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Rapport de la Cour suprême du Tchad

 

Monsieur Abderrahim BIREME HAMID

Président de la Cour suprême du Tchad


Le droit des enfants


Le Tchad avec une population de près de dix millions d’habitants est un pays en plein essor économique.

La structure de la population par âge montre que le Tchad est composé en majeure partie de jeunes dont 50,3% ont moins de quinze ans.
Cette masse non négligeable constitue un défi pour le pays.

Les données relatives à cette frange de la population, qu’il s’agisse des conditions de vie, de la santé, de la nutrition, de la mortalité, du VIH/SIDA, de l’éducation ou de la protection font état d’une situation préoccupante car près de 80% de la population vivent en milieu rural dont la majorité est pauvre ou vit en dessous du seuil de la pauvreté.
Cette situation de pauvreté a conduit un certain nombre de parents à pousser leurs enfants très tôt au travail car d’une manière générale un tchadien occupé à un travail rémunérateur supporte plus de deux ou trois personnes en plus de sa famille nucléaire.

L’enfant qui quitte la maison familiale peut rencontrer sur son chemin de mauvaises fréquentations qui, lorsque cela n’est pas décelé à temps par les parents, peut le conduire à la déviance voire à la délinquance.
C’est ainsi que dès l’accession du Tchad aux concerts des Nations, les autorités politiques se sont préoccupées de la situation de l’enfant, conscientes que le développement durable, la paix et la sécurité d’un pays ne sont possibles que si les droits et le bien-être de l’enfant sont garantis par la Constitution du Tchad et les divers textes y relatifs. Pour ce faire des textes protégeant l’enfant ont été élaborés et adoptés.
Le Tchad a ratifié presque toutes les Conventions, les Chartes et les protocoles relatifs au droit de l’enfant adoptés par les Nations Unies.
Des efforts louables ont été enregistrés depuis lors mais la situation de l’enfant reste précaire malgré tout, compte tenu de l’état de pauvreté qui a été souligné plus haut mais surtout de la situation perpétuelle de conflits internes et externes que connaît le pays depuis un certain temps.

Aborder la question de la parole de l’enfant tchadien devant la justice et la notion d’intérêt de l’enfant conduit d’abord à faire l’état des lieux, de la situation de l’enfant déviant au Tchad, du droit et de la protection juridique de l’enfant car sans ces droits l’enfant n’a rien, il ne peut pas s’exprimer et encore moins avoir droit à la parole lorsqu’il se trouve devant la justice.
C’est en dernier lieu qu’il sera examiné la parole de l’enfant devant la justice et de la notion de l’intérêt de l’enfant.

I. Etat des lieux

L’engagement du Tchad à assurer un avenir radieux aux enfants et surtout à reconnaître que l’enfant n’est pas seulement un simple bénéficiaire de la protection des adultes mais qu’il est un sujet de droit au même titre que les adultes, a conduit le Tchad à adopter des séries de lois et ratifier des Conventions, des Chartes et des protocoles au bénéfice de l’enfant. Et cela dès l’accession du Tchad à l’Indépendance le 11 août 1960.

