L’AHJUCAF est une association qui comprend cinquante cours judiciaires suprêmes francophones.
Elle a pour objectif de renforcer la coopération entre institutions judiciaires, notamment par des actions de formation et des missions d’expertise.
PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.
Président de chambre à la Cour suprême du Maroc, membre du cabinet du premier président
Au Maroc, bien que les textes constitutionnels ne mentionnent pas l’environnement, les législations se sont constituées progressivement pour répondre aux multiples atteintes et pour assurer la protection de l’environnement : pollution marine, déforestation, érosion côtière, etc. Quant au droit pénal, il est en voie de réactualisation pour prendre en compte, notamment la gestion de l’eau et des déchets. Deux types de difficultés sont à noter : la dispersion et l’arabisation des lois. Les infractions sont classées en trois catégories : crimes, délits et contraventions. Le renforcement des capacités des magistrats et la coopération régionale sont des domaines d’action prioritaires.
Le Maroc est un pays extrêmement diversifié, autant par ses types humains, ses sites naturels ou son patrimoine architectural, que par son parler, sa musique ou sa cuisine. Bordé par la Méditerranée, l’Atlantique et le Sahara, il est aussi occidental qu’oriental : les immensités brûlées de la péninsule arabique sont évoquées par ses paysages désertiques, tandis que ses massifs forestiers rappellent ceux de l’Europe méridionale [1].
Riche et contrasté, cet environnement est aussi, de plus en plus, l’objet de multiples atteintes, qui dégradent sa qualité et menacent son intégrité. Le Maroc connaît en effet des problèmes écologiques d’ampleur variables, liés à la fois aux facteurs naturels et aux influences humaines. Il doit faire face, en particulier, à la déforestation, aux surpâturages, à l’érosion, à la désertification, à l’ensablement, à l’amenuisement des terres cultivables, à l’urbanisation incontrôlée, à la surdensité humaine dans certaines régions, à la dégradation de patrimoine culturel, à la pollution industrielle, agricole, domestique, etc. [2]
Face à ces problèmes environnementaux, quels remèdes juridiques offre la législation environnementale notamment pénale ? Le droit, ayant en général vocation à réguler les rapports sociaux, et censé résoudre les conflits qu’ils engendrent, est-il aussi en mesure de relever le défi écologique ? Si sur le plan théorique la réponse à cette question demeure, aux yeux d’une partie de la doctrine notamment marocaine largement incertaine, l’autre étant divisée quant au rôle, que le droit peut jouer en matière d’environnement [3].
Si le discours sur l’environnement est relativement récent, la relation droit/environnement ne date pas d’hier ; même si elle n’est que depuis peu de temps, expressément formulée et nettement perçue.
En effet, à partir des années 1920 le législateur marocain, a progressivement produit une masse importante de dahirs (lois), décrets et arrêtés, qui directement ou indirectement, ont tenu compte de tel ou tel aspect de la protection de la nature, ou de la lutte contre les nuisances, des établissements insalubres incommodes ou dangereux, qui font l’objet d’une réglementation prévoyant entre autres, des sanctions pénales tendant à prévenir et réduire les nuisances inhérentes à leur fonctionnement.
Un inventaire de ces textes, non exhaustif, comme le souligne la doctrine, en a déjà recensé dans les années 80 quelque 235, qui furent adoptés entre 1913, (date de la colonisation française et donc celle de l’adoption des premières dispositions légales et réglementaires) au Maroc et 1978 ; la liste serait encore plus longue, estime la doctrine marocaine, si l’on y ajoutait les textes –dont certains sont de nature pénale- qui n’ont pas été inventoriés, parce que leur portée environnementale, n’aura pas été relevée ;
Les anciens textes de 1914 notamment, ont fait l’objet d’un classement en douze chapitres présentés dans l’ordre suivant : protection des monuments historiques, protection du patrimoine culturel et artistique ; pêche maritime et pêche dans les eaux continentales ; protection des eaux ; contrôle sanitaire et hygiène ; établissements insalubres incommodes ou dangereux ; protection de la faune, chasse ; protection des forêts ; protection des plantes et des végétaux ; protection du sol ; protection des ressources minières .
Face à cette mosaïque de textes hérités du passé, dont la quasi- totalité ne sont plus adaptés à l’environnement du Maroc du XXI siècle, d’autres textes, qui furent récemment adoptés, contiennent des dispositions, répressives, qui sont tantôt dissuasives, tantôt extrêmement sévères, car, ils peuvent aller jusqu’à la peine de mort.
