L’AHJUCAF est une association qui comprend cinquante cours judiciaires suprêmes francophones.
Elle a pour objectif de renforcer la coopération entre institutions judiciaires, notamment par des actions de formation et des missions d’expertise.
PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.
Président de la Cour suprême du Bénin
Dans les échanges qui ont suivi l’exposé de Monsieur le Professeur Fall, qui a soulevé un grand intérêt, la question de la composition des conseils de la magistrature a fait l’objet d’une attention particulière, s’agissant principalement de la présence du pouvoir politique au sein de ces organes, et du Chef de l’Etat en particulier que la constitution française, notamment, consacre comme garant de l’indépendance de la magistrature et place à la tête de cet organe. Si certains ont indiqué que le Chef de l’Etat n’intervenait dans les faits qu’assez rarement, nombre de participants ont jugé cette présence politique attentatoire à l’indépendance de la Justice, tout en reconnaissant qu’il est difficile de soustraire complètement la Justice au pouvoir exécutif et diverses propositions ont été faites pour préserver ce principe.
Ainsi des conclusions de la commission chargée de la révision des institutions créée en France, qui préconisent d’exclure les acteurs politiques du conseil supérieur de la magistrature et d’y nommer, à côtés de magistrats élus par leurs pairs, des membres non magistrats qui auraient la majorité des voix pour éviter l’écueil du corporatisme. De nombreux exemples ont par ailleurs été cités des pratiques du pouvoir politique pour limiter, entraver voire détourner les libertés de magistrats et les instrumentaliser.
Toutefois, certains intervenants considèrent que le problème des conseils de la magistrature ne réside pas tant dans la composition que dans les modalités de fonctionnement, qui sont les plus déterminantes ; l’enjeu, à cet égard, consiste à ne pas donner de pouvoir discrétionnaire et élargi à cette institution, ce qui est du ressort du législateur. En outre, si tous les intervenants ont unanimement souligné que si l’indépendance de la Justice est étroitement liée au statut juridique des magistrats, qui doit leur offrir toutes les garanties en la matière, ils ont également souligné combien il importe qu’au-delà des textes, le juge lui-même intègre cette indépendance, en aie conscience et l’assume sans politisation ni flagornerie à l’égard du pouvoir politique.
Il doit par conséquent être lui-même intègre et acquérir son indépendance en se libérant de l’étau de l’exécutif et des autres pesanteurs sociales ou économiques ; la question de la lutte contre la corruption, qui est un problème particulièrement grave et crucial dans le domaine de la Justice dans de nombreux pays, a été évoquée à cette occasion pour réaffirmer la nécessité pour les magistrats de bénéficier d’un salaire qui les mette à l’abri de ce fléau.
La question de l’inamovibilité du juge a également été reprise pour constater que les mutations relèvent parfois de la nécessité de service ce qui pose la question de la compatibilité entre ces deux principes. Il a été réaffirmé que outre le fait que l’inamovibilité du juge n’est pas un privilège mais que ce principe s’applique dans son intérêt, le consentement des intéressés doit être sollicité et la procédure d’affectation respectée même dans le cadre de ces nécessités de service, sans se limiter à une simple information.
Par ailleurs, il a été souligné que l’inamovibilité peut poser des problèmes dans les petits pays et localités où un magistrat longtemps en place peut se trouver plus facilement soumis à la pression du groupe ou de l’environnement socioculturel dans lequel il est intégré. Certains intervenants ont posé la question de savoir si le titre de « magistrat » pour les procureurs est approprié, compte tenu de leur statut particulier et, notamment, du fait qu’ils soient amovibles, et si le fait que la Justice soit un attribut de l’Etat revenait à dire que les juges sont eux-mêmes l’Etat.
La problématique de la syndicalisation des magistrats a également fait l’objet d’échanges, non seulement pour savoir s’il était indiqué que cette profession se réunisse sous cette forme mais aussi face à la prolifération de ces structures dans certains pays, qui affaiblit la force de ce groupe social. Cette question a également conduit à évoquer celle de l’incompatibilité de certains statuts, activités et fonctions avec les fonctions de magistrat. Enfin, face au grand retard et aux nombreux problèmes constatés en Afrique tant en termes d’inamovibilité, d’indépendance que d’accès à la Justice, et qui expliquent aussi le recours encore massif à la justice traditionnelle, il a été rappelé que la Justice est d’abord et avant tout un service public, qui implique donc que les magistrats acceptent d’être affectés à l’intérieur du pays pour des nécessités de service.
En réponse à ces interventions, Monsieur le Professeur Fall souligne que la justice est un service public, qui dépend, à ce titre, de l’exécutif mais dont il doit être indépendant. Aussi la question qui se pose est celle de savoir conjuguer ces principes, de prime abord incompatibles, d’indépendance et de nécessité de service public.
La spécificité et la difficulté de l’appareil judiciaire résident, selon lui dans le fait qu’il se trouve au carrefour de nombreux domaines ce qui rend la lutte contre les pesanteurs complexes, lutte dans laquelle l’intégrité du juge est un élément essentiel et qui est particulièrement ardue quand ce juge est isolé. Cette indépendance réunissant donc une combinaison de facteurs, il partage, à cet égard, les propos sur la nécessité de ne pas laisser un même juge dans le même lieu d’affectation durant de trop longues années, pour éviter une influence croissante du groupe sur lui et l’affaiblissement de son autorité.
S’agissant des nombreuses critiques au sujet des conseils de la magistrature, il relève que chaque pays a ses propres contraintes et qu’il appartient à chacun de mettre en œuvre les réformes qui leur permettent de fonctionner de manière à renforcer les garanties pour les juges et la Justice. De même, il convient de trouver, chacun selon sa propre situation, le meilleur mode de fonctionnement pour les juges du parquet, qui sont bien des magistrats. Enfin, il affirme que les questions très pertinentes posées appellent tout à la fois des solutions générales mais aussi locales.