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Regard croisés sur la procédure en France et en Afrique

 

Jacques D. MAYABA

Magistrat, Président de la Chambre Judiciaire de la Cour suprême du Bénin


L’exécution des décisions de justice dans l’espace francophone


Une justice n’existe et n’a de sens que lorsque ses décisions sont exécutées. Rendre une décision seule ne suffit pas à l’expression de la bonne justice mais encore faut-il en assurer l’exécution. C’est la grande problématique que suscite le thème général soumis à la réflexion de nos assises. L’actualité et la pertinence du thème ne sont plus à démontrer particulièrement dans les jeunes démocraties où la justice constitue ou devrait constituer un pilier de l’Etat de droit.
La force d’un Etat de droit réside dans la mise en œuvre efficiente des décisions de justice dans tous ses compartiments : administratif, constitutionnel, judiciaire, financier et communautaire. L’exécution des décisions de justice y apparaît comme une nécessité pour une meilleure fluidité des rapports sociaux, la préservation de la paix publique et la sauvegarde de l’ordre public national et international. Il importe donc de temps à autres de faire l’évaluation de l’exécution des décisions de justice pour en mesurer la performance et relever peut-être les goulots d’étranglement.

En matière d’exécution des sentences pénales il nous est demandé de jeter des regards croisés sur la procédure en France et en Afrique francophone. Nous avouons notre embarras quand nous avons pris connaissance du thème, parce que durant notre carrière judiciaire nous avons passé juste un an au ministère public en qualité de premier substitut général du Procureur Général près la cour d’appel. Et s’agissant de l’exécution des décisions de justice nous approuvons un éminent chef de juridiction français qui affirmait : « d’une manière générale les magistrats n’ont pas la culture de l’exécution de leurs décisions » . Il est évident qu’en dehors de ceux du ministère public très peu de magistrats se préoccupent du devenir de leurs décisions. Pourtant bien que récente la décision du 19 mars 1997 de la Cour européenne des Droits de l’Homme aux termes de laquelle l’exécution d’un jugement ou arrêt de quelque juridiction que ce soit doit être considérée comme faisant partie intégrante du procès devrait nous interpeler. Le droit à un procès équitable suppose à la fois le droit au juge et le droit à l’exécution des décisions de justice. Alors l’étude de ce thème nous a donc permis d’approfondir un temps soit peu l’une des missions essentielles du magistrat du parquet à savoir : l’épineuse question de l’exécution des décisions pénales.

Dans la présente communication nous nous proposons d’effectuer un survol sur l’ensemble des règles applicables en matière d’exécution et d’application des peines, de nous interroger sur l’effectivité de l’exécution des décisions pénales. Le temps ne nous permettant pas d’étendre notre étude à d’autres pays africains nous nous bornerons au cas du Bénin, étant entendu que les Etats africains francophones ont tous hérité du droit germano romain.

I- LES PROCEDURES D’EXECUTION DES SENTENCES PENALES

Au Bénin, c’est l’ordonnance n°25/PR/MJL du 07 août 1967 portant code de procédure pénale qui organise en son livre V (articles 561 à 644) les règles relatives à l’exécution des sentences pénales.

Le code définit d’abord les règles générales qui régissent l’exécution des sentences pénales ; il édicte ensuite celles relatives à l’exécution des peines privatives de liberté et au recouvrement des condamnations pécuniaires.

A- Les règles générales

Pour l’essentiel, les règles générales en matière d’exécution des décisions de justice sont prévues par les articles 561 à 567 du code de procédure pénale qui déterminent les organes de l’exécution, précisent les conditions d’exécution d’une décision pénale, indiquent les juridictions compétentes pour connaître des incidents liés à l’exécution.

1- Les organes d’exécution

Aux termes de l’article 561 du code de procédure pénale « le ministère public et les parties poursuivent l’exécution de la sentence chacun en ce qui le concerne. Néanmoins les poursuites pour le recouvrement des amendes et confiscations sont faites au nom du Procureur de la République par le trésorier payeur ou ses comptables subordonnés ».

Cette disposition prévoit trois organes d’exécution : le ministère public (Procureur de la République, Procureur Général) qui a à charge l’exécution des peines privatives de liberté ; le trésorier-payeur ou ses comptables subordonnés qui procède au nom du Procureur de la République au recouvrement des amendes, confiscations, frais et dommages intérêts au profit de l’Etat ; enfin la partie civile qui s’occupe du recouvrement des dommages intérêts alloués par la juridiction.