Il s’agit des lois :
N° 10-95 du 16 août 1995 sur « l’eau » dont son chapitre XIII traite de « la police des eaux » ;
N° 11-03 du 12 mai 2003, relative « à la protection et à la mise en valeur de l’environnement », dont les sections III et IV prévoient un certain nombre de mesures répressives dans les articles 76 à 79 ; auxquelles s’ajoutent les dispositions qui régissent la remise en état de l’environnement.
N° 12-03 du 12 mai 2003, relative « aux études d’impact sur l’environnement », qui consacre tout son chapitre IV, à la constatation des infractions et au droit d’ester en justice.
N° 13-03 du 12 mai 2003, concernant « la lutte contre la pollution de l’air ». Son chapitre V, composé de 09 articles traité des "procédures et sanctions ».
Et n° 28-00 relative à « la gestion des déchets et à leur élimination », qui consacre son titre VIII, au « contrôle, infractions et sanctions ».
Quant au code pénal réformé et complété par la loi de 2003, il prévoit dans le chapitre 1er bis du livre III consacré au « terrorisme » l’article 218-3 qui stipule ce qui suit : « constitue également un acte de terrorisme, au sens du premier alinéa de l’article 218-1 ci-dessus, le fait d’introduire ou de mettre dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance qui met en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel.
Les faits prévus au premier alinéa ci-dessus sont punis de dix à vingt ans de réclusion.
La peine est la réclusion à perpétuité, lorsque les faits ont entraîné une mutilation, amputation ou privation de l’usage d’un membre, cécité, perte d’un œil, ou toutes autres infirmités permanentes pour une ou plusieurs personnes.
Le coupable est puni de mort lorsque les faits ont entraîné la mort d’une ou de plusieurs personnes ».
En effet, les autorités compétentes marocaines ; -bien que l’on soit encore loin derrière la situation actuelle de certains pays, comme par exemple celle de la France, qui a non seulement publié le 21 septembre 2000, un code de l’environnement consacrant de ce fait, l’émergence d’un droit autonome de l’environnement ; mais aussi et surtout adopté le 1er mars 2005, la charte de l’environnement –ces autorités en adoptant les récentes mesures législatives de 1995 ;2003 et 2005, concernant la protection de l’environnement, qui contiennent toutes, des dispositions pénales dissuasives et parfois sévères, démontrèrent de cette façon, tout l’intérêt qu’elles attachent au respect de ces normes protectrices, et à l’intérêt social qu’elles représentent .
C’est pourquoi, la présente contribution a pour objet de cerner, autant que faire se peut l’essentiel de ce que l’on pourrait appeler, au fur et à mesure que cette matière acquière au Maroc de plus en plus d’autonomie, le droit pénal de l’environnement ;
Aussi, allons-nous examiner d’un côté les infractions environnementales (I) ; de l’autre l’action publique et sa mise en œuvre (II).
L’étude de ces infractions nécessite l’examen des éléments constitutifs de l’infraction environnementale, et en particulier les éléments légaux et moraux.
A/ l’élément légal
Conformément au principe de légalité des délits et des peines, prévu par l’article 3 du code pénal [4], en vertu duquel, « Nul ne peut être puni pour un crime ou un délit, dont les éléments ne sont pas définis par la loi », le droit de l’environnement -qui est encore en pleine croissance au Maroc-, est constitué par un ensemble de lois et de règlements, selon la répartition des compétences prévue par les articles 46 et 47 de la Constitution marocaine de 1996.
Mais si la détermination des sanctions et la décision de pénaliser un comportement relève de la loi, conformément aux dispositions de l’article 3 du code pénal(4) ; quid des manquements aux violations des obligations qui ne résultent pas de la loi ?!
Peut-on, ou doit-on, les considérer comme des infractions, ou non ?!
Le Conseil Constitutionnel français a répondu en 1982 par l’affirmative à cette problématique interrogation, dans sa décision du 10 novembre 1982.
Mais si la question n’a pas encore été soulevée jusqu’ici devant les juridictions marocaines ; il y a lieu de penser qu’elle ne saurait tarder !
Parce qu’en matière d’environnement, l’incrimination par renvoi est la règle ; et la définition d’infractions autonomes ; - c’est-à-dire dont les éléments constitutifs sont déterminés par une seule disposition- est l’exception.
