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Conseiller à la Cour de cassation de Belgique
Concernant l’influence des relations interétatiques sur le droit interne de l’environnement d’un état, l’on peut essentiellement envisager les cas de figures suivants :
Une convention purement interétatique, tendant à préserver l’environnement. S’agissant d’un arrangement entre états, elle nécessite une approbation et ratification préalable avant de pouvoir entrer en vigueur. Même si elle prévoit d’accorder certains droits particuliers aux ressortissants de ces Etats, encore faut-il que les dispositions conventionnelles soient à cet effet transposées dans la législation interne. L’on peut citer à titre d’exemple la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, conclue à Aarhus le 25 juin 1998.
Une convention internationale, qui sans porter atteinte à la souveraineté des Etats contractants, oblige néanmoins ceux-ci à respecter certains droits fondamentaux de leurs ressortissants ayant également des implications au point de vue environnemental. Ainsi les droits fondamentaux reconnus par la Convention Européenne des Droits de l’Homme sont, par leur effet direct, assimilés au droit interne et deviennent ainsi comparables aux droits garantis par une constitution nationale. Même si ces droits ne concernent pas directement l’environnement, celui-ci peut néanmoins être indirectement concerné. Toute autorité de l’Etat contractant est tenu au respect de ces droits, qui peut-être sanctionné par un arrêt de condamnation de la Cour des Droits de l’Homme de Strasbourg.
Enfin une convention créant des institutions dites “supranationales”, tel que l’Union Européenne, qui se distingue fondamentalement des autres institutions internationales par le fait que ces Etats membres, en conférant des pouvoirs aux organes communautaires, se sont soumis à une limitation correspondante de leurs droits souverains. Les règlements et les directives de ces institutions influent directement sur le droit interne des Etats membres sans nécessiter une approbation et ratification préalable de leur part.
La Convention Européenne des Droits de l’Homme
Bien que ni la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales adoptée à Rome le 4 novembre 1950 ni ses Protocoles ne reconnaissent les droits de l’homme à l’environnement en tant que tel ou ne fassent allusion à la notion d’environnement, la sauvegarde de milieu est indirectement prise en considération lorsqu’une atteinte à l’environnement enfreint du même coup un droit garanti, ou par le biais d’une limitation de certains droits garantis.
En ce qui concerne la prise en compte de l’environnement par le biais de droits garantis par la Convention, certaines affaires ont trait aux droits substantiels : droit à la vie, à l’intégrité physique, à la liberté et à la sûreté, au respect de la vie privée, du domicile, des biens et de la propriété (art. 2, 3, 5 et 8 de la Convention et art. 1 du Protocole n° 1). D’autres affaires ont trait aux droits procéduraux : droit à un procès équitable et à un recours effectif (art. 6, 10 et 13 de la Convention).
En 1991, la Cour européenne des droits de l’homme a pour la première fois reconnu, dans l’arrêt Fredin c. Suède du 18 février, “[ne pas] ignore[r] que la société d’aujourd’hui se soucie sans cesse davantage de préserver l’environnement”. Les requérants alléguaient que le retrait par les autorités suédoises de leur permis d’exploiter leur gravière constituait une privation de propriété contraire à l’article 1 du Protocole n°1. Après avoir constaté la légalité de la décision de retrait et la légitimité du but poursuivi par la législation sur laquelle elle s’appuyait, la Cour a rappelé sa jurisprudence en matière de proportionnalité de l’ingérence dans le respect des biens : une mesure d’ingérence doit ménager un “juste équilibre” entre les impératifs de l’intérêt général de la communauté et ceux de la sauvegarde des droits de l’individu, et il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Elle a précisé qu’en contrôlant le respect de cette exigence, elle reconnaissait à l’Etat une grande marge d’appréciation, tant pour choisir les modalités de mise en œuvre que pour juger si leurs conséquences se trouvaient légitimées, dans l’intérêt général, par le souci d’atteindre l’objectif de la loi en cause.
Parmi les affaires concernant l’environnement, l’on peut citer : Zimmerman et Steiner c. Suisse (arrêt du 13 juillet 1983), concernant la pollution de l’air (examinée en liaison avec les articles 6 et 13 de la Convention), Zander c. Suède (arrêt du 25 novembre 1993), concernant la pollution de l’eau (art. 6 et 13), Lopez Ostra c. Espagne (arrêt du 9 décembre 1994), concernant des nuisances provoquées par une station d’épuration proche d’une habitation, Balmer-Schafroth et autres c. Suisse (arrêt du 26 août 1997) concernant la prolongation, par le Conseil fédéral suisse, du permis d’exploitation d’une centrale nucléaire, Guerra et autres c. Italie (arrêt du 19 février 1998) concernant l’absence d’informations de la population sur les risques encourus et les mesures à prendre en cas d’accident dans une usine chimique du voisinage, Burdov c. Russie (arrêt du 7 mai 2002) concernant le droit au respect des biens garantis par l’article 1 du Protocole n°1.
Dans son arrêt Lopez Ostra, la Cour a fait la distinction entre l’impact des conditions environnementales sur la santé humaine et leur incidence sur la qualité de la vie, en reconnaissant que “des atteintes graves à l’environnement peuvent affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale, sans pour autant mettre en grave danger la santé de l’intéressée” (art. 8).
Dans l’arrêt Guerra et autres, la Cour a jugé que le simple fait pour une personne d’être privée d’informations essentielles quant à la nature et l’étendue d’un risque d’accident industriel dans son environnement immédiat, auquel elle et ses proches sont exposés, pouvait constituer une violation du droit de cette personne au respect de sa vie privée et familiale (art. 8).