Il s’agit :
- de la Constitution du Tchad adoptée par Référendum du 31 mars 1996 et révisée par la Loi Constitutionnelle no 8/PR/2005 du 15 juillet 2005,
- du décret no 100/AFF-SOC du 18 juin 1963 relatif à la protection de l’enfance et de l’adolescence,
- l’ordonnance 12-67/PR-MJ portant promulgation d’un Code Pénal en 1967 au Tchad,
- de l’ordonnance no 13/PR-MJ du 9 juin 1967 portant code de procédure Pénale,
- du décret no 55/PR-MTJS-DTMOPS du 8 février 1969 relatif au travail des enfants,
- du décret no 373/PR/MFPT du 4 juillet 1992 portant modification et complément de l’article 6, paragraphe 8 du décret no 55/PR-MTJSDTJS-DTMOPS du 8 février 1969 relatif au travail des enfants,
- de la loi no 4/98 du 28 mai 1998 portant organisation judiciaire,
- de la convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies
ratifiée le 28 juillet 1990 et notifiée le 2 octobre 1990 aux Nations
Unies par le Tchad,
- de la convention 182 concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination
adoptée par les Nations Unies le 1er juin 1999 et ratifiée par le Tchad
le 18 août 2000,
- du décret no 634/PR/MASPF du 30 décembre 2000 portant institutionnalisation du parlement des enfants,
- du décret no 7/PR/99 du 6 avril 1999 portant procédure de pour-
suite et jugement des infractions commises par les mineurs de 13
à moins de 18 ans,
- de la Charte Africaine pour les droits et le bien être de l’enfant
Africain adoptée à la 26ème Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA en juillet 1990 et ratifiée par le Tchad
le 30 mars 2000,
- du protocole facultatif se rapportant à la Convention relative
aux droits de l’enfant, concernant la participation des enfants aux
conflits armés adopté le 25 mai 2000 par l’Assemblée Généra-
le des Nations-Unie, entré en vigueur le 12 février 2002 par le
Tchad,
- du protocole facultatif à la Convention relative aux droits de
l’enfant concernant la vente d’enfant, la prostitution des enfants
et la pornographie mettant en scène des enfants.
- de la signature le 6 février 2007, par le Gouvernement Tchadien des Engagements de Paris, textes par lesquels le Gouvernement de la République du Tchad reconnaît qu’il incombe au premier chef aux Etats d’assurer la sécurité et la protection de tous les enfants qui se trouvent sur leur territoire, textes par lesquels le Gouvernement Tchadien adhère également au principe selon lequel la libération de tous les enfants recrutés ou utilisés par les groupes ou forces armées doit être recherché sans conditions et à tout moment,
- de la signature le 9 mai 2007 à N’Djamena du Protocole d’accord sur la protection des enfants victimes de conflits armés et leur réinsertion durable entre le Gouvernement du Tchad et le Bureau du Fonds des Nations-Unies pour l’enfance (UNICEF),
- de la loi no 6/PR/2002 du 15 avril 2002, portant promotion de la
santé de reproduction qui interdit le mariage précoce, les mutilations génitales féminines et les actes de torture,
- de la loi no 16/PR/06 du 13 mars 2006 portant orientation du
système éducatif tchadien,
- de la loi no 7/PR/2007 du 9 mai portant protection des personnes
handicapées,
- de la loi no 19/PR/2007 de novembre 2007 portant lutte contre le
VIH/SIDA et protégeant les personnes vivant avec le VIH/SIDA.

D’autres textes de loi sont en cours d’adoption, il s’agit notamment de :
- l’avant projet de loi modifiant et complétant certaines dispositions du Code Pénal en faveur des enfants,
- l’avant projet de loi réglementant l’Etat Civil en République du Tchad,
- l’avant Projet de loi relative à la jeunesse,
- le projet de Décret réglementant le travail des enfants.

En ce qui concerne les programmes ou les politiques en faveur de l’enfant on peut citer :
- le programme National d’Action en Faveur de l’enfant tchadien,
- le programme de développement intégré du jeune enfant tchadien,
- le plan National d’action de lutte contre l’abus et l’exploitation sexuelle,
- le plan d’action de lutte contre la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants,
- la politique orphelins et enfants rendus vulnérables par le VIH/SIDA,
- le programme National de prévention, retrait, prise en charge et réinsertion des enfants associés aux forces et groupes armés.

Tous ces textes précités ont étés adoptés pour la protection des :
- enfants associés aux forces et groupes armés,
- enfants bouviers,
- orphelins sans appui,
- mineurs victimes d’agressions sexuelles,
- enfants réfugiés,
- et tous les enfants en danger quelle que soit la cause.

Ainsi face à cette pluralité des textes sur les droits de l’enfant au Tchad, le Comité des Nations Unies Chargé des droits de l’enfant dont le siège est à Genève a demandé que toutes les lois concernant les droits de l’enfant soient contenues dans un seul document.
C’est alors que le Tchad a élaboré un avant « Projet de Code de Protection de l’Enfant » qui prend en compte tous les aspects des droits et protection de l’enfant contenus dans les différentes conventions, protocoles, lois que le Tchad a ratifiés, adhérés ou édictés.
Ce sera un document de base unique destiné à couvrir tous les aspects de la vie de l’enfant et sa protection.

