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Rapport de la Cour suprême du Niger sur le droit pénal de l’environnement

 

Monsieur Abdou ZAKARI

Président honoraire de la Cour suprême du Niger


Le droit de l’environnement
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Le vocabulaire juridique définit l’environnement comme « l’ensemble des composantes d’un milieu déterminé que la législation de protection désigne a contrario par référence à la commodité du voisinage, à la santé, la sécurité et la salubrité publique, à l’agriculture et à la nature, enfin à la conservation des sites et monuments ».

Le droit pénal de l’environnement est donc le droit pénal se rapportant à l’environnement tel que défini ci-dessus. On peut donc, en combinant les deux, dire que la tâche essentielle du droit pénal de l’environnement est de protéger les bases naturelles de la vie contre les agissements de l’homme et, ce au bénéfice de celui-ci. En effet, l’homme tirant de l’environnement de nombreux usages essentiels à sa vie, il a l’obligation de le protéger, sa santé et sa subsistance se trouvant étroitement liées.

C’est ce souci de la préservation de l’environnement qui a amené le législateur nigérien à adopter un certain nombre de textes dont les ordonnances n° 93-015 du 2 mars 1993 fixant les principes d’orientation du code rural et n° 97-001 du 10 janvier 1997 portant institutionnalisation des études d’impact sur l’environnement, pour ne citer que celles-ci.

L’ordonnance n° 93-015 a fixé le cadre juridique des activités agricoles, sylvicoles et pastorales dans la perspective de l’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la promotion humaine.

Quant à l’ordonnance n° 97-001, elle définit les conditions dans lesquelles toutes activités pouvant avoir un impact sur l’environnement doit s’exécuter.

Ainsi, aux termes de l’article 1er de cette ordonnance « il faut entendre par environnement l’ensemble des aspects physiques, chimiques et biologiques, les facteurs sociaux et les relations dynamiques entretenues entre ces différentes composantes ».

L’article 2 quant à lui définit l’impact sur l’environnement comme « les changements négatifs ou positifs que la réalisation d’un projet, d’une activité ou d’un programme de développement risque de causer à l’environnement. Sont comprises parmi les changements à l’environnement, les répercussions de ceux-ci soit en matière sanitaire et socio-économique, soit sur l’usage courant des ressources naturelles à des fins traditionnelles, soit sur une construction, un emplacement ou une chose d’importance en matière historique, archéologique, paléontologique ou architecturale ».

Selon cette ordonnance en son article 3, toute action allant dans le sens de la préservation de l’environnement contre toutes les causes de dégradation doit être considérée comme une action d’intérêt général favorisant le développement durable au Niger.

Ce souci de la préservation de l’environnement est rappelé par la loi fondamentale (Constitution du 9 août 1999) en son article 27 ainsi libellé : « Toute personne a droit à un environnement sain. L’Etat veille à la protection de l’environnement.

Chacun est tenu de contribuer à la sauvegarde et à l’amélioration de l’environnement dans lequel il vit.

Le transit, l’importation, le stockage, l’enfouissement, le déversement sur le territoire national des déchets toxiques ou polluants étrangers ainsi que tout accord y relatif constituent un crime contre la nation puni par la loi ».

C’est dans la perspective de la préservation de l’environnement, avec l’objectif d’offrir à chaque citoyen l’environnement sain auquel il a droit, qu’un certain nombre de dispositions et mesures tant préventives que coercitives ont été adoptées en vue de mieux discipliner l’homme ou toute autre structure pouvant contribuer à la dégradation de l’environnement.

Notons d’ailleurs qu’au Niger la question environnementale est encore plus préoccupante, du fait de sa situation géophysique de pays sahélo saharien, occupé à plus de 2/3 de sa superficie par le désert et exploitant des ressources minières dont l’uranium.

Cette caractéristique est en elle-même un facteur de dégradation de l’environnement. Ses conséquences, la désertification et la sécheresse notamment le sont également, en même temps qu’elles constituent un obstacle certain à tout développement durable.

C’est pourquoi le législateur nigérien conscient du fait que le développement du pays et la survie de ses populations passent par la préservation de l’environnement a mis un accent particulier sur la protection de celui-ci, en mettant en place un dispositif juridique de prévention mais aussi de répression des différentes atteintes à l’écosystème.