En matière de droits procéduraux, la Cour estime dans l’affaire Hamer c. Belgique (arrêt du 27 novembre 2007) que la demande de l’administration de l’urbanisme d’une remise en état des lieux avec démolition de la construction faite sans autorisation s’analyse comme une “peine” au sens de l’article 6.1 de la Convention, indépendamment de toute qualification selon la législation interne de l’Etat contractant. Une telle demande est dès lors soumise aux garanties procédurales de l’article 6, en particulier d’un jugement endéans un délai raisonnable.
La notion d’environnement n’étant pas reconnue en tant que telle, de nombreuses affaires ont toutefois été déclarées irrecevables.
Dans l’affaire Kyrtatos c. Grèce (arrêt du 23 mai 2003), la Cour a considéré qu’elle ne saurait admettre que les perturbations des conditions de la vie animale dans un marais appartenant aux requérants s’analysaient en une atteinte à leur vie privée ou familiale.
Dans l’affaire Hatton et autres c. Royaume-Uni (arrêt du 8 juillet 2003), la Cour a été amenée à examiner la question du respect du “juste équilibre” à ménager entre la préservation des intérêts économiques liés à l’activité d’un aéroport international et celle des individus exposés aux nuisances sonores que génère une telle activité. La Cour a souligné que : “La protection de l’environnement doit être prise en compte par les Etats lorsqu’ils agissent dans le cadre de leur marge d’appréciation et par la Cour lorsqu’elle examine la question du dépassement ou non de cette marge, mais il ne serait pas indiqué que la Cour adopte en la matière une démarche particulière tenant à un statut spécial qui serait accordé aux droits environnementaux de l’homme …
Actuellement, l’Union Européenne repose sur trois “piliers”, dont le premier pilier – communautaire – en intégrant et en développant les traités originaires de la Communauté Européenne (CE) – forme la base d’un véritable droit communautaire, conçu principalement sous forme de règlements et de directives émanant de l’action combinée des institutions communautaires (Conseil des Ministres, Commission, Parlement européen), et s’imposant comme tel aux différents Etats membres. Cette immixtion intervient essentiellement dans les domaines économique, social, fiscal et aussi environnemental. D’autres domaines par contre, plus aptes à une approche en fonction de la souveraineté nationale des divers Etats membres, tels que la sécurité intérieure et la politique étrangère, ou encore la coopération policière et judicaire en matières pénales, décrits respectivement aux titres V et VI de la Convention de l’Union Européenne du 7 février 1992, restent réservés à l’action combinée des différents gouvernements des Etats membres sous forme de “décisions-cadre”. Ces domaines réservés constituent ce que l’on désigne dans le jargon communautaire le “deuxième” et le “troisième pilier” de l’Union Européenne.
Instauration progressive d’une politique communautaire environnementale
a. Le mot “environnement” ne figure pas au Traité de Rome de 1957 créant la Communauté Economique Européenne. Ce n’est qu’au sommet de Paris en octobre 1972 que la Commission est chargée d’établir un programme d’action en matière d’environnement. Or, la compétence législative de la Communauté est limitée aux matières transférées par les Etats membres à la Communauté. A défaut de dispositions explicites dans le traité originaire en matière de politique environnementale, c’est par une interprétation extensive des articles 2, qui prévoit que l’action de la Communauté tend à “un développement harmonieux de l’activité économique dans toute la Communauté, .. une amélioration du niveau de vie .. un rapprochement des relations entre Etats-membres”, et des articles 100 en 235 CEE, qui stipulent qu’il appartient aux Conseil d’harmoniser les législations des Etats membres qui influencent directement le fonctionnement du marche commun, ainsi que de prendre les mesures adéquates qui paraissent nécessaires afin de réaliser l’un des objectifs de la Communauté lorsque le Traité ne prévoit pas les compétences nécessaires, que cette compétence fut reconnue. Une politique Européenne d’environnement se justifiait en effet par le danger de distorsions dans le marché économique commun en raison de la différence au niveau des réglementations nationales. Ce raisonnement fût entériné par la Cour de Justice de Luxembourg dès 1980 qui décida en 1985 que la protection de l’environnement forme un des objectifs essentiels de la Communauté.
b. Dans son “livre blanc” datant de la même année, la Commission établissait une liste d’environ trois cents mesures à prendre afin d’éliminer les différents obstacles d’ordre matériel, technique et fiscal empêchant la réalisation d’un véritable marché unique intérieur.
Vouloir atteindre cet objectif dès fin 1992 supposait toutefois un allègement des procédures de décision en supprimant la règle de l’unanimité au Conseil, en accordant une certaine influence au Parlement, et en inscrivant explicitement dans le Traité un nombre de terrains d’action où la Communauté agissait déjà en fait. Tel fût l’objet principal de “l’Acte Unique Européen”, entré en vigueur le 1er juillet 1987 :
L’article 8A de l’Acte Unique (l’actuel article 14 CE) dispose que la Communauté établit les mesures destinées à réaliser progressivement pour fin décembre 1992 un “marché interne”, c.a.d. un espace sans frontières intérieures où la libre circulation des biens, personnes, services et capitaux est garantie ;
L’article 100A de l’Acte Unique (l’actuel article 95 CE) dispose que, contrairement à la procédure normale où l’unanimité des membres du Conseil est requise, l’harmonisation de la législation nécessaire à la réalisation de ce “marché intérieur” peut se faire par une majorité qualifiée des voix du Conseil, en collaboration avec le Parlement Européen. Le paragraphe 3 de l’article 100A spécifie que les propositions faites par la Commission aux fins de cette harmonisation tendent à un haut niveau de protection. Ce niveau étant atteint e.a. par de normes d’environnement uniformes, ce n’est qu’exceptionnellement qu’un Etat membre est autorisé à prendre des mesures encore plus restrictives aux conditions reprises au paragraphe 4 de l’article 100A.
Les articles 130R à 130T CEE (actuellement Titre XIX - articles 174 à 176 CE) introduisent dans L’Acte Unique un titre particulier concernant l’environnement, considérant ainsi cette matière comme un terrain d’action à part entière de la Communauté Européenne, au même titre que l’agriculture, les transports, la politique économique et sociale, etc.