Mais à quelles conditions les sentences pénales peuvent-elles être mises en œuvre ?

2- Condition de mise en œuvre de la sentence pénales

Selon l’article 562 du code de la procédure pénale « l’exécution à la requête du ministère public a lieu lorsque la décision est devenue définitive ». Il résulte de cette disposition que l’exécution d’une décision pénale n’est possible que quand elle n’est plus susceptible de recours, dons exécutoire. Toutefois, précise l’alinéa 2 dudit article la condamnation à l’emprisonnement d’un prévenu non détenu peut être exécuté immédiatement avec son consentement. Il y a lieu de rappeler que le délai d’appel accordé au Procureur Général par l’article 467 du code de procédure pénale n’a pas d’effet sur l’exécution de la peine. Une sentence pénale peut connaître des difficultés d’exécution. A quelle juridiction s’en référer ?
3- Juridiction compétente pour connaître des incidents d’exécution
L’article 564 du code de procédure pénale donne compétence à la juridiction qui a prononcé la sentence pour statuer sur tous incidents contentieux liés à l’exécution de la sentence. Cette juridiction peut également rectifier des erreurs matérielles contenues dans ces décisions. L’exécution de la décision en litige est suspendue si la juridiction l’ordonne.

Comment ses règles s’appliquent-elles à l’exécution des peines privatives de liberté ?

B- L’exécution des peines privatives de liberté

En matière de l’exécution des peines privatives de liberté, six points méritent d’être soulignés :

1- Nous n’insistons pas ici sur l’exécution des décisions des juridictions
d’instruction (juge d’instruction et chambre d’accusation). Il s’agit de la détention préventive gérée par le juge d’instruction ou le président de la chambre d’accusation, le Président de la Cour d’Assises ou le Procureur de la République ou le Procureur Général.

2- Les peines privatives de liberté sont les condamnations à l’emprisonnement, à la réclusion, aux travaux forcés à temps où à perpétuité prononcées par les juridictions répressives que sont les Cours d’assises, les chambres correctionnelles des cours d’appels, les tribunaux correctionnels, les tribunaux pour enfants et les tribunaux de simple police.

3- Pour l’exécution des peines privatives de liberté, le Procureur de la République et le Procureur Général ont le droit de requérir directement l’assistance de la force publique (article 563 du code de procédure pénale).

4- Lorsque la peine prononcée est la mort, le ministère public, dès que la condamnation est devenue définitive, la porte à la connaissance du ministre de la justice. La condamnation ne peut être mise à exécution que lorsque la grâce a été refusée.

5- Les condamnés à des peines privatives de liberté purgent leur peine dans une prison (article 572 du code de procédure pénale). Au Bénin un même établissement sert à la fois de maison d’arrêt et de prison pour peine (article 570 du code de procédure pénale). Les condamnés sont soumis au régime de l’emprisonnement collectif et répartis suivant leur sexe, en des quartiers différents. Les condamnés à des peines privatives de liberté pour les faits qualifiés crimes ou délits de droit commun sont astreints au travail (articles 572 et 573 du code de procédure pénale).

6- Les condamnés à des peines privatives de liberté peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle à des conditions déterminées par les articles 580 à 583 du code de procédure pénale notamment s’ils ont donné des preuves suffisantes de bonne conduite et présentent des gages sérieux de réadaptation sociale. Ils peuvent également être réhabilités de plein droit ou par arrêt de la chambre d’accusation. Ils peuvent enfin bénéficier d’une grâce présidentielle.

Les sentences pénales comprennent non seulement des peines privatives de liberté, avons-nous dit, mais aussi des condamnations pécuniaires. Comment sont exécutées ces condamnations pécuniaires ?

C- L’exécution des condamnations pécuniaires

En ce qui concerne l’exécution des condamnations pécuniaires, il convient d’insister sur quatre idées essentielles :

1- Les condamnations pécuniaires sont constituées des amendes, des dommages intérêts au profit de l’Etat et des particuliers et des frais de justice.

Pour assurer le payement de ces condamnations, le code de procédure pénale a institué une procédure spécifique appelée contrainte par corps dont les modalités de mise en œuvre sont précisées aux articles 590 à 609 du code de procédure pénale. Cette procédure est utilisée aussi bien pour le recouvrement des amendes, dommages intérêts au profit de l’Etat et frais de justice que pour celui des réparations allouées aux particuliers. Mais il doit s’agir d’une condamnation pour une infraction n’ayant pas un caractère politique et n’emportant pas peine perpétuelle.

