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Rapport de la Cour suprême de Côte d’Ivoire sur le droit pénal de l’environnement

 

Monsieur Jacques M’BOSSO

Premier vice-président de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA).


Le droit de l’environnement
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Il nous a été demandé de faire un « rapport national » sur le droit pénal de l’environnement de notre pays de résidence en l’occurrence la COTE D’IVOIRE et un second sur les influences des conventions internationales sur le droit interne de l’environnement. Selon notre entendement, un tel « rapport national » ne peut être fait que sous le sceau de l’Etat de COTE D’IVOIRE et par un organe habilité à cet effet, ce qui est loin d’être notre cas. Aussi, avons-nous modestement choisi, au nom de l’intérêt que nous portons au sujet, de tenter de présenter l’état de la législation pénale ivoirienne en matière d’environnement tout en soulignant, ce faisant, les incidences des conventions internationales sur ladite législation.

Au plan juridique, l’environnement pris dans son sens générique désigne l’« ensemble des composantes d’un milieu déterminé que la législation de protection désigne a contrario par référence à la commodité du voisinage, à la santé, la sécurité et la salubrité publique, à l’agriculture et à la nature, enfin à la conservation des sites et monuments ». Le législateur ivoirien adhère plus ou moins à cette définition dans son code de l’environnement dans la mesure où il y définit celui-ci comme étant l’« ensemble des éléments physiques, chimiques, biologiques et des facteurs socio-économique moraux et intellectuels susceptibles d’avoir un effet direct ou indirect, immédiat ou à terme sur le développement du milieu des êtres vivants et des activités humaines ». Affinant cette définition, le législateur ivoirien a considéré chacune des composantes de l’environnement en distinguant l’environnement humain qui « concerne le cadre de vie et l’aménagement du territoire » de l’environnement naturel qui « comprend :
- le sol et le sous-sol ;
- les ressources en eau ;
- l’air ;
- la diversité biologique
- les paysages, sites et monuments… »

C’est relativement à l’environnement ainsi défini que sera présenté ci-après l’état de la législation pénale ivoirienne en considérant, d’une part, le champ d’application de ladite législation et les mesures préventives destinées à sensibiliser sur l’attitude citoyenne à avoir face à l’environnement ainsi que les valeurs à cultiver pour un développement durable et, d’autre part, les peines auxquelles on s’expose en cas de violation de la législation protectrice de cet environnement.

Mais préalablement à cette présentation, il y a lieu de relever pour le souligner qu’en raison de sa postériorité par rapport à de nombreuses conférences, conventions, recommandations et/ou résolutions internationales, la législation ivoirienne sur l’environnement représente une avancée significative dans la mesure où elle a intégré à son dispositif les principales préoccupations jusque-là exprimées par la Communauté internationale dont l’Etat de Côte d’Ivoire a toujours été un des membres actifs par ses régulières présences et participations aux rencontres internationales.

I – Champ d’application et prévention des infractions à la législation protectrice de l’environnement en Côte d’Ivoire

A – Champ d’application de la loi ivoirienne sur l’environnement

En définissant le domaine d’application de sa loi sur l’environnement, le législateur ivoirien indique que ladite loi « ne fait pas obstacle à l’application des dispositions législatives et réglementaires concernant l’urbanisme et les constructions, la santé, l’hygiène, la sécurité et la tranquillité publique, la protection des écosystèmes et d’une manière générale à l’exercice des pouvoirs de police » (art.3), qu’elle s’applique à toutes les formes de pollution qu’il définit comme étant « la contamination ou la modification directe ou indirecte de l’environnement provoquée par tout acte susceptible :
d’altérer le milieu de vie de l’homme et des autres espèces vivantes ;
de nuire à la santé, à la sécurité, au bien-être de l’homme, de la flore et de la faune ou aux biens collectifs et individuels » (cf. article 1er, 14è al).

La pollution ainsi définie peut être celle des eaux, de l’atmosphère et la pollution transfrontière.
Poursuivant la définition du champ d’application de sa loi sur l’environnement, le législateur ivoirien ajoute que si elle ne s’applique pas aux activités militaires et aux situations de guerre, « les auteurs de telles activités sont tenus de prendre en compte les préoccupations de protection de l’environnement » (cf. art.4).
Enfin, et pour terminer, le législateur ivoirien affirme que « sont soumises aux dispositions de la présente loi :
- les installations classées telles que définies dans leur nomenclature : - les usines, dépôts, mines, chantiers, carrières, stockages souterrains ou en surface, magasins, ateliers ;
- les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité, soit pour la santé, la sécurité et la salubrité publique ;
- les déversements, écoulements, rejets et dépôts susceptibles de provoquer ou d’accroître la dégradation du milieu récepteur » (cf. art. 6).