Les objectifs d’une politique environnementale sont définis à l’article 130 R, §1. La Communauté n’agira en cette matière que lorsque ces objectifs peuvent plus facilement être réalisés au niveau communautaire que par une action séparée de chacun des Etats membres (principe de la subsidiarité).
N’étant, contrairement aux mesures prises sur base de l’article 100A, pas des mesures tendant à la réalisation d’un “marché intérieur”, les mesures environnementales “ordinaires” nécessitent en principe l’unanimité du Conseil, sauf décision contraire de celui-ci (article 130S). Etant étrangère à la réalisation d’un tel marché, il s’agit en plus de normes minimales, chaque Etat membre étant autorisé à maintenir des dispositions de protection renforcées pour autant qu’elles soient compatibles avec le Traité.
c. Entré en vigueur le 1er novembre 1993, le traité de Maastricht apporte certaines modifications à la matière qui nous occupe.
L’article 130 S, § 1, (actuellement article 175 CE) prévoit que la majorité qualifiée devient la norme. Le Conseil agira selon cette règle, après application de la procédure de coopération avec le Parlement européen. Le paragraphe 2 prévoit, dans les cas qu’il énumère, que le Conseil devra décider à l’unanimité, sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement. Le paragraphe 3 stipule que pour les programmes d’action à caractère général, le Conseil statue à la majorité qualifiée, selon la procédure de codécision avec le Parlement Européen.
Le principe de subsidiarité, autrefois contenu à l’article 130 R, § 4, est généralisé à tous les domaines d’action de la Communauté. Celle-ci ne sera fondée à agir “que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres”.
Législation
Comme toute politique de la Communauté européenne, la politique d’environnement se réalise au moyen de règlements et de directives.
L’article 249 CE (ex article 189 CEE) dispose : “Pour l’accomplissement de leur mission et dans les conditions prévues au présent traité, le Conseil et la Commission arrêtent des règlements et des directives, prennent des décisions et formulent des recommandations ou des avis.
Le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout Etat membre.
La directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et les moyens.
(…)”.
Le règlement est immédiatement et directement applicable et ne nécessite aucune transposition en droit interne pour accorder des droits aux particuliers ou leur imposer des obligations. Il est rare en matière d’environnement (p.ex. application à la Communauté européenne de la convention en matière de commerce international d’espèces d’animaux et de plantes sauvages en voie d’extinction).
L’instrument classique est la directive qui, contrairement au règlement, n’est pas immédiatement et directement applicable. La directive oblige l’Etat membre quant au résultat à atteindre, mais elle lui laisse le choix des moyens pour atteindre ce résultat. Il appartient à l’Etat, dans le délai de temps imparti par la directive, de rendre sa législation et sa pratique administrative conforme à la directive, soit en modifiant la réglementation existante, soit en adoptant une nouvelle réglementation. Les particuliers peuvent, sous certaines conditions, une fois ce délai écoulé, invoquer les dispositions de la directive envers l’autorité, même si la législation nationale est en contradiction avec ces dispositions.
Jurisprudence
L’article 234 CE (ex article 177 du traité CEE), réglant la compétence de la Cour de Justice en matière de questions préjudicielles, dispose que lorsqu’une question d’interprétation de droit communautaire surgit devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptible d’appel, celle-ci est tenue de s’en référer à la Cour.
Même si les arrêts de celle-ci n’ont pas de valeur de précédent contraignant, il n’en reste pas moins que la jurisprudence de la Cour représente un instrument d’unification du droit communautaire très important pour les différents Etats membres.
Dans plusieurs arrêts successifs, la Cour de Justice à ainsi précisé la notion de « déchets », telle que reprise dans les directives 75/442 concernant les déchets et 78/319 concernant les déchets toxiques et dangereux, en précisant que la circonstance que des matières ou objets soient susceptibles d’un nouvel usage dans le circuit économique n’autorisait pas le législateur national de les soustraire à l’application de ces directives.
Dans son arrêt du 20 décembre 2005, la Cour de Cassation belge s’inspire directement d’un arrêt de la Cour de Luxembourg faisant la distinction entre la notion de ‘déchet’ et la notion de “sous-produit recyclable”, tel que repris dans l’article 1, a ,alinéa 1er, de la directive 75/442/CE du Conseil de l’Europe du 15 juillet 1975 relative aux déchets.
Les instruments de la politique environnementale communautaire
Généralités
Une action communautaire en matière d’environnement présuppose non seulement l’élaboration d’une réglementation adéquate mais encore la réalisation d’un système de contrôle et de sanction dans le cas de non-réalisation effective de cette réglementation.
Il appartient à la Commission de veiller à ce que les Etats membres remplissent leurs obligations (article 211 CE). Au cas où la Commission estime qu’un Etat membre est en défaut de remplir ces obligations, elle rend un avis motivé, après avoir donné l’occasion à l’Etat concerné de faire valoir ces observations (article 226 CE).
Si l’Etat membre ne se conforme pas à cet avis dans les délais qui lui sont impartis, la Commission peut introduire l’affaire devant la Cour de Justice par une action en manquement (article 226 CE, paragraphe 2). La Cour condamne l’Etat membre qui a failli à ces obligations, sans toutefois disposer de moyens de contrainte. L’Etat est tenu de prendre les mesures nécessaires à l’exécution de l’arrêt de la Cour.
Comme fondement de son action, la Commission dispose principalement d’une double base juridique : l’obligation de résultat imposé par l’article 249 (B) et l’obligation de coopération loyale imposée par l’article 10 (C).
L’obligation de résultat imposé par l’article 249
-principe-
L’obligation de résultat et d’objectif à atteindre, caractéristique essentielle de la directive et du règlement, implique pour l’Etat membre un devoir, non seulement de transposition mais encore d’application concrète en droit interne. Il lui appartient donc d’instaurer des mécanismes de surveillance et de sanction et de veiller à ce que les autorités compétentes fassent application de ces mécanismes.
