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Il est notoire que l’article 234, al. 3 du Traité instituant la Communauté Européenne prévoit une obligation d’une « juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne » de saisir la Cour de justice une question de l’interprétation ou de la validité de l’acte du droit européen. Le pouvoir de la CEJ n’entend que la réponse aux points du droit communautaire référés, l’examen du litige quant au fond restant dans la portée des compétences d’une juridiction nationale. Il n’y a pas de besoin de discuter ici une question d’établissement si des destinataires de ladite règle sont uniquement les juridictions suprêmes dans le sens du régime juridique (ici entendues : la Cour suprême et la Haute cour administrative polonaises) ou bien aussi les juges statuant à la seconde instance [1] dans les cas où leur arrêts ne sont pas susceptibles à la voie de recours à une juridiction suprême [2]. Il faut seulement indiquer sur quelques problèmes causés par cet article dans la pratique polonaise contemporaine de la Cour suprême.
Plusieurs arrêts rendus après l’accession de la Pologne à l’Union européenne indiquèrent sur le pouvoir discrétionnaire du juge saisi de l’affaire – même en ce qui concerne les juridictions statuant au dernier ressort – sur l’institution de la question préjudicielle. La Cour suprême constate qu’il appartient au juge national de poser les questions à la CEJ ou d’en refuser. On observe que les doutes sur l’interprétation de la règle du droit communautaire doivent être « essentielles » et il faut que leur solution soit nécessaire à la décision en l’espèce [3] . Jusqu’aujourd’hui la Cour suprême polonaise ne posa qu’une question préjudicielle en vertu de l’art. 234 du Traité CE [4] ; la Cour principale administrative les a dirigé plusieurs fois.
Selon la jurisprudence de la Cour européen, la nécessité de lui référer la question du droit communautaire par les juridictions suprêmes des États membres de l’UE ne se détache qu’en les deux cas : d’une part c’est la doctrine de l’« acte clair » [5] et d’autre part le principe de l’« acte éclairé » [6] . Les conditions juridiques de son application sont assez strictement désignées : en invoquant le principe de l’acte clair (interpretatio cessat in claris), le juge national doit être convaincu que la règle du droit communautaire ne forme aucun doute dans la lumière p.ex. des versions linguistiques divergentes de l’instrument communautaire choisi. Au delà, dans le cas de l’acte éclairé, on doit identifier des éléments matériellement identiques de fait et de droit en l’espèce.
Le droit européen oblige les juridictions nationales, y compris celles-ci entendues par l’art. 234, al. 3 CE, à la « suspension de la procédure » [7]. Cette notion doit être entendue comme autonome et indépendante du sens y attribué au niveau national. La Cour suprême polonais exerce la fonction juridictionnelle très spéciale et mène la procédure « réduite » ; par exemple, elle n’est pas autorisée par le législateur à surseoir l’examen du pourvoi en cassation sous la prémisse d’une procédure pendante devant un autre organes – même si ce dernier est p.ex. le Tribunal constitutionnel [8]. Bien sûr, ce n’est pas à comprendre comme l’exclusion d’une possibilité de poser des questions préjudicielles et de différer de statuer [9]. Selon le principe de l’ « autonomie procédurale » des États-membres [10] , il faut constater que la Cour suprême est obligée à saisir toutes les institutions de droit qui permettent d’atteindre les résultats comparables. À ce propos on peut imposer qu’en instituant la procédure préjudicielle à la Cour européenne de justice, la Cour suprême polonaise doit rendre une ordonnance d’ajourner le délai d’audience sine die et de poser des questions préjudicielles à la CEJ. La même voie peut être appliquée aussi par les juges des instances inférieures ; les deux décisions sont inattaquables, au contraire de l’ordonnance de surseoir à statuer [11] . La même procédure doit être accessible à la Cour suprême dans la phase de la décision quant à la recevabilité du pourvoi en cassation [12].
[1] La Constitution de la République de Pologne de 1997 ne permet pas de créer les procédures juridictionnelles déterminantes dans la première et seule instance (cfr. art. 175, al. 1ère de la Constitution).
[2] Cfr. l’arrêts de la CEJ : du 16 décembre 2008, C-210/06 Cartesio Oktató és Szolgáltató bt. (jusqu’à présent non publié) ; du 4 juin 2002, C-99/00 Procédure pénale c. Kenny Roland Lyckeskog (Rec. 2002, p. I-4839). Il faut expliquer que dans la procédure civile polonaise, le pourvoi en cassation est limité par l’exigence que la valeur de l’objet du litige surpasse la somme de 50 000 PLN – ce qui vaut ca. 15 000 EUR (dans les affaires commerciales – 75 000 PLN), et même si le recours est admissible ratione valoris, le moyen est examiné quant au fond sous à condition de la déclaration de la recevabilité rendue par la Cour suprême, en tiendrant compte de l’opportunité du développement du droit ou de la nécessité de la révision des erreurs de l’arrêt attaqué (y compris errores iuris in iudicando et errores in procedendo) ; v. spécifiquement l’art. 398-2 al. 2 et l’art. 398-9, 1ère al., du code de procédure civile (CPC).
[3] V. les arrêts de la Cour suprême : du 8 novembre 2005, I CK 207/05, OSNC 2006/9, pos. 150 ; du 12 octobre 2006, I CNP 41/06, OSNC 2007/7-8, pos. 115 ; du 3 octobre 2008, I CSK 70/08 (non publié).
[4] Ordonnance de la Cour suprême du 19 décembre 2008, III SK 27/08 (non publié), réf. dossier de la CEJ : C 99/09, J. O. U. E. 2009/C 129/10.
[5] Arrêt de la CEJ du 6 octobre 1982, 283/81 Srl CILFIT et Lanificio di Gavardo SpA c. Ministère de la santé (Rec. 1982, p. 3415).
[6] V. les arrêts dans la note 4, supra.
[7] V. l’art. 23 du Statut de la CEJ.
[8] L’article 398-12 CPC ne permet à la Cour suprême de surseoir à statuer que dans les cas réferés dans les articles 173 à 175-1 du code (non-fonctionnement d’une cour à cause d’une force majeure, la mort de la partie au litige ou de son représentant légal, les manquements dans la capacité de la partie, de son représentant ou de ses organs et quelques autres circonstances comparables) ou à la pétition accordante des parties. La Cour suprême peut par contre différer le délai de l’audience.
[9] Une telle conclusion serait même contraire à la lettre du droit communautaire ; v. les arrêts de la CEJ : du 12 février 1974, 146/73 Rheinmühlen-Düsseldorf c. Einfuhr- und Vorratsstelle für Getreide und Futtermittel (Rec. 1974, p. 139 ; point 3 des motifs) ; du 14 décembre 1995, C-430 i C-431/93 Jeroen van Schijndel et Johannes Nikolaas Cornelis van Veen c. Stichting Pensioenfonds voon Fysiotherapeuten (Rec. 1993, s. I-4705 ; point 18).
[10] V. spécialement l’arrêts de la CEJ dans les affaires : 33/76 Rewe Zentralfinanz eGmbH et Rewe-Zentral AG c. Landwirtschaftskammer für das Saarland (Rec. 1976, p. 1989) ; 45/76 Comet BV Sassenheim c. Produktschap voor Siergewassen (Rec. 1976, p. 2043).
[11] V. aussi A. Zielony, Wybrane zagadnienia pytan prawnych do ETS w postepowaniu cywilnym, Europejski Przeglad Sadowy 2006/9, p. 29 et suiv.
[12] V. l’arrêt C-99/00 Lyckeskog, précité (note 11), point 18.