Renforcer l'entraide, la coopération
et la solidarité entre les institutions judiciaires

A propos

L’AHJUCAF est une association qui comprend cinquante cours judiciaires suprêmes francophones.

Elle a pour objectif de renforcer la coopération entre institutions judiciaires, notamment par des actions de formation et des missions d’expertise.

PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.

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M. Papa Oumar SAKHO, Premier président de la Cour de suprême du Sénégal

 


Monsieur le Premier Ministre, chef du Gouvernement, représentant Monsieur le Président de la République,
Au moment où je prends la parole à cette cérémonie d’ouverture du colloque qu’organise l’Association des hautes Juridictions de Cassation ayant en partage l’Usage du Français, AHJUCAF, en prélude au 15ème sommet de la Francophonie, je voudrais m’adresser à vous pour vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de votre présence à nos côtés pour représenter Monsieur le Président de la République, empêché.
Le Chef de l’État a voulu que vous veniez, vous-même, à sa place, présider la cérémonie d’ouverture de ce colloque pour, ainsi, montrer tout le respect et toute la considération qu’il voue à la Justice et à notre Association.
Pour cela et pour tout le soutien qu’il nous a apporté dans l’organisation de ces assises, je lui exprime notre profonde reconnaissance.
La rencontre d’aujourd’hui me donne l’opportunité de vous féliciter, de vive voix, d’avoir été appelé, pour vos notables qualités intellectuelles et morales à diriger le Gouvernement de la République du Sénégal.
Nos vœux de plein succès et de réussite vous accompagnent dans l’accomplissement de la lourde mission qui vous est confiée.

Madame le Président du Conseil économique, social et environnemental,
Monsieur le Président du Conseil constitutionnel,
Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement,
Monsieur le Premier Président de la Cour des Comptes,
Monsieur le Médiateur de la République,
Mesdames, Messieurs les Honorables députés et conseillers de la République,
Messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs, représentants du corps diplomatique et des organisations internationales.
Monsieur le Président de la Cour de justice de l’UEMOA,
Madame le Représentant du Secrétaire général de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF),
Mesdames, Messieurs les Recteurs et professeurs des Universités du Sénégal,
Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des avocats,
Votre décision de vous joindre à nous, malgré vos lourdes tâches, témoigne de l’intérêt que vous portez aux problèmes de la justice, spécialement au thème proposé pour notre rencontre. Votre présence nous honore et nous rassure.

Soyez en vivement remerciés.

Mes remerciements s’adressent aussi à vous tous, Mesdames, Messieurs qui nous avez fait l’amitié de répondre à notre invitation.

Monsieur le Président de la Cour suprême du Bénin, Président de l’AHJUCAF,

Mesdames et Messieurs les Premiers Présidents et Présidents des Hautes Juridictions membres de l’AHJUCAF,
Monsieur le Secrétaire général de l’AHJUCAF,

Distingués membres de la famille judiciaire,
J’ai aujourd’hui la tâche agréable de vous souhaiter, au nom des membres de la Cour suprême du Sénégal, une très cordiale bienvenue à Dakar.

Le Sénégal est heureux de servir de lieu de rencontre des juges des hautes juridictions, des maîtres de l’université, des ténors du barreau, venant tous de pays, ayant en partage l’usage du français.
Nous voir réunis ici, dans l’amitié et l’estime réciproques, pour débattre et échanger nos expériences, est, pour moi, un plaisir immense, doublé d’une fierté qui n’a d’égal que la joie que me procurent les heureuses retrouvailles avec beaucoup d’entre vous et les nouvelles rencontres annonciatrices de collaboration future.