étendue-
L’étendue de ce devoir de surveillance et de sanction est influencée par le degré de précision contenu dans la norme imposée par la directive :
a. La directive imposant une obligation claire et formelle ne laisse aucun pouvoir discrétionnaire à l’Etat membre : ainsi l’obligation de soumettre l’activité d’enlèvement et de réemploi de déchets à l’obtention préalable d’une autorisation, ou encore l’obligation de respecter des normes d’émission de rejet bien spécifiques pour une installation d’incinération de déchets.
Dans l’affaire des installations d’incinération, le gouvernement français invoquait que les directives concernées impliquaient certes le devoir pour l’Etat membre d’imposer certaines obligations aux exploitants d’installations d’incinération, mais qu’il conservait néanmoins une certain pouvoir d’appréciation quand à la nature des mesures à prendre ; que la circonstance que la situation de fait ne correspondait pas aux résultats imposés par les directives ne signifiait pas nécessairement que l’Etat avait manqué à ces obligations.
La Cour rejette cet argument : les normes d’incinération explicites et non ambigües contenues dans les directives imposent une obligation de résultat. Il ne suffit dès lors pas de prendre toutes mesures raisonnables afin d’obtenir ce résultat. L’argument qu’une fermeture des installations concernées est impossible eu égard, d’une part, au nombre d’installations restant disponibles, d’autre part, au volume de déchets à traiter, est également inacceptable pour la Cour, la preuve n’étant pas rapportée qu’une telle fermeture rendrait impossible tout traitement temporaire dans d’autres installations.
L’obligation de résultat implique ainsi un devoir de contrôle et de sanction pouvant mener, si nécessaire, à la fermeture de l’établissement.
Dans l’affaire d’eau de consommation de Verviers, la Belgique se fit condamner par la Cour en raison du dépassement de la norme fixant le taux maximum de plomb autorisé dans l’eau potable par la directive 80/778/ CEE du Conseil du 15 juillet 1980 concernant la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine. Le gouvernement belge invoqua le coût et la complexité de la construction d’une nouvelle installation de traitement d’eau, ne permettant pas de satisfaire dans un avenir immédiat aux exigences de la directive.
La Cour rejeta cette défense, mettant en exergue qu’un Etat membre ne saurait invoquer de difficultés pratiques, administratives ou financières pour ne pas respecter les obligations et délais imposés par la directive.
De même, en matière de transport transfrontalier de déchets dangereux, par son arrêt du 9 juillet 1992, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé en la cause C-2/90, notamment en ce qui concerne l’arrêté de l’Exécutif wallon du 19 mars 1987, qu’il convient d’observer que la directive 84/631/CE ne laisse aucune possibilité d’instaurer une interdiction générale sur ce transport, et que, dès lors, il y a lieu de constater que la réglementation « belge » contestée, dans la mesure où elle introduit une interdiction absolue d’importer des déchets dangereux en Wallonie, n’est pas conforme à la directive en question.
b. Les obligations imposées par la directive à l’Etat membre ne sont pas toujours aussi explicites quand aux moyens pour arriver au résultat imposé par la directive.
Ainsi, l’article 4 de la directive 2006/12/UE du 5 avril 2006 concernant les déchets, qui reprend les mêmes dispositions de la directive 75/442 dispose :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, et notamment : a) sans créer de risque pour l’eau, l’air ou le sol, ni pour la faune et la flore ; b) sans provoquer d’incommodités par le bruit ou les odeurs ; c) sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier.
Les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet et l’élimination incontrôlée des déchets ».
Comparée à une norme exprimée sous forme de valeurs quantitatives chiffrées, l’obligation de « prendre les mesures nécessaires » laisse plus de latitude à l’Etat membre quand au résultat à atteindre.
Dans son arrêt Difesa della Cava du 23 février 1994, la Cour considère qu’il s’agit-là d’une disposition de programme, déterminant les objectifs à atteindre par les Etats membres en respectant les obligations plus spécifiques déterminées aux articles 5 et 11 de la directive.
Selon la Cour, la disposition en question doit être considérée comme la délimitation du cadre dans lequel doit se dérouler l’ activité des États membres en matière de traitement des déchets et non comme imposant en soi l’ adoption de mesures concrètes ou telle ou telle méthode d’ élimination des déchets. N’étant ni inconditionnelle ni suffisamment précise, elle n’est pas de nature à conférer des droits que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l’ égard de l’État.
Dans l’arrêt San Rocco du 9 novembre 1999, la Cour précise toutefois que si l’article 4, premier alinéa, de la directive 75/442, telle que modifiée par la directive 91/156 (l’actuelle directive 2006/12/CE), ne précise pas le contenu concret des mesures qui doivent être prises par les États membres pour assurer que les déchets soient valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement, il n’en reste pas moins que cette disposition lie les États membres quant à l’objectif à atteindre, tout en laissant à ces derniers une marge d’appréciation dans l’évaluation de la nécessité de telles mesures. Il n’est donc en principe pas possible de déduire directement de la non-conformité d’une situation de fait avec les objectifs fixés à l’article 4, premier alinéa, de la directive 75/442, modifiée, que l’État membre concerné a nécessairement manqué aux obligations imposées par cette disposition. Toutefois, la persistance d’une telle situation de fait, notamment lorsqu’elle entraîne une dégradation significative de l’environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes, peut révéler que les États membres ont outrepassé la marge d’appréciation que leur confère cette disposition.
Si la Cour continue ainsi à admettre que l’article 4 ci-dessus n’a qu’un caractère programmatique, elle le qualifie néanmoins comme une disposition contenant une obligation légale pour les Etats membres de veiller à ce que les déchets ne soient pas éliminés d’une façon incontrôlée. L’Etat est susceptible d’un recours en manquement par application de l’article 169 Traité CE s’il ressort de la persistance de la situation de fait que celui-ci manque à ses obligations imposées par l’article 4.
