L’AHJUCAF est une association qui comprend cinquante cours judiciaires suprêmes francophones.
Elle a pour objectif de renforcer la coopération entre institutions judiciaires, notamment par des actions de formation et des missions d’expertise.
PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.
Le législateur marocain a accordé une grande importance au sujet des jugements étrangers et de leur exequatur.
Toutefois, la coopération internationale reste le meilleur moyen de surmonter les problématiques engendrées par ces conflits chevauchés transfrontaliers.
Croyant en l’importance de cette coopération, le Maroc a œuvré depuis son indépendance, pour son renforcement à travers la ratification de plusieurs conventions :
o La convention internationale relative au recouvrement des pensions alimentaires à l’étranger publiée au Bulletin officiel n° 2467 en date du 07/05/1960 ;
o La convention internationale des droits de l’enfant publiée au bulletin officiel n° 4440 en date du 30/03/1987 ;
o La convention arabe de Riyad sur la coopération judiciaire ratifiée par le Maroc le 30/03/1987 ;
o La convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et des mesures de protection des enfants signée à la Haye le 19/10/1996 et publiée au Bulletin officiel n° 5108 en date du 15/05/2003 ;
o Les conventions bilatérales :
o la convention franco- marocaine d’entraide judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition, signée le 5 octobre 1957 ;
o la convention entre le Royaume du Maroc et la République française relative au statut des personnes et de la famille, et à la coopération judiciaire en date du 10/08/1981 publiée au B.O du 07/10/1987 ;
o la convention maroco-tunisienne du 30/03/1959 ;
o la convention entre le Maroc et la Libye relative aux notifications, aux commissions rogatoires, à l’exécution des jugements et à l’extradition du 11/02/1963 la convention de coopération judiciaire entre le Royaume du Maroc et le Kuweit en matière de statut personnel et de statut des personnes du 10/12/1996 ;
o la convention de coopération judiciaire entre le Royaume du Maroc et la République arabe d’Egypte en matière de statut personnel et de statut des personnes du 27/05/1998 ;
o la convention de coopération judiciaire entre le Royaume du Maroc et le Royaume du Bahreïn en matière de statut personnel et de statut des personnes du 29/11/1997 ;
o la convention de coopération judiciaire entre le Royaume du Maroc et la République de Syrie en matière de statut personnel et de statut des personnes du 25/09/1995 ;
o la convention du 26/06/2002 entre le Royaume du Maroc et le Royaume de Belgique en matière de reconnaissance et d’exequatur des jugements en matière de pension alimentaire ;
o la convention du 26/06/2002 entre le Royaume du Maroc et le Royaume de Belgique en matière de coopération judiciaire, de reconnaissance et d’exécution des jugements en matière de droit de garde et de visite ;
Le Maroc a également adopté de nouveaux mécanismes en matière de coopération internationale à travers l’échange mutuel des magistrats avec plusieurs pays dont essentiellement la France et l’Espagne et la mise en place de commissions mixtes avec les pays étrangers pour assurer le suivi des conventions bilatérales qui les lient.
Les jugements étrangers ne peuvent être exécutés sur le territoire marocain que s’ils sont revêtus de la formule exécutoires. Ces jugements sont essentiellement rendus en matière civile, commerciale, familiales et pénale.
L’article 128. 2 du code de la famille stipule que :
« Les jugements de divorce, de divorce judiciaire, de divorce Khol’ ou de résiliation de mariage, rendus par les juridictions étrangères sont susceptibles d’exécution s’ils sont rendus par un tribunal compétent et fondés sur des motifs qui ne sont pas incompatibles avec ceux édictés par le présent code pour mettre fin à la relation conjugale. Il en est de même pour les actes conclus à l’étranger devant les officiers et les fonctionnaires publics compétents, après avoir satisfait aux procédures légales relatives à l’exequatur, conformément aux dispositions des articles 430 , 431 et 432 du code de procédure civile ».
La Cour suprême du Maroc est allée dans ce sens dans son arrêt n°180 rendu dans le dossier de statut personnel n° 277/99 en date du 24/04/2003 en affirmant « qu’il n’y a aucune disposition qui exclut de l’exequatur les jugements étrangers rendus en matière de statut personnel tant que les conditions requises par la loi sont remplies ».
