il s’agit de millions d’euros chaque année que nous espérons épargner de cette manière.

- Le contrôle d’un tel système :
Si toutes les données se trouvent stockées dans un endroit unique, vous créez évidemment la tentation d’assurer le contrôle de ce système. La Commission de la vie privée belge nous a indiqué que nous étions tenus, pour respecter la convention des Droits de l’Homme, de créer une loi formelle assurant qu’un système serait contrôlé non pas par le pouvoir exécutif ou par ses fonctionnaires, mais par le pouvoir judiciaire.
Un projet de loi a donc été déposé par le Gouvernement tout récemment, qui approuve la création d’un Comité de surveillance qui contrôle exclusivement l’accès sur le contenu du système. Il existe également un système de gestion pour adapter le système pour lequel nous avons besoin de l’assistance de la Fonction publique en ce qui concerne le contrôle lui-même ; une loi assurera que nous avons le contrôle intégral du système, donc la diffusion dépendra des normes édictées par nous.

- La sécurité du système :
Une banque de données centralisée implique de nombreuses conditions de sécurité. Le problème n’est pas tellement l’accès par les personnes impliquées dans l’activité même du système, tels que les magistrats, les greffiers et les autres, mais également l’accès par des tiers. Nous devrons créer des serveurs intermédiaires afin d’éviter que les avocats notamment ou le public a fortiori ne puissent y avoir accès directement lorsqu’ils mettent des documents dans la base de données centrale.
Nous aurons donc besoin de serveurs intermédiaires pour filtrer l’accès des avocats selon une technologie parfaitement maîtrisée.
Quelques mots sur le contrôle de l’activité des magistrats pour signaler un danger important. Ce contrôle permet de vérifier de façon très précise l’activité des magistrats. Chaque système permet en lui-même de déceler la moindre modification apportée à un document ou la moindre consultation que pourraient faire les magistrats sur les bases de données ; raison pour laquelle nous souhaitons que ce contrôle interne de l’activité des magistrats soit réservé : je pense à l’activité peut-être illicite du magistrat pendant ses heures de travail qui va commander un voyage privé ou consulter un site inapproprié aux règles éthiques.

Il ne faut pas que ces éléments soient l’objet éventuellement de chantages par le Gouvernement ou par des fonctionnaires indiscrets qui pourraient avoir la tentation de vendre du papier à des journaux, à d’autres médias ou à des partis politiques.
Cette ouverture vers les nouvelles techniques a eu un effet extraordinaire sur les magistrats qui participent à ce projet. Nous nous rendons compte de l’ouverture d’esprit que cela crée, tant vers l’étranger qu’à l’égard du public, sur ce que nous faisons et l’autocensure de notre propre activité a été fortement améliorée.

La base de données documentaire maintenant performante a permis aussi - et cela concerne le travail de cassation - une efficacité accrue, une accélération remarquable du nombre d’arrêts rendus, mais aussi une amélioration considérable de la qualité des arrêts rendus par la cohérence trouvée dans nos décisions. Maintenant, il y a rarement des erreurs par distinction.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.

 
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