En outre, le droit pénal marocain de l’environnement, est à la fois intégré dans le code pénal, les articles 218-3 et 609-42 notamment, et d’autres lois, relatives à la protection de l’environnement dont notamment les lois :
du 10 octobre 1917 relative à la conservation et exploitation des forêts ;
N°10-95 du 16 août 1995 sur l’eau ;
N°11-03 du 12 mai 2003, concernant « la protection et la mise en valeur en valeur de l’environnement » ;
N°12-03 du 12 mai 2003, relative « aux études d’impact sur l’environnement » ;
N°13-03 du 12 mai 2003, concernant « la lutte contre la pollution de l’air » ;
Et n°28-00 du 22 novembre 2006, concernant « la gestion des déchets et leur élimination » ;
Quant au code pénal, il prévoit dans le chapitre 1er bis du livre III consacré au terrorisme l’article 218-3 sus-indiqué.
Ce chapitre relatif à la loi n° 03.03 du 5 juin 2003, concernant "la lutte contre le terrorisme « a été intégré au code pénal dans sa dernière réforme.
Bien évidemment, les anciennes dispositions suivantes des alinéas 20 et 46 de l’article 609 du code pénal, qui régit les contraventions, et qui sanctionnent par une amende certes dérisoire pouvant aller jusqu’ à 120Dh (dix euros à peu près) :
« Ceux qui déposent des substances nuisibles ou vénéneuses dans tout liquide servant à la boisson de l’homme ou des animaux » ; ou bien « ceux qui placent ou abandonnent dans les cours d’eau ou dans les sources des matériaux ou autres objets pouvant les encombrer » ; bien qu’elles n’aient pas été abrogées, vont presque tombées en désuétude, à cause précisément de cette nouvelle législation et la gravité de sa sanction que prévoit désormais le code pénal dans son article 218-3.
En effet les articles 1er et 2 de la loi n° 11.03 du 12 mai 2003, relative à « la protection et à la mise en valeur de l’environnement », intègrent au nombre de ses intérêts fondamentaux de la nation comme le montre, la volonté du législateur que reflète bien l’article 218-3 précité ainsi que les autres lois antérieures, l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement, au même titre que son indépendance, l’intégrité de son territoire ou sa sécurité.
En effet, ces articles stipulent respectivement ce qui suit :
Article 1er : « La présente loi a pour objet d’édicter les règles de base et les principes généraux de la politique nationale dans le domaine de la protection et de la mise en valeur de l’environnement. Ces règles et principes visent à :
Protéger l’environnement contre toutes formes de pollution et de dégradation quelle qu’en soit l’origine ;
Améliorer le cadre et les conditions de vie de l’homme ;
Définir les orientations de base du cadre législatif, technique, et financier concernant la protection et la gestion de l’environnement ;
Mettre en place un régime spécifique de responsabilité garantissant la réparation des dommages causés à l’environnement et l’indemnisation des victimes ».
Article 2 : « L’application des dispositions de la présente loi se base sur les principes généraux suivants :
La protection, la mise en valeur et la bonne gestion de l’environnement font partie de la politique intégrée du développement économique, social et culturel ;
La protection et la mise en valeur de l’environnement constituent une utilité publique et une responsabilité collective nécessitant la participant, l’information et la détermination des responsabilités ;
L’instauration d’un équilibre nécessaire entre les exigences du développement national et celles de la protection de l’environnement lors de l’élaboration des plans sectoriels, de développement et l’intégration du concept du développement durable lors de l’élaboration et de l’exécution de ces plans ;
La prise en considération de la protection de l’environnement et de l’équilibre écologique lors de l’élaboration et de l’exécution des plans d’aménagement du territoire ;
La mise en application effective des principes de « l’usager payeur » et « du pollueur payeur » en ce qui concerne la réalisation et la gestion des projets économiques et sociaux et la prestation de services ;
Le respect des pactes internationaux en matière d’environnement lors de l’élaboration aussi bien des plans et programmes de développement que de la législation environnementale ».
Ceci nous amène à constater que le droit pénal de l’environnement est, le plus souvent extérieur au code pénal.
Le législateur n’a accordé au droit de l’environnement, au sein du code pénal réformé et complété, qu’une place très réduite.
Ainsi, il n’a pas crée un délit unique de pollution du milieu naturel, pour éviter vraisemblablement que par sa généralité, il pénalise toutes les activités industrielles, ce qui ne serait pas non plus conforme à l’exigence de prévisibilité de la loi pénale.