A noter que le jugement étranger doit respecter les dispositions du code de la famille marocain telles que la tentative de conciliation entre les époux avant le divorce sans être tenu de citer les causes du divorce en usant des mêmes termes utilisés par le droit marocain ou de faire référence à ses dispositions relatives à la dissolution de l’union conjugale.
Dans son arrêt n° 312, la Cour suprême décide que : « les jugements étrangers en matière de divorce peuvent être exécutés lorsqu’ils sont rendus par une juridiction compétente, fondés sur des causes compatibles avec celles édictées par le Code de la famille marocain en matière de dissolution du mariage et revêtus de l’exequatur conformément aux dispositions des articles 430 et 431 du Code de procédure civile.
Ainsi, les juridictions marocaines ne peuvent refuser l’exequatur d’un acte ou d’un jugement étranger se prononçant sur le divorce au motif qu’il est rendu par des juges non musulmans ».
Pour ce qui est des jugements rendus en matière pénale, leur reconnaissance est régie par l’art 716 du Code de procédure pénale et non par le CPC. Cet article énonce que : « Lorsqu’à l’occasion d’une poursuite pénale pour crime ou délit de droit commun, une juridiction répressive du Royaume constate à l’examen du casier judiciaire de l’auteur de l’infraction que ce dernier a déjà fait l’objet d’une condamnation prononcée par une juridiction étrangère pour crime ou délit de droit commun également puni par la loi marocaine, elle peut par une disposition spécialement motivée de sa décision constatant la régularité de la sentence pénale étrangère, retenir cette dernière comme l’un des termes de la récidive ».
Il existe cependant une exception, c’est lorsque la juridiction pénale se prononce sur l’action civile accessoire pour dédommager la victime, dans ce cas, ce jugement est exécuté au Maroc selon les dispositions de l’art 717 du CPP qui renvoi au CPC en stipulant que les condamnations civiles prononcées par une juridiction pénale étrangère ne peuvent recevoir exécution au Maroc, à moins qu’en vertu d’une décision d’une juridiction civile marocaine, elles n’aient reçu l’exequatur en application des dispositions du Code de procédure civile ».
L’article 715 règlemente l’exécution sur le territoire national des commissions rogatoires étrangères :
« Les commissions rogatoires provenant de l’étranger sont exécutées comme celles délivrées sur le territoire du Royaume et conformément à la législation marocaine…
Toutefois, les commissions rogatoires ne peuvent être exécutées si elles ne rentrent pas dans la compétence des autorités marocaines ou si leur exécution est de nature à compromettre la souveraineté du Royaume du Maroc, sa sécurité, son ordre public ou ses autres intérêts essentiels…
En cas de transmission directe, l’autorité étrangère ne doit être avisée de la suite donnée qu’après réception de la copie transmise par la voie diplomatique ».
L’article 430.2 du code de procédure civile dispose que : « Le tribunal saisi doit s’assurer de la régularité de l’acte et de la compétence de la juridiction étrangère de laquelle il émane. Il vérifie également si aucune stipulation de cette décision ne porte atteinte à l’ordre public marocain ».
Trois conditions sont requises pour l’exequatur :
o Il faut que le jugement étranger ait respecté les règles procédurales de l’Etat dont il relève, sans aucun examen de la part de la juridiction nationale de la qualification des faits, de la pertinence et de la sincérité des motivations et des moyens de preuve.
o Le tribunal étranger doit être compétent pour rendre le jugement en cause ;
o Le jugement étranger doit respecter l’ordre public marocain
La notion d’ordre public étant relative, le juge dispose d’un
pouvoir discrétionnaire en matière d’examen de la conformité du jugement étranger à l’ordre public national.
Force est de rappeler que le tribunal peut prononcer
l’exequatur partielle d’un jugement étranger si l’autre partie de ce jugement est contraire à l’ordre public marocain.
Il en ainsi par exemple lorsque le jugement étranger rendu entre deux musulmans prononce dans son dispositif le divorce et le paiement de la pension alimentaire au profit d’un enfant illégitime, auquel cas, la juridiction marocaine accorde l’exequatur au jugement étranger dans son volet mettant fin à la relation conjugale et le refuse pour ce qui est de la pension, car contraire à l’ordre public marocain.