L’obligation de coopération loyale imposée par l’article 10 CE (ex art. 5 CEE)
-principe-
Selon l’article 10 CE, “Les Etats membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l’accomplissement de sa mission.
Ils s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts du présent traité”.
Ces dispositions imposent aux Etats membres une obligation de coopération loyale devant garantir l’efficacité du droit communautaire. Il s’agit d’une part de deux obligations positives (prendre les mesures propres à assurer l’exécution des obligations communautaires ; faciliter l’accomplissement de la mission de la Communauté), d’autre part, d’une obligation négative (s’abstenir de mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des buts communautaires).
développements–
La Cour de Justice a progressivement précisé l’obligation positive pour l’Etat membre de veiller au respect des obligations communautaires, notamment en s’obligeant à instaurer un système de surveillance et de sanction afin d’assurer l’exécution effective de ces obligations.
Dans l’affaire des fraises espagnoles la Commission reprochait au gouvernement français de n’avoir rien fait pour empêcher des manifestations violentes d’agriculteurs, tendant à bloquer aux frontières les importations de fruits venant de l’étranger, ce qui contrevenait à la libre circulation des marchandises garantie par l’article 28 du Traité CE. Or, cet article ne prévoit que l’obligation de s’abstenir de toute restriction quantitative à l’importation, sans obligation de prendre des mesures à cet effet. La Cour à dès lors complété les obligations de l’Etat membre en appliquant le principe de coopération loyale : l’article 28 CE interdit non seulement aux Etats membre de prendre des mesures empêchant la libre circulation des marchandises mais, combiné avec l’article 10, leur impose également de prendre toutes mesures adéquates et nécessaires afin d’assurer le respect de cette libre circulation sur leur territoire.
Par l’arrêt Amsterdam Bulb du 2 février 1977, la Cour avait à se prononcer sur la compatibilité d’une réglementation nationale prévoyant des sanctions pénales en cas d’infraction à une réglementation communautaire prévoyant l’imposition de prix minima à l’exportation (de bulbes), alors que cette réglementation communautaire elle-même ne disposait rien à ce propos. La Cour estima que l’actuel article 10 CE, en imposant aux Etats membres de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations communautaires, laissait aux Etats membres le choix de prendre les mesures – y compris celles à caractère pénal – qui leur semblait le plus approprié.
L’affaire du maïs grec du 21 septembre 1989, est pour la Cour l’occasion de finaliser les règles pouvant être déduites de l’article 10, et qu’il appartient aux Etats membres de respecter lorsqu’ils sanctionnent des infractions au droit communautaire :
Il appartient à l’Etat de choisir la sanction qui lui parait le plus appropriée : sanction administrative, pénale ou à caractère civil ;
Toutefois cette sanction doit être effective, dissuasive et proportionnée (principe de pénalisation appropriée) ;
La violation du droit communautaire doit être réprimée de manière équivalente à une violation du droit national, tant au point de vue du droit matériel que de la procédure (principe d’assimilation) ;
Ces conditions sont cumulatives : le fait que le droit national ne contiendrait aucune disposition de droit interne ne dispenserait pas l’Etat d’agir en vertu du principe de pénalisation appropriée.
L’obligation de coopération loyale s’adresse non seulement au législateur, mais à toute autorité chargée de la surveillance ou de la répression. Il ne suffit pas que la législation de l’Etat membre prévoit une sanction effective, dissuasive, proportionnée et non-discriminatoire : encore faut-il qu’un contrôle soit effectivement exercé et que l’infraction soit effectivement réprimée.
Le principe d’assimilation suppose toutefois que l’infraction au droit communautaire et l’infraction au droit national soient comparables et présentent le même degré de gravité. Il s’agit en effet d’une application du principe de non-discrimination, qui suppose que les situations soient comparables. La discrimination n’existe que dans la mesure où de cas comparables sont différemment traités, ou encore de cas différents traités de manière semblable. Dans la mesure où l’infraction communautaire n’est pas comparable à l’infraction au règlement national, l’Etat membre est entièrement libre de déterminer la sanction appropriée, sous réserve que celle-ci reste effective, dissuasive et proportionnée.
Par application de ces principes, la Cour condamna l’Irlande pour avoir improprement sanctionné une directive concernant les animaux de laboratoires avec des amendes de 5, 10 et 100 livres Irlandaises, alors qu’une transgression semblable de la propre législation Irlandaise en matière de cruauté envers les animaux était punissable d’une amende de 1000 livres.
Le principe d’assimilation implique également que les règles de procédure devant la juridiction nationale tendant au maintien du respect du droit communautaire ne soient pas moins favorables que celles pour une action semblable de caractère national.
La règle de la proportionnalité prescrit que la sanction étatique ne soit ni trop lourde ni trop légère. Bien que la sanction doive être dissuasive et effective, encore faut-il protéger le contrevenant contre des mesures de sanction qui iraient au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer le respect de droit communautaire.
Ainsi, la légalité de l’interdiction d’une activité économique est subordonnée à la condition que cette mesure soit appropriée et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés.
La sanction est proportionnelle lorsque, d’une part, elle permet d’atteindre le résultat escompté, d’autre part, aucune autre mesure moins contraignante ne permet d’atteindre le même résultat. A cet égard, la Cour accorde un large pouvoir d’appréciation à l’Etat membre en n’exerçant qu’un contrôle marginal. Elle n’interviendra que si la mesure ne saurait en aucun cas être approuvée en raison de l’atteinte qu’elle porte aux droits fondamentaux.
Que la sanction soit dissuasive signifie qu’en raison de son caractère répressif, elle incite toute personne à s’abstenir d’une nouvelle infraction à l’avenir.