Pour ce qui est des substances visées par la loi, le législateur ivoirien précise qu’il s’agit des « substances ou combinaisons de substances fabriquées ou à l’état naturel susceptibles, en raison de leur caractère toxique, radioactif, corrosif ou nocif, de constituer un danger pour la santé des personnes, la conservation des sols et sous-sols, des eaux, de la faune et de la flore, de l’environnement en général lorsqu’elles sont utilisées ou évacuées dans le milieu naturel » (cf. art 8).

Après avoir ainsi circonscrit le domaine d’application du Code ivoirien de l’environnement, il importe à présent de présenter les mesures préventives arrêtées par le législateur ivoirien pour clarifier les droits et devoirs de chaque acteur de la vie nationale et inculquer à chacun une culture de préservation de l’environnement.

B – Prévention des infractions

Avant la détermination des infractions et des peines en matière environnementale, le législateur ivoirien a pris soin, dans ses codes de l’environnement et de l’eau, de définir le cadre juridique général en énonçant les principes d’une part, et, d’autre part, en définissant les droits et devoirs des particuliers, de l’Etat et des autres collectivités publiques.

S’agissant des principes, le législateur ivoirien a considéré que « lors de la planification et de l’exécution d’actes pouvant avoir un impact important sur l’environnement, les autorités publiques et les particuliers doivent se conformer aux principes suivants, [à savoir] :
- le principe de précaution selon lequel lors de la planification et de l’exécution de toute action, des mesures préliminaires sont prises de manière à éviter ou à réduire tout risque ou tout danger pour l’environnement.
- le principe de substitution selon lequel « si une action susceptible d’avoir un impact préjudiciable à l’environnement peut être substituée à une autre action qui présente un risque ou un danger moindre, cette dernière action est choisie même si elle entraîne des coûts plus élevés en rapport avec les valeurs à protéger ».
la préservation de la diversité biologique qui préconise que « tout acte doit éviter d’avoir un effet préjudiciable notable sur la diversité biologique ».
- la non dégradation des ressources naturelles [eau, air et sols] pour réaliser un développement durable.
le principe « pollueur – payeur » selon lequel toute personne physique ou morale dont les agissements et/ou les activités causent ou sont susceptibles de causer des dommages à l’environnement est soumise à une taxe et/ou à une redevance. Elle assume, en outre, toutes les mesures de remise en état.

Le principe « information et participation » en vertu duquel « toute personne a le droit d’être informée de l’état de l’environnement et de participer aux procédures préalables à la prise de décision susceptibles d’avoir des effets préjudiciables à l’environnement. »

Enfin le principe de coopération ou nom duquel « les autorités publiques, les institutions internationales, les associations de défense et les particuliers concourent à protéger l’environnement à tous les niveaux possibles ». (cf. art.35 du Code de l’environnement).

Le Code de l’eau retient également les principes de précaution, de pollueur-payeur, d’information-participation, de planification-coopération auxquels il ajoute le principe usager-payeur.

Pour ce qui est des droits et devoirs des particuliers, de l’Etat et des autres collectivités publiques, les règles ci-après ont été édictées.

Aux termes de l’article 33, « toute personne a le droit fondamental de vivre dans un environnement sain et équilibré. Il [sic] a aussi le devoir de contribuer individuellement ou collectivement à la sauvegarde du patrimoine naturel.

A cette fin, lorsqu’un tribunal statue sur une demande, il prend notamment en considération l’état des connaissances scientifiques, les solutions adoptées par les autres pays et les dispositions des instruments internationaux ». De même, il est prescrit aux termes des articles 64 et 65 du Code de l’eau que « toute personne qui a connaissance d’un incident ou d’un accident présentant un danger pour la sécurité civile, la qualité, la circulation ou la conservation des ressources en eau doit en informer dans les meilleurs délais l’autorité compétente (.. ») et « toute personne à l’origine d’un incident ou d’un accident et tout exploitant ou tout propriétaire sont tenus, selon les cas, dès qu’ils en ont connaissance de prendre ou de faire prendre toutes les mesures possibles pour faire cesser le danger ou l’atteinte au milieu. Ils doivent également prendre toutes les dispositions nécessaires pour y remédier. ».