Par contre, la soustraction à l’exécution d’un jugement national et le recours à une juridiction étrangère pour obtenir un jugement qui lui est contraire constitue une atteinte à la souveraineté de l’Etat.
La Cour suprême s’est prononcé sur ce sujet confirmant dans son arrêt n° 592 du 18/10/2006 que : « la soustraction de l’intimée à l’exécution du jugement rendu à son encontre par une juridiction marocaine et la saisine de sa part d’ une juridiction étrangère pour obtenir le divorce constitue une atteinte à l’ordre public marocain ; dès lors, il convient de casser l’arrêt qui a revêtu le jugement étranger de la formule exécutoire ».
A celas ajoute une autre condition, à savoir
* Le jugement étranger doit être définitif et susceptible d’application dans l’Etat où il a été rendu :
Par jugement définitif, on entend tout jugement qui n’est susceptible d’aucune voie de recours ordinaire ou extraordinaire selon la loi du pays de laquelle il émane, ce qui assure une garantie des droits des parties.
Toutefois, il existe des dérogations à ce principe en vertu de certaines conventions internationales.
C’est ainsi que l’article 24 du titre 6 de la convention entre le Royaume du Maroc et la République Populaire de Pologne relative à l’entraide judiciaire en matière civile et pénale stipule que :
« chacune des parties reconnaît et autorise l’exécution sur son territoire des jugements rendus par le pays de chacune d’elles, à savoir les jugements définitifs exécutoires rendus en matière civile et les jugements revêtus de l’exécution provisoire rendue en matière de pension alimentaire et de garde des enfants ».
La justice marocaine exerce un contrôle sur les jugements étrangers. Le système adopté est celui du contrôle, c’est-à-dire du contrôle des conditions externes du jugement étranger en excluant le système de la réciprocité.
Mais qu’en est -il de l’autorité chargée de l’exequatur ?
D’après l’article 430 du Code de procédure civile « les décisions de justice rendues par les juridictions étrangères ne sont exécutoires au Maroc qu’après avoir été revêtues de l’exequatur par le tribunal de première instance du domicile ou de la résidence du défendeur ou, à défaut, du lieu où l’exécution doit être effectuée ».
Pour ce qui est des affaires familiales, c’est la section de la famille relevant du tribunal de première instance qui est compétente pour se prononcer sur l’exequatur.
Mais avec la mise en place des juridictions administratives et commerciales, on peut dire, en l’absence de disposition expresse, que lorsque le jugement étranger se prononce sur un litige administratif ou commercial, ce sont ces tribunaux qui restent compétents pour statuer sur la demande d’exequatur.
En matière d’arbitrage commercial, l’article 327-46 du code de procédure civile (Ajouté par l’article 1er de la loi n° 08-05 promulguée par le dahir n° 1-07-169 du 30 novembre 2007 - 19 kaada 1428 ; B.O. n° 5584 du 6 décembre 2007) stipule que « les sentences arbitrales internationales sont reconnues au Maroc si leur existence est établie par celui qui s’en prévaut et si cette reconnaissance n’est pas contraire à l’ordre public national ou international.
Sous les mêmes conditions, elles sont déclarées reconnues et exécutoires au Maroc par le président de la juridiction commerciale dans le ressort de laquelle elles ont été rendues, ou par le président de la juridiction commerciale du lieu d’exécution si le siège de l’arbitrage est situé à l’étranger ».
* Les documents à joindre avec la requête d’exequatur :
Selon l’article 431 du code de procédure civile, sauf dispositions contraires contenues dans des conventions diplomatiques, la demande est formée, par voie de requête, à laquelle sont jointes :
1° Une expédition authentique de la décision ;
2° L’original de la notification ou de tout autre acte en tenant lieu ;
3° Un certificat du greffe compétent constatant qu’il n’existe contre la décision ni opposition, ni appel, ni pourvoi en cassation ;
4° Eventuellement, une traduction complète en langue arabe des pièces énumérées ci-dessus certifiée conforme par un traducteur assermenté.
Le jugement d’exequatur est rendu en audience publique.
Sachant que ces documents doivent être légalisés par voie diplomatique en l’occurrence par le ministre des Affaires étrangères marocain.