Dans l’affaire de la directive des animaux de laboratoire, la Cour estima les amendes appliquées par l’Irlande non seulement contraires au principe d’assimilation, mais également non-dissuasives, eu égard à la dévaluation que la livre Irlandaise avait subie depuis leur introduction.
- principes complémentaires : le respect des droits fondamentaux -
Le choix des sanctions auxquelles le législateur national peut avoir recours afin de sanctionner une violation du droit communautaire est non seulement déterminé par le principe d’assimilation et de pénalisation approprié, mais également par l’obligation de respecter des droits fondamentaux établis dans la Convention Européenne des Droits de l’Homme. En tant que droits fondamentaux, ceux-ci sont considérés comme faisant parti des principes généraux du droit communautaire.
a. le principe de la légalité sensu stricto exige qu’une disposition pénale soit suffisamment claire et explicite afin que le justiciable puisse à l’avance se rendre compte que ses actes sont contraires à la loi et qu’ils mettent sa responsabilité en cause, et quelles sont les sanctions qu’il va encourir. Il est de jurisprudence constante de la Cour que ni la théorie de l’application directe ni la théorie de l’interprétation conforme ne pourraient suppléer au défaut de transposition d’une directive dans la législation nationale, en ce sens que les dispositions de cette directive, indépendamment de toute disposition nationale, formerait elle-même le fondement de l’incrimination.
Ainsi dans l’arrêt Luciano Arcaro, la Cour dispose que l’article 3 de la directive 76/464, concernant la pollution causée par certaines substances dangereuses déversées dans le milieu aquatique de la Communauté, doit être interprété en ce sens qu’ il subordonne tout rejet de cadmium, indépendamment de la date d’ entrée en fonction de l’ établissement dont il provient, à la délivrance d’ une autorisation préalable. En l’ absence de transposition complète, dans le délai imparti, de la directive en cause, et donc de son article 3, et de la directive 83/513, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de cadmium, par un État membre, une autorité publique de cet État ne peut pas invoquer ledit article 3 à l’ encontre d’ un particulier, étant donné que cette possibilité n’ existe qu’ en faveur des particuliers et à l’ égard de "tout État membre destinataire".
Si le droit communautaire ne comporte pas un mécanisme qui permette à la juridiction nationale d’ éliminer des dispositions internes contraires à une disposition d’ une directive non transposée, lorsque cette dernière disposition ne peut pas être invoquée devant la juridiction nationale, l’ obligation des États membres, découlant d’ une telle directive, d’ atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur devoir, en vertu de l’ article 5 (actuellement 10) du traité, de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l’ exécution de cette obligation s’ imposent à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles.
Il s’ ensuit que, en appliquant le droit national, la juridiction nationale appelée à l’ interpréter est tenue de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci et se conformer ainsi à l’ article 189, troisième alinéa, du traité.
Toutefois, cette obligation pour le juge national de se référer au contenu de la directive lorsqu’ il interprète les règles pertinentes de son droit national trouve ses limites lorsqu’ une telle interprétation conduit à opposer à un particulier une obligation prévue par une directive non transposée ou, à plus forte raison, lorsqu’ elle conduit à déterminer ou à aggraver, sur la base de la directive et en l’ absence d’ une loi prise pour sa mise en œuvre, la responsabilité pénale de ceux qui agissent en infraction à ses dispositions.
b. Quand au principe de la non-rétroactivité, la Cour distingue la sanction pénale des autres sanctions.
Ainsi dans l’arrêt Fedesa du 13 novembre 1990, la Cour dispose qu’en fixant au 1er janvier 1988 l’expiration du délai de mise en œuvre de la directive 8/146, interdisant l’utilisation de certaines substances à effet hormonal par les éleveurs, son article 10 lui confère un effet rétroactif dans la mesure où l’adoption et la notification de la directive sont intervenues au mois de mars 1988.
En dehors du domaine pénal, cette rétroactivité est admissible, car, d’ une part, ladite directive remplaçant une directive antérieure annulée pour vice de forme, il est apparu nécessaire d’ éviter, pour la période séparant l’ annulation d’ un texte et son remplacement par un texte régulièrement adopté, un vide juridique au regard de l’ existence d’ un fondement de droit communautaire pour les dispositions nationales qui avaient été prises par les États membres en vue de se conformer à la directive annulée, et, d’ autre part, les opérateurs économiques concernés n’ ont pu être atteints dans leur confiance légitime, tant en raison de la succession rapide des deux directives que du motif d’ annulation.
Au regard du domaine pénal, en revanche, ledit article 10 ne peut être interprété dans le sens qu’ il imposerait aux États membres l’ obligation de prendre des mesures contraires au droit communautaire, et notamment au principe de non-rétroactivité des dispositions pénales que celui-ci intègre, en tant que droit fondamental, dans ses principes généraux . Il ne saurait pas davantage fournir un fondement à des poursuites pénales qui seraient engagées sur la base de dispositions du droit national qui auraient été prises en exécution de la directive annulée et qui trouveraient leur seul fondement dans cette dernière .
De lege ferenda : un droit pénal communautaire de l’environnement
L’article 10 CE oblige les Etats membres à faire respecter les obligations communautaires en matière d’environnement par des sanctions conformes aux exigences de proportionnalité et d’assimilation, tout en leur laissant le choix de ces sanctions.
Il arrive toutefois que les institutions communautaires interviennent directement dans la détermination des ces sanctions, mêmes pénales, soit dans un domaine bien déterminé, soit de façon plus générale en déterminant des catégories d’infraction environnementales.
Ainsi, l’article 16.3 de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003 en matière d’échange de droit d’émission de gaz à effet de serre oblige les Etats membres d’imposer à tout exploitant une amende de 100 euro par tonne d’équivalent de dioxyde de carbone émis par son installation pour laquelle il n’aura pas restitué à une date déterminée un nombre de quota équivalent.
