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PRIX DE l’AHJUCAF POUR LA PROMOTION DU DROIT
L’AHJUCAF (Association des hautes juridictions de cassation ayant en partage l’usage du français) crée un prix destiné à récompenser l’auteur d’un ouvrage, d’une thèse ou d’une recherche, écrit ou traduit en français, sur une thématique juridique ou judiciaire, intéressant le fond du droit ou les missions, l’activité, la jurisprudence, l’histoire d’une ou de plusieurs hautes juridictions membres de l’AHJUCAF.
Premier Président de la cour d’appel de Be
Il est classique de distinguer la morale et le droit. Certes, la morale, depuis Kant, est décrite comme une norme autonome, alors que le droit est une norme héteronome. Pour le Doyen Carbonnier, « le droit a pour but le maintien de l’ordre social ; la morale, le perfectionnement intérieur de l’homme » . C’est la raison pour laquelle le droit est généralement définit comme « une règle de conduite humaine, à l’observation de laquelle la société peut nous contraindre par une pression extérieure plus ou moins intense » , alors que la morale a pour seule sanction la voix intérieure d’une conscience individuelle.
D’une manière plus générale encore, il faut considérer qu’un droit sans sanction est au mieux, un vœu pieux, voire même une vue de l’esprit.
La force de la sanction d’un droit est, à nos yeux, le signe de la vitalité d’une norme. Celle-ci se mesure grâce à l’étendue des sanctions encourues en cas de violation des prescriptions légales ou réglementaires.
Aussi, si les garanties juridictionnelles et institutionnelles sont autant d’éléments de préventions contre les atteintes aux droits fondamentaux, les sanctions encourues démontrent que les droits fondamentaux constituent une norme vivante qui irrigue nos droits.
Les sanctions des atteintes subies par les droits fondamentaux doivent être envisagées sous deux aspects. Il est évident que la violation d’un ou de plusieurs droits fondamentaux atteint la procédure pénale elle-même. Il est donc logique que la sanction envisageable porte directement contre cette procédure. Il n’est pas non plus illogique que des sanctions soient imaginables et soient engagées à l’encontre des acteurs de la procédure. Il ne faut pas non plus oublier la règle d’or selon laquelle : « mieux vaut prévenir que guérir ». Il est donc essentiel d’intégrer dans nos droits des mesures de prévention aux atteintes aux droits fondamentaux.
L’acte qui porterait atteinte aux droits fondamentaux peut être contesté, selon la procédure pénale, directement. L’idée est simple : la violation d’un droit fondamental permet de contester la validité de l’acte lui-même. Dès lors, il est possible d’en poursuivre la nullité. Une telle action est portée directement devant les juridictions répressives, soit lors de l’information préparatoire, soit devant les juridictions de jugement.
Ainsi, au cours de la phase d’instruction, le juge d’instruction et la Chambre de l’instruction (la Chambre d’accusation au Liban), sont les garants du respect des droits fondamentaux au cours de l’enquête.
A condition de bénéficier du statut de personne mise en examen, de témoin assisté ou de partie civile, les parties peuvent à tout moment demander à la Chambre de l’instruction l’annulation d’un acte ou d’une pièce du dossier.
Bien évidemment, la nullité est encourue lorsqu’elle est expressément prévue par la loi, notamment en matière de perquisitions et de saisies (article 59 du Code de procédure pénale français et les article 43 alinéa 2 et 47 alinéa 2 du Code de procédure pénale libanais), lesquelles portent incontestablement atteinte au respect de la vie privée et au droit de propriété. De même, la nullité est encourue en cas de violation des règles de vérification d’identité (article 78-3 du Code de procédure pénale) ; et en cas, en droit libanais, de voies de fait destinées à arracher des aveux aux mis en cause (article 47 du Code de procédure pénale libanais et 401 alinéa 2 du Code pénal du Liban).
La nullité est également encourue lorsque l’inobservation de certaines formalités porte nécessairement atteinte aux droits de la personne concernée. Dans une telle hypothèse, la personne concernée n’a pas besoin de prouver un quelconque grief. Le non respect de la formalité prescrite manifeste alors une violation d’un droit fondamental et justifie l’annulation de l’acte litigieux. C’est le cas, notamment, des conditions de placement en garde-à-vue (droit de prévenir les proches, un avocat et droit à un médecin) ou des conditions d’interrogatoire par le juge d’instruction du mis en cause (obligation de l’aviser de son droit à un avocat : article 76 alinéa 3 ; obligation de l’interroger en présence de son avocat : article 78 alinéa 2 et article 79 ; interdiction pour les services enquêteurs d’interroger le mis en examen ; nullité de l’interrogatoire fait en l’absence de l’une des partie ou du garant, sauf bien sûr, s’ils ont été avisés et se sont absenté : article 82 alinéa 2 ; interdiction pour le juge d’instruction d’enregistrer un témoignage sans serment préalable : article 87 ).