II. Situation de l’enfant en conflit avec la loi au Tchad

En dépit des efforts faits par le gouvernement tendant à la protection et à l’amélioration de la situation des enfants, les conditions dans lesquelles vivent certains enfants, les poussent à la déviance.
La réussite de l’enfant dépend de l’encadrement de différents groupes dans lesquels il évolue (famille, école, quartier, groupe de travail…).
Le cadre familial est plus important pour l’éducation et l’épanouissement et le développement de l’enfant. Pour ce faire, les parents doivent être très attentifs à l’attitude de leur enfant et réagir promptement lorsqu’ils constatent un début d’inadaptation.
Dans les temps anciens, il ne se pose pas assez de problèmes de socialisation de l’enfant.

Mais de nos jours, l’effritement de structures traditionnelles, le mimétisme de certaines valeurs venues d’ailleurs et l’exode rural font que l’enfant tchadien perd ses repères et s’en cherche de nouveaux. Il faut noter que beaucoup d’enfants mal nourris, mal soignés, mal éduqués peuvent développer des attitudes de rejet de la société et choisir les mauvaises compagnies qui les conduisent à la déviance.
En fait l’expression d’enfant déviant traduit l’inadaptation des enfants à la vie sociale. Ces enfants vivent en marge de la société et se livrent à des délits tels que vol à la tire, vagabondage allant jusqu’aux actes de vandalisme.

Ils se regroupent généralement dans la catégorie des enfants communément désignés sous le vocable : délinquance juvénile.
« La délinquance juvénile est un phénomène qui se traduit par une attitude d’insoumission, de rejet de système éducationnel et caractérisé par des comportements de rejet de la société et de ses normes (8) ».

A cette catégorie, vient s’ajouter une autre catégorie d’enfants qui, pour
diverses raisons, sont en proie aux difficultés d’adaptation ou de réinsertion sociale
ou familiale mais qui gardent des liens plus ou moins distendus avec les parents : ce sont les enfants de la rue, les enfants exploités, les enfants prostitués [1]
Plusieurs facteurs sont à l’origine de cette déviance.

III. Les facteurs de la déviance

A. Les facteurs lies à la famille

Les facteurs les plus importants sont liés à la famille.
L’article 37 de la Constitution du Tchad édicte que : « La famille est la base naturelle et morale de la société. L’Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées ont le devoir de veiller au bien être de la famille. »

L’article 38 de la même Constitution dispose quant à lui que : « Les parents ont le droit naturel et le devoir d’élever et d’éduquer leurs enfants. Ils sont soutenus dans cette tâche par l’Etat et les Collectivités Territoriales Décentralisées. Les enfants ne peuvent être séparés de leurs parents ou de ceux qui en ont la charge que lorsque ces derniers manquent à leur devoir. »

L’enfant né dans une famille a besoin de l’éducation conjointe du père et de la mère. Ceux-ci doivent chercher à comprendre leurs enfants et leurs réactions. Leurs activités professionnelles ou commerciales ne doivent pas les empêcher de contrôler les diverses influences qui s’exercent sur les enfants.

Lorsqu’un enfant est privé de l’éducation de l’un ou de l’autre conjoint comme le cas de divorce, de séparation de corps ou de décès des parents, ou encore l’absence constante de père et mère de la maison peut l’exposer à la déviance.

Il en est de même d’un enfant qui vit dans un foyer polygame ou d’un enfant placé auprès d’un oncle en ville, d’une tante, d’un cousin… et qui est victime d’un mauvais traitement.

B. Les facteurs géographiques

Le phénomène des enfants ou des jeunes déviants prend de plus en plus de l’ampleur. Les enfants qui ont peu de contact avec leurs grands parents pivot de la société traditionnelle sont exposés parfois à la déviance ou à la délinquance. Le phénomène de l’enfant déviant est devenu très préoccupant dans notre pays.
Mais le Tchad a pris des mesures tendant à la protection et au respect des droits de l’enfant. Qu’en est-il de la responsabilité pénale et des sanctions prévues pour l’enfant
en conflit avec la loi se trouvant devant une justice civile ou répressive ?