Pour renforcer cet arsenal juridique, le Niger a ratifié un certain nombre d’instruments internationaux.

Tout ceci nous amènera à étudier le droit pénal nigérien de l’environnement avant de voir l’influence des conventions internationales.

1. Le droit pénal nigérien de l’environnement

Au Niger comme ailleurs l’environnement est pénalement protégé. Sa dégradation est interdite sous toutes ses formes. Les atteintes à l’environnement et les pratiques assimilées sont érigées en infractions et exposent leurs auteurs à des sanctions allant de simples et modiques amendes à l’emprisonnement en passant par de fortes amendes accompagnées d’astreintes à la restauration.

Ces sanctions sont contenues soit dans le code pénal, soit dans des textes spéciaux. Elles se particularisent cependant des infractions ordinaires tant par la souplesse dans leur application que par le mode de leur constatation.

1.1. Les différentes infractions

Nous évoquerons quelques infractions que l’on trouve dans le code pénal et dans des textes spéciaux.


1.1.1. Dans le code pénal


a) La dévastation de récoltes sur pied ou de plants

Sous ce vocable l’article 395 punit tout acte de destruction de plants ou récoltes et ce qui est même intéressant même ceux ayant poussé à l’état naturel.

b) Abattage et mutilations d’arbres

Par cette infraction le code pénal punit le fait par tout individu de faire périr un arbre à travers des actions de coupe, de mutilation, d’abattage ou toute autre action susceptible de faire périr l’arbre ou l’ayant fait périr et cela que l’arbre appartienne à quelqu’un ou qu’il se trouve sur la voie publique.

c) Dommages aux animaux

Ce qui nous intéresse à ce niveau relativement au droit pénal de l’environnement c’est le fait d’empoisonner des poissons ou autres animaux.

1.1.2. Dans les textes spéciaux

a) L’ordonnance n° 93-015 du 02 Mars 1993 fixant les principes d’orientation du code rural

Cette ordonnance fixe le cadre juridique des activités agricoles, sylvicoles et pastorales dans la perspective de l’aménagement du territoire, de la protection de l’environnement et de la promotion humaine.

Cette ordonnance a prévu un certain nombre de dispositions tant préventives que coercitives afin que les activités qu’elle vise à protéger se fassent dans les normes. Elle définit ainsi les conditions dans lesquelles les différentes activités doivent se dérouler sous peines de poursuites pénales conformément aux dispositions réglementant les différentes activités.

La même ordonnance prévoit une police rurale chargée de prendre toutes mesures générales et individuelles nécessaires au maintien de l’ordre public, à la protection de l’espace rural et au respect des normes légales et réglementaires relatives notamment aux choix et aux méthodes de culture et à la lutte contre la désertification. Les pouvoirs de police rurale sont détenus et exercés par les autorités administratives, les autorités coutumières étant leurs interlocuteurs et collaborateurs permanents dans ce domaine.

b) L’ordonnance n° 97-001 du 10 janvier 1997 portant institutionnalisation des études d’impact sur l’environnement des activités des projets ou programmes de développement qui par l’importance de leurs dimensions ou leurs incidences sur les milieux naturel et humain peuvent porter atteinte à ces derniers.

Cette ordonnance subordonne l’activité des projets ou programmes qui du fait de leurs importances ou activités peuvent porter atteinte au milieu naturel ou humain à une autorisation préalable. Le non respect de ces dispositions constitue selon l’article 10 une infraction dont la répression est prévue aux articles 10 à 12.

c) Loi n° 98-07 du 29 avril 1998 fixant le régime de la chasse et de la protection de la faune

Cette loi prévoit un certain nombre de dispositions pénales en ses articles 31 à 45 et elle prévoit aussi des mesures de protection à l’endroit des agents contre tout acte de nature à leur empêcher d’accomplir leurs missions ou susceptibles de porter atteinte à leur intégrité physique.

d) loi n° 98-041 du 7 décembre 1998 modifiant l’ordonnance n° 93-014 du 2 mars 1993 portant régime de l’eau

Il s’agit à travers cette loi de la répression des actes de pollution de l’eau sous toutes ses formes. Les dispositions pénales sont prévues aux articles 65 à 71.

e) Loi n° 98-042 du 7 décembre 1998 portant régime de la pêche

L’article 16 de cette loi prévoit les types de pêche interdits et les articles 18 à 24 prévoient des peines de simple police pour la pratique de la pêche dans des conditions prohibées.