S’agissant des devoirs de l’Etat et après avoir précisé ce qui relève de la responsabilité de celui-ci en indiquant que les gisements et accumulations naturelles d’hydrocarbures existant en Côte d’Ivoire y compris sur le plateau continental appartiennent à l’Etat, tout comme relèvent du domaine public les cours d’eau, les lagunes, les lacs naturels, les nappes phréatiques, les sources, les bassins versants et les zones maritimes, le législateur ivoirien détaille le contenu de cette responsabilité dans les articles 55 à 73 du Code de l’environnement et singulièrement dans les articles 55 et 56 qui disposent respectivement que « l’Etat détermine la politique nationale de l’environnement et veille à sa mise en œuvre… » et « l’Etat s’engage à :
- faire de l’environnement et de sa protection une politique globale et intégrée ;
- prendre toutes dispositions appropriées pour assurer ou faire assurer le respect des obligations découlant des Conventions et Accords internationaux auxquels il est partie ;
- interdire toute activité menée sous son contrôle ou dans les limites de sa juridiction susceptible d’entraîner une dégradation de l’environnement dans un autre état ou dans des régions ne relevant d’aucune juridiction nationale ;
- œuvrer en toute coopération avec les autres Etats pour prendre les mesures contre la pollution transfrontière ».

Par ailleurs, il prescrit aux termes des articles 39 à 51 du Code de l’environnement, que « tout projet important susceptible d’avoir un impact sur l’environnement doit faire l’objet d’une étude d’impact préalable. Il en est de même des programmes, plans et politiques pouvant affecter l’environnement (…). Tout projet fait l’objet d’un contrôle et d’un suivi pour vérifier la pertinence des prévisions et adopter les mesures correctives nécessaires » et « il est institué des périmètres de protection en vue de la conservation ou de la restauration des :
- écosystèmes,
- forêts, boisements, espèces et espaces protégés
- monuments, sites et paysages
- systèmes hydrauliques et de la qualité des eaux
- espaces littoraux » (art 51)

S’agissant de la responsabilité des autres collectivités publiques (régions et communes), elle constitue la matière de la section 3 du Titre IV qui traite des « obligations communes à l’Etat et aux autres collectivités locales ». Aux termes des six articles (articles 68 à 73) de ladite section, il incombe à l’Etat mais aussi « aux collectivités locales et aux concessionnaires » :
- d’assurer le respect des prescriptions environnementales, l’exploitation rationnelle des gisements et accumulations naturelles d’hydrocarbures existant en Côte d’Ivoire y compris sur le plateau continental.
- de veiller à la création, au maintien et à l’entretien d’espaces verts.
- de gérer les eaux usées susceptibles de produire des effluents de nature à porter atteinte à l’environnement.
- d’élaborer des programmes d’actions et d’organiser des plans d’urgence dans les domaines en vue de protéger l’Environnement.
d’assurer l’éducation, la formation et la sensibilisation aux questions environnementales.
- d’intégrer dans leurs activités des programmes permettant d’assurer une meilleure connaissance de l’Environnement.
- d’assurer la gestion des eaux sacrées sous le contrôle de l’Etat (art. 27 du Code de l’eau).
- d’assurer la gestion des ressources en eau en préservant la qualité des sources, en empêchant le gaspillage et en garantissant la disponibilité (art. 59 Code de l’eau).
- d’assurer le développement et la protection des aménagements et ouvrages hydrauliques ;
- d’assurer la préservation et la lutte contre les maladies hydriques ;
d’exercer, par ses services compétents, la police des eaux (art.60 du Code de l’eau) ;

Telles nous paraissent être les principales mesures préventives décidées par le législateur ivoirien pour sensibiliser et former les différents acteurs de la vie nationale aux valeurs susceptibles d’induire des comportements responsables et protecteurs de l’environnement. Cependant, ces mesures pourraient ne pas produire les effets escomptés. C’est ainsi que le législateur ivoirien a défini les éléments constitutifs d’infraction à la législation protectrice de l’environnement et les peines applicables aux complices et auteurs de ces infractions.