2- S’agissant du recouvrement des amendes, dommages intérêts et frais de justice, le code a fixé la durée de la contrainte par corps (articles 593 et 594 du code de procédure pénale). Dans le délai de trois mois à compter du jour où la décision est devenue définitive le condamné doit s’acquitter de sa dette entre les mains du trésorier-payeur ou de l’un de ces comptables subordonnés (article 597 du code de procédure pénale). S’il ne le fait pas la contrainte par corps est exercée à son encontre sans commandement préalable à la diligence du Procureur de la République ou du Procureur Général, lesquels adressent les réquisitions d’incarcération aux agents de la force publique.

3- L’exécution des condamnations en faveur des particuliers est faite à la diligence du particulier lui-même à compter du jour où la décision est devenue définitive. Si après commandement de payer, le condamné ne s’exécute pas, la partie civile peut solliciter du Procureur de la République ou du Procureur Général près la cour d’appel les réquisitions nécessaires à l’exercice de la contrainte par corps (article 600 du code de procédure pénale). Elle peut également mettre en œuvre les procédures de recouvrement édictées par l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires (OHADA).

4- La contrainte par corps est subie dans une maison d’arrêt ou dans une prison. Elle ne peut être prononcée ni contre des individus âgés de moins de 18 ans accomplis à l’époque des faits ni contre ceux qui ont commencé leur soixantième année au moment de la condamnation.

S’interroger sur l’effectivité des décisions pénales, c’est se demander si elles sont exécutées. C’est donc admettre qu’elles ne puissent pas l’être. Quelles en seraient alors les raisons ?

II- LA QUESTION DE L’EFFECTIVITE DE L’EXECUTION DES DECISIONS PENALES

La plupart des magistrats se préoccupent davantage de rendre des décisions dans un délai raisonnable pour désengorger leurs rôles mais très peu se soucient du devenir des décisions rendues comme si la mission du juge s’arrêtait au prononcé des sentences. La grande question est de se demander si les décisions de justice en général et les sentences pénales en particulier sont réellement exécutées ? Nous ferons l’état des lieux avant d’analyser les causes d’inexécution des sentences pénales.

A- L’état des lieux

L’état des lieux par rapport à l’exécution des décisions pénales nous permet, au Bénin en tout cas, de relever plusieurs situations marquantes :

1- Au Bénin, l’exécution des sentences pénales met en œuvre plusieurs acteurs dont le ministère public est le maître d’œuvre. Représentant la société, il assure, en collaboration avec les autres acteurs de la chaîne pénale, l’exécution des sentences pénales. Deux autres acteurs non moins importants interviennent dans le processus d’exécution des condamnations pénales : il s’agit du trésorier-payeur ou ses comptables subordonnés chargé du recouvrement des amendes, des dommages intérêts au profit de l’Etat, des frais de justice ; de la partie civile bénéficiaire d’une réparation pour le préjudice que lui a causé la commission de l’infraction pénale.

2- L’exécution de la peine se déroule en deux phases distinctes : la mise à exécution et l’exécution proprement dite. La mise à exécution qui relève de la compétence du greffe consiste en la préparation matérielle et technique de l’exécution de la décision. Elle se traduit par l’élaboration de différentes pièces appelée « pièces d’exécution » : (l’extrait du jugement ou arrêt en quatre exemplaires appelé encore extrait du trésor, la lettre de transmission de l’extrait du trésor, l’extrait du jugement ou arrêt Extrait prison, les fiches destinées au casier judiciaire) et l’envoi de ces différentes pièces après visa du Procureur aux différentes administrations que sont l’administration pénitentiaire, le trésor public, les forces de sécurité publique constituées par la police nationale et la gendarmerie nationale.

L’exécution proprement dite se déroule au niveau de ces unités administratives coordonnée par le ministère public.