Les conventions ratifiées par le Maroc peuvent exiger d’autres documents que ceux prévus par l’art 431 comme elles peuvent dispenser les documents émanant de l’un des deux pays de la légalisation comme c’est le cas de l’art. 3 du protocole additionnel à la convention d’entraide judiciaire du 05/10/1957.
Lorsque l’un de ces documents ou de ceux prévus par la convention internationale vient à manquer, la requête est irrecevable.
Il faut souligner qu’il est possible de soulever les exceptions de nullité devant la juridiction accordant l’exequatur en cas de présence de l’une de ses causes dans le jugement étranger.
Dans la pratique, les juridictions marocaines témoignent d’une certaine flexibilité dans le traitement des demandes d’exequatur dans la mesure où elles statuent sans qu’il y ait besoin de convoquer la partie adverse.
A noter que le législateur marocain, n’a pas indiqué dans l’art 431 ci-dessus s’il y lieu de convoquer la partie condamnée par contumace alors que l’art 21.4 de la convention d’entraide judiciaire entre le Maroc et la Tunisie y a insisté.
La communication du dossier au Parquet :
En vertu de l’art 9 du code de procédure civile : « doivent être communiquées au ministère public, les causes suivantes :
1° Celles concernant l’ordre public… ».
En effet, le respect de l’ordre public étant une condition requise pour l’exequatur, le tribunal doit, avant de statuer sur la demande d’exequatur, transmettre, par les soins du greffe, le dossier au parquet trois jours au moins avant l’audience.
Dénouement de la procédure :
Une fois que la requête d’exequatur et le jugement étranger remplissent les conditions requises par la loi, le tribunal saisi accorde l’exequatur.
Selon l’article 428 du CPC, « les décisions de justice sont susceptibles d’être exécutées pendant trente années à partir du jour où elles ont été rendues ; ce délai expiré, elles sont périmées .
Tout bénéficiaire d’une décision de justice qui veut en poursuivre l’exécution a le droit d’en obtenir une expédition en forme exécutoire et autant d’expéditions simples qu’il y a de condamnés ».
D’après l’article 433 du code de procédure civile, la formule exécutoire est ainsi rédigée :
« En conséquence, Sa Majesté le Roi mande et ordonne à tous agents à ce requis de mettre ledit jugement (ou arrêt) à exécution ; aux procureurs généraux du Roi et procureurs du Roi près les diverses juridictions d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu’ils en seront requis. »
La Cour suprême a, dans son arrêt n°515 rendu le 13/09/2006 confirmé que : « …le jugement étranger produit ses effets à partir de la date où il a été rendu et non de celle de son exequatur ».
A noter que le jugement étranger bénéficie de l’autorité de la chose jugée avant même son exequatur conformément à l’article 418 du Dahir des Obligations et Contrats qui considère les jugements rendus par les tribunaux étrangers comme faisant foi des faits qu’ils constatent, même avant d’avoir été rendus exécutoires. La Cour suprême a adopté la même attitude dans ses arrêts en date du 27/09/2000, du 18/08/2000 et dans l’arrêt n° 452 rendu le 12/07/2006 qui a considéré que : « l’on peut se référer aux faits invoqués dans le jugement étranger dans l’action en divorce pour préjudice intentée devant la juridiction nationale ».
Selon l’article 24 de la convention bilatérale entre le Maroc et la France relative aux statuts personnels, contrairement à l’art 17 de la convention d’entraide judiciaire et d’exequatur du 05/10/1957, peuvent être publiés et inscrits dans les registres d’état civil sans qu’il y ait besoin de les revêtir de la formule exécutoire, les jugements ayant force de la chose jugée rendus en matière de statut des personnes.
En principe, le jugement qui se prononce sur l’exequatur est rendu en premier ressort et est susceptible de recours selon les règles de procédure civile qui n’excluent la possibilité de recours que dans des cas exceptionnels expressément prévus.
Toutefois, il ne faut pas faire confusion entre le jugement rendu par le tribunal marocain en matière de divorce et de divorce judiciaire qui n’est susceptible d’aucun recours dans son volet mettant terme à l’union conjugale et le jugement accordant l’exequatur régi par le code de procédure civile et le code de la famille qui peut faire l’objet de recours quelque soit la nature du litige même en matière de divorce.