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Rapport de la Cour suprême du Cameroun le droit pénal de l’environnement

 

Monsieur Dagobert BISSECK

Président de la Chambre judiciaire de la Cour suprême du Cameroun


Le droit de l’environnement
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Dans la perspective de la tenue de la réunion constitutive du comité sur l’environnement de l’AHJUCAF, il nous a été demandé de préparer un rapport national sur le droit pénal de l’environnement.

Avant d’aborder le sujet, il nous a paru utile de faire une présentation sommaire du Cameroun sur le plan environnemental, présentation, pensons-nous, nécessaire pour saisir les enjeux de la protection de l’environnement dans notre pays.

Le Cameroun qui a la forme d’un triangle scalène dont la base va du Golfe de Guinée au Sud de la République Centrafricaine et la hauteur jusqu’au Lac Tchad, soit environ 2000 km a été qualifié d’Afrique en miniature tant en raison de sa diversité humaine que naturelle.
Au Sud du pays, le Cameroun partage avec la Gabon et le Congo une des forêts les plus importantes du monde considérée comme patrimoine commun de l’humanité, alors que dans le Nord prédomine une zone soudano-sahélienne.

Son hydrographie est l’une des plus denses de l’Afrique subsaharienne. C’est dire que l’environnement, défini comme l’ensemble "des éléments naturels ou artificiels et des équilibres bio géochimiques auxquels ils participent, ainsi que des facteurs économiques, sociaux et culturels qui favorisent l’existence, la transformation et le développement du milieu, des organismes vivants et des activités humaines" ne pouvait laisser le Cameroun indifférent, qui par une abondante législation a pris des mesures pénales de sauvegarde à l’encontre des personnes susceptibles de troubler cet ordre public environnemental.

Cette volonté s’est d’abord manifestée dans le préambule de la constitution du 18 janvier 1996 (révision de la constitution de 1972)

Celle-ci affirme en effet à ce sujet :
"Toute personne a droit à un environnement sain. La protection de l’environnement est un devoir pour tous. L’Etat veille à la défense et à la protection de l’environnement".
L’affirmation solennelle ainsi contenue dans la Constitution s’est ensuite traduite par un important effort de législation en la matière par une loi cadre et des lois spécifiques relatives à certains domaines particuliers.

Cet effort de codification apparaît cependant disparate et peu usité sur le plan pénal.

I- Un corpus législatif important mais disparate

Le droit pénal national de l’environnement se retrouve essentiellement dans trois ensembles législatifs à savoir le code pénal, la loi cadre relative à la gestion de l’environnement, les dispositions spécifiques à certains domaines.

A- Le domaine codifié

a- Le code pénal

La loi n° 65/LF/24 du 12 novembre 1965 portant code pénal comporte outre les dispositions sur le droit pénal général, également applicables au droit de l’environnement, un embryon du droit pénal spécial de l’environnement en ses articles 187 (dégradation des biens classés), 227 (incendie et destructions), 228 (activités dangereuses), 258 (altération de denrées alimentaires).

b- La loi cadre

La loi n°96/12 du 15 août 1996 en a fixé le cadre général. Ses dispositions générales ont pour but de fixer le cadre juridique général de l’environnement au Cameroun, qui constitue un patrimoine commun de la nation.

Ainsi aux termes de l’article 2(2) de cette loi (n°96/12) "la protection et la gestion rationnelle des ressources qu’il offre à la vie humaine sont d’intérêt général celles-ci visent en particulier la géosphère, l’hydrosphère, l’atmosphère, leur contenu matériel et immatériel ainsi que les aspects sociaux et culturels qu’ils comprennent".

De cette définition, découlent des définitions spécifiques sur les quelles se fondent des comportements susceptibles de constituer des infractions pénales.

Sont ainsi définis et protégés, l’atmosphère, les eaux continentales et des plaines d’inondation, le Littoral et les eaux maritimes, les sols et le sous-sol, les établissements humains, les installations classées dangereuses, insalubres ou incommodes et des activités polluantes (déchets, établissements classés, substances chimiques nocives et/ou dangereuses nuisances sonores ou olfactives) les ressources naturelles et la conservation de la diversité biologique.

c- Les dispositions spécifiques

Des lois particulières définissent les domaines ainsi protégés.
Il s’agit notamment de :
- La loi n° 89/27 du 29 décembre 1989 portant sur les déchets toxiques et dangereux.
- Loi n° 95/08 du 30 janvier 1995 portant sur la radio diffusion
- Loi n° 97/19 du 7 août 1997 relative au contrôle des stupéfiants, des substances psychotropes et de précurseurs.
- Loi n° 2000/018 du 19 décembre 2000 portant réglementation de la pharmacie vétérinaire
- Loi n° 2001/14 du 23 juillet 2001 relative à l’activité semencière
- Loi n° 2003/006 du 21 avril 2003 relative au régime de sécurité en matière de biotechnologie moderne
- Loi n° 2003/007 du 10 juillet 2003 régissant les activités du sous secteur des engrais
- Loi n°98/005 du 14 avril 1998 portant régime de l’eau
- Loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche
- Loi n° 98/020 du 24 décembre 1989 régissant les appareils à pression de gaz et à pression à vapeur d’eau
- Loi n° 2000/17 portant réglementation de l’inspection sanitaire vétérinaire
- Loi n° 2003/003 du 21 avril 2003 portant protection phytosanitaire.