II – Infractions et sanctions pénales en matière environnementale

A - L’incrimination ivoirienne en matière environnementale

Les principales normes juridiques qui régissent la matière proviennent tant de source interne ivoirienne que des conventions internationales ratifiées par l’Etat de Côte d’Ivoire et ainsi introduites dans l’ordonnancement juridique interne.

Au plan de la législation interne ivoirienne, les principales normes en matière de protection de l’environnement proviennent essentiellement de quatre lois et de trois décrets. Il s’agit de :
- la loi n° 81-640 du 31 juillet 1981 portant Code pénal ivoirien
- la loi n° 88-651 du 07 juillet 1988 portant protection de la santé et de l’environnement contre les effets des déchets industriels toxiques et nucléaires et des substances nocives
- la loi n° 96-766 du 03 octobre 1996 portant Code de l’environnement
- la loi n° 98-755 du 23 décembre 1998 portant Code de l’eau
- le décret n° 97-678 du 03 décembre 1997 portant protection de l’environnement marin et lagunaire contre la pollution
- le décret n° 98-43 du 28 janvier 1998 relatif aux installations classées pour la protection de l’environnement.
- le décret n° 96-894 du 08 novembre 1996 déterminant les règles et procédures applicables aux études relatives à l’impact environnemental des projets de développement.

Le livre 1er de la première loi citée qui institue le code pénal ivoirien donne une définition générale de l’infraction (art. 2) et en précise les différentes catégories (art.3)

Le livre II de ladite loi qui traite du Droit pénal spécial, consacre le chapitre 9 de son titre premier aux « atteintes à la santé, à la salubrité et à la moralité publique » et en son article 328 prévoit les peines encourues.

La loi n° 96-766 du 03 octobre 1996 portant Code de l’environnement est le texte majeur ivoirien en la matière parce que très exhaustif dans la définition des infractions et des peines et pour avoir fait précéder ladite définition d’énoncé de principes généraux et de valeurs à respecter pour une meilleure protection de l’environnement comme cela est indiqué ci-dessus.

Elle est aussi un texte majeur pour avoir intégré à son dispositif les dispositions de certaines conventions internationales et/ou pour y avoir expressément fait référence.

La loi n° 98-755 du 23 décembre 1998 portant Code de l’eau est spécifique à la question de l’eau mais renvoie à la loi portant Code de l’environnement sur plusieurs points, notamment pour les peines applicables.

Le décret n° 97-678 du 03 décembre 1997 traite de la pollution par les navires et les autres embarcations, de la pollution résultant des rejets consécutifs à l’utilisation des engins et installations en mer et en lagune, de la pollution par immersion ou incinération en mer ou en lagune, de la pollution marine et lagunaire d’origine tellurgique et enfin des dispositions pénales.

Le décret n° 96-894 du 08 novembre 1996 déterminant les règles et procédures applicables aux études relatives à l’impact environnemental qui comprend quatre annexes indiquant respectivement les projets soumis à étude d’impact environnemental, ceux soumis au constat d’impact environnemental, les sites dont les projets sont soumis à étude d’impact environnemental, et enfin le modèle indicatif de rapport d’étude d’impact environnemental.

En effet, les comportements caractérisés par le législateur ivoirien comme constitutifs d’infraction à la législation protectrice de l’environnement lato sensu sont énumérés aux articles 75 à 87 du Code de l’environnement complétés par les articles 45, 47 à 52 de la loi n° 98.755 du 23 décembre 1998 « portant Code de l’eau de la République de Côte d’Ivoire », les articles 1 à 19 du décret n° 97.678 du 03 décembre 1997 portant protection de l’environnement marin et lagunaire contre la pollution ainsi que par les textes spécifiques relatifs à l’urbanisme et aux bâtiments.