IV. Les droits et la protection juridique de l’enfant devant la justice

La protection de l’enfant devant la justice conduit à examiner ses droits en matière pénale et civile.
Il est d’ores et déjà permis d’affirmer que si l’affaire Arche de Zoé a connu un dénouement heureux, c’est parce que le droit de l’enfant est effectif au Tchad.

Il s’agit en effet d’une O.N.G. opérant dans l’Est du Tchad, dénommée Arche de Zoé et qui prétend sauver des enfants en danger.
Ladite organisation a soustrait cent trois enfants de leurs parents légitimes sous prétexte de les garder dans un centre pour les nourrir et les scolariser.

Aussi bien les parents que les autorités locales ont cru à la sincérité et à la noblesse des actions de cette O.N.G. jusqu’au jour où nuitamment les agents de la Sécurité se sont aperçus qu’un nombre important d’enfants allaient être embarqués dans un avion spécial pour une destination inconnue.

C’est ainsi que les Autorités Tchadiennes et les parents des victimes ont
porté l’affaire devant la justice.

Sur la base de l’article 286 du code pénal les membres de cette O.N.G. ont été condamnés à des peines fermes et à payer en outre des dommages et intérêts aux parents des victimes car l’intention malveillante de l’O.N.G. en question a été établie.

L’article 286 du code pénal stipule que : « Les coupables d’enlèvement, de recel, de suppression d’un enfant, tendant à compromettre son Etat Civil, seront punis des travaux forcés à temps. »

Les lois tchadiennes protègent l’enfant sans discrimination y compris les
enfants en conflit avec la loi.

A. En cas de poursuite pénale

Il sera difficile de citer tous les droits de l’enfant contenus dans les différents documents que les juges ou les magistrats en charge des enfants utilisent ou pratiquent ; il ne sera cité que quelques- uns à titre d’exemple pour illustrer que l’enfant tchadien a des droits devant la justice.

En matière de responsabilité pénale des mineurs, le législateur a recherché l’intérêt supérieur de l’enfant en privilégiant des mesures de protection, d’éducation et toute mesure pouvant aider l’enfant à se ressaisir ou à s’améliorer.

C’est ainsi que :
L’article 50 du code pénal stipule que : « A l’égard des mineurs et exception faite des cas où les circonstances ou la personnalité du délinquant paraîtront l’exiger, les tribunaux ne prononceront, suivant les cas, que des mesures de protection, d’assistance, de surveillance ou d’éducation. »

L’article 51 du code pénal édicte à son tour que : « Les mineurs de treize ans ne pourront faire l’objet que des mesures prévues à l’article précédent.
Les tribunaux pourront toutefois ordonner toutes restitutions et prononcer
contre les civilement responsables toutes réparations au profit des victimes du crime
ou du délit commis par le mineur. »

L’article 52 du Code Pénal stipule que « lorsqu’une condamnation pénale paraîtra nécessaire, les mineurs de treize à dix huit ans ne pourront subir que des peines d’emprisonnement et d’amende.
Les Tribunaux pourront également ne prononcer que l’une ou plusieurs des mesures prévues à l’article 60, se réservant, de prononcer ultérieurement, au cas de manquements, une condamnation pénale.
Les dispositions de l’article 59 du code pénal (sursis à exécution de la peine principale) qui pourront être appliquées même à ceux qui auront déjà fait l’objet de condamnations antérieures.

Et de l’article 60 du même code qui spécifie les mesures de surveillance ou d’épreuves : il s’agit entre autre de répondre à toute convocation permettant le contrôle des activités du prévenu, de se soumettre à des mesures de contrôle, de traitement ou de soins… de s’abstenir de paraître dans certains lieux, de s’abstenir de certaines activités, de réparer les dommages causés par l’infraction etc.

En matière de procédure pénale, le législateur a également mis l’accent sur l’intérêt de l’enfant en le ménageant au maximum.

C’est ainsi que :
L’article 420 du Code de Procédure Pénale stipule que « le juge d’Instruction ne pourra placer un inculpé mineur sous mandat de dépôt que par décision spéciale et motivée et pour une durée qui ne devra pas excéder six mois.