Les différences entre législations des Etats membres, ainsi que leur application, peut donner à craindre qu’un entrepreneur peu scrupuleux irait s’établir là où la répression serait la moins efficace. Dès lors, la nécessité d’une intervention directe de la communauté européenne dans le droit pénal interne des Etats membres se fait de plus en plus ressentir.
Le coup d’envoi fut lancé par la Convention européenne du 4 novembre 1998 concernant la protection de l’environnement au moyen de droit pénal, à l’initiative du Conseil de l’Europe. Cette convention n’est pas encore applicable à défaut d’un nombre de ratifications suffisant.
Au niveau de l’Union Européenne, le Conseil des Ministres adopta le 27 janvier 2003 une décision-cadre déterminant un nombre limité d’infractions graves à l’environnement, ainsi que leur sanction pénale, ceci sur base de la compétence qui lui est réservée dans le cadre du « troisième pilier » en matière de coopération judiciaire entre Etats membres en matières pénales.
Cette décision-cadre fut toutefois annulée par la Cour de Justice à l’initiative de la Commission, qui estimait qu’il appartient aux institutions communautaires, et non à un organe représentant les différents Etats membres tel que le Conseil de Ministres, de définir des incriminations et mesures, même pénales, en matière d’environnement. Dans son arrêt du 13 septembre 2005, la Cour reconnaît se pouvoir aux institutions communautaires, dans la mesure où il s’agit de mesures indispensables à la répression d’infractions environnementales particulièrement graves, et que ces sanctions soient effectives, proportionnelles et dissuasives. Il s’agit concrètement d’infractions intentionnelles ou d’une négligence particulièrement grave, et entrainant des lésions corporelles ou un dommage important à l’environnement.
Il ressort toutefois d’un arrêt de la Cour du 23 octobre 2007 qu’il appartient au Conseil, et non pas à la Commission, de déterminer le type et le niveau des sanctions pénales en matière d’infractions qui causent des dommages à la qualité des eaux, aux espèces animales ou végétales ou aux personnes.
L’article 10 CE impose à tout Etat membre de prendre toutes mesures nécessaires afin que la directive soit effectivement appliquée, non seulement en la transposant dans son droit interne, mais encore en veillant aux organes de contrôle et aux sanctions nécessaires. Qu’en est-il si l’Etat manque à ces obligations.
a. Application directe de la directive
La non-transposition ou la transposition incomplète de la directive après écoulement de ce délai permet néanmoins à un particulier d’invoquer, sous certaines conditions, cette directive comme source de droit envers l’Etat membre qui reste en défaut. Une règle de droit interne qui serait contraire à la directive peut ainsi être écartée.
Conditions-
La norme doit être précise et inconditionnelle : elle ne peut avoir un effet direct que dans la mesure où elle impose à l’Etat membre une obligation précise, ne lui laissant dans tout les cas aucun pouvoir d’appréciation quand au résultat à atteindre. Elle doit être inconditionnelle, c.a.d. que la mise en vigueur de l’obligation qu’elle impose ne nécessite aucune intervention préalable de l’Etat membre.
Application directe verticale-
L’application directe peut-être invoquée par un particulier envers l’Etat membre restant en défaut, non le contraire. L’Etat membre ne pourrait invoquer directement envers un particulier l’obligation contenue dans la directive que cet Etat n’aurait préalablement transposée dans son droit national (application directe inversée). Le particulier peut en effet légitimement croire que l’Etat membre ne veut pas lui opposer cette obligation, tant qu’il ne s’est pas donné la peine de la transposer en droit interne (principe de sécurité juridique).
Il en est d’autant plus en matière pénale : l’organe du ministère public ne pourrait engager des poursuites envers un particulier pour non respect d’une obligation découlant d’une directive non transposée, et en écartant la règle de droit national contraire à la directive. Il s’ensuivra que le particulier pourra impunément transgresser les normes environnementales imposées par la directive, aussi longtemps que l’Etat membre restera en défaut de la transposer.
Cette jurisprudence à son tour crée un effet pervers pour le droit interne : la règle de droit interne n’étant pas/plus conforme à la norme communautaire, ne pourrait (plus) servir de base pour une condamnation pénale.
Ainsi dans l’affaire dite de ‘Mellery’, la Cour de Cassation belge dit pour droit que la transposition tardive du droit communautaire dans le droit interne, entraine un état d’impunité du fait que, d’une part, le juge ne peut appliquer aucune disposition du droit interne qui n’est pas conciliable avec ce droit communautaire, y compris les dispositions pénales, d’autre part, la nouvelle incrimination ne vaut qu’à partir de l’entrée en vigueur tant de la norme européenne que de la disposition interne qui la rend punissable ; ladite impunité résulte de la primauté du droit européen sur la loi interne, et ne peut être rendue sans effet par cette dernière, de quelque manière que ce soit.
-Non-applicabilité directe horizontale – distinction
La directive ne s’adressant qu’aux Etats membres, une personne ne pourrait l’invoquer comme source de droit vis à vis d’une autre personne (applicabilité directe horizontale). Tel sera aussi le cas si le droit que l’on veut faire valoir envers l’Etat membre aurait pour conséquence qu’un tiers serait tenu à respecter une obligation découlant de la directive non transposée.
Etant entendu qu’une directive non transposée en droit national ne peut être source de droit d’une personne vis à vis d’une autre personne, il convient toutefois de distinguer : le particulier ne pourrait invoquer, même envers l’Etat membre, l’exécution d’une obligation comportant à son tour une obligation pour un tiers. Rien ne l’empêche toutefois d’exiger que l’Etat-membre remplisse ses obligations découlant de la directive, même si l’exécution de ces obligations (n’) entraine (que) des conséquences négatives pour ce tiers.
Dans l’arrêt Wells du 7 janvier 2004, La Cour avait à se prononcer sur les conséquences pour un particulier de l’autorisation accordée par les autorités à un exploitant d’une carrière sans que soit préalablement réalisée une évaluation par les autorités compétentes des incidences sur l’environnement de l’exploitation de la carrière, tel que l’exigeait la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.