L’action en nullité est ouverte pendant tout le temps de l’instruction préparatoire. Cependant, il faut noter que le Code de procédure pénale français prévoit qu’une fois que l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ou l’ordonnance de mise en accusation en matière criminelle a été rendue et qu’elle est devenue définitive, aucune demande en nullité contre un acte d’instruction ne peut être soulevée. Le renvoi du prévenu ou de l’accusé devant ses juges purge la procédure de ses vices.
Il faut noter que ce n’est pas le cas au Liban où la nullité de l’instruction peut être soulevée devant les juridictions de jugement, comme le démontre le grand nombre d’arrêts rendus en ce sens par les juridictions libanaises.
Devant les juridictions de jugement, les exceptions de nullité sont rares en France, moins rares au Liban.
Parmi ces nullités, on peut soulever : la nullité de la citation (3 jours avant l’audience au Liban, 10 jours en France) ; la nullité des débats qui n’auraient pas été publics et oraux (article 178 du Code de procédure pénale libanais) ; le nullité du procès verbal de l’audience qui n’aurait pas été signé par le juge et le greffier (article 235) ; la nullité de la procédure devant la Cour d’Assises et l’arrêt de la Cour si la décision de renvoi devant cette juridiction n’a pas été notifiée à l’accusé et si la liste des témoins ne lui a pas été notifiée (article 236 alinéa 2) ; la nullité de la déposition d’un témoin qui n’a pas prêté serment (articles 255 et 181) ; la nullité d’une décision qui n’a pas été signée par un membre du tribunal (article 273 alinéa 2).
Les exceptions de nullités obéissent à un régime procédural précis et restrictif. Elles doivent en effet être soulevées in limine litis, c’est-à-dire avant toute défense au fond. La règle est commune, en droit français, à la procédure civile et à la procédure pénale .
Devant les juridictions de jugement, la nullité peut être prononcée, aux termes de l’article 802 du Code de procédure pénale, lorsque l’irrégularité constatée a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie concernée. La procédure pénale française a ainsi adopter les règles de la procédure civile. Dès lors, il n’existe pas de nullité sans grief.
Dans tous les cas, la nullité ne vise que l’acte attaqué. Celui-ci est alors retiré du dossier et il doit être considéré comme non-avenue. Si la portée d’un tel acte était substantielle dans l’enquête ou dans la procédure, son annulation peut mettre à néant la totalité de ladite procédure. Cela pourrait être le cas d’une garde-à-vue irrégulière, d’une écoute téléphonique illégale, ou d’une perquisition abusive.
Une fois la nullité prononcée, il est interdit de puiser dans l’acte annulé aucun renseignement contre les parties, sous peine de poursuites disciplinaires contre les magistrats ou les avocats (article 174 du Code de procédure pénale).
Lorsqu’en France on évoque la question des droits fondamentaux, il est nécessairement fait référence à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. Celle-ci constitue le corpus de base des libertés fondamentales et le justiciable d’un Etat membre de cette convention dispose d’un droit d’action devant la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg.
Depuis la loi du 15 juin 2000, une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme pour le non respect d’un droit fondamental dans une procédure pénale peut donner lieu à un réexamen de l’affaire par les juridictions répressives (article 626-1 du Code de procédure pénale français).
Ces actions sont anciennes et traditionnelles. Elles sont aujourd’hui concurrencées par une nouvelle voie d’action permettant d’attaquer directement une procédure qui ne respecterait pas les droits et libertés fondamentaux.
Ainsi, à la faveur de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, le Conseil constitutionnel s’est vu doté d’un nouveau pouvoir. Il peut opérer un contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois par le biais de la nouvelle question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil peut désormais être saisi, à l’occasion des procès intentés devant les juridictions administratives et judiciaires, de la conformité aux droits et libertés constitutionnellement garantis de dispositions promulguées.
C’est sur le fondement de cette nouvelle question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que le Conseil a annulé, dans une décision du 30 juillet 2010, quatre articles du Code de procédure pénale relatifs à la garde-à-vue. Le Conseil, devenu ainsi une véritable Cour constitutionnelle, considère que la garde-à-vue demeure une contrainte nécessaire à certaines opérations de police judiciaire, mais qu’elle doit être accompagnée de garanties appropriées encadrant son déroulement et assurant la protection des droits de la défense.