Tout mineur maintenu en détention au-delà de six mois devra faire l’objet d’un rapport à la chambre d’accusation, qui décidera si la détention doit être prolongée et prescrira toutes mesures utiles.
Les mineurs de 13 ans ne pourront faire l’objet que de mesures de garde. »

L’article 421 du même Code précise que : « les affaires concernant les mineurs sont instruites et jugées en chambre du conseil lorsqu’il n’y a pas de co-prévenus ou de co-accusés majeurs. »
Ce qui signifiait pour les juges que lorsqu’il y a un majeur, l’affaire devrait

être prise en audience publique.

Par la suite le législateur a corrigé cet alinéa dans l’article 7 de la loi no 7/ PR/99 du 6 avril 1999 où il est stipulé que : « si le Procureur de la République poursuit des majeurs en flagrant délit par voie de citation directe, il pourra constituer un dossier spécial pour les mineurs impliqués dans l’affaire et en saisir le juge des enfants. »
L’article 422 du Code de Procédure Pénale édicte que : « Aucune poursuite ou décision concernant un mineur ne pourra faire l’objet de compte rendu de presse.

Les infractions seront punies d’un emprisonnement de 15 jours à six mois et d’une amende de 10 000 F à 50 000 F. »
Quant aux modalités de la peine, l’enfant mineur de moins de 18 ans bénéficie de l’excuse de minorité : la condamnation reste une exception.
Suite à la ratification de la Convention relative aux droits de l’enfant par le Tchad le 2 octobre 1990, d’autres textes ont été adoptés en faveur de l’enfant dont la loi no 4/PR/98 du 20 mai 1998 portant organisation judiciaire a créé une chambre pour enfant au sein des Tribunaux de Première Instance.

C’est une juridiction spécialisée de poursuite et de jugement des mineurs de treize à moins de dix-huit ans.

Pour permettre à cette chambre de fonctionner, quelques mois plus tard, il a été adopté la loi no 007/ PR/99 du 06 Avril 1999 qui stipule en son article 1er que : « les mineurs de 13 à moins de 18 ans auxquels est imputé une infraction seront poursuivis devant les chambres pour enfants. »

Pour cette tranche d’âge l’article 2 de ladite loi dispose que : « la chambre pour enfants prononcera suivant le cas des mesures de protection, d’assistance, de surveillance ou d’éducation qui sembleront appropriées. »

L’article 4 de cette même loi dispose que : « En cas d’infraction commise par un mineur, le procureur de la république en saisira directement le juge des enfants par un réquisitoire introductif.
En aucun cas, il ne pourra être déclenché contre le mineur la procédure de flagrant délit ou de citation directe. »

Le juge des enfants procédera à l’instruction conformément aux règles édictées par le code de procédure pénale qui est une procédure de droit commun, ne faisant aucune distinction entre mineurs et adultes.
La seule exigence de la loi est que cette instruction soit faite devant le conseil, les parents ou l’agent social de l’enfant.
A la clôture de l’instruction, le juge des enfants rend une ordonnance de :
- non lieu,
- de renvoi devant la chambre pour enfant,
- de renvoi devant le tribunal de première instance statuant en matière correctionnelle,
- de renvoi devant la chambre pour enfant statuant en matière criminelle en cas de crime commis par un mineur de 13 à moins de 18 ans.

L’article 7 alinéa 2 de ladite loi dispose que : « En cas de garde à vue, dont le délai ne peut excéder 10 heures, le Procureur de la République est immédiatement informé et veille à ce que les droits du mineur soient respectés. »

L’article 9 édicte que : « le juge des enfants avisera les parents, tuteurs ou gardiens connus et le bureau social du ministère de la justice des poursuites engagées contre le mineur.