La seule infraction écologique majeure qui a été insérée récemment par la loi n° 03.03 relative à la lutte contre le terrorisme est de nature criminelle.
Il s’agit du terrorisme écologique, défini par l’article 218-3, comme « le fait d’introduire ou de mettre dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous-sol ou dans les eaux, y compris celles de la mer territoriale, une substance qui met en péril la santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel ; lorsque cette atteinte est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but l’atteinte grave à l’ordre public par l’intimidation, la terreur ou la violence ;
Les faits prévus au premier alinéa ci-dessus sont punis de dix à vingt ans de réclusion ;
La peine est la réclusion à perpétuité, lorsque les faits ont entrainé une mutilation amputation, ou privation de l’usage d’un membre, cécité, perte d’un œil ou toutes autres infirmités permanentes pour une ou plusieurs personnes.
Le coupable est puni de mort lorsque les faits ont entraîné la mort d’un ou de plusieurs personnes ».
Cet article nous rappelle quelque peu les termes de l’article 421-2 du Code pénal français.
Il faudrait toutefois noter que la chambre criminelle de la Cour suprême n’a encore jamais eu à connaitre de ce crime, dont la caractérisation ne semble pas chose aisée.
D’une manière générale, le droit pénal de l’environnement est composé, essentiellement d’une juxtaposition de polices spéciales qui sont pénalement sanctionnées par des incriminations délictuelles et/ou contraventionnelles qu’il appartient au juge pénal de faire respecter.
Elles concernent plusieurs secteurs, forestier, rural, urbanistique, maritime…, qui se répartissent en divers domaines :
la protection des milieux physiques (police de l’eau et de l’air) ;
- protection des espaces naturels (police du littoral, des parcs, des réserves naturelles et des sites) ;
- protection de la faune et de la flore (chasse, pêche en eau douce).
- protection des pollutions, des risques et des nuisances (police des produits chimiques, des déchets, du bruit, des risques naturels…)
Les délits définis de façon autonome ne sont pas nombreux ; il s’agit des articles 218-3 et 609-46 du code pénal ; ainsi que certaines dispositions du dahir (loi) du 10 octobre 1917, relatif à la conservation et l’exploitation des forêts, texte de base en la matière, souvent modifié et complété en 1959, 1960 et surtout en 1992 où les peines contraventionnelles (les amendes) ont été multipliées par dix.
Les plus souvent, les lois de police, n’incriminent un comportement que sous réserve de l’inobservation des prescriptions définies par l’administration, sous forme de décrets et/ou d’arrêtés.
Celles-ci, de nature physique, chimique, voire acoustique, sont élaborées par les corps techniques de l’Etat : les ingénieurs, les chimistes, les biologistes, les naturalistes…, qui définissent les conditions de fonctionnement des activités polluantes par exemple ; les seuils de rejets dans l’air, l’eau, les espèces animales ou végétales à protéger [5].
On peut donc en déduire de ce qui précède que le droit pénal de l’environnement qui est encore à ses balbutiements, se présente non seulement comme un droit relativement complexe, -les textes qui le composent sont éparpillés- mais aussi évolutif, puisqu’il doit s’adapter continuellement à l’évolution des connaissances scientifiques et techniques.
Mais quid de l’élément moral de l’infraction environnementale ?
B) l’élément moral (ou l’élément psychologique de l’infraction)
Tous les systèmes juridiques distinguent la faute intentionnelle (généralement connue sous le nom de dol) et la faute non intentionnelle.
La première est la conscience et la volonté d’accomplir un acte prohibé par la loi pénale.
La seconde, est une imprudence, une négligence, ou plus gravement, un comportement insouciant adopté par un individu en connaissance de la très forte probabilité de provoquer un dommage.
En matière de délits, la responsabilité pénale suppose en principe une intention dolosive, sauf dans les cas où la loi se contente expressément d’une imprudence ; (cf. les articles 132 et 133 du code pénal marocain).
La jurisprudence française, -au Maroc, les tribunaux n’ont pas encore eu à connaître de telles infractions- dans le domaine de l’environnement, considère que les délits crées antérieurement à 1994 (c’est-à-dire avant le nouveau code pénal) ont un caractère non-intentionnel lorsqu’ils sont consommés par la réalisation d’un dommage (pollution des eaux, destruction d’animaux ou de plantes appartenant à des espèces protégées) et intentionnel lorsqu’il s’agit d’infractions-obstacles, caractérisées indépendamment de la survenance d’un dommage (défaut d’autorisation ou de déclaration, inobservation de normes d’émission…).