En ce qui concerne les conventions internationales ratifiées par l’Etat de Côte d’Ivoire, celles qui ont contribué de manière significative à l’enrichissement du droit pénal ivoirien de l’environnement sont notamment :
le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone adopté le 16 septembre 1987 et amendé à Londres en 1990, à Copenhague en 1992, à Vienne en 1995, à Montréal en 1997 et enfin à Beijing en 1999.
la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques adoptée à New York le 09 mai 1992 et sanctionnant les travaux du « Sommet Planète Terre » de Rio de Janeiro de 1992.
la Convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone adoptée le 22 mars 1985 ratifiée par la Côte d’Ivoire le 05 avril 1993.
la Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination adoptée par la Conférence des Plénipotentiaires le 22 mars 1989 et entrée en vigueur le 05 mai 1992.
et la Convention internationale de Londres du 02 novembre 1973 sur la prévention de la pollution par les navires, modifiée par le Protocole du 17 février 1978 en ses règles 9 et 11 de l’annexe 1 concernant la prévention de la pollution par les hydrocarbures (Convention MARPOL 73/78) (cf. article 1er du décret 97-678 du 3 décembre 1997 précité).

Pour ce qui est de la définition des infractions en application de ces conventions internationales, l’on peut citer, à titre d’illustration, l’interdiction faite « à tout capitaine ou commandant de bord d’un navire ou d’un aéronef de procéder, conformément aux dispositions de l’article IV 1 a) de la Convention sur l’immersion des déchets en mer signée à Londres le 29 décembre 1972, à l’immersion de tous déchets ou autres matières énumérées à l’annexe I de ladite convention », interdiction contenue dans l’article 11 du décret n° 97-678 du 03 décembre 1997 précité.

L’on peut également citer les dispositions de l’article 14 du même décret qui interdisent l’incinération en mer des déchets et matière visées par la Convention de Londres précitée. Toujours dans ce domaine de protection du milieu marin, l’on peut citer enfin, les dispositions de l’article 1er du même décret qui interdisent « à tout capitaine de navire de rejeter à la mer des hydrocarbures, sauf dans les conditions définies par la Convention internationale de Londres du 2 novembre 1973 sur la prévention de la pollution du 17 février 1978 en ses articles 9 et 11 de l’annexe I concernant la prévention de la pollution par les hydrocarbures (Convention MARPOL 73/78) ».

D’une manière générale, les articles précitées du droit interne et des conventions internationales édictent l’interdiction de déversements, de rejets de tous corps solides, de déchets, des eaux usées non traitées, de toutes substances liquides, gazeuses dans les zones maritimes et lagunaires, dans les cours et plans d’eau et leurs abords, déversements et rejets qui seraient de nature à :
détruire les sites et les monuments présentant un intérêt scientifique, culturel, touristique ou historique ;
détruire la faune et la flore ;
constituer un danger pour la santé des êtres vivants ;
porter atteinte à la valeur esthétique et touristique de la lagune, de la mer et du littoral » (cf. art 76 Code de l’Environnement) ;
favoriser le développement d’animaux vecteurs de maladies ;
provoquer des dommages aux personnes et aux biens ;

Ils interdisent également toutes activités ou exploitation illégale y compris l’importation de toutes substances susceptibles de provoquer ou d’accroître la pollution des eaux territoriales ainsi que de nuire à la qualité des eaux (de surface et souterraines), de l’air par l’émission dans l’atmosphère de gaz toxique, fumée, suie, poussière ou toutes autres substances non conformes à la réglementation sur l’hygiène et la santé de l’homme et des autres espèces vivantes, et notamment l’usage d’explosif, de drogue, de produits toxiques comme appât dans les eaux de surface et susceptible de nuire à la qualité du milieu aquatique (art.50 Code de l’eau, art. 1er de la loi n° 88.651 du 07 juillet 1988).

Ils interdisent enfin de :
- user « d’explosif, de drogues, de produits chimiques où appâts dans les eaux de nature à enivrer le poisson ou à le détruire
faire « emploi de drogues, de produits chimiques ou appâts de nature à - détruire le gibier et/ou à le rendre impropre à la consommation ;
les feux de brousse non contrôlé » (article 86 du code de l’environnement) ;
- « tuer, blesser ou capturer les animaux appartenant aux espèces protégées ;
- détruire ou endommager les habitats, les larves et les jeunes espèces protégées ;
- faire périr, endommager les végétaux protégés, en cueillir tout ou partie ;
- transporter ou mettre en vente tout ou partie d’un animal ou d’un végétal protégé ;
- procéder à l’abattage d’arbres dans les forêts classées, aires protégées et parcs nationaux. » (art 87 Code de l’Environnement)
tout gaspillage de l’eau (art.45 Code de l’eau)
- d’effectuer tout acte ou activité de nature polluante dans les périmètres de protection des points de prélèvement des eaux destinées à la consommation humaine.

