L’AHJUCAF est une association qui comprend cinquante cours judiciaires suprêmes francophones.
Elle a pour objectif de renforcer la coopération entre institutions judiciaires, notamment par des actions de formation et des missions d’expertise.
PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.
Assistant de l’AHJUCAF
S.E. Monsieur le représentant du Président de la République,
S.E. Monsieur le représentant du Président de la Chambre des députés,
S.E. Monsieur le représentant du Premier ministre,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Si l’on peut dépeindre une assemblée par « un concert de sentiments », (Selon le Général Charles de Gaulle), je vous avoue avoir à cet instant, une émotion émaillée de fierté et de modestie.
La fierté d’un Libanais de voir Beyrouth qui se situe au carrefour Nord-Sud et Est-Ouest de l’ancien monde « Œkoumène » –Europe, Asie et Afrique - réunir plus de soixante-dix représentants des Cours judiciaires suprêmes francophones venant de vingt-neuf pays issus de ces trois continents.
Et la modestie d’un magistrat qui est dans un état d’examen de conscience avec ses pairs et d’autres acteurs de la justice, pour traiter avec eux, un sujet vital pour le corps judiciaire : « une déontologie pour les juges ».
Étymologiquement, le terme déontologie qui est inhérent à l’exercice d’une activité professionnelle représente l’association de deux mots grecs « deontos » - devoir - et « logos » - connaissance. Il s’agit donc, selon le thème de ce Congrès, de faire « connaître » aux juges, leurs « devoirs », afin d’exhorter tout magistrat à les pratiquer dans la magistrature.
Il est facile, pour un juge libanais, de concevoir son devoir, puisque tout magistrat l’énonce clairement, au début de sa carrière, en prêtant serment ; aussi ne lui est-il pas difficile de le percevoir, puisqu’il l’accompagne tout au long de sa carrière, dans sa toge de magistrat, et dans le jugement qu’il prononce « au nom du Peuple libanais ». L’indépendance du pouvoir judiciaire et celle du magistrat, qui constituent une garantie à valeur constitutionnelle au Liban rendent l’appréhension de ce devoir encore plus facile.
Article 20 de la Constitution libanaise : « Le pouvoir judiciaire (…) est exercé par les tribunaux des différents ordres et degrés. (...) Les juges sont indépendants dans l’exercice de leur magistrature. Les arrêts et jugements de tous les tribunaux sont rendus et exécutés au nom du Peuple libanais ».
Toujours dans le même sens, l’article 46 de la loi sur la magistrature judiciaire dispose que « les magistrats, une fois nommés et avant la prise de fonction, prêtent le serment dont la teneur suit : Je jure par Dieu de remplir ma fonction judiciaire entièrement avec probité et impartialité, et d’être juste entre les hommes, de sauvegarder fidèlement leurs droits, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat ».
Adossé à la Puissance divine, le magistrat libanais définit clairement son devoir envers lui-même et envers les autres, dans la magistrature comme dans sa vie privée, à savoir : probité, impartialité et réserve dans ses fonctions judiciaires, justice et fidélité à l’égard du justiciable, dignité et loyauté envers soi-même et tout le monde.
Ce serment constitue le fondement de la déontologie des juges, voire de la morale de tous en général, puisqu’il dépasse dans son acception et sa portée, le cadre professionnel très limité de la notion de déontologie, pour couvrir toutes les valeurs fondamentales de l’Homme.
Tenu par sa parole solennelle, le magistrat revêt également l’ensemble de ces valeurs. Ainsi, la toge du magistrat symbolise par sa couleur noire, l’austérité et le renoncement au monde ; le tissu argenté pendant des épaules évoque la noblesse, l’honneur et le courage dans la proclamation du droit ; le tissu rouge - quand on le reçoit -, exprime la ténacité jusqu’au martyre. Quant au rabat blanc, il représente la transparence, la conscience et la parole calme et réfléchie. Enfin, l’épitoge symbolise l’éminence et la sublimité.
Toutes ces qualités et vertus, qui devraient jalonner le chemin du magistrat transcendent les devoirs de la profession, pour toucher aux valeurs humaines fondamentales. De ce fait, le devoir strictement professionnel du juge se transforme en une noble mission au service de ces valeurs, pour faire régner la justice entre les hommes et dans la société. Ainsi, le juge ne doit pas seulement chercher à comprendre son devoir pour le pratiquer, mais il doit être profondément convaincu de sa mission dans la magistrature, pour bien vivre les valeurs de cette mission, dans et en dehors de cette magistrature. Lors de son parcours, le magistrat se transforme, selon l’expression d’un illustre magistrat libanais, « d’un magistrat exemplaire en un exemple judiciaire ». Moi, j’ajouterais : « d’un magistrat exemplaire en un exemple humain ».
Après un aperçu de l’ensemble de ces valeurs qui ont été énoncées depuis Thémis jusqu’au magistrat du XXIème siècle, permettez-moi de me poser ces deux questions :
Qu’est ce qui a changé pour qu’on en soit arrivé à réduire cette noble et honorable mission à un simple devoir professionnel ?
Pourquoi la déontologie des juges fait l’objet d’une interrogation croissante au niveau international depuis une dizaine d’années, c’est-à-dire depuis l’adoption du Code de Bangalore jusqu’à ce congrès ?
Pour certains, et en réponse à ces questions, la mission du magistrat a changé de nature parallèlement à l’évolution de la société : d’un pouvoir judiciaire, elle est devenue une simple autorité, voire une fonction, et du « juge Jupiter », avec son imperium de dire le droit, nous assistons aujourd’hui à la mise en place de différents modes alternatifs de règlements des conflits.
Pour d’autres, il s’agit principalement, de la perte de confiance des justiciables et du citoyen en général, dans l’institution judiciaire de leur pays, et cela pour des raisons diverses : la lenteur de la justice, la complexité de la procédure, l’atermoiement du procès à cause des parties, les ingérences politiques, le manque de transparence, etc.
Personnellement, je ne voudrais pas entrer dans les détails des multiples opinions exprimées en la matière. Je préfère laisser le soin aux éminents congressistes d’en explorer le champ durant ce Congrès. Il me semble quand même que le cœur de la réponse serait dans ces propos de Jean Guitton : « Toutes les époques ont leurs lacunes et leurs erreurs. Si l’on me demandait quel est le défaut majeur de la nôtre, je répondrais que c’est la confusion et le renversement des valeurs ».
Enfin, permettez-moi de vous remercier, toutes et tous, d’être venus si nombreux ; Votre présence nous a certainement permis de mettre en harmonie ce « concert ».
Je remercie tout particulièrement, les représentants de Monsieur le Président de la République, de Monsieur le Président de la Chambre des députés, et de Monsieur le Premier ministre….et bien évidemment, Son Excellence Monsieur le Ministre de la Justice.
Merci encore une fois, à Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Beyrouth et au Conseil de l’Ordre, de nous avoir accueilli chaleureusement dans cette Maison, la Maison de l’Avocat, bastion de la démocratie et des droits de l’Homme.
J’attire votre attention sur le fait que nos travaux se poursuivront à l’Institut des études judiciaires, formateur des magistrats de l’avenir et de la Justice de demain. Puissent tous mes vœux vous accompagner pour la bonne réussite de ce Congrès.
Bienvenue au Liban à tous les congressistes,
Ahlan Oua Sahlan أهلاً وسهلاً
Merci de votre attention