Si l’élément moral ne peut, en principe être présumé, le code pénal marocain prévoit dans l’article 133.3 la solution inverse à l’égard des contraventions.
Cet article stipule que « … les contraventions sont punissables même lorsqu’elles ont été commises par imprudence, exception faite des cas où la loi exige expressément l’intention de nuire ».
Cependant, il y a lieu de distinguer la faute intentionnelle et la faute non-intentionnelle.
S’agissant de la faute intentionnelle, les prescriptions de police administrative dont l’inobservation constitue la plupart des infractions environnementales n’ont pas de résonnance morale. Ceux qui la transgressent ne sont animés d’aucune volonté maligne contre l’ordre social. Ils se bornent à exercer leurs activités dans les conditions les plus simples et les moins onéreuses pour eux.
A l’égard des règles de discipline collective, la connaissance des prescriptions violées et la volonté de transgression, forment un seul ensemble.
La première étant présumée ; la seconde est nécessairement acquise.
Il doit toutefois être établi que le prévenu savait qu’il se trouvait dans une situation matérielle soumise à certaines règles pénalement sanctionnées.
Quant à la faute non-intentionnelle, elle est caractérisée par la négligence qui peut être consciente (l’agent a envisagé le résultat mais n’a pas pris toutes les précautions pour prévenir sa survenance) ou inconsciente (l’agent ne s’est pas avisé du risque existant, alors qu’il aurait pu le prévoir en étant plus attentif).
Tous les systèmes juridiques –dont notamment le système marocain-, admettent que ces deux sortes de négligence doivent être incriminées ; ce qui exclut d’admettre l’erreur de fait, comme cause d’impunité en matière d’infractions non intentionnelles.
C’est ainsi qu’un chasseur ne peut faire échec aux poursuites du chef de destruction d’un animal appartenant à une espèce protégée, en alléguant la confusion avec un gibier dont la chasse est licite :
« Il lui appartient –a jugé la chambre criminelle de la Cour de Cassation de France, dans un arrêt en date du 18 septembre 1997- de ne tirer qu’après avoir identifié la cible avec certitude… ».
A ces règles, s’ajoutent les contraventions relatives à la voirie et à l’hygiène publique, prévues par les alinéas 27 à 33 de l’article 609 du code pénal marocain.
Mais pour que les infractions environnementales soient sanctionnées, encore faut-il que l’action publique soit mise en œuvre.
Nous examinerons d’un côté la mise en œuvre de l’action publique (A) de l’autre les sanctions et la réparation(B).
A) la mise en œuvre de l’action publique
C’est le Ministère public, qui a en principe, le droit de mettre en œuvre l’action publique ; car d’autres personnes et en particulier certains fonctionnaires, expressément désignés par la loi disposent également de cette prérogative.
Il en est ainsi, par exemple, dans le domaine de la police de l’eau douce, des ingénieurs et garde-forestiers des eaux et forêts, des agents de la chasse et de la faune.
Mais la victime dispose aussi, de ce droit, qu’elle peut exercer soit en citant directement l’auteur présumé de l’infraction devant le tribunal correctionnel ; soit en se constituant partie civile devant le juge compétent.
A la condition comme l’exige bien, le code de procédure pénale, que cette victime ait « personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ».
Les personnes susceptibles de poursuites, sont les personnes physiques, et dans une certaine mesure les personnes morales.
S’agissant des personnes physiques, on sait en vertu d’un principe général en droit pénal, que « Nul n’est pénalement responsable que de son propre fait ».
Néanmoins et lorsque l’infraction est commise à l’occasion d’une activité collective, qu’elle soit publique ou privée, la jurisprudence est amenée à retenir la responsabilité du dirigeant, ou du responsable, à qui il incombe de faire respecter la réglementation ; même si les faits ont été commis par un préposé placé sous sa garde et son autorité ;
Dans cette hypothèse, il est considéré que ce dirigeant ou responsable, a commis une faute personnelle, parce qu’il avait omis de prendre toutes les précautions qui auraient permis d’éviter l’infraction.
Toutefois, il pourra s’exonérer de sa responsabilité, en prouvant qu’il a délégué ses pouvoirs à un subordonné qui disposait au moment des faits de la compétence et l’autorité nécessaires pour veiller à l’observation des règles applicables.