A défaut du choix d’un défenseur par le représentant du mineur, il en désignera un ou fera désigner d’office un avocat par le bâtonnier. »
L’article 22 : « Le mineur de 13 ans ne pourra être soumis, si la prévention est établie contre lui, qu’à des mesures de tutelle, de surveillance ou d’éducation…Aucune condamnation pénale ne pourra être prononcée contre lui. »

L’article 23 de la même loi dispose que : « Si la prévention est établie à l’égard d’un mineur de 13 à moins de 18 ans, la Chambre pour enfants pourra, prendre l’une des mesures de garde ou de rééducation.
Lorsque la condamnation pénale parait nécessaire, elle ne pourra s’élever au-dessus de la moitié de la peine minimale légale. »

B. En cas de séparation ou de divorce des parents

Tenant toujours compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, le juge s’investit à amener le couple à une conciliation. Le souci majeur du juge est d’éviter de fragiliser le foyer. Si la conciliation a donc lieu c’est l’enfant qui en sera le grand bénéficiaire. C’est pour cette raison que la condamnation pour abandon de famille n’est pas automatique.
En cas de séparation ou de divorce consommé, le juge se préoccupe du sort de l’enfant et confie la garde de l’enfant à l’un des époux.
Cette garde n’étant pas automatique, il faut que l’époux désirant la garde de l’enfant en fasse la demande.
A capacité éducative égale, la garde de l’enfant est confiée à la mère. La décision confiant la garde de l’enfant à la mère est souvent assortie d’une condamnation du père à une pension alimentaire.

Le montant de la pension est fixé en fonction des charges et des ressources
des deux parties.

Le conjoint fonctionnaire condamné pour pension alimentaire qui ne s’exécute pas après deux mois est poursuivi et condamné pour abandon de famille ; il est pratiqué une saisie-arrêt sur son salaire directement entre les mains du comptable payeur.

C. En cas de succession

Le Tchad est un pays laïc où cohabitent harmonieusement différentes ethnies avec leurs us et coutumes diverses et le droit positif.
Les mariages, les successions et autres actes civils sont conclus selon les us et coutumes ou les droits positifs qu’opte chaque personne.
En matière de succession deux grands courants se distinguent : ceux qui sont mariés devant l’Officier d’Etat Civil et qui règlent leur succession par les autorités compétentes et les autres qui le règlent selon leur us et coutume.

En l’absence d’un Code civil Tchadien c’est le Code civil Français de 1958
qui est applicable pour ceux qui sont mariés devant l’Officier d’Etat Civil ou qui ont opté de régler leurs différends devant les Tribunaux.
En matière successorale l’article 731 du code précité édicte que « les successions sont déférées aux enfants et descendants du défunt, à ses ascendants et à ses parents collatéraux, dans l’ordre et suivant les règles ci-après déterminées. »

L’article 745 du même code dispose que : « les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère, aïeuls, aïeules, ou autres ascendants, sans distinction de sexe ni de primogéniture, et encore qu’ils soient issus de différents mariages.
Ils succèdent par égales portions et par tête, quand ils sont tous au premier degré et appelés de leur chef : ils succèdent par souche, lorsqu’ils viennent tous ou en partie par représentation ».
Quant à l’article 756 il stipule que : « la loi n’accorde de droit aux enfants naturels sur les biens de leurs père ou mère décédés que lorsqu’ils ont été légalement reconnus. Les enfants naturels légalement reconnus sont appelés en qualité d’héritiers à la succession de leur père ou de leur mère décédée. »

Pour ceux qui sont mariés coutumièrement la loi applicable en cas de conflits de statuts est l’Ordonnance 6-67/PR.MJ du 21 mars 1967 portant réforme de l’organisation judiciaire.

L’article 70 de la dite Ordonnance stipule que : « Lorsque les parties seront de statuts civils différents, les règles suivantes seront appliquées :
1° Dans les affaires relatives à la validité du mariage, au régime matrimonial en l’absence de contrat de mariage, à la dot, aux droits et obligations des époux, aux droits de puissance paternelle, à la dissolution de l’union conjugale et à ses conséquences, à la filiation légitime, il sera statué conformément à la loi qui régit le mari, à moins que les parties n’aient opté pour un statut différent au moment de la conclusion du mariage. Néanmoins les conditions requises pour contracter mariage seront appréciées en ce qui concerne la femme, suivant son propre statut ; 2° Les actions en recherche de paternité ou de maternité naturelle, les reconnaissances d’enfants naturels, sont régies par le statut du père ou de la mère prétendue. 3° En matière d’adoption, la loi de l’adopté est seule applicable. Néanmoins les conditions requises pour adopter seront appréciées suivant le statut de l’adoptant ; 4° Les successions sont régies par la loi du défunt ; »
L’article 71 énonce que : « Au cas de silence de la coutume, la loi doit être appliquée. »

Par contre « Les coutumes doivent être écartées lorsqu’elles sont contraires à l’ordre public de l’Etat. » article 72 de ladite Ordonnance.
Mais la difficulté réside dans le fait que l’enfant mineur ne connaît pas ses droits et il est pris dans la pesanteur sociale qui ne tolère pas qu’on s’attaque à ses parents même s’ils ont dilapidé la part des biens qui lui revient.