3- Il convient d’entrée de jeu de préciser que l’exécution des peines d’emprisonnement ne souffre pas de retard lorsque le condamné a comparu détenu à l’audience et a été maintenu en détention par la juridiction de jugement. Ainsi une personne détenue doit être immédiatement libérée en cas d’acquittement ou d’absolution, d’une peine de sursis, d’amende ou d’une peine de prison dont la durée est couverte par le temps déjà passé en détention. (Article 321 et 434 du code de procédure pénale). Il faut le cas d’une personne condamnée à une peine d’emprisonnement, d’amende et de dommage intérêts à verser à la victime. En vertu de l’article 429 du code de procédure pénale le Président du Tribunal lui fait connaître qu’il peut consentir à exécuter la peine immédiatement mais qu’alors il gardera prison même s’il interjette appel au jugement. Si elle consent à exécuter la peine le rôle portant mention de la condamnation est transmise au régisseur par le biais du gendarme qui conduit à la prison l’intéressé pour exécuter la peine. L’agent du trésor ne pourra procéder au recouvrement de l’amende et des frais de justice que lorsque les pièces d’exécution notamment l’extrait du trésor seront établies. Il en sera de même pour la partie civile. Il résulte de ce qui précède que la mise à exécution des peines privatives de liberté lorsque le condamné est déjà incarcéré ou qu’il se trouve à la disposition de la justice ne paraît guère faire de difficultés.

4- Les difficultés d’exécution apparaissent avec les personnes condamnés mais non détenues. Pour être exécutée, ces condamnations aux termes de l’article 562 alinéa 1 du code de procédure pénale doivent devenir définitives, c’est-à-dire insusceptibles de recours.

Si trois mois après que la décision soit devenue définitive le condamné ne se présente pas pour exécuter la peine le Procureur de la République adresse un ordre de capture à la brigade de gendarmerie ou au commissariat du ressort du condamné qui procède à sa capture en vue de son incarcération. Il s’agit de l’exécution de la contrainte par corps pour le payement des amendes, et des dommages intérêts au profit de l’Etat le condamné muni d’un extrait du trésor en trois exemplaires se présente au trésorier-payeur pour s’acquitter de sa dette. Une copie de l’extrait lui est remise après mention du payement à titre de récépissé. La deuxième copie est gardée au trésor et la troisième envoyée au greffe du tribunal.

5- Quant au particulier une fois le délai de trois mois passé il écrit au Procureur de la République pour demander l’exécution de la condamnation pécuniaire. Il joint à sa requête copie de la décision devenue définitive. Le Procureur de la République procède à la mise en œuvre de la contrainte par corps. Le condamné est arrêté et incarcéré pendant la durée de la contrainte par corps. La même procédure d’exécution est mise en œuvre au niveau de la Cour d’assises.
6- Il y a lieu de mentionner le phénomène de l’érosion de la peine qui peut se produire et qui a pour effet de réduire la peine ou de l’effacer. Au Bénin la grâce présidentielle est souvent accordée aux condamnés tous les ans. Elle est prévue par l’article 60 de la constitution qui énonce : « Le Président de la République a le droit de grâce. Il exerce ce droit dans les conditions définies par l’article 130 ». Chaque condamné, à l’exception de ceux qui ont commis des crimes, des détournements, ou certaines autres infractions bénéficie d’une réduction de moitié de sa peine. Les procédures de libération conditionnelle et de réhabilitation ne sont pas souvent mises en œuvre.

L’effectivité de l’exécution des sentences pénales voudrait que l’on puisse procéder à une évaluation chiffrée des taux d’exécution des condamnations. Tel n’est pas le cas. Les statistiques sont inexistantes. L’inexécution des décisions apparaît plus frappante.

B- L’inexécution des sentences pénales

Des échanges obtenus avec plusieurs magistrats notamment les anciens ou les nouveaux parquetiers en poste révèlent que l’exécution des sentences pénales est confrontée à d’énormes difficultés au point que très peu de condamnations pénales sont exécutées. Les raisons sont multiples et nous ne pouvons qu’évoquer certains.

1- La confection des pièces d’exécution

Le défaut d’élaboration des pièces d’exécution apparaît comme un des handicaps majeurs de l’inexécution des décisions pénales. Nous avons précisé plus haut le contenu des pièces d’exécution. Il s’agit de l’extrait du trésor, de l’extrait d’écrou et du casier judiciaire. L’indisponibilité de la décision rendue qui est une pièce maîtresse est l’une des premières causes de l’inexécution. Cette indisponibilité se produit du fait que le juge n’a pas rédigé à temps son factum ou que le greffier n’a pas mis le jugement forme.