f) Loi n° 98-056 du 7 décembre 1998 portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement

Les dispositions pénales sont prévues aux articles 94 à 103. Ces textes répriment le fait d’exécuter des travaux sans études d’impact lorsque celles-ci sont indispensables ou le fait de mal exécuter les travaux tout comme le fait de polluer ou de dégrader le sol ou celui d’altérer la qualité de l’air. Cette loi réprime aussi le fait de causer involontairement un incendie dans une forêt classée ou protégée.

g) Loi n° 2004-040 du 8 juin 2004 portant régime forestier au Niger

Les défrichements, les feux de brousse, l’exploitation à des fins commerciales des produits forestiers sont réglementés. Des sanctions pénales sont prévues aux articles 81 à 87.


h) Le code minier

Il est composé de l’ordonnance n° 93-16 du 2 mars 1993 portant loi minière (complétée par l’ordonnance n° 99-48 du 5 novembre 1999, modifiée par le loi n° 2006-26 du 9 août 2006) et le décret n° 93-44/PM/MMEI/A du 12 mars 1993 qui fixe les modalités de son application) : les ingénieurs et les agents assermentés de la direction des mines exercent une surveillance dans plusieurs domaines, notamment la sécurité des personnes et des biens, la conservation des édifices, habitations et voies de communication, la conservation des gisements, la protection de l’usage des sources et nappes d’eau. La loi minière prévoit la possibilité de prononcer la déchéance des titres miniers, notamment pour non respect des obligations relatives à la préservation de l’environnement (article 60, al. 5). Les infractions aux prescriptions de la loi minière sont constatées par les officiers de police judiciaire, les agents assermentés de la direction des mines et tous autres agents commissionnés à cet effet.

i) Le code pétrolier : loi n° 2007-01 du 31 janvier 2007 et son décret d’application n° 2007-082/PRN/MME du 28 mars 2007

Le code pétrolier prescrit aux titulaires des permis de recherche d’effectuer les travaux dans le respect des dispositions relatives à la protection de l’environnement et ce dans le souci d’assurer la conservation des ressources naturelles en vue de la protection des caractéristiques naturelles de l’environnement.

A cet effet il leur est demandé de prendre toutes les mesures destinées à préserver la sécurité des personnes et des biens et à protéger les milieux naturels et les écosystèmes.

Le décret 2007-082 du 28 Mars 2007 est venu mieux préciser les précautions à prendre en vue de la protection de l’environnement. Ainsi, à titre d’exemple, il est demandé aux titulaires de permis de recherche ou d’exploitation de prendre les mesures appropriées pour minimiser les risques de son activité sur l’environnement. A cette fin il est exigé une étude d’impact, un contrôle de la pollution, le traitement des déchets, etc.

Des dispositions pénales sont prévues aux articles 152 et suivants du code pétrolier en cas de non respect des dispositions précitées plus haut

1.2. La procédure de constatation et de répression des infractions par dégradations de l’environnement.

Pour des raisons d’efficacité, la plupart des textes spéciaux ont prévu une procédure particulière de constatation et de répression des infractions.

C’est ainsi que :
L’article 13 de l’ordonnance n° 97-001 du 10 janvier 1997 portant institutionnalisation des études d’impact sur l’environnement dit que « concurremment avec les officiers de la police judiciaire, les fonctionnaires de l’administration de l’environnement, peuvent rechercher et constater par procès-verbal, les infractions à la présente ordonnance » ;

En matière de pêche, les agents des eaux et forêts assistent à l’audience en uniforme et siègent à droite du ministère public (article 21 de la loi n° 98-042 du 7 décembre 1998) ;
Les agents d’autres administrations concernées, notamment la douane, les domaines, le cadastre, l’urbanisme, le tourisme peuvent instrumenter (article 94 de la loi n° 98-056 du 29 décembre 1998) ;

La transaction est souvent privilégiée, de même que les saisies et confiscations ;

En matière forestière, les poursuites sont exercées par le directeur de l’administration chargée des forêts ou son représentant, sans préjudice des pouvoirs du ministère public ; il peut interjeter appel et se pourvoir en cassation. Des règles particulières de prescription sont prévues (articles 70 et suivants de la loi n° 2004-040 du 8 juin 2004).

 
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