En effet, de la lecture des dispositions combinées des articles précités des codes de l’environnement et de l’eau, il ressort :

la volonté de sévérité du législateur ivoirien dans l’appréciation des comportements susceptibles de nuire de quelque manière que ce soit à l’environnement dans toutes ses composantes.
la volonté d’être le plus précis et exhaustif possible dans l’énumération des différentes formes de pollutions imputables à l’activité humaine pour mieux les prévenir et les réprimer.

la claire conscience de l’Etat de Côte d’Ivoire d’avoir envers la Communauté internationale et les générations futures des responsabilités partagées avec les autres Etats quant à la protection des écosystèmes et le déploiement d’actions visant la réalisation d’un développement durable.

S’agissant de la volonté manifeste de sévérité du législateur ivoirien dans la répression des infractions eu égard au grand intérêt qu’il porte à la protection de l’environnement et de la santé publique, elle se traduit par l’écart important constaté entre la répression des pollutions au début des années 1980 et les peines issues de la loi n° 88.651 précitée et des lois portant codes de l’environnement et de l’eau qui datent respectivement de 1996 et 1998 pour ne citer que ces trois principaux textes.

En effet, dans la section 1 du chapitre 9 du Titre premier du second livre du Code pénal ivoirien (1), section traitant de la pollution des produits et éléments naturels, il est prévu aux termes de l’article 328 qu’« est puni d’un emprisonnement de quinze jours à six mois et d’une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs CFA ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui souille ou pollue directement ou indirectement par quelque moyen que ce soit tout produit ou élément naturel nécessaire à la vie ou à la santé des populations ».

Comparé à ce qui est prévu par le Code de l’environnement, cette peine paraît douce dans la mesure où par exemple l’article 98 dudit Code prévoit qu’ « est puni d’une amende de 100.000.000 de francs à 1.000.000.000 de francs et d’un emprisonnement de un à cinq ans ou de l’une de ces deux peines seulement sans préjudice des sanctions administratives en vigueur, quiconque, nonobstant les dispositions spéciales des conventions internationales, procède à des déversements, immersion et incinération dans les eaux sous juridiction ivoirienne, des substances de toutes natures susceptibles :
de porter atteintes à la santé publique et aux ressources maritimes biologiques ;
de nuire aux activités maritimes y compris la navigation et la pêche ;
d’altérer la qualité des eaux maritimes ;
de dégrader les valeurs d’agrément et le potentiel touristique de la mer et du littoral.

L’Administration maritime peut arraisonner tout navire surpris en flagrant délit de déversement de contaminants y compris les hydrocarbures en mer.
En cas de récidive, l’amende est portée au double et l’administration se réserve le droit de procéder à la saisie du navire. »

La peine prévue par l’article 328 sus énoncé du Code pénal parait encore plus que dérisoire lorsqu’on la compare à la peine d’emprisonnement prévue par l’article 2 de la loi n° 88.651 du 07 juillet 1988 précitée, laquelle a été votée et promulguée alors qu’était encore bien présente dans les esprits la catastrophe nucléaire ukrainienne de Tchernobyl en avril 1986. Cette peine d’emprisonnement est de quinze à vingt années doublée obligatoirement d’une amende de cent millions à cinq cent millions de francs.

Il convient d’ajouter que cette volonté manifeste de sévérité du législateur ivoirien se traduit aussi par le refus de prendre en compte des circonstances atténuantes et l’interdiction de tout sursis dans l’application des peines privatives de liberté aux auteurs des infractions à la législation protectrice de l’environnement. (art.131 du Code de l’eau, art.105 du Code de l’environnement, art. 5 de la loi n°88.651 du 07 juillet 1998 portant protection de la santé publique et de l’environnement contre les effets des déchets industriels toxiques et nucléaires et des substances nocives)

Pour ce qui est de la volonté du législateur ivoirien d’être le plus précis et exhaustif possible dans l’énumération des comportements répréhensibles relativement à l’environnement, les deux articles précités, à savoir le 328 du Code pénal et le 98 du Code de l’environnement, nous en fournissent l’illustration par le laconisme du premier et les détails et précision du second. Elle se manifeste aussi par l’adoption de concepts nouveaux tels ceux de précaution, de préservation de la densité biologique et de non dégradation de ressources naturelles pour réaliser le développement durable, celui là seul qui permet de satisfaire les besoins des générations actuelles sans altérer les capacités de développement des générations futures.