La violation d’un droit fondamental, dans une procédure pénale, n’est pas anodine. C’est la raison pour laquelle il est expressément prévu des poursuites disciplinaires contre un magistrat ou un avocat qui ferait usage dans une procédure pénale d’un acte ou d’une pièce annulée (article 174 du CPP).
Il est certain que ce type de recours devrait connaître une nette augmentation depuis l’entrée en vigueur de la dernière réforme constitutionnelle. Celle-ci modifie non seulement la composition du Conseil supérieur de la magistrature, mais ouvre au justiciable la possibilité de saisir cette instance de recours contre un magistrat dont le comportement est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire (articles 50-3 et 63 de l’ordonnance du 22 décembre 1958).
Il faut noter qu’aux termes de l’article 43 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature, « constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive ».
Une peine de prison est encourue par les membres de la police judiciaire ou n’importe quel acteur de la procédure en cas de détention arbitraire (article 48 du Code de procédure pénale libanais et 367 du Code pénal libanais).
La même peine pourra être prononcée en cas de voie de fait commise sur le mis en cause (article 401 alinéa 2 du Code pénal libanais).
Enfin, ces actions ne sont pas exclusives du droit pour la victime d’obtenir réparation de son préjudice sur la base de la responsabilité civile à travers une action intentée contre l’Etat.
Nous mentionnerons aujourd’hui quelques mesures nouvelles qui ont intégré tant la législation française que la législation libanaise.
Ainsi, à la suite de la ratification par la France du protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 2002, le législateur français a institué, par une loi du 30 octobre 2007, un Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le poste est occupé en France, depuis cette date, par Monsieur Jean-Marie DELARUE .
Il s’agit en France d’une autorité administrative indépendante, nommée pour une durée de 6 ans, sans que son mandat ne puisse être révoqué ou renouvelé.
Le Contrôleur général peut visiter à tout moment, sur l’ensemble du territoire français, tout lieu où des personnes sont privées de liberté. Il s’agit notamment des établissements pénitentiaires, des établissements de santé, des locaux de garde-à-vue ou encore des centre éducatifs fermés pour les mineurs délinquants.
Il résulte de la loi du 30 octobre 2007 que la Contrôleur général veille à ce que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine. Il s’assure du respect des droits intangibles des personnes humaines et du juste équilibre entre, d’une part, le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté et, d’autre part, les considérations d’ordre public et de sécurité.
Pour mettre en œuvre cette mission, il visite les lieux de privation de liberté et peut adresser aux ministres concernés un rapport de visite et des recommandations. Il remet également chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport d’activité. Enfin, il peut saisir le Procureur de la République ou les instances disciplinaires compétentes en cas d’infraction pénale et/ou de faute professionnelle.
Parmi les mesures de prévention on note aussi le secret de l’instruction qui participe à la garantie des droits du mis en cause et notamment au principe de présomption d’innocence.
L’article 53 du Code de procédure pénale prévoit une peine de prison contre quiconque viole ce secret. Les articles 12 de la loi sur les médias et 420 du Code pénal prohibent la publication des investigations criminelles et délictuelles avant l’audience publique et leur publication en cas de procédure à huis-clos sous peine d’amende. L’article 579 du Code pénal prohibe également la levée du secret professionnelle en prévoyant une peine similaire.
Au Liban, il ya lieu de mentionner qu’en date du 20 février 2007, un protocole a été signé entre le Parquet de la Cour de cassation, la Direction générale des forces de sécurité intérieure et le service d’information de l’armée libanaise d’une part, et le Comité international de la Croix rouge d’autre part, qui a mis en place le mode de visite des délégués du Comité international des lieux de détention dans le cadre du renforcement de l’application du décret n°8800 du 17 octobre 2002 et afin de permettre au Comité international d’examiner de près les conditions des détenus tant u niveau physique que moral et la manière dont ils sont traités.
Les visites ont effectivement lieu de manière périodique et efficace.
Une loi sur le médiateur de la république a été votée au Liban. Nous attendons toujours la nomination du « bienheureux ».
Le législateur a tenu a mettre en place les conventions internationales et les déclarations relatives aux droits de l’homme en prenant en considération que le principe de la présomption d’innocence et les droits qui en découlent prévoyant des sanction contre toute atteinte à ces principes fondamentaux. Ces sanctions sont un signe de vitalité des systèmes français et libanais.