B- La nécessité de l’élaboration d’un code de l’environnement

En raison de la dispersion des textes relatifs à l’environnement, il n’est pas rare de rencontrer des contrariétés dans les dispositions pénales, nécessitant un regroupement de tous ces textes dans un code de l’environnement pour une meilleure visibilité et une application simplifiée.

A titre illustratif la loi n° 98/005 du 14 avril 1998 portant Régime de l’Eau (les eaux continentales) interdit en son article 4 :
« (1) … les déversements, écoulements, jets, infiltrations, enfouissements, épandages, dépôts, directs ou indirects, dans les eaux de toute matière solide, liquide ou gazeuse et, en particulier, les déchets industriels, agricoles et atomiques susceptibles :
* d’altérer la qualité des eaux de surface ou souterraines ou des eaux de la mer, dans les limites territoriales ;
* de porter atteinte à la santé publique ainsi qu’à la faune et la flore aquatiques ou sous-marines ;
* de mettre en cause le développement économique et touristique des régions ».

Est punit en son article 16(1) une peine d’emprisonnement de 5 à 15 ans et d’une amende de 10 à 20 millions de francs toute personne qui pollue ou altère la qualité des eaux.
Alors que l’article 82(1) de la loi cadre susvisée punit d’une amende de 1 à 5 millions de francs et d’une peine d’emprisonnement de 6 mois à 1 an d’emprisonnement, toute personne qui pollue, dégrade les sols, les
sous-sols, altère la qualité de l’air ou des eaux.

II- UNE REPRESSION SEVERE MAIS PEU USITEE

A- UNE REPRESSION SEVERE

La sévérité de la répression se caractérise par la multiplication des Officiers de Police Judiciaire à compétence spéciale dans la recherche et la constatation des infractions, par la responsabilité spécifique des personnes concernées et par la rigueur des peines édictées.

a- De la recherche et de la constatation des infractions

Il résulte de l’article 88(1) de cette loi cadre, qu’outre la police judiciaire à compétence générale, les agents assermentés de l’administration chargée de l’environnement ou autres administrations concernées, notamment ceux des domaines, du cadastre, de l’urbanisme, des travaux publics, des forêts, de la marine marchande, des mines, de l’industrie, du tourisme, sont chargés de la recherche, de la constatation des infractions. Ces officiers de police spéciaux ne sont pas toujours outillés pour le bon accomplissement de cette mission.

b) De la responsabilité

Sur le plan de la responsabilité civile, toute personne qui par son action, crée des conditions de nature à porter atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement, est tenue d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination dans des conditions propres à éviter lesdits effets.
Ainsi pourra dès lors être mis en œuvre la notion de pollueur payeur selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de la lutte contre celle-ci et de la remise en état des sites pollués doivent être supportés par le payeur.

c- Des sanctions pénales

L’action judiciaire est engagée devant les tribunaux répressifs et les peines sont susceptibles d’être prononcées contre les auteurs selon la distinction classique peines principales (emprisonnement, amende) peines accessoires (confiscation, déchéances, fermeture de l’établissement, publication du jugement).

Ces peines peuvent être de nature criminelle ou correctionnelle.
Ainsi la loi n° 89/27 du 29 décembre 1989 portant sur les déchets toxiques et dangereux punie en son article 80 d’une amende 50 à 500 millions de francs et d’une peine d’emprisonnement à perpétuité, toute personne qui introduit des déchets toxiques et/ou dangereux sur le territoire camerounais.

Ainsi également, aux termes de l’article 87 du même texte de loi « les dispositions relatives eu sursis et aux circonstances atténuantes contenues dans le code pénal (articles 54 et 90) ne sont pas applicables

B- une répression peu usitée

Si tant sur le plan international que national un effort de législation important a été fait, force est de reconnaître qu’à l’observation, le droit pénal environnemental est très peu appliqué. En raison de l’option transactionnelle offerte aux délinquants d’une part, et de la faiblesse voire de la quasi inexistence des poursuites judiciaires d’autre part.

a- La transaction

L’une des originalités de la loi cadre est la voie transactionnelle offerte à l’auteur de l’infraction. En effet aux termes de l’article 91 de ce texte "les administrations chargées de la gestion de l’environnement ont plein pouvoir pour transiger. Elle doivent pour ce faire, être dûment saisies par l’auteur de l’infraction".
Le texte fait cependant deux réserves importantes :
que la procédure de transaction soit antérieure à toute procédure judiciaire.
que le montant de la transaction ne soit pas inférieur à l’amende pénale correspondante.
Sous ces réserves, la transaction arrête toute poursuite pénale susceptible d’être engagée contre l’auteur de l’infraction.


b- La quasi inexistence des peines pénales

Si de temps en temps les tribunaux sont saisis en matière d’infraction sur la législation relative à la faune, les autres domaines ne semblent pas faire l’objet de poursuites peut être en raison de la primauté de la procédure transactionnelle, mais certainement en raison du défaut dans la recherche en la constatation des infractions environnementales.

 
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