S’agissant enfin de la claire conscience de l’Etat de Côte d’Ivoire d’avoir des responsabilités communes avec les autres Etats envers la Communauté internationale et les générations futures quant à la protection des écosystèmes, elle se traduit par la référence constante dans sa législation interne aux Conventions internationales relatives à l’environnement dont elle a participé à l’élaboration de certaines d’entre elles, en sa qualité de Membre des Nations Unies. C’est le cas notamment de la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques adoptée à New York le 09 mai 1992 après « le Sommet Planète Terre » de Rio de Janeiro (Brésil) de 1992.

Elle se traduit aussi, par l’engagement de l’Etat de Côte d’Ivoire de :
« Prendre toutes dispositions appropriées pour assurer ou faire assurer le respect des obligations découlant des Conventions et Accords internationaux auxquels il est partie » (cf. art. 55 du Code de l’environnement) ;
d’intégrer à sa politique nationale de gestion de l’environnement la coopération internationale (cf. article 64 Code de l’environnement) ;
de coordonner les mécanismes nationaux de mise en œuvre et de suivi des Conventions et Accords internationaux relatifs à l’environnement ». (cf. article 65 du Code de l’environnement) ;
de prendre les mesures nécessaires pour favoriser la coopération dans le cadre de la gestion et la mise en valeur des ressources en eau en partage avec les Etats voisins en vue d’assurer :
l’échange d’informations sur toutes situations, notamment les situations critiques ;
la mise en place de projets conjoints et de structures bilatérales et multilatérales de gestion des eaux ;
la gestion intégrée des ressources en eau en partage. (cf. art 99 Code de l’eau).

B – Les sanctions pénales

Selon le législateur ivoirien, « la peine a pour but la répression de l’infraction commise et doit tendre à l’amendement de son auteur qu’elle sanctionne soit dans sa personne, soit dans ses biens, soit dans ses droits ou son honneur » (cf. article 5 al. 2 Code pénal.)

En matière environnementale, les sanctions pénales en droit positif ivoirien sont la matière principalement des articles 2, 4 et 6 de la Loi n° 88.551 du 07 juillet 1988 portant protection de la santé publique et de l’environnement contre les effets des déchets industriels toxiques et nucléaires et des substances nocives, des articles 88 à 110 du Code de l’Environnement des articles 115 à 127 et 131 du Code de l’eau, des articles 20 à 22 (TITRE V) du Décret n° 97.678 du 03 décembre 1997 portant protection de l’environnement marin et lagunaire contre la pollution des articles 30 et 31 du Décret n° 98.43 du 28 janvier 1998 relatif aux installations classées pour la protection de l’environnement.

Elles comprennent trois types de peines correspondant aux trois catégories classiques d’infraction (crime, délit et contravention). Il s’agit des peines criminelles, des peines correctionnelles et des peines contraventionnelles. A ces trois types de peines, il est prévu des sanctions complémentaires comme l’amende et la déchéance de certains droits ainsi que des mesures de sûreté telle la fermeture des Etablissements dangereux.

Il importe d’observer cependant que si la peine de mort figure dans l’arsenal répressif de l’Etat de Côte d’Ivoire, elle n’est toutefois pas prévue dans le droit pénal spécial ivoirien de l’environnement où seule la peine d’emprisonnement d’une durée maximum de 20 ans lui est préférée. Ainsi, est-il prévu aux termes de l’article 2 de la loi 88.651 du 7 juillet 1988 précitée que « sera puni d’une peine d’emprisonnement de quinze à vingt années et d’une amende de cent millions à cinq cent millions de francs quiconque se sera livré à l’une des opérations de l’article premier (…) », lequel dispose que sont interdits sur tout le territoire national, tous actes relatifs à l’achat, à la vente, à l’importation, au transit, au transport, au dépôt et au stockage des déchets industriels toxiques et nucléaires et des substances nocives ». De même, il est prévu aux termes de l’article 101 du Code de l’environnement que « quiconque procède ou fait procéder à l’achat, à la vente, à l’importation, au transit, au stockage, à l’enfouissement ou au développement sur le territoire national de déchets dangereux ou signé un accord pour l’autorisation de telles activités, est puni d’un emprisonnement de 10 à 20 ans et d’une amende de 500.000.000 francs.