Cette question est atténuée par le fait que le Tchad est un Etat laïc où cohabitent plusieurs religions dont certains reconnaissent les droits successoraux de l’enfant, parce que cela est édicté dans leur doctrine.
Un Projet de Code des Personnes et de la Famille est en gestation et prend également en compte la question des droits de succession de l’enfant légitime et de l’enfant naturel reconnu par son père.
Les lois tchadiennes ne font pas seulement que de la protection de l’enfant mais aussi prévoient des sanctions contre ceux qui se mettent en travers de la loi.

V. Les sanctions prévues à l’égard de l’enfant en conflit avec la loi devant la justice

L’enfant en conflit avec la loi ne reste pas totalement impuni de ses actes mais il bénéficie de l’excuse de minorité car il ne discerne pas très bien la nuance entre le bien et le mal.
Néanmoins quelques cas sont punis par la loi en dépit de cette minorité.
Le Code Pénal et la loi no 7/PR/99 du 6 avril 1999 portant procédure de poursuite et jugement des infractions commises par les mineurs de treize à moins de dix huit ans prévoient des sanctions à l’égard de l’enfant en conflit avec la loi.

L’article 243 du Code Pénal dispose que « Est qualifié parricide le meurtre des pères ou des mères légitimes, naturels ou adoptifs ou de tout autre ascendant légitime ».

L’article 246 édicte à son tour que « Tout coupable d’assassinat, de parricide et d’empoisonnement sera puni de mort ».

Mais l’article 30 alinéa 2 de la loi no 7/PR/99 du 06 Avril 1999 portant procédure de poursuite et jugement des infractions commises par les mineurs de 13 ans à moins de 18 ans stipule que : « Si la peine encourue par le mineur est la peine de mort, celle-ci sera substituée par la peine d’emprisonnement de 10 ans fermes ».

Dans tous les cas l’enfant ne peut être condamné qu’à la moitié des peines prévues par le Code Pénal. Il ressort de ce qui précède que l’enfant tchadien est réellement protégé.

VI. La parole de l’enfant devant la justice

Au Tchad les textes protègent les enfants.
L’enfant a la parole à tous les niveaux :
- devant les instances judiciaires,
- lorsqu’il est confié aux agents sociaux pour son placement dans les
centres de rééducation,
- lorsqu’il doit être placé dans les familles… il est toujours consulté
et son avis compte.

Depuis la mise en place du Parlement des Enfants au Tchad, les enfants ont la parole. Ils participent à des grandes décisions politiques. Ils sont invités à des grandes rencontres au niveau de l’Etat et souvent se sont des jeunes qui donnent leurs avis car ils savent ce qu’ils veulent.
Elus par leurs pairs ils ont réussi à atténuer la violence des enfants dans les lycées, collèges et écoles etc.

Le Procureur de la République ou le juge des enfants est tenu de donner la parole à l’enfant ; et cela se passe aussi bien au niveau de la poursuite, de l’instruction ou du jugement.
Sa parole est entendue en premier lieu comme indique l’article 16 alinéa 2 de la loi no 7/PR/99 du 6 avril 1999 qui stipule que : « la chambre statue après avoir entendu le mineur, les inculpés, les témoins, les parents… ».

Le fait qu’il ait en premier la parole lui donne non seulement une certaine importance mais lui évite toute influence extérieure.
Ainsi la parole de l’enfant à tous les niveaux est une réalité pourvu qu’elle soit utilisée dans le respect de la loi.

VII. La notion de l’intérêt de l’enfant

Dans la société traditionnelle au Tchad l’enfant est considéré comme une richesse et un don venant de Dieu.
L’enfant constituait aux yeux des parents une valeur indéniable, une assurance pour la vieillesse, une continuation de la lignée.
Au-delà de la famille biologique l’enfant appartient à toute la communauté qui doit veiller à son intérêt.