Mesdames et messieurs, chers participants,
La thématique « justice et État de droit » qui constitue l’objet de notre rencontre pour ces deux jours est d’une importance capitale pour nos États où le système juridique se construit et se déconstruit au gré des contradictions et contingences politico sociales internes et qui, pour la plupart, peinent à imposer les exigences de l’état de droit.
Mesdames et Messieurs,
L’état de droit n’est pas une notion neutre. Il est selon, Jacques Chevallier, « indissolublement lié à un ensemble de valeurs, de représentations qui, traduites dans le droit positif, donnent au principe de la hiérarchie des normes sa véritable portée.
Privé de substrat, épuré de tout contenu concret, l’ordre juridique n’est plus qu’une coquille vide, un cadre purement formel, une structure intemporelle ».
Ainsi défini, l’état de droit entretient d’étroites relations avec la justice et c’est le mérite des initiateurs de ce colloque d’avoir perçu cette parenté très proche ; la justice constitue, dit-on, l’instrument par excellence de la réalisation de l’état de droit qui implique la soumission de tous au droit.
Toute norme est contrainte et, de ce fait, a vocation, pour reprendre l’expression du Professeur Philippe Ardant, à léser et à irriter ; dès lors la tentation peut être forte, chez les destinataires de la règle, de développer des stratégies pour se soustraire à son application.
Il appartient au juge de veiller au respect, par tous, de la règle de droit. Ne dit-on pas que tout droit a besoin d’un juge pour le servir ?
Le juge ne peut cependant servir convenablement le droit que si les règles qui fixent son statut sont telles qu’il ne puisse ni craindre une sanction injustifiée, ni espérer une promotion imméritée.
De ce point de vue, l’analyse de la situation de nos pays nous renvoie des signaux contradictoires.
D’un côté, il existe des motifs de satisfaction. A titre illustratif, on peut constater que des garanties statutaires sont accordées aux juges sous la forme de la règle de l’inamovibilité inscrite dans les textes fondamentaux de l’essentiel de nos États.
Les progrès réalisés ne se limitent pas à l’inscription, dans nos textes, des règles de protection du juge contre les immixtions de l’Exécutif dans l’exercice de l’activité juridictionnelle.
La pratique judiciaire offre une autre illustration de tels progrès dans certains pays ou le juge constitutionnel a pu se délier de la chaine de commandement et affirmer son « devoir d’ingratitude »à l’égard de l’Exécutif, contribuant ainsi à donner un contenu concret aux principes de la démocratie et de l’état de droit et préserver la paix sociale parfois menacée par certains projets politiques non consensuels, hasardeux et contraires à la constitution.
Ces quelques notes positives doivent pousser à continuer la réflexion afin de renforcer la protection du juge dans sa personne et dans ses actes, c’est-à-dire en veillant à ce que ses décisions soient respectées aussi bien par les pouvoirs publics que par les citoyens.
Ces mesures de protection sont fondamentales, surtout dans certains États en reconstruction ou en consolidation où les fondements de l’état de droit et de la justice sont mis à rude épreuve.
D’un autre côté, il y a des raisons d’avoir des inquiétudes. L’actualité judiciaire, dans beaucoup de pays africains, fournit de nombreux exemples de défaillance des juridictions qui, dans bien des cas, ne s’acquittent que très imparfaitement de leur obligation de dire le droit dans l’exercice de leur activité contentieuse.
Cette situation, synonyme « d’insécurité judiciaire », explique en partie le caractère marginal du recours à l’institution judiciaire. Il est vrai que d’autres raisons peuvent expliquer l’utilisation des « circuits de dérivation » permettant d’éviter le recours au juge aussi bien dans le contentieux administratif que dans les litiges mettant en cause l’application des règles de droit privé.
Dans les rapports entre l’administration et les administrés, la rareté des cas de recours au juge s’explique à la fois par la propension des États à utiliser à l’excès les prérogatives de puissance publique et la faible institutionnalisation du pouvoir qui fait qu’il est difficile, pour un particulier, de contester, même par la voie juridictionnelle, les actes des autorités administratives, le recours contentieux étant perçu, compte tenu de l’extrême centralisation du pouvoir, comme une action dirigée contre le chef de l’État.
Dans les rapports entre particuliers, le faible recours à l’institution judiciaire s’explique tant par les obstacles matériels d’accès aux juridictions que par les problèmes liés à l’accès intellectuel aux textes, les justiciables éprouvant, chaque jour davantage, en raison de l’inflation législative, les plus grandes difficultés pour trouver leur marque dans le maquis juridique de l’ordre normatif étatique.
La marginalisation de la justice étatique s’est accompagnée de la promotion d’autres modes de régulation des conflits sociaux. On voit apparaître partout en Afrique des modes alternatifs de règlement des litiges tels que ceux qui sont portés devant les autorités administratives indépendantes qui naissent et se développent sous la forme d’organes de régulation.
Il arrive même parfois dans beaucoup de pays que des institutions à la légitimité plus que contestable s’érigent en juge, ou tout au moins en arbitre ou en médiateur. Il suffit, pour s’en convaincre, de se référer aux activités de certaines autorités policières ou militaires qui ont aujourd’hui une forte propension à sortir de leur domaine d’intervention naturel que constitue la matière pénale. Combien d’affaires purement civiles trouvent, de nos jours, un dénouement dans les locaux de la police ou de la gendarmerie ?
Face au développement de cette justice « extrajudiciaire », suffit-il, pour « redonner sa chance à l’état de droit », de renforcer, comme le suggérait Gérard Conac, le « rôle du juge dans la vie de l’État et des sociétés africaines » ? C’est peu probable : le règlement du problème de la soumission de tous au droit ne saurait être obtenu par de simples réformes de type procédural et statutaire.
Le Professeur Serigne Diop fait observer à cet égard « Le débat autour de l’indépendance d’institutions est un débat difficile parce qu’au-delà des statuts juridiques, le problème est en dernier ressort un problème d’hommes. Des textes juridiques n’ont jamais assuré une indépendance à quelqu’un tout disposé à la dépendance, à la corruption. A l’inverse, un homme conscient des exigences de son métier conservera jalousement son indépendance même dans l’insuffisance de l’environnement juridique ».
Il faut donc se rendre à l’évidence : on aura beau multiplier les juges, renforcer leur indépendance, simplifier les recours, on ne parviendra pas pour autant à modifier cette tendance si une action n’est pas menée pour changer l’environnement dans lequel évoluent justiciables et juges.
Mais cela ne doit pas conduire à verser dans ce pessimisme perceptible dans le discours de certains auteurs comme Pierre Vergnaud, qui écrivait : « ... la notion d’État de droit sera mal assimilée par le Tiers-Monde. Étant davantage un état d’esprit sur la force de la règle et davantage l’expression de toute une culture politique qu’un principe formel à inclure dans un texte, elle sera difficile à plaquer sur les sociétés émergentes mal préparées de par leurs propres valeurs, à la recevoir »
Mesdames, Messieurs,
Connaissant la compétence et la générosité des participants à cette importante manifestation scientifique, je ne doute pas un seul instant que de nos travaux, auxquels je souhaite le plus grand succès, sortiront des solutions porteuses d’espoir pour tous ceux qui croient à l’état de droit dans nos pays.
Je vous remercie de votre attention.

 
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