La juridiction ayant prononcé la peine peut :
- ordonner la saisie de tout moyen ayant servi à la commission de l’infraction ;
- ordonner la saisie et l’élimination des déchets aux frais et dépens du propriétaire desdits déchets ».

Il y a lieu de rappeler ce qui a été dit plus haut à savoir que le législateur ivoirien a pris soin de préciser, aux termes de l’article 105 du Code l’environnement, que « les circonstances atténuantes et le sursis ne sont pas applicables aux infractions prévues par le présent Code relatives aux déchets dangereux ».

S’agissant des peines correctionnelles correspondant aux infractions qualifiées de délits, ce sont toutes les peines privatives de liberté inférieures à 5 ans et toutes celles complémentaires qui sont prononcées en même temps que celles-là.

Elles constituent la part la plus importante en nombre des peines prévues en matière environnementale et sont en corrélation avec le nombre de faits répréhensibles constitutifs de délits en ce domaine. Ainsi, à titre d’illustration, le Code de l’environnement prévoit respectivement en ses articles 89, 93 et 97 qu’« est puni d’un emprisonnement de deux mois à deux ans et d’une amende de 5.000.000 F CFA, quiconque procède ou fait procéder à l’abattage d’arbres ou d’animaux dans les forêts classées, les aires protégées et les parcs nationaux. Les complices sont punis des mêmes peines », « quiconque poursuit l’exploitation d’une installation classée sans se conformer à la mise en demeure d’avoir à respecter les prescriptions techniques déterminées est puni d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 200.000 francs à 2.000.000 de francs » et enfin « est puni d’une amende de 2.000.000 de francs à 50.000.000 de francs et d’un emprisonnement de deux mois à deux ans ou de l’une de ces deux peines seulement toute personne ayant pollué les eaux continentales par des déversements, écoulements, rejets et dépôts de substances de toute nature susceptible de provoquer ou d’accroître la pollution des eaux continentales et / ou des eaux maritimes dans les limites territoriales.
En cas de récidive, la peine est portée au double. Le coupable peut être condamné à curer les lieux pollués.

L’autorité nationale compétente peut, en cas de négligence, refus ou résistance, y procéder ou y faire procéder aux frais et dépens de l’intéressé ».
Pour ce qui est des peines contraventionnelles, elles se situent en dessous des peines correctionnelles tant en ce qui concerne la durée des emprisonnements que du montant des amendes qui ne doit pas excéder 360.000 F CFA.

A côté des peines principales (emprisonnement) et complémentaires (amende), il est prévu des mesures de sûretés dans le code pénal ivoirien dont certaines s’appliquent à la personne même du délinquant et d’autres aux biens de celui-ci. Elles visent d’une manière générale à fournir à la société les moyens de contrôler l’activité et les déplacements d’une personne connue pour sa tendance à la délinquance.

Les mesures de sûreté retenues dans le droit pénal ivoirien de l’environnement sont la surveillance et l’assistance à la fermeture d’établissement (art. 85 du code pénal, articles 88, 91 et 92 du code de l’environnement) et la confiscation des objets ayant servi à commettre l’infraction (art. 115 du code de l’eau, 88 et 101 du code de l’environnement).

En définitive et pour conclure, on observe, après analyse des dispositions des principaux textes législatifs et réglementaires précités, que le droit pénal ivoirien représente une avancée importante dans la prise en compte des préoccupations exprimées çà et là par la communauté internationale en vue de la réalisation par tous d’un développement durable. Il a gagné en exhaustivité, en précision et en sévérité pour plus de sécurité et une meilleure protection tant de l’environnement physique que de la qualité de vie de toutes les espèces vivantes. Ce dispositif juridique quasi complet de la COTE D’IVOIRE a notamment permis à celle –ci de faire face promptement, sans avoir à déplorer un vide juridique, à la situation née du déversement à Abidjan dans la nuit du 18 au 19 août 2006 des déchets toxiques d’origine européenne. Il est donc à souhaiter que la préoccupation des Autorités ivoiriennes à intégrer le volet environnement à tous leurs projets de développement conduise à une véritable culture de développement durable.

 
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