Selon le gouvernement du Royaume-Uni, reconnaître à un particulier le droit d’invoquer l’article 2, paragraphe 1, de la directive 85/337, lu en combinaison avec les articles 1er , paragraphe 2, et 4, paragraphe 2, de celle-ci constituerait une situation d’« inverse direct effect » (application directe inversée), dans laquelle l’État membre concerné serait directement obligé, à la demande d’un particulier, tel que Mme Wells, de priver un autre particulier, tel que les propriétaires de la carrière de Conygar Quarry, de ses droits.
A cet égard, la Cour constate que le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que les directives puissent créer des obligations pour les particuliers. À l’égard de ces derniers, les dispositions d’une directive ne peuvent créer que des droits. Par conséquent, un particulier ne peut invoquer une directive à l’encontre d’un État membre, lorsqu’il s’agit d’une obligation étatique qui est directement liée à l’exécution d’une autre obligation incombant, en vertu de cette directive, à un tiers.
En revanche, de simples répercussions négatives sur les droits de tiers, même si elles sont certaines, ne justifient pas de refuser à un particulier d’invoquer les dispositions d’une directive à l’encontre de l’État membre concerné.
Dans l’affaire au principal, l’obligation pour l’État membre concerné d’assurer que soit réalisée une évaluation par les autorités compétentes des incidences sur l’environnement de l’exploitation de la carrière de Conygar Quarry n’est pas directement liée à l’exécution d’une quelconque obligation qui incomberait, en vertu de la directive 85/337, aux propriétaires de cette carrière. Le fait que les opérations d’exploitation minière doivent être arrêtées pour attendre les résultats de l’évaluation est, certes, la conséquence de la réalisation tardive des obligations dudit État. Une telle conséquence ne saurait toutefois, ainsi que le prétend le Royaume-Uni, être qualifiée d’« inverse direct effect » des dispositions de ladite directive à l’égard desdits propriétaires.
b. Interprétation conforme à la directive.
La personne qui ne pourrait invoquer l’application directe de la directive non-transposée (en raison de son imprécision ou parce que conditionnelle), peut toutefois demander au juge qu’il interprète le droit national conformément à la norme de la directive non transposée. Se faisant, il ne fait qu’appliquer le droit national et non la directive. Dès lors le principe vaut également dans les relations envers les tiers. Il n’appartient toutefois pas au juge d’interpréter le droit interne contra legem, et cette technique reste soumise au principe de sécurité juridique. Cette technique ne saurait à fortiori permettre de sanctionner le non-respect de la directive en écartant l’application du droit interne non-conforme.
c. L’obligation de réparation
Dans la même affaire Wells (cfr. litt. a.), la Cour se prononce également sur l’obligation de remédier à l’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement.
La Cour constate qu’en vertu du principe de coopération loyale prévu à l’article 10 CE, les États membres sont tenus d’effacer les conséquences illicites d’une violation du droit communautaire
Ainsi, il appartient aux autorités compétentes d’un État membre de prendre, dans le cadre de leurs compétences, toutes les mesures nécessaires, générales ou particulières pour que les projets soient examinés, afin de déterminer s’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement et, dans l’affirmative, qu’ils soient soumis à une étude de celles-ci. Constituent notamment de telles mesures particulières, dans les limites du principe de l’autonomie procédurale des États membres, le retrait ou la suspension d’une autorisation déjà accordée afin d’effectuer une évaluation des incidences du projet en question sur l’environnement telle que prévue par la directive 85/337.
La Cour constate d’autre part que si l’État membre est tenu de réparer tout préjudice causé par l’omission d’une évaluation des incidences sur l’environnement, les modalités procédurales applicables relèvent toutefois de l’ordre juridique interne de chaque État en vertu du principe de l’autonomie procédurale des États membres, à condition toutefois qu’elles ne soient pas moins favorables que celles régissant des situations similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité).
Il incombe dès lors au juge national d’établir s’il existe, en droit interne, la possibilité de retirer ou de suspendre une autorisation déjà accordée afin de soumettre ce projet à une évaluation de ses incidences sur l’environnement, conformément aux exigences de la directive 85/337, ou, à titre alternatif, si le particulier y consent, la possibilité pour ce dernier de réclamer réparation du préjudice subi.
La préservation de l’environnement n’est plus un problème qui se limite au territoire d’un état. Les problèmes d’environnement sont devenus transfrontaliers, régionaux et même mondiaux. Ils nécessitent dès lors une solution d’une portée correspondante.
Cela vaut d’autant plus qu’une trop grande différence au niveau des réglementations nationales entraine une distorsion au point de vue concurrentiel. Et l’environnement, c’est bien plus que de relations économiques, puisque c’est tout un cadre de vie et de bien-être qui est en jeu !
Les notes qui précèdent démontrent à suffisance qu’au plus l’encadrement international est astreignant, au plus l’influence sur la réglementation interne sera grande, devant en fin de compte mener à un droit quasi-unitaire pour les états concernés.
Par une interprétation progressiste de l’article 10 du Traité CE, les institutions communautaires ont obtenu que les Etats membre mettent au service de la Communauté leurs moyens et leurs services de contrôle afin de garantir que ce droit unitaire soit effectivement appliqué. Ce n’est pas la moindre des victoires sur le particularisme national !
La Cour de Justice de Luxembourg a mis l’accent « sur les exigences de la protection de l’environnement qui doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de la communauté », soulignant ainsi « le caractère transversal et fondamental de cet objectif ». Cela justifie à ces yeux une propre définition d’incriminations pénales par les organes communautaires, menant ainsi à une « communautarisation du droit pénal » et battant en brèche le principe même de l’Etat souverain dans ce que fait partie de son essence propre : l’exercice du droit régalien de punir.