Ainsi donc l’intérêt de l’enfant est primordial.
Il est difficile d’aborder la question de l’intérêt de l’enfant d’une manière distincte car c’est une notion horizontale qui touche à tous les aspects de la vie de l’enfant.

C’est dire que face aux enfants en situation particulièrement difficile, comme le cas de ceux précédemment énumérés, leur intérêt doit conduire surtout et avant tout à relever leur moral. Le risque pour ces enfants de connaître l’échec toute leur vie est grand. C’est pourquoi, il est primordial de faire en sorte que ces enfants soient mis dans des conditions sécuritaires acceptables pour leur offrir amour, calme, tranquillité et confiance.

En fait, notre pays le Tchad a pris quelques mesures concrètes de protection allant dans ce sens.

En 2009, le Gouvernement a élaboré un programme national de retrait, prise en charge transitoire et réinsertion des enfants associés aux forces ou groupes armés. Traduisant donc ce programme dans les faits, le Gouvernement avait libéré le 15 Février 2007 des enfants associés aux forces combattantes du Front Uni pour le Changement (FUC), qui avaient été faits prisonniers en avril 2006, puis transférés au Centre Transitoire d’Orientation (CTO) où ils doivent rester quatre vingt dix jours. Le CTO doit offrir un environnement amical, de confiance et de sécurité pour les enfants.

Il doit favoriser l’écoute des enfants et le souci de compréhension de ce qui est important pour eux, organiser des activités psychosociales (sport, récréation, loisir, culture) leur permettant d’exprimer leurs sentiments.

Le 9 mai 2007, le Gouvernement de la République du Tchad a signé un
protocole d’accord sur la protection des enfants victimes de conflits armés et leur insertion durable avec le Bureau des Nations-Unies pour l’Enfance au Tchad (UNICEF).

L’exploitation économique des enfants notamment les enfants bouviers a fait l’objet de préoccupation du Gouvernement. Ainsi des actions menées par les Autorités administratives et religieuses ont contribué à la réduction du phénomène dans certaines zones du Sud et permis la récupération d’enfants bouviers et leur réintégration dans leur famille.
Le souci de pérenniser ces actions a conduit à mettre en place un réseau de lutte contre le phénomène des enfants bouviers en Mars 2006 avec l’appui de l’UNICEF.

Même en matière de sanction judiciaire de l’enfant, le législateur a recherché l’intérêt de l’enfant car la prison reste une exception.
L’enfant qui arrive pour la première fois ou pour la énième fois devant la justice fait toujours l’objet d’une attention particulière du juge des enfants car c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui guide le juge dans toutes ses décisions. Une politique de développement intégral des jeunes jusqu’à huit ans a été mise en place en vue de les protéger contre la violence, l’exploitation et la discrimination. Telles sont, entre autres, les mesures prises par le gouvernement Tchadien en faveur des enfants qui sont ou non, en situation particulièrement difficile.
Dans tous les textes mis en œuvre par l’Etat Tchadien c’est d’abord l’intérêt de l’enfant qui prime.

Rechercher l’intérêt de l’enfant c’est d’abord rechercher son bien- être, pour lui permettre de s’épanouir et de se développer harmonieusement en esprit et en stature.

VIII. Conclusion

L’Etat Tchadien dans tous les textes qu’il élabore ou qu’il ratifie recherche d’abord la protection et l’intérêt de l’enfant.
L’enfant ne naît pas délinquant, il le devient par les circonstances de son environnement.

Les textes font de l’enfant non seulement un simple bénéficiaire mais aussi un sujet de droit à part entière.

La responsabilisation des enfants à l’exemple du Parlement des enfants est de nature à amener les enfants à se prendre en charge et contribuer à juguler un certain nombre de fléau, notamment la violence en milieu scolaire.

Il est impérieux de l’y soustraire et de le protéger contre tout ce qui peut nuire à son développement étant également entendu que le développement d’une Nation ne peut se faire sans la participation effective de cette frange de la population.

[1UNICEF, 1992

 
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