L’absence ou le retard dans l’élaboration des pièces d’exécution procède également de l’absence du personnel qualifié. C’est une attribution du greffe. Des greffiers ignorent ce qu’est le registre de l’exécution des peines. Ici la formation du personnel s’impose, un personnel en nombre suffisant. Cette absence ou ce retard dans l’élaboration des pièces d’exécution entraine pour certains parquets un retard d’exécution d’au moins dix ans, une situation qui conduit à la prescription de certaines peines.

2- Un processus d’exécution pour une large part non maîtrisé

Malgré l’assistance des partenaires, le processus de l’exécution des sentences pénales demeure non maîtrisé. L’effectivité de l’exécution des sanctions pénales ne préoccupe pas les autorités judiciaires dans leur politique pénale. Les services de l’exécution des peines sont mal étoffés et mal équipés ou n’existent pas dans certains parquets. La question de l’exécution des décisions de justice en général et des sentences pénales en particulier ne fait pas l’objet d’assez de débats entre les acteurs. De la chaîne pénale tout se passe comme si l’exécution des sentences pénales était normale. De nombreuses défaillances fragilisent le processus : défaillances humaines dans le déficit du personnel, défaillances matérielles par l’absence d’informatisation du processus, défaillances organisationnelles pour défaut d’une bonne structuration des services.

3- le manque de politique pénale

Le manque de politique pénale réagit sur les centres de détentions : les maisons d’arrêt ou les prisons. De manière générale, les pays africains ne disposent pas de maisons d’arrêt ou de prisons dignes de ce nom. Au Bénin la plupart des prisons construites pendant la période coloniale ne répondent plus aux normes avec le surpeuplement carcéral. L’état de ces centres de détention porte gravement atteinte aux droits de la personne humaine malgré quelques efforts du gouvernement, il reste encore beaucoup à faire. Toutes ces difficultés appellent à repenser la politique de la chaîne pénale. Les recommandations ci-après pourraient être prises en compte dans la reformulation de cette politique pénale.

C- Quelques recommandations

Pour dynamiser la chaîne pénale il importe de placer l’effectivité des sanctions au cœur de la politique pénale, d’assurer une gestion efficiente de la peine depuis l’audience de jugement jusqu’à l’exécution effective de la décision, d’adapter les moyens de la justice à l’objectif d’effectivité des sanctions.

1- Pour placer l’effectivité des sanctions au cœur de la politique pénale, il convient que l’ensemble des acteurs de la chaîne ait une vision beaucoup plus globale du processus d’exécution. Pour ce faire, les chefs de cour et de juridiction ainsi que l’administration centrale doivent prendre en compte l’effectivité des condamnations.

Tout cela passe par une réflexion sur le fonctionnement de la chaîne pénale à concevoir dans un objectif d’exécution par la création d’un véritable service pénal.

2- Depuis l’audience de jugement jusqu’à l’exécution effective il faudra assurer une gestion dynamique de la peine. Cela implique qu’il faille prendre en compte l’exécution, dès le prononcé du jugement, accélérer le traitement matériel des pièces d’exécution des jugements contradictoires, mettre en place un dispositif particulier à l’égard des condamnés absents à l’audience de jugement afin d’engorger l’exécution des sentences.

3- L’adaptation des moyens de la justice à l’objectif d’effectivité des sanctions pour pallier les défaillances de tous ordres qui affectent le fonctionnement de la chaîne de l’exécution passe par un ajustement permanent des moyens humains et l’informatisation des juridictions et de l’administration pénitentiaire.

CONCLUSION

En conclusion nous dirons que l’exécution des sentences pénales est un volet important du droit à la justice qui puise sa source dans les articles 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, 14 du pacte International relatif aux droits civils et politiques et 7 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Ces dispositions reconnaissent le droit d’avoir un juge, le droit à une audition équitable, publique et rapide, le droit d’être confronté à un tribunal indépendant et impartial légalement institué et le droit à un jugement public.

Nous l’avons dit, la Cour européenne a jugé que l’exécution d’un arrêt ou d’un jugement d’une juridiction doit être considérée comme faisant partie intégrante du procès. Par ailleurs, la peine est investie d’une double mission à la fois préventive et retributive. Son exécution s’avère nécessaire et utile pour la paix sociale. Le constat auquel nous avons abouti commande que l’exécution des décisions de justice soit placée au cœur des actions des décideurs politiques et des autorités judiciaires afin que cette exécution achève l’œuvre de justice du juge.

 
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