Quant aux personnes morales,
Conformément aux dispositions de l’article 127 du code pénal, « les personnes morales ne peuvent être condamnées qu’à des peines pécuniaires, et aux peines accessoires prévues par les alinéas 5, 6 et 7 de l’article 36.
Elles peuvent également être soumises aux mesures de sûreté réelles de l’article 62 »
B) les sanctions et la réparation
Les sanctions applicables aux personnes physiques ;
Le tribunal compétent a la possibilité de prononcer conformément aux dispositions des articles 15 et 16 du code pénal, les peines ordinaires traditionnelles prévues en matières criminelle et délictuelle et qui sont l’emprisonnement et/ou l’amende ; Etant précisé que l’article 218-3 du code pénal précité prévoit la peine de mort ; ou bien soit la réclusion à perpétuité, soit de dix à vingt ans selon les cas.
Le montant de l’amende peut être parfois très élevé, et susceptible de remplir ainsi une fonction dissuasive ;
En matière de pollution de l’air, une amende de 200 000 dirhams (20 000€ à peu prés) en plus d’un emprisonnement d’un an, est prévue par les articles 19 et 20 de la loi n° 13.03 du 12 mai 2003 relative à la lutte contre la pollution de l’air.
Mais ce sont surtout les peines complémentaires qui sont les plus adaptées à la délinquance écologique.
Celles-ci, pour être prononcées, doivent être visées expressément par le texte d’incrimination.
Elles sont composées notamment d’interdictions professionnelles ; de mesures de confiscation, et de publication du jugement.
En outre, la remise en état des lieux dégradés, des sites, et des déchets, peut être prononcée avec injonction d’une obligation de faire, sous astreinte.
Quant aux personnes morales ;
Elles ne peuvent être condamnées, en vertu de l’article 127 du code pénal, qu’à des peines pécuniaires et aux mesures de sûreté réelles.
En effet, d’autres sanctions dont certaines peuvent être lourdes de conséquences telles que la fermeture des établissements concernés ; la confiscation de la chose qui a servi à commettre le délit ou qui en est le produit, ainsi que l’affichage et la publication
La réparation des dommages
L’infraction environnementale pourrait être la cause d’un préjudice subi par, soit des personnes, soit leurs biens.
Si le préjudice est direct personnel et certain, sa réparation ne doit pas soulever en principe de difficultés particulières.
Il en va tout autrement, lorsque le dommage a été subi par le milieu naturel (l’eau, le sol, la faune, l’air…) qui ne relève pas d’un patrimoine déterminé.
La réparation dans ce cas ne semble pas chose aisée, à cause des règles classiques de la responsabilité civile ; (Cf les articles 77 et suivants du dahir des obligations du contrat D.O.C marocain équivalent au code civil).
Les jugements prononcés par le tribunal de Grande Instance de Narbonne du 4 octobre 2007, et le tribunal correctionnel de Paris du 16 janvier 2008, qui a admis la réparation du préjudice, "résultant de l’atteinte causé à l’environnement " ; à propos de la pollution marine créée par l’Erika, sont susceptibles de faire évoluer l’état du droit, dans ce domaine, et influencer par conséquence, de manière positive, la jurisprudence marocaine.
[1] Sefrioui A.« Mon pays le Maroc », dans Maroc, Paris, Hachette, les guides bleus, 1983, P.59
[2] Mohammed Ali MEKOUAR, Etudes en droit de l’Environnement, Editions Okad Casablanca 1988 pp 13 etc
[3] A titre d’exemple, il y a lieu de citer les articles 609-20 et 609-46 contenus dans le Titre II du code pénal prévu aux contraventions qui, disposent, respectivement ce qui suit : Sont punis de l’amende de 10 à 120 dirhams (l’équivalent à 10 € à peu près) ; ….. "ceux qui, sans intention de nuire à antui, déposent des substances nuisibles ou vénéneuses dans tout liquide servant à la boisson de l’homme ou des animaux" ; "Ceux qui placent ou abandonnent dans les cours d’eau ou dans les sources, des matériaux ou autres objets pouvant les encombrer".
[4] « Nul ne peut être condamné pour un fait qui n’est pas expressément prévu comme infraction par la loi, ni puni de peines que la loi n’a pas édictées ».
[5] (cf) l’article 1er alinéas 8,9 et 10 de la loi n° 13.03 relative à la lutte contre la pollution de l’air.